Par Bekhor (Bekhor) le jeudi 05 janvier 2006 - 07h11: |
Je ne comprend pas pourquoi personne n'appelle a des prières pour la guérison de ARIEL SHARON sur le site Harissa.
Je suis dégoûté par autant de ressentiment de dédain de la part de certains juifs qui lui doivent « BEAUCOUP ».
Je me rappelle, quand le Rabbin Joseph Sitruk a eu son malaise, l’énorme activité et l’effervescence qu’il y avait eu pour pousser les gens a la prière, sur ce même site internet, dans les synagogues et dans les centres culturels.
A l’époque les pronostics médicaux n’étaient pas rassurant pour le Rabbin Sitruk exactement comme cela se passe actuellement pour Sharon.
Je suis consterné de constater qu’un « Grand rabbin », aurait plus de valeur qu’un Ariel Sharon.
A-t-on oublié que c’est un « GRAND Guibor Israel » toutefois « non religieux » qui a pris l’initiative de rendre certains territoires, espérant en contre partie une petite parcelle de paix pour notre peuple.
Est-ce que c’est pour autant, que Sharon aurait une valeur négligeable et dérisoire de la part d’un grand nombre de nos coreligionnaires ?
On sent qu’une haine a été semée à l’égard de Sharon de la part d’une certaine caste religieuse juive, je trouve ce comportement de leurs part déplorable.
Aucune tolérance de la part de cette « caste » a son égard et cela me dégoûte.
Il ya des rumeurs que cette caste satanique organisait des prières pour la mort de Sharon.
Sachez chers coreligionnaires, que qui, ne dit rien consent, et celui qui consent cautionne, et si on cautionne on devient complice.
Je vous demande de ne pas être les complices de cette caste satanique sois disant religieuse ; celle la même, qui est en train de tout faire pour détruire Israël et diviser le peuple juif.
Vous ne vous êtes vous jamais demandé, pourquoi « Dieu détourne sa face des enfants d’Israël ? »
Réveillez vous peuple d’Israël et méditez sur cette question, « peut être » comprendrez vous pourquoi, arrive-il autant de tuiles à notre peuple.
Pour ceux qui me comprennent, je demande de faire des prières et de réciter le « Tehilim », (Psaumes de David) pour le prompt rétablissement de Ariel Sharon. AMEN.
Le 5 janvier 2006
Victor Cohen.
Par Shira (Shira) le jeudi 05 janvier 2006 - 01h03: |
Pourquoi seulement la communauté juive originaire de Tunisie, fête-elle la fête des filles? Intuitivement, je répondrais que cet usage aurait pu avoir été introduit dans la communauté par les Grana. On remarquera , par exemple, l'usage de la Bat-Mitzva comme le montre cette photo du site posté par notre regretté ami, Henri. Cet usage-là n'a pas été adopté par l'ensemble de la communauté et s'est même evanoui par la suite, mais il reprend de l'essor en Israel
http://www.harissa.com/D_Religion/batmitzvah1934.htm
Par Elyssa (Elyssa) le jeudi 05 janvier 2006 - 01h01: |
j'ai l'impression que vous faites une fixation sur les musulmans et ça en devient tres malsain,je n'arrive pas à comprendre pourquoi...
Cela est peut être devenu à la mode de critiquer les musulmans, et de faire du pseudo journalisme de tf1 ,avec du(copier,coller) d'articles de journaux totalement subjectifs , et des analyses pseudo intellectuelles de gauchistes à la rhétorique raciste bienveillente
mais de la part de tunes ..............
ça en devient à la longue pathétique
vous avez déçu une jeune fille de 18 ans qui était à chaque fois trés curieuse et trés contente de pouvoir découvrir une autre vision des tunsiens
Par Hajkloufette (Hajkloufette) le mercredi 04 janvier 2006 - 23h49: |
Sharon a une hemoragie cerebrale confirmee et il est mene en salle d operation
Par Hajkloufette (Hajkloufette) le mercredi 04 janvier 2006 - 23h05: |
Sharon a ete de nouveau transporte a l hopital ... avec des douleurs a la poitrine . On rappelle qu il devait subir demain une catheterisation au coeur !!!
on n a pas encore plus d infos !!!
Par Douda (Douda) le mercredi 04 janvier 2006 - 21h52: |
Douda :
Précisément Cher Henri, ce commentaire était destiné à te mettre en joie, toi qui te plaint de ne pas assez rigoler, mais bon ! va voire sur le PTB pour y chercher les textes de Douda, tu verras que tes voeux ont été exhaussés,,, au delà de tout tes souhaits,
Alors amuse toi bien, et Bonne Année 2006,
Douda du PTB
Par Claudia (Claudia) le mercredi 04 janvier 2006 - 20h37: |
La France, "homme malade" de l'Europe, par Nicolas Baverez
LE MONDE
Pour la France, 2005 restera une année terrible mais aussi un tournant. Une année terrible, rythmée par les échecs et les crises qui, dans le droit-fil du collapsus social de 1995 et du krach civique de 2002, ont acté le déclin du pays et l'éclatement de la nation. Au plan extérieur, l'échec du référendum a brisé net un demi-siècle d'engagement européen, qui constituait le dernier axe stable de la diplomatie et de la vie politique nationales. La défaite de la candidature de Paris face à Londres pour l'organisation des Jeux olympiques de 2012 a cristallisé la marginalisation de la France en Europe et dans le monde et souligné l'archaïsme d'un pays musée, en rupture avec la modernité du XXIe siècle. Enfin les émeutes urbaines, dans leur double dimension sociale et raciale, ont sanctionné la désintégration du pseudo-modèle français, le blocage de l'intégration, la balkanisation d'une société atomisée par un quart de siècle de chômage de masse.
Mais aussi un tournant pour trois raisons. La première provient de la sortie de Jacques Chirac de la vie politique : délégitimé en France, discrédité en dehors des frontières, il persiste à occuper la fonction présidentielle mais ne l'exerce plus ; il peut encore nuire mais ne peut plus agir. D'où une situation inédite sous la Ve République qui voit le président réduit à se mettre au service de son premier ministre, candidat par procuration investi de la mission de poursuivre le chiraquisme par d'autres moyens.
La deuxième tient à la prise de conscience par les Français de la crise nationale majeure que traverse le pays : la succession des revers a déchiré le voile de la démagogie qui recouvrait depuis un quart de siècle le divorce progressif de la France avec la nouvelle donne historique issue de la mondialisation et de l'après-guerre froide, découvrant aux yeux dessillés des citoyens une situation comparable à l'agonie de la IVe République, avec la guerre d'Algérie et l'inflation en moins, le chômage de masse et la guerre civile larvée en plus.
La troisième est à chercher dans l'évolution des mentalités et l'ébranlement du conservatisme de l'opinion, avec d'un côté la compréhension du caractère insoutenable d'un modèle qui condamne les jeunes générations à l'exclusion, au chômage, à la paupérisation et à un endettement explosif, de l'autre la conviction qu'il n'existe pas de solution à l'intérieur du système actuel. D'où un changement d'attitude, manifeste lors des récents mouvements sociaux vis-à-vis des deux verrous qui interdisent la modernisation du pays : la protection du modèle d'économie administrée et de société fermée issu des années 1960 ; la sanctuarisation du secteur public.
Toutes les conditions d'une situation prérévolutionnaire se trouvent aujourd'hui réunies : d'une part une crise aiguë de la représentation politique qui dépasse les gouvernants pour englober l'ensemble de la classe politique ; une insécurité économique et sociale endémique ; des finances publiques en faillite avec une dette qui s'emballe, en progression de 10 points de PIB durant le quinquennat, minant la souveraineté du pays tout en fonctionnant comme une arme de destruction massive de la croissance et de l'emploi ; enfin le mélange de honte et de colère qui s'empare des citoyens d'une nation qui est devenue la risée de l'Europe et du monde développé. De l'autre, des échecs accumulés qui amplifient les peurs et les pulsions irrationnelles.
