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Les alliacés


   

 par Monique Zetlaoui

 

      Les alliacés, cette très ancienne famille, dont les membres les plus importants sont l’ail, l’oignon, l’échalote et le poireau sont,  sans aucun doute, nos alliés en santé. Leurs vertus ont très vite été remarquées, de façon empirique d’abord, puis par le corps médical qui leur tresse des guirlandes et des guirlandes  de louanges à juste titre. L’ail est excellent pour la circulation, l’oignon est un diurétique, nous avons vraiment intérêt à les recevoir souvent à notre table. Mais… car il y a un mais cette famille n’est pas très regardante quant aux odeurs. Les déguster et sans doute excellent pour la santé mais  un long baiser à l’être aimé après consommation est de l’ordre de l’impossible.  Allez donc conter fleurette avec une haleine qui empeste, l’élu(e) de votre cœur s’empressera de prendre la tangente ;  allez chanter les louanges des divinités dans un temple avec la même haleine,  offusqués, déesses et dieux se pinceront  le nez et vous feront  craindre d’épouvantables représailles  et même le Diable et les vampires  prennent  la poudre d’escampette lorsque devant une porte ils rencontrent  une tresse d’ail. Adulée et honnie tel est le destin de cette famille.

 

Origine

       Aulx, oignons et poireaux sont aujourd’hui largement consommés  dans le monde entier. Où donc seraient-ils apparus ? Quand  sont-ils passés de l’état sauvage à la plante cultivée ? Que savons-nous des premières cultures ?

 

 

 Le poireau (allium porrum)

                  Il semblerait, selon les dernières découvertes archéologiques et ethnobotaniques, que la plante, à l’état sauvage, soit originaire du Moyen-Orient et se soit propagée rapidement  autour du bassin méditerranéen, où elle devint rapidement un légume très populaire.  Les tablettes cunéiformes de Mésopotamie attestent une  culture très ancienne. Les fameuses  tablettes d’argile (dites tablettes de Yale) datant de 1700 avant notre ère, gravées en caractères cunéiformes, traduites avec bonheur et gourmandise par l’assyriologue Jean Bottéro attestent d’un emploi régulier des alliacés. Aulx, oignons et poireaux  forment une sorte de bouquet garni présent dans quasiment les vingt cinq recettes de bouillon : « Il n’y faut pas de viande ; tu mets en place de l’eau ; tu y ajoutes de la graisse, de l’oignon, de la roquette, de la coriandre…  du  poireau et de l’ail que tu écrases. »   L’Egypte  a été une zone de domestication dès 2000 av. J.-C.  Les bas reliefs du Moyen-Empire montrent des hommes arrosant des    parcelles plantés de poireaux. A la même période, la table d’offrande de Khnoumhotep III comporte des bottes de poireaux. Toujours en Egypte, trois bottes de poireaux liées avec des lanières de palmiers dattiers ont été découvertes dans un des tombeaux de Dra Abou el-Naggah. La variété de poireau égyptien  En dehors de ces deux zones, quelques poireaux et graines fossilisés, datant du début et du milieu de l’âge de Bronze ont été mises à jour à Jéricho. Grecs et Romains en étaient gourmands, son odeur moins forte  et sa saveur moins prononcée  que l’ail et l’oignon  en fit un légume apprécié dans les classes privilégiées. Le légume à les faveurs d’Apicius et apparait fréquemment dans ses recettes. Aristote lui prêtait la vertu d’éclaircir la voix et  Néron  que le surnomma le « porrophage » en raffolait et l’invitait tous les jours à sa table.  Les légions romaines auraient introduit sa culture jusqu’en Grande Bretagne où il devint l’emblème du pays de Galles.  

