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Ya Hasra La Goulette |
Cher Monsieur Halfon,
Voici un extrait de mon livre "Ya Hasra La Goulette" présentant notre chanteur national Henry Tibi. Merci de prendre soin de ce travail qui a demandé beaucoup de recherches et qui constitue un moment heureux de la mémoire juive de Tunisie.
Merci de votre bon accueil, très cordialement,
Chelbi
La Goulette est dans un état fébrile... Les jeunes s'agitent entre le Café Vert, le chalet et le Casino... Que se passe-t-il? Comment, vous ne savez pas? Henri Tibi chante ce soir au Lido... Henri Tibi Darbaly! Vous connaissez pas! C'est un chanteur autodidacte. Il reprend les airs parisiens à la mode et les chante en judéo-arabe. Il a le soleil dans la tête et l'amour de la Tunisie dans le coeur. Il vit seul avec deux ou trois chats. Il fredonne, comme ça, entre deux apéros, deux bisous, une chanson à la sauvette et ça marche...
Il a dans son répertoire des chansons qu'il a entièrement confectionnées, comme "Tunis, ma verte patrie", "Tunis, Tunis, Tunis", "L'Ami Sarfati", "Le froid, l'amour, la neige", "Zaama, ya rabbi haï Taïeb"... De Macias, il a repris "Vous, les femmes" pour l'interpréter à sa façon, dans un beau chant dédié à La Goulette:
"La Goulette, La Goulette
c'est le plus beau coin de la planète
La Goulette, c'est bien connu
Café Vert, Café Vert
où l'on vient se prélasser
sur deux chaises, sur trois chaises
notre corps éparpillé
La Goulette, La Goulette
et son petit casino
sa cuisine proprette
sa terrasse au bord de l'eau
Et la lune, et la lune
sa présence lui fait cadeau
et les étoiles une à une
clignent de l'oeil au casino
La Goulette, La Goulette
quand vient la fin de l'été
c'est trop bête, c'est trop bête
il va falloir se quitter
Ô Goulette, ô Goulette
j'ai une dette, j'ai une dette
et je dois m'en acquitter et je chante à tue-tête
tes merveilles et ta beauté
Des glibettes, des glibettes
les marchands sont revenus
ils viennent crier à nos fenêtres
et font les cent pas dans les rues
Des fillettes, des fillettes
y'en a plein dans toutes les rues
c'est le plus beau coin de la planète
La Goulette c'est bien connu
Sur le sable allongé
notre corps est mouillé
je goûte aux joies de l'été
La Goulette, La Goulette
le paradis c'est pour nous deux
notre amour est merveilleux
à La Goulette, je ne serai jamais vieux
A chaque instant c'est la fête
c'est le plus beau coin de la planète
La Goulette, c'est bien connu
La Goulette, La Goulette
à l'approche de l'été
venez vous y installer".
***
C'est le mois de juin
prends-moi par la main
conduis-moi jusqu'à ce train
ce petit train blanc
qui va dandinant
sous le soleil éclatant
une fois installés
on peut contempler
tout en laissant bercer
ce décor merveilleux
avant d'arriver
à la station rêvée.
***
Jolies filles, belles brunettes
beaux garçons au teint bronzé
vous donnez à La Goulette:
ses couleurs et sa gaieté
Petits shorts, petits shorts
légers tricots bariolés
qui transportent
la chair troublée
mais qu'importe
si d'autres t'ont aimée
tu m'as fait don d'une risette
La Goulette, c'est bien connu
c'est le plus beau coin de la planète
La Goulette, c'est bien connu
Dans la chanson "La Goulette", Henri Tibi reprend et remixe à sa façon l'oeuvre de Macias dont le titre est: "Vous les femmes". Tibi réinterprète avec talent "La coucaratcha" dans la chanson humoristique:
"Ismaa ya bichi
chnouwa ya bichi
fi aoudh al vichi
iza osrob maaya
el maa mtaa lariana".
