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TUNIS A LA FIN DU 19EME SIECLE


   Le texte que nous vous présentons aujourd'hui est une présentation d'un manuscrit inédit découvert par le professeur El-Mokhtar Bey relatif à des impressions de voyage d'un jeune Français, Félix Ferry, qui a passé quinze jours en Tunisie du 21 mai au 3 juin 1893.

Ce texte décrit Tunis , ses quartiers, ses souks, son quotidien, ses couleurs et ses odeurs à la fin du XIXème siècle.

Le texte intégral de ce manuscrit, présenté et annoté par le professeur El-Mokhtar Bey, ainsi qu'une très riche documentation iconographique, pour l'essentiel inédite, paraîtra très prochainement dans un livre qu'éditera Maghreb Média dans une nouvelle collection créée et dirigée par le Professeur El-Mokhtar Bey et intitulée : " Les inédits de l'histoire ".

Chez un libraire parisien de Montparnasse, spécialisé dans l'Histoire des colonies françaises, j'ai découvert une lettre manuscrite au milieu d'un ensemble de documents, poussiéreux et jaunis par le temps, exhalant cette odeur si caractéristique du vieux papier attaqué par l'impitoyable moisissure verdelette des écrits qui dorment dans quelque grenier ou cave oublié, relatifs à l'Afrique du Nord, Son titre, suggestif : "Quinze jours en Tunisie" suscitait, à lui seul, la curiosité. Son destinataire y ajouta, en couverture au crayon bleu, : "Souvenirs de voyage de mon vieux Félix, 21 mai - 3 juin 93", et au verso de la dernière page : " Impressions de voyage de mon Zouzou, 21 mai - 3 juin 93 " (1893).

En le lisant, j'eus l'intuition soudaine qu'elle nous promènerait dans ces lieux baignés de mystères qu'un Occidental découvrait (souvent) avec enthousiasme et enchantement, et enrichirait, dans une certaine mesure, les récits des voyageurs en " pays d'Orient ", tels Jean-André Peyssonnel, Desfontaines, Ximenez, Hebenstreit, Shaw ou Lady Mary Montagu... au XVIIIème siècle, Grenville Temple, Heinrich Barth, Louis Franck, Pelissier, Guérin,... au XIXème siècle.

Je l'acquis donc, presque sans réfléchir, mais dans le vague espoir de le publier avec quelques commentaires et une iconographie éclairant la période - 1893 -, et par là, en facilitant la lecture.

Son rédacteur appartenait certainement aux Ferry, et descendrait de Jules, le célèbre homme politique français, avocat, député, plusieurs fois ministre et Président du Conseil (1880 - 1881 et 1883 - 1885), né à Saint-Dié en 1832 et mort en 1893, l'année même du voyage effectué par Félix Ferry à Tunis. Cela se déduit de la description qu'il fit de son entrée à la Résidence de France de Tunis : on " lance un formidable M. Ferry dans le premier salon… -écrivait-il- A mon nom (le Résident Général) saute car, hélas, il n'est pas inconnu ".

Jules Ferry avait un frère, Charles, et un cousin paternel, Hippolyte, un trappiste. Sa mère se prénommait Adèle et avait une sœur, Eugénie.

Le père de Félix, un homme d'affaires, était ainsi un Ferry. Mais de quel Ferry s'agissait-il ? Sa mère se nommait Curie et pourrait appartenir à la famille des célèbres physiciens, Marie et Pierre. Edmond, le cousin maternel de l'auteur, avait un beau-frère, Paul Curie, frère du " mécanicien " du train Bône-Souk Ahras (Algérie), " un desing de la compagnie Bône-Guelma ". Felix serait ainsi un Ferry-Curie, deux noms prestigieux.

Félix était né en 1879. En 1893, l'année de son voyage à Tunis, il avait 23 ans.