 

    L’ail (Allium sativum)

            Comme le poireau, l’ail semble avoir été un des plus anciennes cultures potagères du Moyen-Orient. Les plus anciennes traces archéologiques ont été retrouvées en Egypte où il aurait été introduit dès le troisième millénaire[1]. Des gousses d’ail carbonisées, datant du second millénaire ont été trouvé en Irak dans le site de Tell el-Der. Les Sumériens  ne pouvaient s’en passer et, lorsque les produits viennent à manquer, nos Sumériens gourmands s’en plaignent : « Bonne santé, mon frère ! Tu sais que depuis quelques temps tu ne m’as plus envoyé, ni aulx, ni oignons….Procure moi… pour huit grammes d’argent d’aulx et autant d’oignons. » L’Egypte aussi nous fournit de très nombreuses preuves de culture et consommation des  aulx : Un bulbe pratiquement intact fut retrouvé dans le tombeau de Toutankhamon, ainsi que des modèles d’argile plus anciens datant de l’époque prédynastique. On sait aussi que Ramsès III offrit aux dieux pas moins de 6200 bottes d’ail. L’ail très consommé en Grèce fut moins populaire à Rome, Apicius ne l’utilise que très rarement. De nombreux auteurs latins de comédies se gaussent des « mangeurs d’ail »  et c’est aussi ainsi que les Romains surnommaient les juifs. Les textes latins, évoquent souvent  ulpicum,  comme remède et comme nourriture. Le terme utilisé trente deux fois dans des textes datant du second siècle avant J.-C. jusqu’au septième siècle de notre ère a été souvent traduit par ail. Mais il semble que la plante se  distingue de l’allium sativum, les Anciens faisait la différence et plus près de nous Isidore de Séville la fait aussi : « ulpicum dégage la même odeur que l’ail »  D’après les textes anciens, upilcum très proche de l’ail par sa saveur, son mode ce culture et son odeur s’en distingue par sa taille et il semblerait  que les Romains le considèrent comme une plante étrangère si l’on tient compte des autres noms qu’ils lui donnèrent, « l’ail punique ou l’ail  de Chypre ».  Déjà mentionné dans le papyrus d’Ebers, les propriétés  médicinales de l’ail sont vantées dans l’ancien monde comme dans la médecine moderne. Si de nos jours on insiste davantage sur son pouvoir hypotenseur,  jusqu’au Moyen-âge on lui prêtait des vertus aphrodisiaques  et l’Ecole de Salerne conseille vivement  aux femmes d’en donner à leurs maris : «  Et l’ail sert aussi, quand vous n’avez Mesdames… ce que vous savez… Rend vos maris chauds comme braise, et fait que mieux à votre aise il vous caresse dans le lit, suivant le proverbe qui dit : quand un homme au lit se repose et qu’il ne peut aimer sa femme qu’une fois, qu’il mange ail et poireaux, il doublera la dose et même la nuit suivante, il l’aimera trois fois » En somme, un ancêtre du Viagra, sauf que son odeur risquait de faire fuir les dites dames.

 

Les oignons (Allium cepa)     

            Comme l’’ail, l’oignon n’est pas un Méditerranéen d’origine, bien que le géniteur de l’oignon cultivé n’ait pas été identifié avec certitude, il présente des similitudes les formes sauvages qui poussent au Nord de l’Afghanistan, au Tadjikistan et en Ouzbékistan. Mais comme pour les autres alliacés, les tablettes cunéiformes nous indiquent  une culture dès le deuxième millénaire au pays de « l’entre deux fleuves. »  En Egypte, l’oignon apparait dans les listes d’offrandes dès  l’Ancien Empire. On le retrouve dans les pyramides d’Unas (2420 av. J.-C.) et Pepi II. Au Nouvel Empire le rituel de la fête de Sokaris à Memphis  prescrit d’attacher un oignon autour du cou. Les gerbes d’oignons abondent dans les tombes et de nombreux bas- reliefs représentent des hommes déjeunant d’un oignon. Les oignons disposés en ruches servaient aussi à éloigner les insectes.

