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DE MAHDIA  AU MALABAR : Des juifs de Tunisie s’installent en Inde au XIIème siècle


   

 L’Inde et  La Méditerranée, aujourd’hui, avec les vols réguliers la distance semble insignifiante et on a peine a imaginer  que ces   deux mondes sont  en relation depuis fort longtemps, bien avant les avancées technologiques et bien avant la découverte de la route des Indes par Vasco de Gama en 1497, en contournant le continent africain. En débarquant à Calicut, le navigateur portugais à sa grande surprise s’entend saluer en castillan : « Que le  diable t’emporte ! Qui t’a amené ici ! » Debout, devant lui, des Maures qui se présentent comme des Tunisiens et maîtrisent aussi bien l’arabe que le castillan et le génois.  Si les expéditions portugaises avaient comme but l’Inde, c’est bien parce qu’elle était le centre vital de l’Océan, croisée des routes maritimes qui relient les trois continents. Arabes et juifs connaissaient depuis fort longtemps l’Océan indien. L’Inde du sud n’est pas seulement un pays producteur, c’est aussi le relais où les dhows arabes sur lesquelles embarquaient les commerçants juifs et les navires venus d’Extrême Orient vont se rencontrer et échanger leurs marchandises. Les commerçants méditerranéens font circuler au Moyen-age sur le marché méditerranéen et jusqu’en Europe les épices, les parfums, les plantes médicinales, les cotonnades qu’ils allaient chercher en Inde.  Des colonies juives étaient installées dans le sud de l’Inde depuis sans doute la période du roi Salomon, puis elles furent coupés du reste de la diaspora dans les premiers siècles de l’ère chrétienne. Avec l’avancée de l’islam, les marchands juifs vont retrouver la route des Indes et s’y engouffrer imitant et surpassant même les commerçants musulmans. Certains produits sont le monopole des communautés musulmanes comme les bois de teck réputés imputrescibles, d’autres sont entre les mains des négociants juifs comme les épices, le fer et les plantes médicinales. Bien sûr cette règle n’est pas absolue, c’est ainsi que nous retrouvons parmi les lettres de la genizah du  Caire, celle rédigée en l’an 1085 par un juif tunisien qui se dit ravi d’avoir fait d’excellentes affaires, en revendant à un commerçant chrétien, dans un port de Palestine, du bois acheté en Inde avec un bénéfice de 150%.   Qui étaient ces commerçants juifs ? Etaient ils en majorité natifs du Moyen Orient ou d’Aden port de l’entrée de la Mer Rouge et véritable entrepôt des épices et produits de l’océan oriental ? D’après les documents entreposés dans la genizah , il apparaît que les négociants les plus actifs dans le négoce entre le monde indien et le monde méditerranéen sont les juifs de l’Ifriqiya, soit l’actuelle Tunisie.  La lecture de ces documents  nous apprend que ces mêmes juifs tunisiens constituent la grande majorité des voyageurs.  En plein Moyen-age, ces individus appartenaient ils à une catégorie particulière ? Amitav Ghosh un des plus grands écrivains indiens contemporains les décrit ainsi : « Un groupe d’individus dont les voyages, l’expérience et l’éducation paraissent étonnants même aujourd’hui sur une planète réputée réduite. Pourtant, au contraire des personnalités de l’époque qui ont laissé leur marque dans l’histoire, les membres de cette communauté ne possédaient de naissance ni titres ni privilèges ; ils n’étaient ni des aristocrates ni des soldats ni des théologiens professionnels ; la plupart d’entre eux étaient des négociants et, bien que certains fussent riches et prospères, ils ne comptaient pas et de loin parmi les plus puissants marchands de leur temps. Un bon nombre étaient de   modestes commerçants à la tête de petites affaires de famille » Ces juifs tunisiens vivent entre l’Egypte Tunisie et fait extraordinaire pour l’époque, il semblerait que les hommes ne soient pas les seuls à voyager, les femmes embarquaient aussi sur les navires mais uniquement sur le Lac arabe c’est à dire la Méditerranée. Un marchand de Kairouan ou Mahdia installé au Caire ou à Alexandrie (traditionnellement les membres d’une même famille séjournent à tour de rôle quelques années sur les places de marché) fera venir son épouse de sa communauté d’origine . Ces marchands n’hésiteront pas à entreprendre parfois plusieurs fois dans leur vie, le périlleux voyage jusqu’en Inde, traversant la Méditerranée des côtes tunisiennes jusqu’à Alexandrie dans un premier temps, rejoignant ensuite le Caire pour ensuite intégrer une caravane(musulmans et juifs font partie de la même caravane) et remonter le Nil à contre courant. Il fallait traverser  d’immenses étendues inhospitalières avant d’embarquer à Aden et finir par atteindre l’Océan indienLe voyage est long, tributaire du phénomène des moussons(pour la traversée de l’Océan indien) et non dénué de risques. Arrivés au Malabar, certains commerçants décident de s’y installer et prennent épouse parmi les indiennes, chez les hors castes (intouchables).

