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Israël-Palestine : les chemins d'une autre paix

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LE MONDE | 08.11.01 | 12h22

Alexandre Adler

Enfin la paix paraît à portée de vue entre Israël et la Palestine, ces deux entités aussi floues dans leurs contours que réelles dans leurs existences en conflit. Il y avait depuis 1992 une dissymétrie profonde dans la recherche de cette paix : victoire narcissiquement édifiante pour Israël, même payée d'un bon prix ; défaite humiliante, même compensée sur un plan matériel, pour les Palestiniens. L'Histoire avance bien par son mauvais côté : par la combinaison de l'Intifada des mosquées et de la guerre du 11 septembre, les points de vue se sont, enfin, étrangement rapprochés. Israël marche désormais à reculons vers la paix, exactement comme les Palestiniens jusqu'alors, et l'approche de celle-ci ne provoquera pas même le soulagement qu'éprouvent des belligérants humiliés mais heureux de la paix enfin assurée ; car la sécurité d'Israël demeurera menacée, jusqu'à un certain point, dans l'incertitude régionale.

De leur côté, les Palestiniens ne raisonnent plus tout à fait en termes de défaite, non seulement parce que l'Intifada leur a restitué une unité politique et un honneur guerrier qui avaient été mis à mal, mais surtout parce que le défi d'Oussama Ben Laden vient de leur conférer de nouveau une dimension panarabe que leur obsession d'Israël leur avait fait perdre peu à peu depuis 1992.

Il ne s'agit plus seulement aujourd'hui de Jérusalem, mais aussi de La Mecque. On sait que l'acte de changer la direction de la prière, de Jérusalem vers La Mecque, la Qibla en arabe, est l'occasion d'une grande fête de l'islam ; cette Qibla palestinienne est aussi le moment de la lucidité retrouvée : Arafat est désormais dans le même bateau que Moubarak, la maison de Saoud et les Hachémites de Jordanie. A lui de ne pas le faire chavirer inconsidérément, et un grand prestige interarabe lui sera accordé pour finir sa carrière. A l'inverse, Sharon et Pérès sont, eux aussi, à présent dans le même bateau que Bush et Blair, et c'est aux Etats-Unis de se manifester par une garantie nouvelle, militaire et politique à Israël, qui compensera ce qu'on lui demande à présent de favoriser : l'Etat palestinien, tout simplement.

Le processus de paix israélo-palestinien, fruit de cette ère "des bons sentiments" qu'ouvrit la chute du communisme soviétique, fut chez les juifs l'occasion d'une débauche de guimauve adolescente, tardive et provinciale.

Longtemps snobée, malgré les efforts de ses cousins new-yorkais mieux introduits, l'intelligentsia israélienne s'abandonna avec délices aux caresses du Printemps de la paix : c'était le TGV Alexandrie-Istanbul, rêvé par Pérès, qui s'arrêtait en gare de Tel-Aviv pour y déverser son flot de touristes égyptiens supposés prospères, c'étaient les entreprises mixtes israélo-arabes qui diffusaient capital et technologies depuis Khartoum jusqu'à Basra, c'étaient la nouvelle cuisine et la nouvelle chanson métissées de Jaffa, rendues à leur multiculturalisme, c'était le révisionnisme historique général qui, en fournissant des excuses polies et modérées à l'interlocuteur palestinien, allait à son tour, idée de génie de Yossi Sarid, entraîner celui-ci à modérer sa propagande, un peu mensongère tout de même, et provoquer une réconciliation bien émouvante, digne d'un tableau de Greuze, où des Palestiniens enfin touchés de tant de bons sentiments, dispensés à l'étalage, allaient sans doute tomber dans les bras des sionistes et leur fournir gratis la position de peuple-guide de tout le Moyen-Orient! La belle jeunesse israélienne politiquement correcte et Harvard trained ne comprenait pas à quel point elle était sans commune mesure plus odieuse encore à l'opinion palestinienne que ses pères désespérés, héroïques et durs comme de la pierre, de cette belle pierre lituanienne dont on fit ailleurs la prise du palais d'Hiver ou les romans épiques à la Vassili Grossman.