C'était un étudiant de " Centrale ", et de ce fait, un scientifique. Il vivait en Algérie depuis 1879. Sur la proposition de son père, il fit le voyage à Tunis, pour assister, en qualité de correspondant du journal "Le Petit Parisien" à l'inauguration de son port. Là, il retrouva son cousin Edmond, directeur du journal de langue française, la Dépêche Tunisienne ( ?), son épouse Suzanne et leurs deux petites filles. Il séjourna à Tunis du 21 mai au 3 juin 1893, le Bey de l'époque étant Ali Pacha Bey III (1882 - 1902), et le Résident Général, Charles Rouvier (1892 - 1894).

Parti en chemin de fer de Bône, le dimanche 28 mai 1893 à 5 heures du matin, pour Tunis en passant par notamment Souk Ahras et le poste-frontière de Ghardimaou, l'auteur décrit, au courant de la plume dans un style narratif alerte, souple, coloré et même littéraire, la campagne, les monts et les vallées, les oueds et la Medjerda, les ravins et les torrents, les forêts et les bois, les villages et bourgades, et tel un peintre, les paysages divers et variés, parfois féeriques et grandioses, d'une nature généreuse, défilant au rythme saccadé de la locomotive à vapeur qui, au gré du relief, comme " la bête humaine ", tire, sans courber l'échine, les wagons attelés, souffle et s'essouffle, halète et gémit, tire encore et avance gaillardement, parfois avec peine, en poussant de temps à autre fièrement quelques coups de sifflet longs ou courts, mais toujours stridents et autoritaires...
Et puis voilà Tunis !

Il est 23 heures. L'odeur "subtile et forte" de la Bouheïra, le Lac, prend Félix à la gorge ; mais elle passera. Le lendemain, des hauteurs du Belvédère, il admire " l'immense " ville, " blanche et basse ", s'étendant à ses pieds. Il aperçoit, à l'Est, le Lac avec, trônant en son milieu, l'île de Chikli, La Goulette et le chenal, à l'Ouest le Palais du Bardo, " véritable Versailles des beys de Tunis ", au Sud, le Lac Sedjoumi et... l'aqueduc de Zaghouan, au loin, enfin, le Djebel Ressas et le Boukornine.

Après cette présentation panoramique du site, il entreprend la description détaillée de la Capitale et de ses environs. Radès, " là (où) une bonne partie des Européens... émigrent ", fuyant les chaleurs de l'été,... l'émerveille : " ...Un coup d'œil de là... et de l'air, -écrit-il à son ami Pascal- c'est tout bonnement divin... ".
Tunis se divise en deux parties bien distinctes en toutes choses : la Médina comptant 100.000 âmes, avec ses maisons blanches, ses ruelles constituant un " véritable labyrinthe..., d'une propreté exemplaire " (!), est dominée par la Casbah avec les casernes des zouaves, la petite place et son jardin à l'anglaise, le Dar el-Bey et les ministères.

Le " tramway français " suit le boulevard enserrant la ville arabe qui s'ouvre, sur l'extérieur, par des portes dont la plus jolie est la " Porte de la Marine ou Porte de France " qui donne sur " la ville française ", séparée du Lac par deux avenues successives : " l'avenue de France, véritable copie des grands boulevards de Paris... avec des cafés dignes de comparaison, des hôtels de premier ordre et surtout de splendides magasins... ", puis l'Avenue de la Marine... dans le genre du boulevard de Clichy... " Une ville toute européenne ", abritant 30.000 habitants, s'étend de part et d'autre de ces deux artères principales. On y voit l'Hôtel des Postes " qui n'a rien à envier à celui de Paris "..., la " Maison de France... rappelant l'Elysée "...

Les " Tunisiens sont travailleurs et honnêtes ; ils sont plus civilisés que les Algériens et la plus grande partie s'habille à l'européenne hormis le fez... ", écrit-il. Il est frappé par " leur propreté ". Félix décrit la femme juive qui est même " supérieure à la nôtre, montrant ses formes à tous les passants ", s'intéresse au concours d'escrime et au théâtre, puis se rend à la Goulette en empruntant le chemin de fer Rubatino et son train, une "grande boîte en bois... ", qui met une heure pour y arriver.