Le système castéiste rendant les autres inaccessibles. Les intouchables avaient tout intérêt à s’unir à des étrangers, élevant ainsi leur statut social en adoptant la religion de leur conjoint. Il est probable que les descendants de ces unions soient à l’origine de la communauté malabari. Si nous disposons dans la genizah de matériaux attestant de voyages de femmes en Méditerranée, il n’apparaît nul part que des juives aient traversé l’océan indien au Moyen age.

Le monde indien et le monde juif tunisien semblent à première vue aux antipodes l’un de l’autre. Pourtant ceux qui choisissent de s’installer dans le sud de la péninsule sont conscients que le Malabar de par sa position géographique est un carrefour, une véritable plaque tournante du commerce oriental. De plus ils  vont s’établir dans le pays sans doute le plus tolérant du monde et leurs descendants ne connaîtront jamais ni pogroms ni persécutions. L’un d’eux, aventurier, commerçant, poète à ses heures et féru d’astrologie  va laisser près de quatre vingt lettres manuscrites qui restent les plus précieuses sources de renseignements sur la vie de ces Tunisiens en Inde. Abraham ben Yiju né à Madhia va débarquer en Inde en 1131 et y résider près vingt ans. Son activité principale sera l’ouverture d’une dinanderie à Mangolore mais comme tous les négociants de l’époque il se lancera dans l’exportation de plusieurs produits allant des épices au riz  en passant par les cotonnades. Il épouse une indienne dont il aura deux enfants qu’il ramènera en Egypte et sa fille y épousera son cousin ( né à Mahdia) réfugié ici après un séjour en Sicile.  Ben Yiju durant son  long séjour en Inde gardera l’habitude de faire venir certains produits du monde méditerranéen et plus particulièrement le savon de la Tunisie  qui est alors le plus grand importateur. Dans ces courriers, il réclame souvent du sucre, du papier et du fromage casher. Du IX° au XII°siècle, les négociants juifs tunisiens dominent même la plupart des trafics océaniques, ils seront ensuite supplantés par la puissante guilde karimi constitué de musulmans.  Au début du XII°siècle, un autre tunisien partagea son temps et ses affaires entre le vieux Caire et la côte du Malabar, il est né lui aussi à Mahdia, Arûs ben Yossef. La genizah qui recèle tous les courriers d’affaires ou privés ne nous renseignent pas sur la vie sexuelle et sentimentale des ces voyageurs, mais il est évident que même ceux qui ne s’établirent pas définitivement en Inde vont avoir des liaisons sur place et des descendants. D’autres part, la genizah contient des actes de manumission et les esclaves affranchis vont garder la religion de leurs maîtres.

Beaucoup plus tard et plus loin, à Calcutta au XIX°siècle, c’est un juif tunisien qui est à l’origine de la première école de filles dans la communauté juive. Longtemps les femmes juives ont porté le sefsari comme les musulmanes, ce sari blanc tout droit venu de l’Inde. Les liens entre les juifs tunisiens et l’Inde remontent donc au moins au Moyen-age. 

 

                                             Monique Zetlaoui

 

1 Calicut: port du sud-est de la péninsule indienne, sur la côte malaban.

2 Dhow : boutre dont la coque est en bois de teck, les mats inclinés et la voile (dite arabe ou latine )trapézoïdale. 3 Genizah : espace attenant à la synagogue où étaient entreposés tous les manuscrits commençant par la formule « Béni soit le Nom »lorsqu'il n'y avait pas possibilité d'enterrer ces documents comme le veut la tradition juive. La genizah de la synagogue ben Ezra à Fustat (vieux Caire) contenait plus de huit siècles de documents.

 


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