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Interview Grand Rabbin Joseph Sitruk - part 5


L'image du "Tune" - ambitieux, frimeur, flambeur, furieusement sympatique - tout ceci vous est donc etranger ?

N'exagerons rien ! Mais quitter son pays a quatorze ans, comme cela a ete mon cas, ou a vingt ans, comme beaucoup de mes cousins et amis, cela fait une difference.

- Aujourd'hui, les juifs francais d'origine tunisienne sont souvent tres fiers de vous, leur grand rabbin, le premier Grand Rabbin de France d'origine tunisienne. C'est un malentendu ?

Je ressens une tres forte proximite avec eux, qui va grandissant. J'ai envie de mieux connaitre mes racines et ce parfum dont j'ait ete prematurement prive. Recemment, j'etais a Stains ou se trouve une communaute juive tunisienne tres fortement implantee. La synagogue avait brule. Je venais les soutenir dans ce deuil.
Ce n'est pas agreable d'arriver dans une synagogue calcinee, effondree comme un chateau de cartes. Les livres saints - Les Sefer Torah - n'avaient pas echappe au desastre. Or, nous avons coutume d'enterrer les rouleaux de la Loi qui sont devenus inutilisables. C'etait la premiere fois de ma vie que je pratiquais ce rite, lequel etait traumatisant pour tout le monde.
Beaucoup de gens pleuraient. Pourtant, il y avait en meme temps une profonde consolation dans l'air, et j'eprouvais moi aussi une grande joie de retrouver cette petite foule. Eux souriaient en me regardant comme si j'etais leur grand frere...
Des gens de soixante, soixante-dix ans, plus ages que moi, auxquels ma presence faisait du bien, apportait reconfort et soulagement.

- Parce que vous etiez grand rabbin ou que vous veniez du meme endroit qu'eux ?

Je pense qu'il y a des deux : l'honneur que leur faisait le grand rabbin de France et puis le fils du pays qu'on a toujours plaisir a revoir et a entendre. Je n'ai pas grandi avec les juifs tunisiens, mais chaque fois que je les rencontre, ils me font ressentir toute la beaute de mon pays d'enfance, toute sa chaleur, toute sa simplicite. J'ai vecu la meme experience lors de la semaine du judaisme tunisien. Se trouvaient reunis la, Michel Boujenah, le professeur Daniel Cohen, celebre geneticien, et bien d'autres encore - bonne humeur garantie.

Pour moi, la Tunisie incarne le bonheur. Un bonheur simple. La Tunisie est un endroit heureux dans lequel les juifs ont reussi a vivre en paix, loin des clivages politiques, ideologiques, qu'on trouve aujourd'hui en France. Les juifs, tout en etant entre eux, vivaient en bonne intelligence avec les Arabes, et sans etre rejetes par les Francais.
La communaute etait une grande famille. Elle l'est restee pour ces gens de Stains ou d'ailleurs, pour ce peuple juif des petites synagogues. A Paris, je souffre devant les clivages de la societe. J'ai la conviction qu'une societe devrait etre une famille. Une famille, c'est un lieu de bonheur dans lequel les enfants sont tous differents, et dans laquelle pourtant on s'aime, on se respecte, on a du plaisir a se retrouver...

- Mais l'histoire du judaisme est une histoire de dechirements, d'affrontements, souvent internes, de luttes de tendances...

Je ne l'ai pas vecu...

- Mais vous l'avez decouvert...

Oui, en souffrant parce que je pense que cela ne fait avancer ni la societe ni la communaute. Je prefere "le modele tunisien", ou D., communaute et famille etaient si proches et si presents a la fois. C'est assez paradoxal : ce monde que je n'ai pas connu enfant, j'ai un plaisir fou a le revoir ici. 

- Quel est votre dernier souvenir de Tunisie ?

Ce fut un crepuscule. Apres l'independance, les choses n'ont pas change du jour au lendemain, mais on sentait que le monde que l'on avait connu s'evanouissait.
Ce qui m'a le plus marque, c'est ma bar-mitsva escamotee. L'heure n'etait plus a la fete...

A treize ans, le jeune juif devient un "homme" au sens de la loi, c'est sa majorite religieuse : des lors il participe de plein droit aux offices, il devient membre a part entiere de la communaute. Et pour la premiere fois de sa vie, il "monte" solennellement a la Torah - il lit un passage du Pentateuque devant la communaute, lors de l'office. Meme pour une famille peu pratiquante, la bar-mitsva etait en Tunisie une fete fantastique.
C'etait a la fois la fete avec les copains, la premiere cigarette, le poste de radio.

Et en meme temps, c'etait la synagogue, avec sa ferveur religieuse. Mon frere a fait sa bar-mitsva en 1956, deux ans avant moi. J'en garde un souvenir intense. Une tres grande fete qui a dure plusieurs jours, avec orchestre, chants, danses, des repas a n'en plus finir... Et tous les enfants juifs pauvres des la ville etaient assis a table avec nous!
Il y avait une tradition extraordinaire en Tunisie : tous les cadeaux recus par le jeune bar-mitsva d'une famille aisee etaient partages en deux. Si mon frere, par exemple, avait recu quatre stylos, il n'en gardait que deux, et donnait les deux autres a un petit garcon desherite de son age, qui faisiat sa bar-mitsva avec notre famille. Il avait le meme costume que mon frere, sa famille etait invitee chez nous, avait droit aux memes egards. C'etait genereux, simplement genereux...

- Votre bar-mitsva n'a pas ete aussi belle ?

Non. J'ai fait ma bar-mitsva quelques mois avant notre depart. C'etait pratiquement le couvre-feu. Une petite fete intime, sans orchestre, juste un repas a la maison avec la famille. Et je n'ai pas lu ma Paracha - le message de la Torah correspondant a ma date de naissance - devant la communaute rassemblee dans la grande synagogue, mais dans un petit oratoire, juste derriere. C'etait vraiment une bar-mitsva a la sauvette. J'ai appris quatre versets par coeur que j'ai recites. Et nous sommes partis peu de temps apres.

- Vous regrettez aujourd'hui de ne pas a voir fait une vraie bar-mitsva ?

Evidemment. Si ce n'est qu'avec le recul, il me semble que je comprends ainsi infiniment mieux les gens qui n'ont pas grandi dans ma religion et y sont venus plus tard. Lorsqu'aujourd'hui je raconte qu'a treize ans je ne savais pas lire l'hebreu et que je ne l'ai appris qu'a dix-sept ans, cela donne du courage aux gens.
C'est peut etre ce qui m'a donne envie de raconter mon histoire. Aider les autres est un peu ma vocation et, sans le savoir, je l'ai sans doute rencontree le jour de ma bar-mitsva.


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