De là, sous une pluie fine, une calèche le conduit à la colline de Byrsa " où trône la splendide Cathédrale de Carthage... monument merveilleux... où l'architecture chrétienne et les dentelures arabes s'harmonisent merveilleusement "... Et notre visiteur, qui admire le paysage, de s'interroger : " Où est la civilisation antique, qu'est devenu ce peuple si commerçant et si riche ; je sens mes yeux se mouiller - écrit-il - et semblable à Scipion, je pleure devant Carthage... ". Tout à la fois nostalgique et réaliste, il ajoute cependant : " Il était donc écrit que le Lac Bahira baignerait toujours des villes immenses et civilisées. Après Carthage, Tunis... " !

Puis " cahotés dans notre voiture digne des temps les plus reculés ", il prend la route de La Marsa " où le Bey de Tunis, son harem et sa cour vivent journellement ". Félix décrit le palais avec " ses quatre superbes petits canons cuivrés ", s'intéresse à la garde et au Général Boulanger, aux demeures beylicales, à la maison d'été du Résident Général..., avant de prendre le train qui le ramènera à Tunis.

Là il visite les souks qui " occupent la superficie d'une véritable ville ", toute faite d'échoppes basses, et de rues recouvertes de plafonds maçonnés, voûtés ou en bois, éclairées par des ouvertures à intervalles réguliers. C'est un espèce de " grand bazar " dont la superficie dépasse grand nombre de préfectures françaises, constate-t-il ; on y trouve le souk des parfums, des tissus, de la viande, des chéchias, le souk grana...

L'auteur s'intéresse à leur organisation et à leur structure, aux curiosités qu'ils recèlent... " Longtemps - écrit-il - mes yeux garderont le souvenir de l'éblouissement qu'ils ont eu ".
Le lendemain, jeudi 25 mai 1898, il assiste, en journaliste du " Petit Parisien ", à l'arrivée " au nouveau port " de Tunis, des ministres français, Poincaré et Guérin, aux manœuvres du " transat " (transatlantique), au défilé des troupes, à la fête de nuit dans les beaux jardins qui entourent la gare, et le surlendemain, vendredi 6 mai, à la bataille de fleurs et à la brillante soirée offerte par le Bey de Tunis, Ali III (1882 - 1902) au Palais - Qsar Saïd - du Bardo.

Ce palais " occupe un superbe carré au centre d'un jardin féerique remarquable surtout par ses plantations d'orangers ", écrit-il. Au premier étage se déroule la fête à laquelle assistent le Souverain et sa Cour, le Résident Général de France à Tunis, Rouvier (1892 - 1894), les ministres français,... " un essaim de femmes suaves et charmantes... admirant les "almées de Biskra" exécutant la danse du ventre... Quelles jolies européennes ! Je me sens encore tout ému en me souvenant de ces jolis profils d'Italiennes au regard pur et chaud, à la peau satinée, à la bouche si rouge qu'on voudrait y cueillir un baiser, s'exclame-t-il. Que tu as bien fait, Pascal, de ne pas venir, tu en aurais fait une maladie !... ".

Le Bey parti, les fauteuils sont poussés contre le mur et les musiques alternent pour faire danser les invités. " Quelles valses, Pascal -écrit-il- je sens encore le parfum de la charmante Italienne que j'ai fait tourner avec toute la vigueur de mon âge ! Quelle soirée inoubliable !... ".
Le samedi 27 mai 1893 sera consacré au défilé des chars de la colonie italienne, des pompiers, des zouaves..., du tramway " orné à l'arabe ", tiré par des dromadaires.

Le dimanche 28, à 8H30, a lieu enfin l'inauguration du port - principal motif de son voyage à Tunis - en présence de Ali Bey, de son frère, l'héritier présomptif du trône, le Prince Taïeb, de Rouvier, le Résident Général, des ministres, des généraux,... Les manœuvres commencent par une démonstration de " L'hirondelle ", ancien yacht de l'impératrice Eugénie de Montejo, épouse de Napoléon III (1852 - 1870), avant que le transat, " La Ville de Tunis ", n'entre dans le port, salué par un charivari de tous les diables, dominé par les salves des canons.