***
La salle surchauffée par tous les zazous de Tunis et banlieue (Goulette, Khereddine, La Marsa) reprend gaiement le refrain en choeur... Les jeunes dansent et les plus âgés pleurent de bonheur... On s'accroche à La Goulette comme à une maman pleine de tendresse et d'amour... Souvent, Henry Tibi vient chanter seul et sans orchestre... Il fait tout avec sa voix... Pour faire rire, il chante en version judéo-arabe la chanson "Le travail, c'est la santé" de Henry Salvador:
"Yâ Raoul qoûm lil khidma
ommouk attou fi halla
hil client qaad yistana
winti fil khmîra
qâm Raoul mil noom
mraad barcha
ou qal loumou
fok aalina mil khidma
chniya al icha limchouma
ana razaa il farchi
ou yiziou mil douwâ".
Ya robbi hal ghalba... Henry ne veut pas aller au travail et sa mère a du mal à le réveiller... Cela donne l'occasion à Tibi de faire une chanson pleine d'humour. Sa voix est belle et chaude, imbibée de boukha et de kémia, d'amour et de solitude... Eternel célibataire, il n'avait pas de complexe à s'afficher avec les plus beaux mecs de la banlieue de Tunis... Il faut dire qu’être assis à ses côtés était ressenti par nous tous comme un honneur puisque cela voulait dire qu'on était beau. Henry Tibi n'aimait pas les cons et les minables. Il aimait souvent nous dire: "Je ne sais pas si c'est un bonheur ou un malheur, je ne sais pas si je dois m'en plaindre ou m'en réjouir, j'ai l'étrange impression que j'ai toujours 20 ans!".
Lucide et conscient de son drame personnel, il a écrit une chanson où il évoque avec courage sa solitude, en reprenant l'air de la chanson: "C'est la mère Michèle"
"Ah, ya ribbi Hay Taïeb
awini chwaya
ma norkodchi fil lîl
wa flouchi keurwiya
nimchi lil cajino
wa dhlâmit aïnaya
baat kol chaï mtaï
wil moubiliya
Ah ya ribbi Hay Taïeb
awini chawiya
kan ma kich bich taawini
hâw yiddik fi zibbi
ma namanch ib Robbi
akka how, ch'est fini
zaama taarafni khayyif Rabbi
nimchi fi koubour lil jamaa insalli
iaychik aatini chwaya fartouna
ou khalli ach-chaytan fil jabana
Ayant entendu sa détresse, Rabbi Hay Taïeb entend la prière de Henry Tibi et améloire sa situation. Le chanteur le remercie en ces termes :
Ah ya ribbi Hay Taïeb
matamma kâne inti
ich koûne kâne ikhamame
ili henri tibi al mikhnane
al fassid, al iryâne
iwalli markanti
ou maktoubou dima milyîane
hâk awintou barcha
hatta lîne walla râjil
haw andi moubilya
dakhaltaha jdida
ou fil kahwa mtaâï
insoub al keurwiya
waqtilli nitfakkar al mizirya
koun mâchî brâssitou
bi Hayât Ribbi Hay Taïeb
warânî ath-thniya
ou dhawâli aynaya".
Cette belle chanson, écrite et remixée par Henry Tibi est dédiée au Saint Rabbi Hay Taïeb. Dans la première partie, souffrant de la précarité, Tibi demande au rabbin de l'aider, de le guider, de l'éclairer et de le protéger... Il lui confie qu'il a perdu argent, maison et mobilier... A un moment, il menace le Saint, s'il ne vient pas à son aide. Puis, dans la deuxième partie, les choses s'arrangent et les voeux de Tibi sont exaucés... Il remercie Rabbi Taïeb de son aide.
Le répertoire de Tibi est resté exclusivement oral et porté par la mémoire collective des juifs de Tunisie... Il n'a jamais été enregistré, transcrit ou répertorié. Tibi raconte l'histoire d'un pays natal qui échappe à l'affection de ses enfants candidats à l'exil: "Cela n'a pas été facile ni pour moi, ni pour les autres, de quitter Tunis et La Goulette... La séparation a été terrible... Nous sommes partis en pleurant notre terre, nos morts et nos vivants, nos souvenirs et nos amours, nos peines et nos joies...
