L'histoire des Juifs en Tunisie remonte à l'époque de l'Empire romain.

L'histoire des Juifs en Tunisie remonte à l'époque de l'Empire romain. En 1948, la population juive de Tunisie est estimée à 105 000 individus mais, en 1967, la plupart des Juifs tunisiens ayant fui le pays pour s'installer en France et en Israël, leur nombre tombe à 20 000. En 2003, on estime leur nombre à 1500David Singer et Lawrence Grossman, American Jewish Year Book 2003, éd. American Jewish Committee, New York, 2003 vivant principalement à Djerba, île qui abrite aujourd'hui la plus importante minorité religieuse du pays.

Antiquité

La tradition parmi les descendants des premiers Juifs tunisiens est que leurs ancêtres se sont installés dans cette partie de l'Afrique du Nord bien avant la destruction du Temple de Salomon au . Bien que cette théorie semble infondée, la présence des Juifs à l'apparition du christianisme est attestée par des auteurs comme Tertullien et saint Augustin, par des inscriptions juives retrouvées à plusieurs endroits, par les fouilles archéologiques effectuées dès la fin du . À Gammarth, au nord-est de Tunis, est mise à jour une nécropole juive du de même qu'une synagogue du découverte à Hammam Lif (sud-est de Tunis) en 1883 ou encore par le Talmud de Babylone et de Jérusalem qui rapportent les opinions de rabbins de Carthage . Après la conquête romaine en 146 av. J.-C., la population juive de la province d'Afrique augmente. Aux Juifs déjà implantés dans le pays s'ajoutent ceux venus de Rome, où une présence juive est attestée depuis la fin du , ceux de Judée après la prise de Jérusalem par Titus en 70 ou de Cyrénaïque après l'écrasement de la révolte juive de 115-117. La population s'accroît encore par la conversion d'autochtones berbères. Cette population se lance alors dans l'agriculture, l'élevage du bétail et le commerce. Divisés en clans ou tribus, gouvernés par leurs chefs respectifs, ils payent aux Romains une capitation de deux shekels. Ils jouissent alors d'un statut favorable qui leur reconnaît des droits égaux à ceux des païens et leur permet de se conformer aux prescriptions de leur religion. Il n'en est plus de même lorsque le christianisme est érigé en religion d'État : ils font alors l'objet de diverses mesures discriminatoires (exclusion de toutes les fonctions publiques, punition du prosélytisme par de lourdes peines et construction de nouvelles synagogues interdite). Sous la domination des Vandales , ces mesures sont abrogées mais la période de domination byzantine se traduit par une politique d'intolérance : Justinien publie un édit de persécution dans lequel les Juifs sont classés parmi les ariens et les païens. Les anciennes mesures discriminatoires sont remises en vigueur, les synagogues transformées en églises, le culte juif proscrit et les Juifs contraints de se convertir au christianisme. Persécutés, ils quittent alors les grandes villes pour aller s'établir dans les régions montagneuses et désertiques, au milieu des populations berbères, et y effectuent de nouvelles conversions au judaïsme. Au , la population juive est largement accrue par les immigrants venus d'Espagne qui, fuyant les persécutions du roi wisigoth Sisebuth et de ses successeurs, arrivent en Maurétanie puis s'installent dans les cités byzantines. Selon les historiens arabes, ces derniers se mêlent rapidement à la population berbère et convertissent beaucoup de tribus très puissantes — dirigées par la Kahena dont l'historien Ibn Khaldoun affirme qu'elle était juive — alors que le droit de pratiquer leur religion leur est reconnu à condition de verser une capitation (jezya) en retour de la protection (dhimma) du souverain mais aussi d'un statut inférieur à celui des musulmans. L'historien Ibrahim al-Raqiq al-Kairouani relate qu'en 698, à l'époque de la conquête de Bizerte, le gouverneur du district est juif. Comme les autres Juifs des pays islamiques, ceux de Tunis sont subordonnés à l'ordonnance d'Omar ibn al-Khattab.