                  Il est évident que si les alliacés étaient cultivés en grande quantité c’est qu’ils faisaient partie de l’alimentation quotidienne. Hérodote  a laissé quelques phrases  qui pour tous les chercheurs confirmait l’importance des cultures et consommations d’alliacés   : «  Il est  noté sur la pyramide en caractères égyptiens ce qu’il en couta pour fournir aux ouvriers de la sirmaïa (plante potagère) des oignons et de l’ail.  Autant que je me rappelle bien ce que m’en dit l’interprète qui me faisait lecture de l’inscription, la somme montait à 1600 talents d’argent » Pourtant un chercheur, Joseph Davidovits,  en fait  une toute autre lecture et en donne une nouvelle interprétation. Il estime que les chiffres considérables avancés par Hérodote se réfèrent non aux dépenses pharaoniques, qu’il juge,  incompréhensibles s’il s’agissait d’acheter  des aulx et des oignons mais au financement des expéditions destinées à ramener des pierres, qui chauffées, sentent effectivement l’ail ou l’oignon.

   La Bible y fait aussi allusion. Après quarante ans d’errance dans le désert, les Hébreux se lassent de la manne céleste comme seule nourriture et en viennent à regretter ce qu’ils mangeaient en Egypte : « Il nous souvient du poisson que nous mangions  pour rien en Egypte, des concombres et des melons, des poireaux, des oignons et de l’ail »  

 

Alliacées et religions

 

Exécrables odeurs et parfums exquis

             Les odeurs désagréables et nauséabondes provoquent  une réaction  de répulsion et  de dégout, propre à tous les humains, alors que les parfums suscitent une réaction de plaisir. Les anciens attribuaient une réaction similaire aux  Les divinités,  qui eux seraient   sensibles aux arômes qui chatouillent leurs narines. Pour s’attirer leur bienveillance, les hommes brûlent herbes et plantes  odoriférantes et ces exquises émanations qui s’élèvent vers eux  ne peuvent  que les ravir.  Les tablettes mésopotamiennes A Babylone, le devin (baru) devait se mettre des morceaux de cèdre dans la bouche quand il s’adressait aux dieux. Nous savons par Hérodote que les Babyloniens  brûlaient plusieurs tonnes d’encens chaque  année sur l’un des autels du dieu  Bel[2], ils ne dépensaient pas moins de 1000 talents d’argent.  Les représentations de pharaons offrant de l’encens sont nombreuses tant sur les bas-reliefs que sur les mastabas et pour les Egyptiens les volutes parfumées emportaient les prières vers les divinités.  Le monothéisme n’est pas en reste et le dieu unique de la Bible ordonne à Moïse : « Tu feras aussi un autel pour la combustion des parfums… C’est sur cet autel qu’Aaron fera l’encensement aromatique[3] » Dans le livre des Psaumes lorsque David invoque Dieu, il supplie : « Eternel, je t’invoque, hâte-toi de me porter secours, prête l’oreille à ma voix, lorsque je t’invoque. Que ma prière soit considérée à tes yeux comme de l’encens[4]… » L’idée que les divinités soient sensibles aux odeurs n’et pas propre au bassin méditerranéen et se retrouve aussi bien dans le zoroastrisme où Ahura Mazda ( l’Esprit du Bien) dégage des fragrances agréables au contraire d’Ahriman (l’Esprit du Mal) qui sent mauvais que dans l’hindouisme  où l’encens joue un rôle non négligeable dans les rituels religieux.  

      

Les roses puantes

            En Mésopotamie, si poireaux, aulx et oignons avaient une place prépondérante dans les jardins potagers et l’alimentation quotidienne de toutes les classes sociales, ils étaient interdits à la consommation lors des rituels religieux et les trois premiers jours de l’année. Les divinités s’offusquent des mauvaises haleines et celles des consommateurs d’alliacés sont particulièrement tenaces. Dans un texte consacré au roi Nabû-sum-iskun,  ce dernier est accusé d’avoir nourri le personnel des temples avec des poireaux, d’où sa réputation d’impie. Les règles étaient très claires avant de s’adresser aux dieux, les hommes devaient se purifier l’haleine  comme l’indiquent plusieurs textes.  En Egypte, la position des alliacées, est plus confuse. S’ils sont les légumes favoris du peuple, ils sont  aussi  utilisés dans les rituels religieux. Les divinités, particulièrement Sokaris, dieu de la mort  les recevaient en offrande. Pourtant, selon Diodore de Sicile[5], « certains Egyptiens refusent de manger des oignons »   il s’agit aux dires de Plutarque «  des prêtres qui détestent les oignons et prennent soin de les éviter »