Dans un tel contexte, il a été facile pour moi de trouver les mots justes et les phrases musicales allant avec pour raconter ma peine d'être arraché à l'affectuion de Tunis. Mes chansons viennent du plus profond de mon coeur. J'y ai mis la vérité de ma vie. Je me sentais partir avec chaque départ... C'était terrible... C'était comme la fin du monde... J'ai chanté la fin du monde..."
Devant les grands départs marquant le flux migratoire de la communité israëlite de Tunis vers la France, Henry Tibi pleure (en pastichant "Fais-moi du couscous chéri"):
"Toi, l'ami Sarfat (Sarfati)
tu vas t'en aller
je sais que ça t'épate
mais tu me donnes envie de pleurer
fais ta valise, les vacances sont finies
c'est toi qui pars maintenant
et d'autres te suivront
adieu les Bellaïche et les Catan
ô vous tous que j'aime
la vie me file entre les doigts
mais vois-tu le drame
va en progressant
toi, tu pars en larmes
d'autres te suivront
aurevoir les Bellaïche, l
les Taïeb et les Sitbon
adieu l'ami Yaïche
adieu les Khalfon
j'ai bien trop de peine
quel vide autour de moi
je suis seul au Novelty
ils sont tous partis
la putain de ce bateau
qui va vous emporter
loin de La Goulette Casino
et de tous ceux que vous aimez
les copains sont partis
ya robbi Hnini
mon Dieu quel départ en masse
bien triste et pourtant
du bonheur de Javanas
je suis bien content
et si l'odeur du métro
te picote le nez,
dis-toi bien cher Roméo
qu'un hiver, c'est vite passé
souviens-toi de la mer
et des joies de l'été
tu reviendras au bord de l'eau
à goulette-Casino".
Assis en cercle autour de lui, on se retrouvait l'après-midi au Café Vert pour déconner. J'étais toujours avec mon ami et frère Samy Taïeb qui fait sans cesse preuve d'une extraordinaire affection à mon égard. J'ai toujours trouvé dans l'amitié avec Samy une force incroyable qui m'a aidé à surmonter de nombreux obstacles. Je sais bien que tout a une fin en ce bas monde, mais j'ose croire que l'amitié est un des bienfaits de Dieu... David et Claude Cardozo, Gérard Calvo, Sydney Lellouche, Jules Tartour, les jumeaux Max et Hubert Journo, Alain Bellaïche venaient se joindre à nous... Puis, nous allions en procession joyeuse à Sidi Bou Saïd pour boire un verre de thé à la menthe au Café des Nattes, puis pour danser à l'Olivier Rouge.
Dans la douleur de la séparation, la peine est pareille... On pleure de la même façon l'ami, l'amante ou le pays que l'on quitte. Henry Tibi poursuit son calvaire dans l'errance en créant de beaux textes dont:" La Goulette, Khereddine, l'Ariana..." Sur un air de Brassens, il chante:
"Je suis dans mon quartier devenu
complètement étranger, inconnu
mes voisins ont mis le voile
je ne sais où ils sont partis
les gens de la rue du Voile
et tous ceux de la rue Clichy
l'épicier qui fait le coin
tu te souviens
de tous ces petits gamins
et de leurs refrains
tire-tire la chevillette
méfie-toi du loup
je vois que tu pleures un peu
brave vieux
on a connu la guerre et la paix
j'aimerais revenir en arrière
je suis un amoureux du passé
La Goulette, Khereddine, l'Ariana
Amilcar, Sidi Bou Saïd, La Marsa
tendres souvenirs d'enfance
en mon coeur vous êtes gravés
ni le Pérou, ni la France
ne pourront vous effacer
notre cher et doux Président
avec son sourire éclatant
il étonne le monde
papa de la Tunisie
auprès de lui la Joconde
palirait de jalousie
mon pays est vert et merveilleux
j'y vivrai toujours heureux".
