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Au coeur de maman


  Bonjour,
Je vous envoie un extrait de mon livre "au coeur de maman"
Ce livre alterne des situations tristes et comiques, ma mere etant restée sans ressources
avec ses neufs enfants après le decès de mon père survenu peu apres notre arrivée de Tunisie en 1952 à Paris ( moi etant le plus jeune) se bat toute au long de sa vie pour que l'on puisse avoir au minimum notre baccalaureat.
je vous envoie un extrait plutot comique,
alors qu'agé de 12ans et mon frere Richard agé de 13 ans et demi (nous nous sommes fait renvoyé de l'ecole juive "Yavné", il a horreur de l'ecole) on use de strategie pour que l'on puisse integrer un etablissement privé et mixte : l'institut Port- Royal



      Mince ai-je pensé, pourra t on y rentrer ?, même si c'est un petit con, il est trop fort ce Richard, il est trop rusé. Le lendemain il prit rendez vous avec le directeur,
Mr Massenet, il avait préparé sa stratégie, car viré, et qui plus est fauché c'était pas du gâteau pour se faire admettre dans un institut payant. Mais bon, nous avions des arguments : la mort de notre père, ma mère sans ressources et ses neuf enfants, puis d'autres cartouches si ça na suffisait pas, sa tachycardie…pas de chauffage à la maison…etc. etc.. Quand il veut quelque chose j'ai toujours l'impression que c'est du " gagné d'avance ", il a une telle façon presque timide de parler, il prend une voix si faible qu'il faut tendre l'oreille pour l'écouter, tout est dit sur le ton de la confidence, il ne parle pas, il révèle des secrets, c'est du moins l'impression qu'on a , c'est un tel acteur il est si attachant quand il demande quelque chose, d'ailleurs il ne demande jamais rien il attend en tournant autour du pot que ce soit son interlocuteur, qui brisé devant la situation si dramatique qu'il lui expose, lui propose ce que lui rêve d'obtenir. Il met par exemple, le directeur d'un établissement scolaire à une telle hauteur, il le flatte avec un telle subtilité, sans jamais bien sûr que celui s'en aperçoive, que celui-ci se sent comme investi d'une mission unique, seul au monde à détenir la clé qui ouvrira une porte face au mur de l'injustice sur terre. 