Puis Ali III quitte la tribune, accompagné par le Résident qui l'escorte jusqu'à son carrosse doré. Le défilé des troupes commence alors devant la Maison de France.

Félix consacrera son après-midi au festival musical, en attendant de jouir de la fête nautique nocturne, et de la soirée donnée par Rouvier, dans les jardins de sa résidence de Tunis, bondée de monde... et surtout de demoiselles... Quelle " nuit divine ! ", écrit-il à Pascal. Peut-il d'ailleurs en être autrement avec des " donzelles " si charmantes, " des danses délicieuses, des valses idéales, un buffet toujours renaissant et agrémenté d'un régiment de bouteilles de champagne, un jardin frais et coquettement éclairé à l'électricité, des sentiers bien tentants où j'ai compté fleurette à plus d'une danseuse... " ...Et l'aube se lève ! Et avec elle paraît le désenchantement !

Les femmes, si belles la veille, ressemblent alors à des cadavres ! Et les charmants minois qui l'ont si intensément émotionné lui " donnent maintenant la nausée " ! Aussi se dit-il, désabusé, " quelle triste chose, la vie !... ". Mais de la désillusion renaît l'espoir !

De fait, il consacrera le lundi 29 mai 1893 à Radès et... aux bordels de Tunis où il se rend avec un camarade le pistolet à la main ! Mais il les trouvera épatants.

Le mardi, il emprunte une méchante diligence pour aller à Bizerte, l'ancienne Venise africaine, qu'il trouve sale, mais qui offre à " la France... et à sa flotte le port le plus sûr de la Méditerranée ".

Les deux derniers jours, il les réserve d'abord au Palais beylical du Bardo, à ses écuries, à la caserne de la Garde et aux communs, au musée Alaoui, ensuite à Dar el Bey, à la Casbah de Tunis. Le rêve s'achève là ! Le lundi 3 juin à 5 heures du matin, il reprend le train pour Bône où il arrivera à 20 heures, la tête remplie de merveilleux souvenirs.

Tel est le canevas d'un récit, riche d'impressions et d'observations dont certaines sont révélatrices des intentions profondes de la bourgeoisie de l'époque qui, sans être encore franchement annexionniste, ne vise pas moins la domination totale de la Tunisie par une France " civilisatrice ", quoique l'auteur, qui appartient à cette classe, ne cache pas son admiration d'une belle capitale, alliant modernité et tradition, et de Tunisiens évolués sans toutefois la France, dès lors que le Traité du Bardo du 12 mai 1881 et la Convention de La Marsa du 8 juin 1883, n'ont respectivement que 12 et 10 ans d'âge !

Il reste néanmoins que Félix constate, avec regret, que la Tunisie est " une terre qui n'est pas nôtre ", et que Tunis est, " une des capitales du monde arabe ", et qu'il sent que le " vieux prince (Ali III) ", assis dans un fauteuil dominant les ministres français, Poincaré et Guérin, et le Résident Général, " n'est pas sous notre tutelle, que l'entente existe (certes, mais...) que nous sommes là pour le seconder ". " Un jour viendra, espère-t-il néanmoins, où toute la Tunisie sera française car elle l'est de cœur déjà " : alors les assassinats (imaginés) dans les souterrains des harems beylicaux " où les hommes et la loi ne pouvaient pénétrer, où l'on n'enregistrait ni les naissances ni les morts ", disparaîtraient... " Car l'occupation française changerait tout cela "...

En vérité, la politique sournoise et rampante de l'annexion de fait, sous la forme de l'administration directe, instituée par Paul Cambon et poursuivie par ses successeurs, recevait déjà bonne application ! Félix ne le savait pas.

Dr. El-Mokhtar Bey


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