Moyen-Âge

En 788, lorsque Idris I proclame l'indépendance de la Maurétanie vis-à-vis du califat de Bagdad, les Juifs tunisiens rejoignent son armée sous la direction de leur chef Benjamin Ben Joshaphat Ben Abiezer. Toutefois, ils se retirent vite parce qu'ils sont peu disposés à combattre contre leurs coreligionnaires de certaines parties de la Maurétanie, qui restent fidèles au califat de Bagdad, et en raison de certaines actions commises par Idris contre les juives. Victorieux, Idris se venge de cette défection en attaquant les Juifs dans ses cités. Après une résistance sans succès, la paix est conclue : ses termes indiquent que les Juifs doivent payer une capitation et fournir un certain nombre de vierges par an au harem d'Idris. La tribu juive des Ubaid Allah préfère migrer vers l'est plutôt que de se soumettre à Idris. Selon la tradition, les Juifs de l'île de Djerba seraient les descendants de cette tribu. Sous les dynasties des Aghlabides et des Fatimides, les Juifs bénéficient de conditions de vie clémentes. Ils vivent dans la capitale, Kairouan, où la communauté établie après la fondation de la ville par Oqba Ibn Nafaa en 670 est particulièrement prospère, mais aussi à Sousse, Mahdia et Gabès. Leur influence politique se fait également sentir dans l'administration du pays. Mais l'accession au pouvoir du ziride al-Muizz ibn Badis (1015-1062) voit arriver une période de répression : ce dernier persécute toutes les sectes hétérodoxes ainsi que les Juifs. Cette persécution affecte particulièrement la prospérité de la communauté de Kairouan et certains de ses membres émigrent alors vers Tunis qui gagne rapidement en population et en importance commerciale. Les Hilaliens, qui parviennent en 1057 à s'emparer de Kairouan, forcent encore la plupart de ses habitants juifs et musulmans à se réfugier dans les villes côtières. C'est alors que la communauté juive de Tunis s'épanouit à la faveur de la paix relative dont jouit la ville. L'accession au pouvoir de la dynastie des Almohades en 1146 se révèle désastreuse pour les Juifs de Tunis. En suivant une croyance fantaisiste dont on ne trouve aucune trace dans la tradition islamique, le premier souverain, Abd al-Mumin, déclare que Mahomet a permis aux Juifs le libre exercice de leur religion pour une durée de 500 ans et que, si à la fin de cette période, le messie n'est pas venu, ils seront forcés de se convertir à l'islam. En conséquence, les Juifs sont contraints de se convertir mais, tout en professant extérieurement l'islam, ils restent fidèles au judaïsme qu'ils continuent d'observer en secret. Les Almohades imposent à tous les Juifs du Maghreb un signe distinctif, la shikla, et des vêtements de forme et de couleur spécifique — dont une pièce de tissu jaune pour se couvrir la tête — permettant de les reconnaître.