Le refus de la Constitution européenne a libéré les tentations nationalistes et protectionnistes, conduisant à une OPA intellectuelle de l'altermondialisme sur la gauche, Parti socialiste en tête, mais aussi sur une partie de la droite puisque le président de la République ne craint pas d'affirmer que le libéralisme constitue une menace pour la démocratie équivalente à ce qu'était le communisme au temps de la guerre froide. Dans le même temps, les émeutes urbaines ouvrent un vaste espace aux passions xénophobes et totalitaires, avec à la clé un puissant mouvement de basculement à droite de la société et, comme à la veille de 2002, une montée souterraine du vote extrémiste.
Les forces centrifuges qui sont à l'oeuvre dans le corps politique et social raréfient l'espace qui serait nécessaire pour un débat apaisé sur la situation et la modernisation du pays. D'où la démarche parallèle du Parti socialiste et de l'UMP qui, à travers le congrès du Mans et le compromis sur les primaires, ont privilégié une unité de façade qui entretient une commune ambiguïté sur leur ligne politique. D'où la lancinante réactivation des détours idéologiques qui érigent la mondialisation — via l'OMC — ou l'Union européenne en boucs émissaires de la crise française. D'où la rhétorique morbide de la commémo-nation qui évince la discussion des problèmes du présent au profit de l'actualisation virtuelle du passé. Les traites et la colonisation sont assurément des tragédies historiques, mais elles ne constituent ni des concepts, ni des principes d'action qui permettent d'appréhender la condition des immigrés en France et d'apporter des solutions concrètes à l'échec de leur intégration. Aussi bien le législateur, au lieu de s'aventurer de manière hasardeuse sur le terrain des historiens, serait-il mieux inspiré de consacrer son énergie aux réformes urgentes que réclame la situation du pays.
Pour autant, il n'y a aucune raison de désespérer. Car si tout peut aujourd'hui arriver, y compris l'engrenage de la violence, la dynamique de la réforme peut également frayer son chemin dans l'esprit et le coeur des Français. Voilà pourquoi 2007 s'annonce comme un scrutin décisif pour la France et pour l'Europe. Un scrutin décisif pour la France, parce que si l'élection présidentielle de 2007 devait, à l'image de 1995 et 2002, se réduire à un débat tronqué puis conduire à la reconduction des non-choix et du prisme démagogique, clientéliste et malthusien qui a prévalu depuis les années 1980, la crise économique et sociale sortirait de tout contrôle. Un scrutin décisif pour la France, parce qu'il constitue la dernière occasion de combler le retard accumulé sur les autres démocraties développées, engagées dans une course de vitesse pour s'adapter à un monde qui met en concurrence non seulement les entreprises mais plus encore les Etats et les sociétés. Un scrutin décisif pour l'Europe, dont la France est devenue l'homme malade, contribuant notablement à sa panne actuelle, exportant sa crise jusqu'à risquer de provoquer son éclatement comme celui de l'Euroland en cas d'aggravation de sa dérive.
D'où le paradoxe des dix-huit mois qui s'écouleront avant l'élection présidentielle. Aucune amélioration fondamentale n'est à attendre dans la situation du pays, en dehors d'artifices tels qu'une baisse du chômage qui doit tout au traitement statistique et à la création d'emplois semi-publics financés par la hausse de la dette. Situation logique dès lors que les conditions nécessaires au changement ne sont pas remplies : le président de la République ne dispose plus d'aucune légitimité ; les leviers majeurs de la modernisation que sont le changement du modèle social et la réforme de l'Etat ont été d'emblée exclus ; l'action du gouvernement est tout entière orientée vers l'horizon électoral de 2007 à l'exclusion d'une vision cohérente, comme le souligne la contradiction frontale entre le recours aux pouvoirs exceptionnels propres à l'état d'urgence d'une part, la volonté de minimiser la gravité de l'insurrection des banlieues ramenée à de bénins "troubles sociaux" d'autre part ; enfin, la cohabitation hautement conflictuelle entre le premier ministre et le ministre de l'intérieur interdit l'unité et la continuité dont toutes les expériences étrangères ont montré qu'elles étaient indispensables.
Il reste que le moteur de la modernisation peut embrayer, pour peu que les Français se mettent en mouvement et imposent de centrer le débat, par leur mobilisation et leur engagement, sur la situation réelle du pays et les moyens de l'améliorer. La modernisation de la France ne dépend ni de la mondialisation ni de l'Europe, mais des Français qui conservent la maîtrise de leur destin. A condition de surmonter les tentations protectionnistes et sécuritaires, nationalistes et xénophobes, pour examiner et trancher, non pas de manière passionnelle ou démagogique mais de manière rationnelle, les questions cardinales qui ont été éludées lors des derniers scrutins : comment rétablir le couplage de l'autorité et de la responsabilité du chef de l'Etat ? quels principes utiliser pour refonder une nation ? quels changements instaurer dans l'Etat pour lui permettre de jouer son rôle de réassureur des risques globaux de l'économie et de la société ouvertes ? quels positionnements pour le système productif et le territoire français à l'horizon des années 2010 ? quelles transformations apporter au modèle économique et social pour concilier efficacité et équité, compétitivité et solidarité dans l'univers de la mondialisation ? quels leviers employer pour débloquer la société, l'ouvrir en direction des jeunes, des immigrés, des exclus ? quelles voies pour contribuer à rétablir l'unité des démocraties et relancer l'Europe ?
Pour prix des échecs et des revers dont ils sont les premières victimes, les Français ont acquis le droit de percer la bulle de démagogie et de mensonge qui dévaste la vie politique nationale depuis de trop longues années et d'accéder à une information objective sur la situation de leur pays et l'état du monde. Leur responsabilité vis-à-vis de leur patrie comme des générations futures consiste à cesser de s'en remettre à un président de droit divin ou à l'Etat pour exiger de ceux qui aspirent à les gouverner des choix cohérents dont ils assument les conséquences prévisibles. A conjurer les tentations de régression vers un passé mythique et les passions extrémistes, à sanctionner sans faiblesse les cyniques et les démagogues pour ouvrir résolument la voie à une nouvelle génération, en rupture avec la République des truqueurs et des gérontes, à qui il reviendra de reconstruire un pays moderne, puissant et respecté dans le monde du XXIe siècle.
Nicolas Baverez est économiste, historien et avocat. Auteur notamment de La France qui tombe (Perrin, 2003).
NICOLAS BAVEREZ
Par Email (Email) le mercredi 04 janvier 2006 - 19h16: |
Par Mounia (Mounia) le mercredi 04 janvier 2006 - 18h52: |
La charia ou l’islam, il faut choisir
PROPOS RECUEILLIS À TUNIS PAR DOMINIQUE MATAILLET
Un musulman peut-il vivre et pratiquer sa religion dans n’importe quelle société, aussi permissive soit-elle ? Oui, absolument, répond l’historien et penseur tunisien. Mais à une condition : l’abandon pur et simple de la Loi islamique telle qu’elle a été conçue il y a dix siècles.
« Moi, Mohamed Talbi, je peux vivre ma vie et mon éthique de musulman dans n'importe quelle société, aussi permissive soit-elle. Parce que je m'assume en conscience sans m'immiscer dans les affaires des autres. »
Ces deux phrases ne suffisent pas, évidemment, à donner toute la mesure de la pensée de cet historien tunisien de 84 ans*. Au moins en donnent-elles le ton. À ses yeux, il n'y a rien, absolument rien d'inconciliable entre la pratique de l'islam le plus authentique et la modernité d'origine occidentale, y compris sous ses aspects les plus extravagants. À une condition : l'abandon pur et simple de la charia. Autant le message de Dieu transmis à Mohammed à travers le Coran a une portée définitive, autant le corpus de textes juridiques élaboré par des hommes dans des circonstances particulières, le monde arabe d'il y a plus de dix siècles, peut et doit être complètement remis en question. Ce que l'homme a fait, l'homme peut le défaire.
Si l'islam est clairement compatible avec la démocratie, la laïcité et bien entendu les droits de l'homme, il n'est pas pour autant une vague croyance en un Dieu tout-puissant et miséricordieux dont Mohammed serait le dernier des prophètes après ceux des juifs et des chrétiens. L'observance y tient une part essentielle, consubstantielle, notamment sous la forme de deux prescriptions fixées dès le début du Coran, dans la sourate II : la prière et la zakat, l'impôt de purification.