Pour les Palestiniens, en effet, la paix était d'abord le fruit d'une triple défaite : l'effondrement de l'allié soviétique, rallié désormais au sionisme, comme l'a confirmé Poutine, l'écrasement de l'Irak de Saddam Hussein, l'insignifiance progressive du cartel pétrolier de l'OPEP. Pris dans cet étau, Arafat avait dû ruser tel Louis XI à Péronne avec Charles le Téméraire. Et l'Etat palestinien qu'on obtiendrait ne serait qu'un pourboire dégradant, lâché par un président américain à la recherche tenace d'un prix Nobel de la paix. C'est ce qu'écrivaient les intellectuels palestiniens tous les jours. Tel était le bois sec dont s'est allumé le brasier de l'Intifada, et si les termes actuels de la paix ne sont pas substantiellement modifiés par rapport à l'offre américano-israélienne de l'été 2000, c'est en revanche toute la symbolique qui s'est modifiée.

AMERTUME

Les Palestiniens auront leur Etat sans avoir à se déclarer réconciliés avec Israël : Arafat a rompu son engagement de 1992 à renoncer aux violences, Arafat n'aura pas à modifier la charte de l'OLP, l'Etat palestinien, comme le Free State irlandais de 1920, continuera à réclamer la totalité du territoire et concrètement le droit au retour pour tous les Palestiniens à Jaffa et à Saint-Jean-d'Acre. Sans aucun effet pratique, évidemment. Mais ce sont les mots qui comptent. Les manuels scolaires continueront pendant un temps à répandre une haine inextinguible du juif, et les Israéliens affairistes ou politiquement corrects qui s'aventureront à faire du tourisme à Tulkarem ou à Hébron seront régulièrement assassinés. En échange, Israël restituera 95 % des territoires hors Jérusalem.

Désormais, tous les Israéliens trouveront cette paix, qui continuera à leur fermer le reste du monde arabe, Egypte comprise, aussi amère que l'avait été leur retrait forcé du Sinaï par Eisenhower en 1958. Mais c'est précisément cette amertume qui permettra à Arafat et à ses successeurs de faire passer le compromis historique viable : deux défaites stratégiques, celle de la charte palestinienne et celle de Shalom Arshav (La Paix maintenant), le véritable surmoi naïf d'Israël, pouvant engendrer pour un temps une victoire vraie, celle de la raison politique machiavélienne. Mais un temps seulement : car les peuples ne peuvent pas s'émanciper durablement avec un surmoi amputé.

ÉLÉMENTS DE CONSTRUCTION

Il faut aussi que soient édifiés des éléments de construction qui permettent aux deux peuples de voir leur avenir en termes moins cyniques : plutôt que de vouloir commencer à Jérusalem, où le statu quo semble tenable – grâce, notamment, à l'industrie du tourisme et à la sécurité sociale israélienne garantie aux Palestiniens ainsi qu'à la partition de facto et à l'emprise réelle de l'Autorité palestinienne sur les siens –, le geste décisif pour les Palestiniens ne serait-il pas de leur donner les bases d'un nouveau Tel-Aviv, gage de leur réorientation vers le monde arabe, le reste du monde pour finir ? Ce Tel-Aviv du futur est bien sûr à Gaza, qu'il faut transformer en quelques mois en un port de mer viable, un aéroport international et une ville de commerce.

Plus fondamental encore : il faudrait rouvrir en première priorité la route directe Gaza-Hébron, créée en 1989 par Shlomo Ben Ami lorsqu'il était ministre de l'intérieur de Barak, et la placer en position d'extraterritorialité vis-à-vis d'Israël. Cette respiration de Gaza ne concernerait pas les seuls Palestiniens : un automobiliste égyptien pourrait ainsi se rendre en une journée d'Ismaïlia à Damas par Hébron, Jéricho et Amman sans jamais rencontrer un seul Israélien. C'est de cela que les Arabes ont besoin : oublier Israël et bâtir sérieusement une grande confédération arabe, où ils auront un grand rôle à jouer en tant qu'Etat. Le reste viendra par surcroît.

Et Israël : comme Jonas, vivant dans une mer salée, il retirerait de cette paix apparemment précaire un peu de tranquillité et de cohésion, mais surtout des garanties militaires américaines absolues et définitives qui transformeraient son espace en une portion de l'espace stratégique des Etats-Unis. Ce mandat, plus solide que celui de la Grande-Bretagne, combiné à une alliance ouverte et non moins solide avec la Russie de Poutine, permettrait à une nouvelle génération qui s'unifierait dans cet objectif de relever de leur lourd fardeau les deux fils bouillants et myopes de David Ben Gourion que sont, pour le meilleur et pour le pire, Shimon Pérès et Ariel Sharon. Un Israël préservé et militairement intégré aux Etats-Unis, fondant sa croissance sur l'urbanisation et la technologie, recèle encore des trésors de créativité pour l'avenir, et même quelques opportunités importantes pour un monde arabe plus apaisé.

Alexandre Adler pour Le Monde

 


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