Des Hafsides aux Ottomans

Sous la dynastie des Hafsides, qui est établie en 1236, les conditions de vie des Juifs s'améliorent grandement. Juifs et chrétiens sont à nouveau soumis à leur statut traditionnel (capitation et discriminations vestimentaires) mais ne subissent pas d'entraves à leurs activités professionnelles ou à leur culte. Comme aux premiers siècles de l'islam, les communautés juives bénéficient d'une relative autonomie qui leur permet de s'administrer et de satisfaire leurs besoins en matière cultuelle et sociale. Considérés d'abord comme étrangers, les Juifs ne peuvent pas s'installer dans la médina de Tunis mais doivent vivre dans des bâtiments appelés « fondouks ». Quelques années plus tard, Sidi Mahrez obtient pour eux le droit de s'installer dans un quartier spécifique de la ville. Ce quartier, appelée Hara, constitue jusqu'en 1857 le ghetto de Tunis (fermé durant la nuit). En 1270, en conséquence de la défaite de Louis IX de France, qui a entamé la huitième croisade à Tunis, la cité de Kairouan est déclarée sainte : les Juifs y vivant doivent alors la quitter ou se convertir. Dès lors et jusqu'à la conquête du pays par la France, Juifs et chrétiens ont l'interdiction de passer une nuit dans cette ville et ne peuvent y accéder durant la journée que sur permission spéciale du gouverneur. Le fait que les Juifs de Tunis, durant les XIV et XV siècles, soient traités plus cruellement que ceux des autres régences barbaresques est sans doute dû au fait que, alors que les réfugiés d'Espagne s'installent massivement en Algérie et au Maroc, seul un petit nombre d'entre eux choisit de s'installer à Tunis. En conséquence, les Juifs tunisiens n'ont ni rabbins ni disciples renommés et doivent consulter ceux d'Algérie ou du Maroc sur les questions religieuses les plus ordinaires. Les affaires communes sont toutefois réglées par un conseil, nommé par le gouvernement, qui a pour fonction d'administrer la justice aux Juifs et, plus spécifiquement, la collecte des trois taxes imputées aux Juifs : une taxe commune (à laquelle chacun contribue selon ses moyens), une capitation et une taxe générale (qui est également imposée aux musulmans). En plus de cela, chaque commerçant et industriel juif doit payer une taxe annuelle au corps de métier auquel son commerce ou son industrie appartient. En dépit de toutes ces contraintes, le commerce est majoritairement contrôlé par des Juifs et le gouvernement doit recourir à eux pour l'exploitation de leurs divers monopoles. À partir du , le souverain confie à un juif le poste de receveur des taxes. Ce fonctionnaire, qui porte le titre de caïd, sert d'intermédiaire entre les gouvernements et sa communauté auprès de laquelle son autorité est très importante. Les membres du conseil des anciens, de même que les rabbins, sont nommés sur sa recommandation et aucune décision rabbinique n'est valide sans son approbation. Lors de la prise de Tunis par les Espagnols en 1535, de nombreux Juifs sont faits prisonniers et vendus comme esclaves dans plusieurs pays chrétiens. Après la victoire des Ottomans sur les Espagnols en 1574, la Tunisie devient une province de l'Empire ottoman. Sous les deys et les beys successifs, les Juifs jouent un grand rôle dans les échanges commerciaux avec l'étranger. Aux XVII et XVIII siècles, ils font toujours l'objet de mesures discriminatoires : la chéchia qui leur sert de coiffe doit être de couleur noire à la différence de celle des musulmans qui est rouge. Les Juifs italiens qui s'habillent à l'européenne, portent eux des chapeaux ronds comme les marchands chrétiens mais, au début du , le bey leur impose le port d'une calotte blanche. Les Juifs sont toujours astreints au paiement de la capitation et doivent s'acquitter d'impositions supplémentaires chaque fois que le trésor du souverain est en difficulté. De plus, ils sont périodiquement requis d'accomplir des travaux d'utilité publique et se voient imposer des corvées. À la fin du XVIII siècle, Hammouda Bey leur refuse également le droit d'acquérir et de posséder des propriétés immobilières. Au début du , le statut politique des Juifs de Tunis s'améliore grandement grâce à l'influence croissante des agents politiques des puissances européennes qui, cherchant à améliorer les conditions de vie des résidents chrétiens, plaident également la cause des Juifs que la législation musulmane classe avec eux. Durant la même période, des familles d'origine espagnole ou portugaise établies à Livourne quittent la Toscane pour s'installer à Tunis, divisant ainsi la communauté entre Juifs tunisiens (Touansa) et Granas (Leghorn en hébreu). De plus en plus nombreux au cours du XVII siècle, ces derniers prennent une large part aux activités de la population juive et participent à la création des premières industries. Mais ils parlent l'italien et ne se marient qu'entre eux, s'habillent à l'européenne, portent des perruques et se poudrent, possèdent leurs propres rites et se considèrent comme le fleuron de la bourgeoisie venue d'Europe. Ils n'ont pas ou peu de relations avec les Juifs autochtones qui eux parlent le judéo-arabe et s'habillent à l'orientale. La méfiance réciproques et les incompatibilités de mœurs sont à la source de la séparation des deux communautés. Le schisme a lieu en 1741 : chaque communauté a désormais ses synagogues, ses écoles, ses boucheries rituelles, son tribunal rabbinique, sa caisse de secours et son cimetière. Toutefois, dans les autres villes de Tunisie, les mêmes institutions continuent à servir l'ensemble des fidèles.