Comme Mohamed Talbi le rappelle dans l'un de ses derniers ouvrages, Universalité du Coran (Actes Sud, 2002), le Livre saint est un texte achevé, définitivement clos. On ne peut rien y ajouter ni en retrancher. Mais le message qu'il nous livre est infiniment ouvert à la lecture et à la méditation. Cette lecture peut être tournée soit vers le passé et les Anciens (salaf), comme le font les salafistes, soit vers l'avenir, et c'est ce que propose l'historien tunisien.
Par-delà la lettre, il cherche à placer chaque question dans le dessein global de Dieu. Il a donné à cette méthode le nom de « vecteur orienté » et prend souvent comme exemple l'esclavage. Plusieurs versets en parlent comme d'un phénomène social normal. Faudrait-il le maintenir pour rester fidèle au Coran ? Il est clair, affirme Mohamed Talbi, que la recommandation de bien traiter les esclaves et la multiplication des incitations à les affranchir sont une étape vers l'abolition de cette pratique. Le même raisonnement peut s'appliquer à la polygamie, dont la réglementation dans le Coran était une avancée pour les femmes à l'époque du Prophète.
Si Mohamed Talbi rappelle le caractère contraignant des prescriptions de l'islam, qui est d'abord une expérience existentielle, une relation continue avec Dieu, notamment à travers la prière, il insiste tout autant sur le fait que la foi est un choix individuel et non la conséquence de l'appartenance à une communauté. « Nulle contrainte en religion », ne cesse-t-il de clamer en citant le Coran.
En cela, il se différencie fondamentalement des islamistes, dans lesquels il voit les ennemis de la liberté par excellence. Mais il ne veut pas non plus être confondu avec ceux de ses collègues qui travaillent à la rénovation de la pensée musulmane en s'attaquant au caractère sacré du Coran. Comme on le verra dans les pages qui suivent, il ne fait guère preuve de mansuétude à l'égard de ceux qu'il appelle les « désislamisés ».
Jeune Afrique/L'intelligent : Que vous inspire la poussée des Frères musulmans en Égypte ?
Mohamed Talbi : Il me semble que c’est un peu dépassé d’analyser le problème religieux à partir des Frères musulmans. Si l’organisation existe toujours, elle a perdu de son
influence, de sa cohésion. Elle s’est fondue dans un mouvement islamiste plus large, qui englobe tous les salafistes, tous les passéistes, tous ceux qui veulent appliquer la charia. Et où l’on retrouve les wahhabites saoudiens.
J.A.I. : Ne peut-on rapprocher certains islamistes du Maghreb des Frères musulmans ?
M.T. : En Tunisie, je ne vois pas de Frères musulmans. En Indonésie, au Pakistan, non plus. Ce sont des salafistes. Ils ne se réclament pas de Hassan al-Banna. Ceux qui se réclament de lui sont aujourd’hui à l’état résiduel. Au fond, les Frères musulmans restent un phénomène égyptien. C’est le wahhabisme qui est en train de s’étendre. En s’assouplissant, il devient un pôle d’attraction avec une revendication commune : l’application de la charia. Tous disent : peu importe le système de gouvernement, démocratie ou dictature. Ce que nous voulons, c’est la charia.
J.A.I. : On voit quand même des islamistes participer au jeu démocratique, comme en Algérie ou au Maroc.
M.T. : Ne me parlez pas d’islamistes qui jouent le jeu démocratique ! L’islamisme et la démocratie sont totalement inconciliables. Pour l’islamiste, le législateur, c’est Dieu. Et c’est tout. Pour un démocrate, la souveraineté appartient au peuple. L’un dit : la souveraineté est transcendantale ; l’autre dit : elle est horizontale. Il y aura toujours cette pierre d’achoppement qu’est la charia. Même s’ils mettent une sourdine à l’application des houdoud, les peines mutilantes, ils n’y renoncent pas. Ou alors, qu’ils déclarent solennellement les houdoud obsolètes.
Ils peuvent par taqiyya, dissimulation tactique, temporiser. Parce que la solution existe dans la charia. Chiites, sunnites ou kharidjites se sont tous ménagé un tel refuge. Mais, sur le plan doctrinal, ils ne renoncent pas. À moins qu’ils ne changent radicalement leur système de pensée et ne déclarent que la charia est faite de la main de l’homme et qu’elle n’oblige pas, qu’il n’y a que le Coran qui oblige le musulman.
J.A.I. : C’est votre credo ?
M.T. : Oui, moi, je suis un musulman coranique. Je dis toujours : je n’adore ni Ali, ni Omar, ni aucun homme. Ce qui ne signifie pas que je ne les admire pas sur un certain plan,
mais comme on admire un homme, avec ses qualités et ses défauts. Je pourrais dire par exemple qu’Ali était un mollusque, un invertébré, alors qu’Omar était astucieux et assez manipulateur. Il a succédé à Abou Bakr par un coup de force. Sur le plan historique, il a réussi un coup formidable. Après la mort du Prophète, il a évité la dispersion des musulmans, car l’esprit tribal n’était pas mort. Les compagnons du Prophète ont agi comme des hommes politiques et utilisé tous les moyens pour prendre le pouvoir. Ils ont violé, tué des femmes et des enfants…
Comment voulez-vous que je puisse admirer aveuglément le salaf ?
J.A.I. : Donc,les musulmans n’étaient pas meilleurs que les autres.
M.T. : Ce n’est pas parce qu’on est musulman qu’on devient un saint ! On garde les mêmes instincts.
J.A.I. : Quelle est votre définition de la Oumma ?
M.T. : Ni une communauté ni une nation, c’est une entité spirituelle. Pourquoi devrait-on en faire une communauté ghettoïsée ? La ghettoïsation fait beaucoup de mal. C’est le Liban. On vous catalogue comme musulman, parce que votre arrière-arrière-grand-père était musulman. Il faut rénover totalement la pensée musulmane. La première chose à faire est de libérer les musulmans de la charia et de l’emprise des oulémas. Après quoi, les choses bougeront. Tous ces mouvements islamiques qui se disent démocratiques sont seulement cyniques.
J.A.I. : Vous pensez à qui ?
M.T. : Rached Ghannouchi, le Tunisien, se dit démocrate. Parce qu’il sait très bien qu’il n’a aucune chance de prendre le pouvoir par la force. Il se dit: peut-être ai-je une chance par le biais de la démocratie. Et une fois au pouvoir, il tordra le cou à la démocratie. Et instaurera un régime à la manière des talibans. Parce que le régime islamique idéal, ce n’est pas celui des Frères musulmans, mais des talibans. Ils appliquaient la charia intégralement. Ils disaient aux femmes : vous n’avez pas le droit d’aller à l’école. La charia, c’est ça. La femme ne doit pas apprendre à lire et à écrire.
J.A.I. : Il y a des islamistes modérés qui font le tri dans la charia et ne veulent pas aller jusque-là. Exemple, le parti membre de la majorité présidentielle en Algérie...
M.T. : Oui, mais il faut toujours compter avec la dissimulation tactique. Qu’ils disent franchement : liberté absolue pour ceux qui veulent boire comme pour ceux qui ne veulent pas boire. Cela rentre dans le cadre de la foi, qui repose sur la liberté. Celui qui ne boit pas parce qu’il ne le peut pas n’a aucun mérite. Et il est quand même immoral d’obliger quelqu’un à boire en cachette.
C’est toujours le même cas de figure. Ils comptaient prendre le pouvoir par la force. Ils ont échoué. Il ne leur reste que la voie démocratique. Une fois au pouvoir, ils feront ce que fait l’Iran et surtout ce que faisaient les talibans.
J.A.I. : Ils se montrent parfois de bons gestionnaires à la tête de municipalités.
M.T. : Je ne dis pas le contraire. Parce qu’ils sont engagés idéologiquement, ils réussissent beaucoup mieux, sur le plan social, que tous les autres. Au Maghreb, il n’y a plus de parti qui soit vraiment propre. L’opportunisme règne. Fini les médecins qui travaillent pour rien, les enseignants qui encadrent gratuitement les enfants pauvres. Sauf chez les islamistes. Pour cela, chapeau !
