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L'ARRIVÉE À TUNIS


   

  Le vendredi je pris l'avion pour Tunis. Le vol s'annonçait bien, je trouvais les hôtesses très aimables, elles me mirent aussitôt à l'aise. Les voyageurs parlaient tunisien. Depuis longtemps je n'avais pas entendu parler cette langue en public. J'avais gardé la langue arabe grâce à ma maman et à la musique.
La plupart de mes amis d'expression arabe que j'avais connus soit en Israël, soit en Europe ou aux Etats Unis étaient d'Egypte, de l'Iraq, du Liban, du Maroc et de l'Arabie Séoudite et très peu d'entr'eux étaient de la Tunisie. C'était la première fois que je prenais un avion tunisien.

Les passagers étaient bruyants et parlaient le tunisien. J'entendais pour la première fois résonner des noms que depuis bien longtemps je n'avais plus entendu, comme: Salah, Moustafa, Ottman, Taoufik, Nour Edine, Chedli etc. Je me sentais dans un monde différent mais qui ne m'était pas inconnu, au contraire il me rapprochait de mon enfance. Je n'osais pas aborder les passagers ou les hôtesses, je me conduisais comme le premier jour de mon jardin d'enfance, là aussi, je n'osais pas approcher les autres enfants ou la maîtresse.

En attendant, les hôtesses de Tunisair me voyant silencieux et tout seul dans la rangée croyaient que je craignais le vol. Pour me réconforter, une des hôtesses me demandait si je désirais boire une boisson. Je ne m'étais pas rendu compte que l'avion était dans l'air depuis déja un moment, car je n'avais pas entendu le bruit des moteurs. L'avion me paraissait suspendu dans le néant tellement il avançait lentement. Dehors il faisait sombre. J'essayais de voir à travers les hublots, mais je ne voyais rien. Après que nous eûmes dîné, j'avais parlé tunisien: pas de réaction de la part des hôtesses. Je conclus qu'elles me comprenaient. Jusqu'ici j'avais parlé le tunisien rien qu'avec mes parents. Je ne savais pas si la langue tunisienne avait changé depuis que j'avais quitté mon pays. Certains amis tunisiens me disaient que la jeunesse était complètement différente de celle que j'avais connue. Ma première rencontre avec les hôtesses me donnait l'impression que la langue était restée inchangée. Les hôtesses comprenaient bien ce que je leur disais. "Voilà un point qui nous unit, qui peut nous comprendre?" me disais-je. J'étais toujours plongé en moi-même, je n'avais pas réalisé combien le trajet était court et rapide. J'entendais pour la première fois le pilote citer les villes que nous allions survoler.

Il me semblait entendre aussi le nom de Béja, ce nom je ne l'avais jamais entendu en avion. Je me réjouissais de cette annonce. Le bruit des moteurs à réaction laissaient un sifflement qui m'assourdissait.. L'hôtesse m'informait qu'on survolait l'Algerie. Je n'avais aucun choix que de la croire. Une chose est certaine, c'est que nous étions suspendus et l'avion avançait lentement. Je lançais à nouveau un regard à travers le hublot je ne voyais rien, tellement l'obscurité était dense, je m'éfforçais encore une fois, cette fois-ci j'avais l'impression que nous venions de sortir d'une couche de nuages.

Plus tard j'entrevoyais au loin quelques lumières. "Ça doit être un village!" me disais-je. Je ne savais pas exactement où nous étions. Je me contentais de bavarder avec ces lumières: "Chacune d'elle est une famille, un monde et moi, comme un seigneur, je disais à l'une, puis à l'autre, nous sommes des êtres humains qui partageons ensemble l'air de cette terre. Je ne voyais aucune frontière, ils n'y avaient rien que la distance et la vitesse qui nous séparaient. Je me laissais ainsi bercer par mon dialogue imaginaire avec des êtres que je n'avais jamais vu mais, qui me signalaient leur présence par cette lampe lumineuse.

Les souvenirs d'enfance se mêlaient dans ma tête: je revoyais le voyage en train de Béja à Duvivier, c'était en 1943 pendant la guerre, lorsque nous avions été évacués vers l'Algerie pour quelques jours. Les Allemands étaient aux portes de notre ville. Béja était en flammes par l'artillerie et l'aviation allemandes. Pour repousser ces tristes et malheureuses pensées et comme j'avais soif, je levais le doigt comme à l'école, cette fois-ci pour demander une boisson. Je ne voulais pas laisser ces souvenirs affreux de la guerre s'emparer de ce doux moment.

