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Nous ne reverrons plus le jasmin


   

Denise naquit en 1905.  Lorsque Lalou appelait sa fille, il était fier de faire sonner le «  d » et le « n »  de son prénom. Sa fille portait ainsi le même prénom que la fille du grand Emile Zola.

Denise fut le « soleil » ou « le miel »  de la maison comme le disait Lalou.  Pour le plus grand plaisir de son père,  elle avait les yeux bleus et de longs cheveux châtains ondulés ce qui faisait d’elle une vraie française.

 

Sarah  mourut lorsque Denise n’avait pas quatre ans. Elle ne garda que quelques souvenirs émus de sa mère : une femme forte, grande et brune qui sentait bon la violette de Guerlain. Sa mère mourut d’une rupture d’anévrisme.

Lalou  ne se remaria pas et reporta toute son affection sur son enfant. Il reprit le chemin du bordel pour contenter son corps.

Il habilla Denise comme une « princesse », comprenez comme une petite fille de la métropole, demandant souvent à sa cousine Ginette de l’emmener chez la couturière.  La fillette eut ainsi toute une panoplie de robes blanches et bleues. Lalou engagea une bonne pour tenir la maison et s’occuper de sa fille. Il refusa que la bonne, Myriam fasse à l’enfant une nourriture traditionnelle trop lourde. Lalou s’était mis aux règles de la diététique : des légumes, des laitages et de l’exercice.

 

Lalou  emmenait Denise le jeudi matin, lorsqu’elle n’avait pas classe, deux maisons plus loin chez Ginette. La maison de la cousine  était bien différente de celle de son père. Elle  était plus étroite, plus sombre mais aussi beaucoup plus vivante.

 

Denise avait deux  cousins et deux cousines qui s’ébattaient joyeusement dehors, jouaient à la toupie, aux billes avec des noyaux d’abricots et grimpaient aux arbres.

Denise ne se mêlait pas aux jeux des autres enfants. Son père lui avait longuement expliquée qu’à Paris les petites filles ne grimpaient pas aux arbres mais restaient bien sages à bercer leurs poupées.

Lalou restait persuadé que les fillettes parisiennes étaient des modèles de petites filles des « Camille » et « Madeleine » comme l’avait écrit la Comtesse de Ségur.

Denise apprit donc à se tenir à l’écart s’asseyant sur un banc, les plis de sa robe bien étalée autour d’elle. Si elle souffrit de cette mise à l’écart, son père lui expliqua que c’était ainsi que faisaient les petites parisiennes. Elle ravala donc ses larmes et tint son ennui pour une marque de sa supériorité.

Un des grandes scènes de son enfance la confirma dans son destin d’enfant exceptionnelle. Une de ses cousines, Simone, avait eu une pneumonie. Le médecin craignait qu’elle ne passe pas l’hiver.

De l’avis général des voisines et amies de Ginette les mauvais génies, les jnounes[1] s’étaient emparés de Simone. Ginette  appela une vieille voisine qui exécuta des pantomimes pour repousser les jnounes. La vieille était accompagnée d’un orchestre de cinq musiciens comme le voulait la tradition.  Elle entraina Simone dans sa danse effrénée. La fillette ne tenait pas sur ses jambes mais galvanisée par les cris de sa mère, elle suivit les contorsions de la vieille comme elle put.

La vieille se cabrait, criait en arabe dialectal, et termina sa prestation de rebyabya lorsque Simone s’effondra sur le sol. Un filet de salive s’échappait de la commissure des lèvres de la guérisseuse.  Simone fut remise au lit.

Ginette donna 100 francs à la guérisseuse et lui servit un thé à la menthe nana bien fort. La vieille guérisseuse était connue, la petite  Simone allait vite guérir.

Denise fut effrayée par la transformation de cette vieille dame en furie.

Le soir même elle raconta cela à son père

 

Lalou entra dans une rage folle. Sa  cousine osait apprendre à sa fille des superstitions de vieille bonne femme ! Ainsi il comptait faire de sa fille une vraie « française » et sa cousine promettait d’en faire une tunisienne stupide. Il envoya le soir même un médecin auprès de la petite Simone, qui se remit de sa maladie.

 

Le lendemain il expliqua à Denise  ses pensées. La Tunisie avait baigné dans la pauvreté et l’obscurantisme jusqu’à l’arrivée des français. Au lieu de profiter des lumières de ce grand pays, beaucoup de tunisiens, et sa cousine  en faisait partie, préféraient garder leurs superstitions venues de  la hara.

Lalou s’agitait, faisait [2]de grands gestes qui ponctuaient son ode lyrique à la France, pays de la liberté, de la culture, de la vérité, de la justice et surtout pays des droits de l’homme et de l’émancipation des juifs. Denise entendit des noms qu’elle ne connaissait pas :

Rousseau, L’abbé Grégoire, Zola, Dreyfus et Jaurès.

 

L

alou était un assimilationniste, il lisait le journal La justice fondé par Mardochée Smaja. Avec l’âge il était sorti de son égoïsme et voyait à présent clair sur la société humaine, elle était injuste, fondée sur l’inégalité des classes.

La France sortirait les juifs puis les musulmans de leur ignorance et de leur misère, mais il faudrait combattre les rabbins traditionalistes de la hara.

 

Le lendemain il hurla si bien sur la pauvre Ginette que celle ci resta pétrifiée

Dès lors, le jeudi, Denise prit l’habitude de rester assise sur son banc, avec ses poupées et ses livres et plus jamais Ginette n’osa lui montrer de vieux rites tunisiens.

Sa cousine Simone bientôt remise de sa pneumonie vint lui tenir compagnie sur son banc ce qui brisa pendant deux mois la solitude de la fillette.


 

Isabelle Hazan Vollant

 


[1] Les tunisiens croyaient en la présence des mauvais esprits qui engendraient des maladies. Cette croyance populaire alla en diminuant avec l’instruction.

[2]Quartier juif de Tunis habité par une population modeste.

[2] Hebdomadaire qui faisait campagne pour que les juifs tunisiens deviennent français.

           

Pour lire la suite, cliquez sur le lien ci-dessous :

http://www.lejasmin.eu/

 

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