J.A.I. : Vous dites souvent : « On ne combat pas les idées islamistes par la seule répression. »
M.T. : Combattre les islamistes par la coercition, la prison, la torture, c’est inacceptable et surtout totalement inefficace. La liberté est indivisible. J’ai beau ne pas être d’accord avec ses idées, lorsqu’on prive un islamiste de ses droits, je suis de son côté. Comme je pourrais être du côté des communistes athées. La seule chose que je défends avec véhémence, c’est la confrontation des idées et la liberté pour tout le monde. C’est à la société de choisir son devenir en connaissance de cause. Pas de mensonge, de camouflage. Voici mes idées, défendez les vôtres sans dissimulation, expliquons-nous.
Si je dois parler à un islamiste, moi qui suis musulman de foi et de pratique, mais exclusivement coranique, je lui demande : est-ce que, oui ou non, vous pensez que la sunna a force de loi ? Et que le hadith est authentique ? Répondez en toute franchise. Et lorsqu’il commence à louvoyer, je lui mets un hadith sous les yeux : « Quiconque change sa religion, tuezle ! » Est-il authentique ou non ? S’il me dit qu’il est authentique, il est en accord avec lui-même. Mais il n’y a aucun accord entre nous. Nous ne pouvons pas dialoguer si vous demandez ma tête parce que vous me déclarez apostat. Mais tant que vous me dites que le hadith est authentique et oblige, je vous combats. Désignez franchement la société que vous voulez faire, celle où l’on coupe des mains parce qu’on prétend que le Coran le dit. Ma lecture du Coran me fait penser qu’il ne le dit pas. Et pour l’adultère, vous tuez ou ne tuez pas ? Dites que vous voulez d’une société où l’on lapidera, uniquement les femmes d’ailleurs, parce qu’il est impossible d’établir l’adultère pour l’homme. Les hommes ont pris leurs précautions !
J.A.I. : Vous espérez convaincre les islamistes ?
M.T. : Il faut les acculer, les obliger à se démasquer, à dire comment ils veulent organiser la société de demain. Permettez-vous à l’homme de châtier corporellement sa femme ? Ou sa sœur ou toutes les « femelles » sous sa coupe ? Il y a un verset coranique à ce sujet. Vous l’appliquez ou vous ne l’appliquez pas ?
J.A.I. : Pensez-vous que l’islamisme a encore un avenir au Maghreb ?
M.T. : Non. Si les choses se passent honnêtement, la société civile l’emportera. Au maximum, les islamistes pourront faire des scores entre 15 % et 20 %. À condition de les démasquer. De dire aux femmes qui vont voter : voulez-vous que les hommes prennent un fouet et vous flagellent ? Sans encourir aucun châtiment ? Les islamistes disent : ah non, nous ne faisons pas ça. Je leur réponds : alors déclarez abrogé ce verset coranique. En public. Ils ne le feront jamais.
Je considère que notre avenir de musulmans dépend de notre aptitude à rénover notre pensée pour vivre notre foi en accord avec la modernité. Et je prétends que c’est possible. À une condition : l’abolition de la charia. Dieu nous met en garde contre les oulémas. Je cite un verset: «Malheur à ceux qui écrivent de leurs mains et disent : ceci vient de Dieu. »
Nous avons vécu deux siècles sans oulémas et sans hadiths. Tout cela a été construit au IIIe siècle de l’Hégire. Le recueil de Boukhari [mort vers l’an 250 de l’Hégire] est devenu le Coran des salafistes. Pendant deux siècles, donc, il n’y avait pas de charia. Elle a connu ses premiers balbutiements avec Malik ibn Anas. Et encore, Al-Muwatta, qu’a écrit Malik, mort en 179 [795 après J.-C.], est un opuscule ne contenant que sept cents traditions environ. Et l’on est arrivé par la suite à 50 000 traditions avec Ibn Hanbal. Comment se peut-il que l’homme qui a été en contact avec les compagnons du Prophète n’a retenu que quelques centaines de hadiths, et qu’on en est arrivé par la suite à 50 000 ?
J.A.I. : Pourquoi ces données historiques sont-elles si mal connues ?
M.T. : Les dictatures interdisent tout débat. Sans elles, on aurait avancé énormément.
J.A.I. : Pourtant, on voit fleurir les livres sur la rénovation de la pensée musulmane.
Comme celui de votre compatriote Abdelmajid Charfi, L’Islam entre le message et l’Histoire.
M.T. : Oui, mais il n’y a pas de discussion autour de ces livres. On les sort, un point c’est tout.
Prenons l’ouvrage de Charfi [édité par Albin Michel, en 2004]. La traduction, soit dit en passant, est mauvaise. Il prône un islam exclusivement identitaire. Sans conviction de foi et sans obligation cultuelle. Le Coran est un texte historique, probablement dû à une espèce de fermentation dans la tête de Mohammed, un homme de tempérament extatique objet d’une multitude d’influences. À partir de cette fermentation, il a commencé des allocutions, qui n’ont été conservées ni dans leur intégralité ni dans leur authenticité – elles ont subi les aléas de l’Histoire –, ce qui a donné la vulgate actuelle.
Il y a deux façons de fermer la prophétie. Comme une maison. Ou bien on la ferme de l’intérieur, et on reste prisonnier de la maison: c’est ainsi que les musulmans ont compris la fermeture de la prophétie. Ou bien on ferme la maison de l’extérieur, on met la clef sous la porte et on vide la maison. L’homme est devenu majeur et libre. Il fait ce qu’il veut. Il prie comme il veut, quand il veut. Il n’est tenu par aucun culte. Ce qui reste, c’est une éthique.
C’est exactement ce que veulent faire certains gouvernements. On ferme les mosquées, on n’apprend plus le Coran. Le culte? Aux oubliettes. Qu’est-ce qui reste ? Des gens qui disent : on a un bon vieux livre qui a été fabriqué au cours de l’Histoire, dont l’initiateur était probablement un certain Mohammed. Les orientalistes parlaient d’un épileptique, on dit aujourd’hui un extatique. Il n’y a pas grande différence. Si on appelle cela islam, je ne vois pas la différence avec l’athéisme.
Il y a toute une école qui va dans ce sens. Son siège est à la Manouba [une des universités de Tunis], et le dénominateur commun, c’est la désacralisation du Coran.
J.A.I. : Alors, le travail d’Abdelmajid Charfi est, à vos yeux, sans intérêt.
M.T. : Dans son livre, il n’y a rien de sérieux. Il fait dire à l’Histoire ce qu’elle ne dit pas. En glanant un mot par-ci un mot par-là, mais surtout en prenant le folklore pour l’Histoire. Il rapporte toutes les naïvetés, toutes les stupidités colportées par les conteurs publics. Il dit, par exemple, que les Arabes ne savaient pas ce qu’était un livre. Le mot livre dans le Coran ne signifie pas livre. Pas un livre en papier, en tout cas. Comment voulez-vous que je prenne au sérieux une ânerie de ce genre ? Charfi dit encore qu’on ne sait pas comment le Prophète déclamait les fragments qu’on peut lui attribuer. Était-ce sur le ton de la menace ou de l’amadouement ? Quel était le timbre de sa voix ? Quelle était sa mimique ? Je demande : est-ce qu’il faut que Sophocle soit là pour m’indiquer comment jouer sa tragédie ? Est-ce qu’il faut que Platon soit là pour me dire comment vivre sa cité idéale ? Faut-il que Kant soit là pour me dire comment lire sa Critique de la raison pure ? Charfi divague.
J.A.I. : Parmi les autres recherches autour de la rénovation de l’islam, lesquelles, à vos yeux, vont dans le bon sens ? Que pensez-vous, par exemple, du dernier livre de Sadok Belaïd ?
M.T. : Il était mon élève. Je connais bien son livre [L’Islam et le droit. Une nouvelle lecture des versets prescriptifs, Centre de publication universitaire, Tunis, 2000], qui donne le point de vue du juriste. Il traite en particulier de la charia. Son livre est bon, mais on ne peut pas dire qu’il rénove la pensée musulmane. Car il ne touche pas aux questions fondamentales. Il lui manque la connaissance de toute la littérature classique sur le sujet.