              Vous comprenez lui dit Richard, notre père... c'est difficile à dire... enfin c'est que... nous n'avons plus que notre mère... elle a eut neuf enfants... elle ne travaille pas... et.. enfin vous comprenez....c'est vrai que c'est pas facile tous les jours....ah! ça maman, les études, pour elle comme pour nous d'ailleurs... c'est sacré... nous aimerions tant faire partie de votre institut... ce serait un tel bonheur, ça lui apporterait un tel réconfort dans l'adversité que la vie lui inflige, pour maman, si elle nous savait recevoir une véritable éducation comme on en dispense dans votre établissement, cela remplacerait un peu, à ses yeux, et oui je pense que ça remplacerait … vous savez.. comme papa est décèdé.. vraiment ah.. si nous avions cette chance...c'est vrai que nous, enfin je veux dire mon frère et moi...après ce coup dur concernant notre père, mais que voulez vous monsieur le directeur ma mère n'a pas trop d'argent... et votre institut, c'est.... combien par mois déjà ?
... non, non...monsieur le directeur avant que vous ne répondiez.. bon… je sais...(plus le temps passe plus il parle faiblement maintenant on l'entend à peine). Le directeur sourit devant tant de gêne de la part d'un enfant qui expose de façon si attachante une bien triste situation. Richard se remue sur sa chaise confusément, fait des mimiques d'enfant désemparé, il fait des moues qui parlent d'elles seules, il se sert à fond de tous les moindres rictus pour exprimer ce malaise de ne pas faire partie de cet établissement, d'ailleurs il est assis tout au bord de celle ci comme si il n'y avait pas droit, comme si cette chaise était réservée aux enfants qui ont les moyens.
"  mais vous Mr le directeur ne pourriez vous pas….je sais pas moi…….peut être……….. intervenir auprès le ministre de l'éducation national, afin de lui soumettre notre cas, vous.... franchement monsieur le directeur ", il va finir par m'attendrir tant il est convainquant. Il poursuit :
" Que penseriez vous, concernant le montant mensuel, certes, notre maman à quelques allocations... bon c'est vrai que c'est pour nous faire le manger... mais vous savez, monsieur le directeur, dans la vie il faut parfois savoir, se serrer la ceinture. Je regarde son gros " bide " j'ai envie d'éclater de rire. Il poursuit :
"  et oui dit il en soupirant…. faire parfois des sacrifices... car sans études.... non je ne veux pas dire que l'on puisse mal tourner...mais bon, que voulez vous que l'on fasse... regardez, lui dit Richard... je vais vous dire la vérité, j'hésitais à vous la confier, voilà, je vais tout vous dire: maman a accepté la garde d'un enfant supplementaire, alors que bon…elle est submergée de travail, malgré pourtant qu'on l'aide de notre mieux.. et je vous le dis ….monsieur le directeur, voilà, elle veut bien consacrer ce petit revenu pour nos études mais.. bon c'est vrai.. c'est pas grand chose.. mais ça a tant de valeur nos études à ses yeux…. " Le directeur prend la parole:
" Bon dit-il, je ne vais pas vous dire combien vous devez payer, dites plutôt combien votre maman, qui a bien du mérite soit dit en passant, perçoit à suite de la garde de cet enfant ".
" Ah non monsieur le directeur !... non je ne peux pas, non… mais bon dites nous... d'après vous qu'es-ce-que vous pensez.. bon tant pis… si ça n'est pas dans nos moyens.. on s'en ira tant pis…c'est pas grave.. que voulez vous… le problème monsieur le directeur c'est… qu'es-ce que l'on peut faire nous.. tout seul dehors ?... dites nous, si vous ne pouvez pas nous prendre, dites nous, au moins si vous n'auriez pas une idée pour ne pas que l'on reste.. car…c'est trop dur sans école, on veut pas traîner les rues, allez monsieur le directeur, vous nous sauverez en quelque sor …..
Bon, l'interrompt le directeur, je propose de vous faire un forfait, que je n'ai jamais fait à personne, et bien sûr il faudra que cela reste entre nous…
Richard lui coupe net la parole
" alors là ! alors là ! monsieur le directeur, vraiment, là..vous pouvez nous faire entièrement confiance, jamais, non, plutôt mourir, non là, jamais personne ne le saura. " Richard a presque gagné.
Bon je propose la somme de 200 F par mois pour tous les deux…
Richard ne répond pas, il regarde le directeur d'un air ahuri comme s'il avait dit une aberration.
Le directeur se sentant confus rajoute après un silence comme s'il était gêné….. cantine comprise!
non... mais.....,lui murmure Richard, nous ne mangeons pas beaucoup vous savez.. depuis la mort de papa...
Richard a horreur de la cantine de plus comme il a horreur de l'école une pause le midi c'est pour lui comme la promenade pour un détenu, et de toutes façons il est si difficile !!!!.qu'il préfère la cuisine de maman, quand il ne lui balance pas son plat par terre prétextant qu'elle est dégeulasse, et alors maman en le ramassant dit toujours " je sais pas, je sais pas, ce Richard il est trop difficile,  trop difficile ".
Richard alors murmure,
" monsieur le directeur je voudrai vous poser une p'tite question enfin… vous proposer quelque chose monsieur la directeur, enfin plutôt une faveur.. il hésite, de toutes façons il ne dit jamais rien directement il laisse toujours de très longs silences, on dirait toujours qu'il faut lui extirpé ce qu'il n'ose dire, il semble si gêné, limite constipé, tant il semble avoir honte de parler.
Allez y Richard ! (il l'appelle déjà par son prénom)
allez y Richard, enfin voyons, parlez, je vous prie !
Regardez, lui dit Richard, nous la cantine,…. nous franchement on préfère pas trop, franchement, tant pis, on ira manger un p'tit sandwich que maman nous préparera ….. enfin …………. ça m'embête…….de vous demander ça ………………….
Allons ! Richard, dites ! je vous prie,
Richard reprend la parole :
" Bon, c'est a dire que si le prix de cette cantine pouvait nous être quelque peu défalqué des 200 F, puisque vous,…. monsieur le directeur………., vous, vous la payez cette nourriture, et bien si vous pouviez avoir la gentillesse de nous la déduire ce serait une telle joie pour maman qui attend la réponse à la maison, elle nous a même laissé un jeton de téléphone et nous a dit :
" dès que vous sortirez ne me laisser pas plus dans l'attente, téléphonez moi pour me dire ce qu'il en est. "
Comment ça ? répond le directeur, vous avez le TE-LE-PHONE!
Mince, pense Richard, j'aurais pas dû dire cette connerie, il tente de se rattraper,
" AH oui, j'ai oublié de vous le dire monsieur le directeur, maman est très malade depuis le décès de papa, elle a souvent des crises de tachycardie, son cœur s'emporte dès qu'elle est contrariée, et vous imaginez, les contrariétés qu'engendre une telle situation, nous on fait de notre mieux pour ne jamais lui faire de peine....alors ma sœur Daisy qui est mariée à un docteur, le docteur Smadja de Bohain en Vermandois dans l'Aisne, alors  notre tonton, oui notre tonton Georges, AH ! ce tonton il est vraiment formidable, moi à ce moment là je sais pas pourquoi je suis pris d'une sorte de toux je manque de m'étouffer, Richard me balance discrètement un coup de pied et poursuit dans un sourire forcé, c'est lui qui lui a fait installer le téléphone car en cas de crise grave...nous appelons notre tonton qui a un accord avec la pharmacie de l'avenue Parmentier.. pour les médicaments.. et on va les lui chercher... et oui vous savez notre père n'est plus là.. on ne peut être coupé du monde….
Non, non, répond le directeur, je ne peux vous déduire cette cantine, que d'ailleurs je vous avais offerte soit dit en passant, bon, écoutez, je vais l'appeler votre maman,
Donnez moi votre numéro ! dit-il d'un ton péremptoire
Richard ne sait plus comment se sortir de ce petit guêpier,
franchement, monsieur le directeur, ça n'est vraiment pas la peine…
" Je vous demande, Richard, de me communiquer votre numéro ! insiste t-il.
Richard sentant que le directeur va vraiment se fâcher,
la mort dans l'âme susurre: " bobolivavar kakarantesix dix huihuit. "
Bon , reprend le directeur :
Bolivar 46 18, très bien, et il saisi
t le téléphone.
NON ! monsieur le directeur, ne faites PAS ça ! hurle Richard d'une voix minuscule, tout le désespoir du monde se lit sur son visage, là, il parle très vite………vous savez monsieur le directeur, voilà, la vérité, je vous aur
ais prévenu, elle est très émotive elle pourrait faire une crise....,
Mais le directeur ne l'entend pas, d'ailleurs il compose déjà le numéro et le petit bruit métallique du cadran circulaire du gros téléphone noir me rentre comme un couteau dans le ventre, merde ça se corse, mon cœur bat trop fort je crois que j'ai la tachycardie.
" Allo ! Madame Krief ?  bonjour, Antoine Massenet directeur de l'institut Port Royal " dit-il avec l'accent pointu des beaux quartiers "
" Bonjour madame, j'ai en face de moi vos deux charmants enfants, sachez tout d'abord madame que  ça n'est pas dans mes habitudes de téléphoner aux parents pour discuter les tarifs de notre établissement, vous connaissez bien sûr notre réputation et notre pourcentage de réussite, écoutez, j'ai proposé un tarif que je n'ai jamais fait à personne : celui-ci est de 200 francs par mois pour les deux, et ce, cantine comprise.
Elle répond, on dirait madame Sarfati d'Elie Kakou, " QUOIIIIII ? deux cent frannnnnncs ? "
" NON !NON ! dit-elle presque en s'énervant, qu'es ce vous croyez, monsieur le directeur, ce sont deux p'tits orphelins de père! "
Moi, dans ma tête je prie déjà pour qu'elle ne s'énerve pas d'avantage, il y est pour rien le pauvre, il ne va tout de même pas se faire engueuler par dessus le marché.
" Non, dit-t-elle 200 francs on ne peut pas! hors de question! "