C'est la fin du voyage, il faut partir! Laisser derrière soi sa maison, son quartier, sa vaisselle, ses habitudes, son pays, sa terre... Henry Tibi s'est inscrit dans cette trajectoire de la douleur... Tout son art s'est enraciné dans le déracinement. Témoin privilégié du départ volontaire des juifs de la Tunisie vers la France, Henry Tibi a créé un patrimoine qui ne pouvait qu'être éphémère et porté simplement par l'instant. Dommage pour son art, dommage pour les gens qu'il chante, dommage pour le pays qu'il aime, dommage pour l'alliance judéo-arabe. Henry Tibi se console en évoquant et en invoquant Tunis:
"Tunis, ma verte patrie
tu gardes en toi tout mon passé
des peines, des joies, des caprices
j'ai tout connu, tu m'as tout donné
que de souffrances et de regrets
est-ce la malchance ou la destinée
j'ai pleuré en faisant ma valise
du bateau, j'ai fait une grosse bise
Adieu Tunis, ma bien-aimée
et je vois qu'au loin s'agitent
les branches du haut palmier
aurevoir et reviens vite il me semble les écouter
le soleil s'est caché sous un nuage
une larme au fond des yeux
il fait sombre et soudain c'est l'orage
et dans mon coeur voilà qu'il pleut.
Il nous faut bien du courage
pour partir loin de chez nous
en emportant dans nos bagages
doux souvenirs et chagrins fous
où trouverai-je cette nonchalance
dans quel pays, dans quelle cité?
Existe-t-il au monde un tel bonheur immense
bordé de paix et de sérénité
il nous suffit d'être ensemble
sans jamais se séparer
et la quiétude est à son comble
douceur de vivre et de tranquillité
l'on te quitte et l'on regrette
aucune famille n'est au complet
jour de deuil ou jour de fête
on est confus et dispersé
ô mon Dieu faites qu'ils reviennent
ces braves gens du monde entier
brisant enfin leurs tristes chaînes
de l'exil et de l'anxiété
et vers Tunis s'en retourner".
Dans cette chanson, Henry Tibi fait l'amer constat qu'aucune famille juive n'est au complet tant les gens sont partis, qui vers la France,
qui vers les USA, qui vers le Canada et qui vers Israël. Il caresse l'espoir de voir les juifs rentrer un jour à Tunis pour ressusciter La Goulette. Son affection profonde pour la Tunisie se confirme dans ce chant sublime: "Tunis, Tunis, Tunis". Cette chanson de Tibi contient la vérité sans laquelle on ne comprenait pas son art et la fonction délicate qu'il a joué à un moment charnière de l'histoire de la Tunisie. Ecoutons Henry Tibi chanter Tunis:
"Le bateau quitte le port
l'avion l'aéroport
mollement je m'endors
bien installé chez moi
le bateau prend le large
l'avion grogne de rage
ils laissent derrière eux ce pays merveilleux:
Tunis, Tunis, Tunis, Tunis
Tu pleures ma minette
ton fils, il est parti
laissant la maisonnette
quittant son beau pays
assise devant ta fenêtre
ta tête toujours penchée
espérant que peut-être
un jour il reviendrait
à Tunis, Tunis, Tunis, Tunis
Assis à Khereddine
les pieds au bord de l'eau
en face le Bou Kornine
qui nous fait le gros dos
l'autre soir j'ai fait un rêve
un terrible cauchemar
je me suis trouvé à Paris
sur les Grands boulevards
alors tout effrayé
j'ai plongé dans la Seine
et je me suis réveillé
à Tunis, Tunis, Tunis, Tunis
Et c'est toujours pareil
et c'est toujours le ciel bleu
et ce sacré soleil
qui ne nous quitte pas des yeux
Tunis, Tunis, Tunis, Tunis
De Tunis à La Goulette
que de fois la navette
qui agrandit chaque jour
encore plus notre amour
pour Tunis, Tunis, Tunis, Tunis
J'ai parcouru le monde
et je n'ai jamais vu
autant de belles Joconde
marchant dans les avenues
De Tunis, Tunis, Tunis, Tunis
Et moi en dromadaire
charmé par le désert
et moi de ton amour
je ne puis me défaire