Cette littérature est à la fois énorme et peu accessible. Il s’agit d’une langue technique, dont les concepts, marqués par leur temps, ne sont plus en usage, même chez les oulémas. Il n’y a rien de plus difficile que de lire, par exemple, le Kitab al-Oum de Châfi‘î (150-205 de l’Hégire), le fondateur de la méthodologie du droit et de la charia.
Souvent, aussi, les textes sont très mal établis. Dans un ouvrage d’exégèse fondamental comme le Tafsir de Razi, il n’y a pas une seule page qui soit sans embûche. Seul celui qui a l’habitude devine et réussit à rétablir le texte. Dans les manuscrits anciens, il y a des points diacritiques qui manquent ou qui ont été mis de travers. Lorsqu’il s’agit d’un tétragramme de consonnes, on s’y perd complètement. Parfois, c’est le copiste lui-même qui a mal lu l’original.
Malheureusement, dans notre enseignement théologique, on ne forme pas de chercheurs rompus à cette technique. Les oulémas, par ailleurs, ne connaissent que l’arabe. Ils n’ont aucun moyen de comparaison, aucune idée de ce qu’est la science des religions ou la critique des textes. Ils ne savent rien de ce qui s’écrit en Europe et remet en question tout le savoir ancien.
J.A.I. : Vous parlez des chercheurs tunisiens ou arabes en général ?
M.T. : Les chercheurs tunisiens sont infiniment mieux formés, même si l’université de la Zitouna reste très traditionnelle. Nous avions voulu la rénover. J’ai moi-même présidé à la fin des années 1990 une commission, et nous avons proposé des manuels qui constituaient un progrès énorme. Ils ont été refusés, car ils heurtaient certaines manières de faire. Nous avions voulu introduire l’étude de l’hébreu, du latin. Comment voulez-vous connaître la littérature médiévale européenne si vous ignorez le latin ? Il faut parfois aller au texte.
Un exemple : le Credo de Nicée [adopté au cours du concile de 325 et dans lequel le Fils est déclaré de la même substance que le Père]. Il n’y a aucune traduction qui soit parfaitement adéquate, y compris celle qui est dans le catéchisme de l’Église catholique. Un texte aussi fondamental est très difficile à rendre en français, en allemand ou en anglais. Lorsqu’on est un spécialiste, on doit connaître la langue fondamentale de son domaine. Un spécialiste du christianisme ne peut ignorer ni le latin ni le grec. Parce que l’original du latin est grec. Le Septante, le premier texte de la Bible, a été écrit en grec. Je n’y ai pas accès, et je sens que cela me manque.
J.A.I. : Quels penseurs actuels, en Tunisie, vous semblent néanmoins intéressants ?
M.T. : Parmi les penseurs musulmans actuels figurent des zitouniens produisant des travaux classiques, qui n’innovent en rien mais sont utiles. H’mida Ennaifar, un imam connaissant bien le français, me semble un des plus intéressants. De même que Kamel Omrane, qui enseigne à la Manouba et écrit en arabe. Il y a en effet toute une génération qui lit le français, le parle, mais n’est pas à l’aise dans l’écriture de cette langue. Je peux citer aussi Amel Grami, qui elle aussi aborde les questions actuelles.
Les autres sont des islamologues. Leurs écrits, même en arabe, sont influencés par l’orientalisme. Ils en sont des continuateurs. Annie Laurent, une Française, l’a bien vu. Nous n’avons plus besoin, dit-elle, de poursuivre la polémique avec l’islam, des musulmans s’en chargent. De nombreux auteurs écrivent sur l’islam avec distanciation, en mettant en perspective un islam qu’ils ne pratiquent plus, auquel ils ne sont qu’identitairement attachés.
J.A.I. : Mais leurs travaux ont leur utilité ?
M.T. : Je les lis. Mais je ne peux pas dire que je trouve plus chez Charfi ou chez Djaït que chez n’importe quel islamologue.
J.A.I. : Hichem Djaït n’est pas un penseur musulman ?
M.T. : Il le reconnaît franchement. C’est pour cela que je l’apprécie. Il a écrit un livre sur Mohammed où il dit : « Pour moi, ce n’est pas un prophète. Je l’aborde en tant qu’homme. » Il admet qu’il n’est pas croyant et met entre parenthèses l’aspect métaphysique ou théologique. Il est honnête. Issu d’un milieu d’oulémas, il avoue conserver une certaine nostalgie pour la religion dans laquelle il a fait ses premiers pas. Mais, dit-il encore, il vaut mieux penser la modernité sans Dieu. Au moins, c’est clair.
Mais Djaït, pour un musulman qui a une connaissance limitée de la religion, c’est comme Drewermann pour un chrétien qui a fait un peu de catéchisme. Eugen Drewermann, qui est un psychiatre, n’est pas facile à déchiffrer. Mais il est séduisant, il dit qu’il faut tout casser. L’Église ne le considère plus comme un chrétien, mais lui se considère encore comme tel. Vous mettez un de ses ouvrages entre les mains d’un jeune chrétien : ou bien il n’y comprend rien, ou bien il abandonne sa foi.
Avec Djaït, c’est la même chose. Soit le lecteur n’y comprend pas grand-chose, soit il dit : je me convertis à un islam où il vaut mieux se débarrasser de Dieu, parce que c’est plus confortable.
À la différence de Djaït, d’autres désislamisés ne le reconnaissent pas franchement. Le meilleur exemple, en France, c’est Mohamed Arkoun. Il est chrétien avec les chrétiens, musulman avec les musulmans, juif avec les juifs. Il est tout ce qu’on veut. Avec lui, c’est le démantèlement du Coran, un livre de violence. Il ne faut pas l’enseigner, il faut le déconstruire, le supprimer, etc. Il dit : moi, je m’intéresse au fait religieux.
Le Coran rentre dans le fait religieux, comme la Bible ou les upanishades indiennes.
Les désislamisés veulent créer ce qu’ils appellent un islam laïc. Un islam sans Dieu. Et cet islam est en train d’attirer beaucoup de monde, parce qu’il est commode. Il n’y a plus aucune obligation, il se réduit à une identité. Hamadi Redissi, un professeur de droit [et auteur de L’Exception islamique, éd. du Seuil, 2004], demande : quand les musulmans vont-ils comprendre que leur Coran est apocryphe ? Lorsque j’ai écrit dans une revue tunisienne que Redissi n’est pas musulman, il a répondu qu’il est musulman à sa manière. Il ne veut pas renoncer à son identité.
J.A.I. : Vous souhaitez faire partager vos convictions ?
M.T. : Pas du tout. Je ne fais pas partager mes convictions. Je les expose comme le marchand de légumes expose ses salades. Il expose, mais ne dit jamais « Choisissez ma salade plutôt que des tomates. » D’ailleurs, je n’offre jamais un de mes ouvrages à qui que ce soit. Ce serait une manière détournée de lui dire : lisez-moi. Je ne pratique pas le harcèlement religieux. Dieu me dit dans le Coran de témoigner (chahada), c’est tout.
J.A.I. : Ne souhaitez-vous pas que les Tunisiens vivent dans le vrai islam ?
M.T. : Je ne souhaite rien du tout. Parce que souhaiter, c’est, déjà, vouloir influencer. Je témoigne, et c’est à chacun, librement, en conscience, de souhaiter ce qu’il veut être. Je n’ai même rien souhaité pour mes enfants. Ils sont loin de partager mes idées.
Dieu a donné la liberté à l’homme pour qu’il soit capable de désobéir. Il faut qu’il soit capable de mentir pour qu’il y ait la vérité. Si l’homme n’était pas sciemment, intelligemment, consciemment capable de parler faux et de tromper, il ne serait pas libre. Il serait conditionné.