" Dites moi, alors, madame à quel montant pensez vous "
silence, elle réfléchi
t, je suis déjà mort de honte, que va-t elle bien pouvoir lui proposer? j'ai envie de rentrer sous terre.
" 8OF ! "
Le directeur s'énerve et ironiquement, il lui lance " cantine comprise? "
Oui, lui répond elle, car l'ironie elle connaît pas elle n'a eu, il faut bien le rappeler que son certificat d'étude, dont elle est très fière, et ne possède qu'un vocabulaire somme toute, assez restreint.
" Alors écoutez moi bien madame, je comprends parfaitement votre situation de précarité, mais je ne peux accepter une telle proposition car ce serait là, madame, vous faire des promesses de " gascon ".
Maman ne répond pas passe un long silence puis toujours avec l'accent de madame Sarfati  elle lui demande : " gasquoi? "
" gascon, madame! "
QUOI ? SALE CON? lui rétorque-t-elle, et pourquoi donc tu me traites de" sale con",
d'ailleurs hurle-t- elle, c'est TOI le sale con, tu crois peut être que ne je t'ai pas reconnu ? oui, tu es Djo Haddad le petit salopar de Belleville qui détourne mes enfants du matin au soir du droit chemin, mais ne t'inquiète pas le bon Dieu te punira, d'ailleurs je te maudis pour tout le mal que tu fais à mes enfants et là elle lui déverse un flot de maudits en arabe :
" yatik sarta,yatik morda,yeurakeukkbar, yeurakeuddlam ouhaley jo oualik , tu n'as pas honte...tu profites qu'il n'ont plus leur père "….
Le directeur semble être en présence d'une extra terrestre, il a la mâchoire qui va presque toucher son bureau, il a écarté d'au moins une bonne vingtaine de centimètres le combiné de son oreille de temps en temps il le regarde dédaigneusement, comme si c'était son téléphone qui pétait les plombs, il susurre tout bas "...mais elle est complètement folle ", il tente une incursion verbale,
" MAIS ENFIN MADAME! "….. elle lui a déjà raccroché au nez!
il sort un mouchoir de sa poche et ensuit son front.
Ce que je ressens est un mélange de crise de rire de crise de nerf aggravé d'un degré de honte jamais ressenti, je tremble bien qu'en riant mais tout en pleurant.

Nous avons tout de même intégré l'institut Port-Royal, Richard est retourné voir le directeur, il n'avait plus aucune difficulté à faire passer notre mère pour une folle, atteinte parfois de crises démences inexpliquées dont l'institut Port-Royal nous préserverait.
Nous y sommes restés trois mois.

Serge Krief

sergekrief1@aol.com


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