Tunis, Tunis, Tunis, Tunis
La neige au Canada
les chutes du Niagara
tout cela me fascine
car moi je suis séduit
Par Tunis, Tunis, Tunis, Tunis
Ô beauté sans pareille
ô mon pays de merveilles
lorsque tu t'endors
tu es plus belle encore
devant tant de splendeurs
de charme et de couleurs
mon esprit se paralyse
et ma voix se cristallise
par tant de bonheur
que je ne peux retenir mes pleurs
Ô Tunis, Tunis, Tunis, Tunis
***
Avec "le froid, l'amour, la neige" il chante:
"J'ai mis mon manteau beige
en sortant dans la rue
arrivé à la boule de neige
j'étais de blanc vêtu
voilà pourquoi
tu ne m'as pas reconnu
j'passais devant toi
mais tu étais dans les nues
Coucou à ton oreille
mes lèvres étaient glacées
et sur ta peau vermeille
je les ai quand même posées
voilà pourquoi
je n'aime que toi
tu es pour moi
au monde, ma seule joie
Mon ami tu grelottes
viens serre-toi contre moi
le froid c'est bon ça frotte
ça me rapproche de toi
mais pourquoi cette tête
quand tu me dis soudain
notre amour, il s'arrête
car je t'aime beaucoup moins
voilà pourquoi je pleure bien souvent
tu as fait de moi
un malheureux errant
Tu as été cruelle
tu as joué avec mon coeur
un jour en coup d'ailes,
s'envolera mon bonheur".
Henry Tibi évitait les bains de foule. On avait même l'impression que ses passages au Lido l'agaçaient. Il ne cherchait pas à adhérer au star système et à la société du spectacle. Il ne voulait pas non plus s'attirer les bonnes grâces de la radio, de la télévision et de la presse écrite... Il ne trouvait la plénitude de son bonheur que lorsqu'il chantait pour accompagner sa solitude et celle de l'autre. Du coup, il se plaçait à mille lieues de la multitude et du grand public.
Conscient du temps qui passe et qui emporte avec lui de précieux témoignages du passé, Henry Tibi a pris son appareil photos et s'est mis à photographier les marchands à la criée, les processions de la Madone, les danses de Aïssawiya, les prières de rabbins, la grande synagogue de Tunis, la cathédrale de Tunis, la mosquée Ez-Zeytouna... Rien n'échappait à son regard... Il a ainsi offert au cercle des copains disparus toute sa collection de photos... Tout ce qu'il a composé et tout ce qu'il a photographié représente un témoignage important sur la Tunisie des années 60.
Mais qui va préserver ce patrimoine?
Henry Tibi était à la mode tant que les juifs vivaient encore en grand nombre en Tunisie, soit jusqu'en 1970 environ. Dès cette date, et une fois la communauté israélite tunisienne installée à Marseille, à Juan les Pins, à Deauville ou à Paris, on a cessé d'écouter Henry Tibi... On le fredonnait dans les coeurs, la larme à l'oeil... On a cessé d'écouter Tibi non pas par lassitude ou parce que la Tunisie est sortie de l'esprit de chacun... On l'a perdu de vue tout simplement parce qu'il n'a pas produit de spectacles à Paris et que l'industrie de la musique n'a pas suivi.
Lorsqu'il organisait un spectacle à La Goulette ou à Salambo, il faisait le plein à cause de la concentration de son public à La Goulette... La simple nouvelle de son passage à l'Hacienda, au Lido ou à la Tour Blanche faisait boule de neige depuis le Café Vert jusqu'au Café Miled... A Paris, il ne pouvait mobiliser grand monde tant par manque de moyens que par la dispersion de son public aux quatre coins de la France. C'est pourquoi Henry Tibi n'a pas connu la consécration et qu'il finit sa vie en illustre inconnu en Franche-Comté dans la ville de Besançon. Il aurait pu être le Macias de la Tunisie. la sociologie de son échec permettrait de mieux cadrer l'époque.
MUSTAPHA CHELBI
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