Pourquoi voulez-vous que je fasse ce que Dieu n’a pas fait ? Si Dieu souhaitait que tous les hommes soient musulmans, ils le seraient tous. Ou chrétiens, ou juifs, ou bouddhistes. Mais Dieu n’a rien souhaité. Dans le Coran, il ne fait même pas de miracle. Pour ne pas influencer l’homme. Rien, pas un seul miracle. Des signes seulement. Regardez les signes, dit-il, et faites ce que vous en voulez. Ou vous me trouvez, ou vous ne me trouvez pas.
Le prosélytisme doit être banni de la tête de tout musulman. Et plus encore évidemment l’assassinat pour apostasie. Il n’en est nullement question dans le Coran.
J.A.I. : Qu’est-ce qui définit, en fin de compte, le musulman ?
M.T. : C’est le Coran qui le dit. Au début de la sourate II, Dieu dit : « Voici le Livre ! Nul doute à son sujet. Guidance pour ceux qui craignent Dieu. Ceux qui croient en l’Invisible. » La foi, justement, commence à partir du moment où, du visible, on fait le saut dans l’invisible. C’est un acte libre. Il n’est pas mathématiquement contraignant. Un mathématicien devant une équation n’a pas 36 000 solutions, mais une seule. Il est contraint de suivre un raisonnement et pas un autre. L’homme de foi, non.
Le musulman est celui qui croit dans le Livre, qui croit dans l’invisible, qui s’acquitte de la prière, de la zakat. Laquelle n’est pas un impôt pour faire des routes, mais une imposition pour purifier les biens : je ne peux manger mon pain qu’en en donnant une part à celui qui n’en a pas.
Le musulman est aussi celui qui croit à toutes les révélations précédentes. Je crois que Dieu a parlé à l’homme à partir du moment où il est devenu homme, il y a quelques dizaines de milliers d’années. À partir du moment où il a reçu un langage avec une grammaire et avec des mots qui lui permettent l’abstraction. Sans abstraction, point de Dieu. L’animal est incapable d’abstraction. Et c’est lorsque l’homme a pu conceptualiser que Dieu lui a parlé. Tel Adam, l’homme auquel Dieu a parlé.
J.A.I. : Où est la frontière entre les musulmans et ceux que vous appelez les désislamisés ?
M.T. : Je ne peux interdire à personne de porter le label de musulman, mais le musulman, c’est celui qui est tenu par le Coran. Je prendrai une image. L’islam est comme une tente. Avec quatre piliers et un sommet. Le sommet, c’est la chahada. La prière, la zakat, le jeûne et le pèlerinage forment le carré que couvre la tente. Ceux qui sont à l’intérieur de la tente sont musulmans.
J.A.I. : En pratique, la plupart des musulmans appliquent comme ils veulent la religion, font le ramadan mais pas la prière…
M.T. : Oui, mais ils restent des musulmans virtuels. Du moment qu’ils s’acquittent ne serait-ce que d’une seule prescription. Et même lorsqu’ils ne s’acquittent d’aucune prescription mais conservent l’esprit de repentir, ils font partie de la Oumma, virtuelle.
Elle inclut ceux qui croient au caractère obligatoire des prescriptions, ne les rejettent pas par principe, mais se disent : je n’ai pas le temps, je n’ai pas envie, j’ai mes préoccupations, mais un jour…
À ceux dont la vie ne permet pas de respecter les prescriptions, je dis : faites comme le Prophète. Lorsqu’il était sur sa monture et que l’heure de la prière arrivait, il la faisait avec les yeux. Il récitait le Coran en remuant les paupières. Cela prend trois ou quatre minutes. Personne ne s’en aperçoit. J’ai souvent prié de cette façon en voiture ou dans l’avion.
J.A.I. : Et cette prière est valable ?
M.T. : Absolument. Prenons l’exemple du chirurgien. Il ne peut laisser un malade mourir pour aller faire sa prière. Soit il fait toutes ses prières en une fois, le soir. Ou bien, en manipulant le bistouri, il pense à Dieu, il balbutie quelques versets, il fait le geste avec les yeux.
Pour le ramadan, si je n’ai pas envie de jeûner, je peux ne pas jeûner. Et le jour où j’en ai envie, je rattrape. C’est absolument valable. Pourquoi devriez-vous crever de soif pendant l’été ? Si vous n’êtes pas convaincu, cela ne sert à rien. Jeûner sans conviction est stupide. C’est une privation pour rien. Ou bien ça vient du cœur, ou bien ce n’est pas la peine.
J.A.I. : Vous parliez de témoignage. Qu’est-ce à dire, concrètement ?
M.T. : Dieu a donné une langue, des mains, des yeux à tout le monde. Chacun témoigne à sa façon. Le chanteur témoigne en chantant et la danseuse en dansant. Et c’est très bien. Moi, je témoigne en écrivant, comme Michel Houellebecq.
J.A.I. : Drôle d’exemple…
M.T. : Il m’est très sympathique. C’est un homme franc, et j’aime la franchise.
J.A.I. : Vous avez lu ses livres ?
M.T. : Oui, j’en ai lu un. J’ai même écrit un article pour le défendre. Pourquoi chercher
des noises à cet homme parce qu’il dit ce qu’il pense ? Il a dit que l’islam est la religion la plus con du monde. Pourquoi pas ?
J.A.I. : Il peut dire cela dans un roman. Mais il l’a dit dans les médias, ce qui est autre chose.
M.T. : Mais il peut dire ce qu’il veut et partout. Je peux dire que le Coran, c’est de la connerie : je ne diffame personne en particulier. Si on m’interdit de le dire, il n’y a plus de liberté. Si je ne suis pas libre de dire que c’est de la connerie, je ne suis pas libre non plus de dire que c’est la vérité. Les deux libertés sont liées.
J.A.I. : En France, dire que l’islam est de la connerie est éminemment contestable. Sur le plan de la coexistence entre les communautés, c’est très dangereux…
M.T. : C’est dangereux parce que les gens, même en France, ne sont pas encore mûrs pour accepter l’autre tel qu’il est. On peut le trouver hideux, mais il est libre d’être hideux. Une seule chose que l’homme n’est pas libre de faire, c’est attenter à l’autre.
Je prends un autre exemple : Karl Barth, ce théologien suisse qui a renouvelé la pensée protestante. Dans The Church and the Churches, publié en 1939, il écrit, en substance, que le national-socialisme est un nouvel islam. Et que Hitler est son nouveau prophète. C’est stupide. Mais je ne me sens pas pour autant offensé. Il exprime sa pensée en toute liberté. Et si on considère qu’il a offensé l’islam, il a encore offensé davantage les chrétiens en leur disant que leur Évangile, c’est de la mythologie.
L’Église n’a pas excommunié Karl Barth, elle ne l’a pas empêché d’écrire et de publier, il a seulement été interdit d’enseignement. Tout ça pour dire que la liberté, c’est notre bien le plus précieux. Ce qui fait de nous des hommes. Voilà pourquoi je hais la dictature. Même si elle ne touche pas matériellement, elle affecte ce qu’il y a de plus précieux en moi : mon esprit. Elle m’oblige à croire des âneries. Elle ânifie tout un peuple. Y a-t-il crime plus grand ?
J.A.I. : Que pensez-vous du Conseil français du culte musulman ?
M.T. : Je pense qu’il est nécessaire. Ne serait-ce que pour exercer un certain contrôle sur les lieux de culte, qui ne doivent pas être livrés à des gens qui s’autoproclament imams et disent n’importe quoi.
J.A.I. : Le recteur de la mosquée de Paris a passé un accord avec le recteur d’Al-Azhar pour la formation d’imams français. Est-ce une bonne chose ?
M.T. : Je ne pense pas. Parce qu’Al-Azhar est une université conservatrice et va former des imams très conservateurs, à moins qu’ils ne reçoivent un complément de formation en France. II faut créer une institution française de formation d’imams, ou augmenter la capacité de celles qui existent.
L’islam est aujourd’hui une religion de France. Il faut refuser, me semble-t-il, l’islam identité. L’islam authentique est une option individuelle. Le musulman, en France, doit être français comme tous les Français.