 La « Rose qui pue » c’est ainsi que Grecs surnommaient l’ail et si les autres membres de la famille des Alliacées ne sont pas affublés de surnom, leur réputation n’est pas  meilleure En Grèce, l’accès du temple de Cybèle, la mère des dieux était interdit à toute personne ayant mangé de l’ail, il en va de même pour les prêtres de l’Aphrodite Libyenne  Dans la tradition talmudique, ail et prières  ne vont pas de paire. Dans le Talmud de Babylone, il est dit « celui qui a mangé de l’ail laisse le partir[6] » Selon la tradition musulmane, l’ail a poussé dans l’empreinte du pied droit de Satan lorsqu’il quitta le Paradis  et l’oignon dans celle  du pied gauche. L’islam attache une grande importance aux bonnes odeurs  et incommoder son prochain par une mauvaise haleine revient à s’interdire l’accès au Paradis puisque selon la tradition, le Prophète  a dit : «  Curez-vous les dents car la propreté relève de la foi et celle-ci mène au Paradis[7]. Donc, de là par souci des règles de civilité et de sociabilité, il est interdit à toute personne qui vient de manger de l’ail ou de l’oignon de fréquenter les assemblées, fussent-elles les prières collectives, pour ne pas indisposer l’assistance par l’odeur fétide que dégagent ces aliments. Un hadit[8] précise : «  Que celui qui a mangé de l’ail ou de l’oignon se retire de notre présence, de notre mosquée et qu’il reste chez lui. »

 

 

Le Diable, le mauvais œil et les vampires.

      Le mauvais œil, ce regard mal attentionné chargé d’envie et de jalousie qui peut faire basculer votre vie, eh oui depuis la nuit des temps, les anciennes civilisations y croyaient ferme et même aujourd’hui ma foi….De la Chine à  l’Inde,  du Moyen –Orient aux  rives de la Méditerranée il a fallu trouver, la  parade  pour éloigner cet œil maléfique, le court-circuiter, le paralyser et la rose puante vint à l’aide. On prête à l’ail outre ses vertus médicinales bien des pouvoirs magiques et ce depuis fort longtemps. Faire barrage au mauvais œil est une de ses qualités. Il n’y a bien sûr aucune explication rationnelle à cela mais, la forte odeur dégagée par l’ail y est sans doute pour quelque chose et, le mauvais œil lui-même a un reflexe de répulsion et fait demi-tour. En Méditerranée, si l’on devait établir un hit parade des pays utilisant l’ail pour éloigner le mauvais œil, sans conteste la Grèce se positionnerait en tête, suivie par l’Italie. La Grèce antique prêtait déjà  à l’ail cette propriété. Ulysse pour se protéger des chants de la perfide Circée s’était enduit d’ail sauvage (molly) sur les conseils d’Hermès, pour ne pas être transformé en pourceau. Aujourd’hui l’ail garde sa puissance et sa capacité de tenir à distance mauvais œil,  mauvais esprits et vampires. Des tresses d’ail sont suspendues aux portes des maisons et des boutiques. Devant la porte de la chambre où une jeune femme accouche on dispose des gousses d’ail et le nouveau-né se voit gratifié d’une tresse d’ail dès sa venue  au monde et au moment du baptême. Dans un ancien texte zoroastrien, l’on sert aux démons un plat préparé avec de l’ail, de la rue et du vinaigre pour les tenir éloignés. Tant pis pour eux tant mieux pour nous qui mitonnons petits plats et sauces avec les alliacés qui outre leurs saveurs sont aussi nos médecins. 


 

[1] Les dernières recherches localisent l’ancêtre de l’ail cultivé dans une zone qui part d’Asie centrale et s’étend aussi à l’Iran et la Turquie.

[2] Bel est assimilé aussi à Mardouk

[3] Exode 30, 1 et 7

[4] Psaumes 141, 1 et 2

[5] Historien et chroniqueur grec du premier siècle av J.-C. Il est né en Sicile.

[6] Talmud de Babylone, Sanhedrin 11

[7] Tabarâni

[8] Jabir

  


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