Après m'être désaltéré, et pour effacer ces scènes des théatres militaires de ma mémoire, j'imaginais les beaux champs verts et les collines ondulées qui entouraient notre paisible cité. Nous traversions la frontière et nous nous trouvions au-dessus des montagnes. Pendant la guerre ces montagnes nous abritaient des bombes allemandes. En ce temps-là nous vivions dans une grotte, pas loin de Gardimaou, après avoir été refoulés de l'Algerie pour cause de maladie. Les pics de ces montagnes me paraissaient si hauts et si aigus. Les avions allemands n'osaient pas arriver jusque-là. Je n'avais jamais rêvé de les survoler un jour. Je regrettais qu'il faisait nuit. Soudain du fond de cette obscurité quelques lumières me paraissaient surgir pour ensuite disparaître comme un éclair, puis je fus interrompu par une voix qui parvenant des haut-parleurs:
- "Attachez vos ceintures, nous venont de passer la frontière algero-tunisienne et nous commencerons bientôt notre descente vers Tunis-Carthage." Les lumières que je voyais auparavant avaient disparu dans le néant. Je ne pouvais pas saisir le mouvement de l'avion. Nous volions dans ce grand océan vide et froid. Moi, plongé dans mon silence je ne voyais rien bouger, notre avion se berçait comme s'il essayait de se frayer un chemin, puis le son d'une ancienne musique chatouillait mes oreilles. Ces airs de musique me paraissaient familiers. Je les connaissais de par les va-et-vient au magasin de mon père. Alors je flânais dans la rue qui menait chez papa en passant par la place Abd-el-Kader, avec ses cafés en plein air. Ces airs de musique jouaient à longueur de journée. Les magasins collés l'un à l'autre se distinguaient par la couleur de leurs portes et par la diversité de leurs produits et de leurs étalages. Alors cette même musique emplissait mes oreilles tout le long du chemin et me plongeait dans des rêveries douces qui me faisait oublier le temps. Ces airs me parvenaient à travers de gros haut-parleurs accrochés parfois à un poteau et parfois aux grilles des fenêtres d'un des magasins ou d'un café. La musique venait d'un tourne disque ou de la radio et jouait tellement fort qu'on avait l'impression qu'elle envahissait l'air. Un sentiment doux saisissait mon coeur. Il me semblait que le temps s'était arrêté là. En effet c'était une vieille musique. Les morceaux étaient choisis par une femme de ma génération, me disait l'hôtesse. C'est bien cette ancienne musique qui me ramenait à mon enfance. L'ambiance qui se dégageait de ses sons me donnait des frémissements agréables. Cette atmosphère était à la base de la culture locale. Elle réveille en moi les sens les plus sublimes. C'est à travers des chansons de geste que plusieures histoires de nos ancêtres nous sont parvenues. Ces chansons de geste jouent un grand rôle dans l'éducation et dans la communication de certains faits historiques. J'aime bien écouter, de temps à autre, la musique tunisienne. Ces chansons, maman et mes grands-mères nous les chantaient. C'est dans ce genre de chansons qu'elles nous transmettaient certains faits, qu'elles-mêmes avaient vécus ou que leurs parents leur avaient transmis. Ces faits échappaient parfois aux historiens et même aux autorités d'alors. Hélas je n'arrive pas à me rappeler toutes les chansons de geste que maman me chantait.
Les moteurs ronronnait continuellement, le temps avait perdu son sens, j'avais presque oublié que je me trouvais encore en avion. Je me penchais encore une fois vers le hublot qui était à ma gauche, pour voir les lumières de Tunis. Je n'avais jamais vu jusque-là Tunis d'une vue aérienne vivante. L'avion volait bas, je voyais des lumières de-ci, de-là, elles devaient être celles des alentours, je n'arrivais pas à identifier notre position. "Peu importe", me disais-je, "l'essentiel d'arriver à Tunis, plus tard je retrouverai la direction de l'atterrissage." En effet le trajet était très court, surtout pour moi, qui venais des Etats Unis, où les distances sont assez grandes.

- "Nous allons atterrir dans quelques instants à l'aéroport de Tunis-Carthage!" disait une voix qui nous parvenait des haut-parleurs. J'allais voir pour la première fois l'aéroport de Tunis. J'étais saisi d'émotion d'enthousiasme et de joie. Nous atterrissions dans la fraîcheur du mois de janvier. "L'atterrissage était excellent!" disaient les passagers assis derrière mon fauteuil et puis les applauds étaient si puissants que je n'avais pas saisi moi-même le moment où l'avion avait touché le sol. L'avion roula encore un peu jusqu'à atteindre la passerelle télescopique. Les voyageurs se pressaient pour emprunter la porte toute grande ouverte qui mène à la passerelle. J'avais pris lentement mes affaires que j'avais dans le porte-bagages et je commençais d'un pas nonchalant à marcher vers la sortie qui débouchait dans une salle assez grande pour accueillir tous les passagers de l'avion. Les hôtesses et les voyageurs me laissaient une première et nouvelle impression de la Tunisie que j'allais bientôt découvrir. En voyant les passagers je me rendais compte que les continents se rapprochaient, mais dans le fond je me rendais aussi compte que la cadence de la vie était plus ou moins pareille. Ceux qui arrivaient et ceux qui partaient créaient le rythme de la vie.

                                           EMILE TUBIANA

           

 

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