J.A.I. : On progresse dans cette direction…
M.T. : Mais c’est la seule solution. Le communautarisme est extrêmement dangereux, parce qu’il peut devenir séparatiste. La Grande-Bretagne, qui est un royaume uni, peut s’en accommoder. Mais elle ferait mieux de ne pas encourager un communautarisme musulman. Un jour ou l’autre, cette communauté musulmane provoquera un sentiment de rejet de la part des autres. Et c’est déjà le cas depuis les attentats de Londres. En temps de crise, elle devient une cible.
Les protestants français étaient une cible jusqu’au début du XIXe siècle. C’est fini depuis qu’ils ne sont plus une communauté protestante.
Il vaut mieux que la religion soit ce qu’elle est, essentiellement un chemin vers Dieu. Une voie spirituelle. Qui n’a rien à voir avec la politique, avec une communauté, une organisation régionale ou nationale. C’est une réponse à un appel de l’au-delà. Et c’est tout. La Oumma n’est pas une communauté. C’est une traduction qui fait beaucoup de mal. Je l’ai utilisée moi-même, mais en précisant qu’elle n’est pas une communauté géographique, qu’elle est une communauté de prière et non pas de pierre… Maintenant j’évite le mot. C’est une entité spirituelle.
J.A.I. : Les islamistes qui pratiquent le terrorisme restent dans votre Oumma ?
M.T. : Attention ! C’est comme un violeur français. Est-ce qu’il cesse d’être français ? Non. Mais il relève de la loi. Un musulman qui commet un attentat relève de la loi, tout simplement. Comme n’importe qui. Mais on ne peut incriminer l’islam. Dans la Oumma, on peut trouver de tout, y compris des criminels. Il y a bien des délinquants sexuels qui sont en même temps des prêtres. On ne peut pas condamner le christianisme pour autant.
J.A.I. : À ma connaissance, ces prêtres ne sont pas excommuniés.
M.T. : Évidemment qu’on ne peut pas les excommunier. On n’enlève pas sa nationalité à un violeur. Ou à quelqu’un qui a commis un crime de sang. On peut mettre en prison ceux qui
sont en infraction avec la loi, mais de quel droit les priver de leur nationalité ? Et même si on déchoit quelqu’un de sa nationalité, où ira-t-il ?
J.A.I. : On peut étendre cette idée à la religion ?
M.T. : C’est pareil pour la religion. Je n’ai aucun droit de rejeter quelqu’un. Il peut de lui-même se rejeter. Un Français peut dire : je prends une autre nationalité. S’il la trouve. En religion, c’est la même chose. On peut dire : moi, je ne suis plus chrétien ou juif, j’opte pour une autre confession, ou je les rejette toutes.
J.A.I. : Que pensez-vous de Tariq Ramadan ?
M.T. : Je le connais bien. Si on le marginalise, on coupe les ponts avec tout un monde salafiste qui voit l’islam comme lui. Il est Frère musulman à l’origine, mais il est en train d’évoluer. Et puis, tous ceux qui prient et vont à la mosquée font partie de ma Oumma. C’est son cas. Il n’a d’ailleurs jamais fait l’apologie du crime. Et, s’il le fait, c’est l’affaire des tribunaux.
J.A.I. : Mais vous avez dit qu’il y a des islamistes qui avancent masqués. Qui, derrière un discours lénifiant, sont des partisans de la charia dans ce qu’elle a de plus sévère.
M.T. : Ils ont le droit d’être partisans de la charia. S’ils respectent la loi, ils peuvent défendre leurs idées. On peut être un citoyen français et un fondamentaliste chrétien. Les Évangélistes ou les adeptes du New Age ont le droit d’exprimer leurs idées.
J.A.I. : Tariq Ramadan est soupçonné d’être partisan d’un régime islamique.
M.T. : Il n’a jamais été clair sur le sujet. C’est son droit, comme c’est mon droit de le mettre au pied du mur. J’ai essayé de le faire lors d’un colloque à Cologne. Mais le modérateur m’a empêché de le pousser dans ses retranchements.
Quoi qu’il en soit, il a le droit de dire : je fais un parti pour que les Français revendiquent l’application de la charia en France. Comme on peut réclamer une loi autorisant le mariage homosexuel. Ou encore une loi qui autorise le mariage entre mère et fils. Pourquoi pas ? C’est une loi aberrante. Comme la charia est une loi que la majorité considère comme aberrante. Mais s’il y a une majorité pour l’application de la charia, je n’ai qu’à me taire. La souveraineté appartient au peuple.
Mais ce qui est autorisé n’est pas imposé. Moi, Mohamed Talbi, je peux vivre dans une société où des lois autorisent la polyandrie, la polygamie, l’inceste, l’homosexualité, la pédérastie. Si rien ne m’oblige bien entendu à vivre l’application de ces lois.
J.A.I. : Il y a là des choses qui choquent votre conscience ?
M.T. : Cela choque ma conscience, et je témoigne en disant que cela n’est pas bien. Mais je ne m’immisce pas dans les affaires des autres. Un musulman est un homme qui s’assume en conscience. N’importe où. Il peut vivre dans la société la plus complexe, la plus diversifiée, la plus permissive et conserver son éthique musulmane.
La liberté est ma religion. Dieu a créé l’homme libre, avec la capacité d’être un saint. Et aussi un dépravé. Dieu a fait l’homme ainsi : pourquoi voulez-vous que je le contredise ? La vocation de l’homme est d’aller vers la sainteté. Mais je ne peux empêcher personne d’emprunter la voie de la dépravation.
J.A.I. : Il faut donc se plier à la loi dans tous les cas…
M.T. : La loi, telle qu’elle est votée par la majorité, est souveraine. Tout le monde s’y plie. Sauf dans le cas où elle heurte votre conscience. Comme Antigone, dans la tragédie de Sophocle, qui enterre son frère malgré la loi de la cité.
La loi peut permettre tout ce qu’elle veut. Le musulman, lui, doit exposer la guidance divine, mais Dieu n’impose sa guidance à personne. S’il y a toutefois une majorité qui veut respecter la guidance divine, elle devient la loi.
J.A.I. : Y compris pour l’organisation de la société ?
M.T. : Oui. Mais le Coran est une guidance et non une loi toute faite. C’est exactement un éclairage. C’est pour cette raison que j’en ai une lecture vectorielle. Je le lis dans son intentionnalité.
J.A.I. : Comment faire connaître le manifeste de Dieu ?
M.T. : Par le Coran et le Coran seul. Je n’impose pas d’enseigner le Coran. Je proteste quand on entrave son enseignement. C’est très différent. En Tunisie, aujourd’hui, on procède de façon pernicieuse en interdisant l’ouverture d’écoles coraniques. De quel droit ? Pourquoi peut-on ouvrir un bar et pas une école coranique ? Pourquoi y a-t-il des écoles de danse et pas d’écoles d’enseignement du Coran ?
* Jeune Afrique/L'intelligent a présenté à de nombreuses reprises la pensée et le parcours de Mohamed Talbi. Nous lui avons notamment consacré un « Pleins feux » en octobre 2000 (J.A.I. n°2076-2077). Mohamed Talbi s'exprime par ailleurs régulièrement dans ces colonnes.
Par Mena (Mena) le mercredi 04 janvier 2006 - 19h02: |
Le Caire : la police intervient contre des demandeurs d’asile – 26 morts - (info # 010301/6) [analyse]
Par Masri Feki © Metula News Agency
Egypte : indignation des organisations des Droits de l’homme face à l’évacuation brutale des demandeurs d’asile soudanais
Au Caire, vendredi dernier, l’évacuation brutale par la police égyptienne de 3’500 demandeurs d’asile soudanais, qui campaient devant les bureaux du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), a fait 26 morts [1] et une cinquantaine de blessés.
Depuis près d’une décennie, le nombre de réfugiés soudanais en Egypte [2] a augmenté de façon impressionnante. Ces derniers sont aujourd’hui estimés à plusieurs centaines de milliers, majoritairement des chrétiens et des animistes ayant fui la charia islamique imposée par la force des armes. Si les massacres du Darfour ont officiellement cessé en janvier dernier après un accord de paix, les violences se poursuivent à l’ouest du Soudan. L’Egypte, soutien inconditionnel du régime de Khartoum, a constaté, par la voix d’un officiel de son ministère de l’Intérieur, que les ressortissants sans-papiers de l’immédiat voisin soudanais, qui cherchent à séjourner légalement dans le pays, « vont grossir les bidonvilles du Caire ».
Excédés par la misère et les tracasseries policières, certains anciens réfugiés ont décidé de faire un sit-in dans le quartier bourgeois de Mohandissine, à l’ouest du Caire. Le ministère égyptien de l’Intérieur a tenté de convaincre les réfugiés de se déplacer vers un endroit « plus adapté » qu’un jardin au gazon à l’anglaise, ignorant visiblement que ce lieu avait été choisi, non pour son confort, mais parce qu'il se trouvait à proximité du HCR, l’organisme onusien responsable d’eux jusqu’à la signature du traité de paix soudanais en janvier 2005.
Pour le Caire, cette paix enlevait aux populations concernées leur statut de réfugiés ainsi que les maigres pensions qui leur étaient versées, et les plaçait dorénavant dans la catégorie des « immigrants économiques ». Il a alors été question d’une distribution généreuse de permis de séjour. Des ressortissants soudanais ont toutefois expliqué à l’AFP vouloir quitter l’Egypte parce qu’ils sont persécutés en raison de leur couleur de peau et de leur religion.
Il est néanmoins intéressant de souligner que, conformément aux accords de 1956 aux termes desquels le Soudan a acquis son indépendance, les ressortissants de l’Egypte et du Soudan n’ont pas a priori besoin de visas pour entrer ou séjourner dans l’un des deux pays [3]. Aujourd’hui, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et sans toutefois apporter aucune modification formelle aux accords égypto-soudanais de 1956, l’Egypte impose aux ressortissants soudanais séjournant sur son sol de demander un visa de séjour, lequel leur est théoriquement octroyé sans difficulté. Cependant, et de manière très étonnante, les autorités égyptiennes peuvent demander l’expulsion de ressortissants soudanais vers leur pays d’origine de façon tout à fait arbitraire ; ce qui permet aisément au régime despotique de Khartoum d’obtenir l’extradition d’opposants exilés dans le pays des Pyramides. Cela se confirme d’autant plus que le régime soudanais ne manque pas une occasion pour affirmer son appui sans condition à la politique égyptienne à l’égard de ses ressortissants.
Malgré les protestations internationales, Khartoum appuie le Caire
Les réactions de la communauté internationale n’ont pas tardé. A Washington, le porte-parole de la Maison Blanche a exprimé sa « profonde indignation », tandis que le Secrétaire général des Nations Unies, Koffi Annan, a déploré cet « horrible drame qui ne peut être justifié ».
A Genève, au siège de l’agence du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés, le haut commissaire, Antonio Guterres s’est déclaré « profondément choqué », estimant que l’attitude particulièrement agressive des forces de l’ordre égyptiennes n’était pas justifiée. Astrid van Genderen Stort, porte-parole du HCR, avait déclaré jeudi que l’agence onusienne avait demandé à plusieurs reprises aux autorités égyptiennes de régler le problème « dans le calme ».
Sur la chaîne qatari arabophone Al-Jazeera, le vice-président du Département du Moyen-Orient de Human Rights Watch, John Stork, a déclaré que « malgré le dossier effrayant de la police égyptienne, la mise en place d’une enquête indépendante est nécessaire afin de sanctionner les responsables » de cette tragédie. De son côté, l’Organisation égyptienne des Droits de l’homme a demandé qu’une enquête internationale ait lieu dans les plus brefs délais.
Lors d’une tentative désespérée de sauver la face, le ministère égyptien de l’Intérieur a déclaré dans un communiqué ne faisant aucune mention des victimes que « les (demandeurs d’asile) soudanais avaient tenté de mettre le feu aux bureaux de l’Onu », une information démentie par la suite par le HCR. D’autre part, le porte-parole du ministère a prétendu que les demandeurs d’asile soudanais (désarmés) auraient blessé 75 policiers égyptiens, ce qui a obligé la police à intervenir massivement.
Quelques heures plus tard, dans un deuxième communiqué, le ministère de l’Intérieur a mis ces morts sur le compte d’une bousculade, qui serait survenue parmi les manifestants qui campaient depuis plus de trois mois dans le quartier bourgeois de Mohandissine. Cependant, le HCR, Human Rights et l’Organisation égyptienne des Droits de l’homme affirmaient vendredi et samedi que les décès sont survenus à la suite d’une intervention musclée du Amn Markazi [4] visant à transférer les demandeurs d’asile vers un camp militaire au sud du Caire. Selon Al-Jazeera, pour évacuer les quelques 3 500 demandeurs d’asile, le ministère égyptien de l’Intérieur a envoyé 5’000 policiers anti-émeute qui ont pris le terrain d’assaut vendredi aux premières heures et ont frappé à coups de matraque ceux qui y campaient.
Paradoxalement, c’est Khartoum qui a appuyé la position du Caire, justifiant l’intervention du Amn Markazi. Le ministre soudanais des affaires étrangères Ahmed Karti a déclaré à la première chaîne de télévision égyptienne que « les forces de sécurité étaient en droit de disperser les manifestants », même s’il n’a pas tardé à se rattraper, en avouant qu’il regrettait néanmoins que des ressortissants soudanais aient été « tués sans nécessité ». Pour Mahdjoub Fadl, conseiller à la présidence soudanaise, « le régime égyptien était dans son droit en rétablissant son autorité », rapporte l’agence de presse égyptienne officielle Mena [5].
De la complicité certaine du régime de Moubarak
Malgré les appels incessants des organisations égyptiennes des Droits de l’homme et de plusieurs représentations coptes au gouvernement égyptien, ainsi que les appels au secours des victimes soudanaises, le régime policier du Caire a eu recours à la censure et à la désinformation par le biais de son ministère de la propagande. Ce n’est un secret pour personne que le régime de Moubarak a toujours eu des relations étroites avec Hassan Al-Turabi, qui a renversé le président élu Al-Sadek Al-Mahdi. L’Egypte et l’Ethiopie, qui se disputent l'eau du Nil, ont respectivement soutenu les islamistes de Khartoum et les non musulmans du Sud. L’arrivée des islamistes au pouvoir était une aubaine pour le Caire, qui voyait d'un bon oeil la transformation de ses rapports de force dans la Corne africaine. En ce sens, le soutien inconditionnel qu’accorde le Caire au régime criminel de l’actuel maître de Khartoum, Omar El-Bashir, n’a rien d’étonnant.
Notes :
[1] 17 hommes, 2 femmes et 7 enfants.
[2] Pays limitrophe de l’Egypte, le Soudan a été occupé par l’Egypte de 1822 à 1956.
[3] Ce qui n’est pas le cas pour les ressortissants d’un pays tiers, qui sont contraints d’obtenir un visa pour chacun des deux pays, s’il souhaite passer la frontière égypto-soudanaise à partir de l’Egypte ou du Soudan.
[4] Sécurité Centrale.
[5] Middle East News Agency qui n’a, bien entendu et heureusement, aucun rapport avec notre agence, la Metula News Agency, basée à Metula.
Par Bekhor (Bekhor) le mercredi 04 janvier 2006 - 14h14: |
Le premier juif qui vient de naître au « Monténégro ».
MAZAL TOV, le petit NATHAN est né au Monténégro, (ken yyirbou benei Israel) « il a des origines tunisiennes » de par sa grand mère maternelle, ma cousine, Jacqueline Ankri ZAL de Sfax, fille de Mardochée Ankri le mercier de « SOUK BELAADJ » à Sfax.
Il n’y a pas de communauté juive, et pratiquement pas de juifs au Monténégro.
C’est la première famille juive qui s’est installé au Monténégro depuis presque deux ans.
Je remercie du fond du cœur Le Mohel Mitsvah, Monsieur « Raphael Assayag » de Sarcelles qui a accepté de se déplacer au Monténégro pour faire la circoncision du petit Nathan et qui fait les Brith Mila (circoncision) uniquement Leshem Shamaîm depuis de nombreuses années.
Kol Akavod.
Sheyiskeh learbé mitzvoth
Victor Cohen.