Réformes du XIX siècle

Au , la Tunisie s'ouvre progressivement aux influences européennes. Dans ce contexte, Ahmed I Bey inaugure une politique de réformes. En vertu d'un accord signé en 1846, les Juifs de Toscane qui se sont établis en Tunisie à une date récente ou qui viendront s'y établir obtiennent le droit de conserver la qualité de Toscans sans limitation de temps. Cette disposition encourage nombre de Juifs de Livourne à venir s'installer en Tunisie où ils constituent, à la différence des Livournais arrivés au XVII siècle, une minorité étrangère placée sous la protection du consul de Toscane. En 1853, le chef de la communauté, Nessim Samama, obtient l'abolition de la corvée à laquelle ces coreligionnaires sont jusqu'ici astreints. Mais, en 1857, un cocher juif du nom de Batou Sfez est condamné à la peine de mort pour blasphème et exécuté le 24 juin. La rigueur de la peine soulève une vive émotion et les consuls de France et d'Angleterre en profitent pour demander à Mohammed Bey de s'engager dans la voie de réformes libérales. Les troupes de Napoléon III occupent La Goulette et l'obligent à proclamer le Pacte fondamental, le 10 septembre, selon lequel tous les Tunisiens, sans distinction de foi, jouissent de droits égaux. Les articles suivants de la constitution sont d'un intérêt spécifique pour les Juifs : 
- article 4 : « Aucune mesure de coercition les forçant à changer leur foi ne sera imposée à nos sujets juifs et ils ne seront pas gênés dans l'observation libre de leurs rites religieux. Leurs synagogues seront respectées et protégées contre l'insulte. » 
- article 6 : « Lorsqu'une cour criminelle prononce une pénalité encourue par un juif, des assesseurs juifs seront attachés à ladite cour. » Son successeur, Sadok Bey y substitue une véritable constitution le 26 avril 1861. Ces textes novateurs mettent fin à toutes les mesures discriminatoires contre les Juifs en leur reconnaissant les mêmes droits et les mêmes devoirs qu'aux musulmans. Toutefois, après une révolte due à la hausse continue de la pression fiscale en 1864, un coup d'arrêt est donné aux réformes. Dès lors, le pays devient le théâtre de la lutte d'influence des puissances européennes. Un certain nombre de Juifs tunisiens obtiennent leur protection, ce qui leur permet, tout en conservant la nationalité tunisienne, de devenir justiciables des juridictions consulaires, échappant ainsi à l'arbitraire de l'administration beylicale.

Protectorat français

Juive tunisienne (début du XX siècle) Groupe de Juifs tunisiens (début du XX siècle) Avec l'établissement du protectorat français en Tunisie en 1881, une ère nouvelle s'ouvre pour le judaïsme tunisien qui accueille favorablement les principes démocratiques introduits par la France. Par ailleurs, la situation économique de la communauté prospère à la faveur de l'économie coloniale. La scolarisation des nouvelles générations engendre l'acculturation de la population juive. Les familles juives aisées abandonnent alors la Hara pour s'installer dans les nouveaux quartiers européens. L'émergence du sionisme en Europe inspire la formation de plusieurs organismes sionistes : Agoudat Sion, Yoshevet Sion et Terahem Sion qui, en 1920, s'unifient en une Fédération sioniste officielle. L'adoption des mœurs et de la culture françaises s'intensifie et l'occidentalisation se traduit par l'adoption de nouveaux modèles familiaux et l'affaiblissement des pratiques religieuses. La loi française du 20 décembre 1923 ayant rendu plus aisées les conditions d'accès à la nationalité française, des Juifs tunisiens demandent et obtiennent leur naturalisation. Toutefois, seuls 7311 sur une population avoisinant les 100 000 en font la demande entre 1910 et 1956. Prônée par les assimilationnistes, la naturalisation est combattue par les traditionalistes parce qu'elle leur semble accélérer la déjudaïsation, par les sionistes qui militent en faveur d'une solution nationale de la question juive et par les marxistes qui souhaitent que les Juifs lient leur destin à celui de leurs compatriotes musulmans. Si les Juifs s'engagent dans l'armée française lors de la Première Guerre mondiale, des troupes tunisiennes se mutinent en 1917 puis attaquent et pillent les quartiers juifs de Tunis, Bizerte, Sfax, Sousse et Kairouan. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la communauté est dotée, par le décret beylical du 20 août 1921, d'un conseil d'administration élu au suffrage universel avec représentation proportionnelle des Livournais et des Tunisiens. De plus, la population est représentée dans toutes les assemblées consultatives du pays : chambres économiques, conseils de caïdats et Grand Conseil. Si elle ne constitue qu'une faible minorité de la population tunisienne — moins de 2, 5% en 1936 — elle possède néanmoins tous les droits d'une minorité. La Grande synagogue, située avenue de Paris (actuelle avenue de la Liberté), voit le jour en 1931. Mis à part des émeutes qui se déroulent en 1932 à Sfax et en 1934 à l'Ariana, la communauté connaît, pendant une période de paix sociale et d'essor exceptionnelle. À la veille de la Seconde Guerre mondiale. on recense 56 240 Juifs tunisiens (2, 33% de la population totale et 22, 72% de la population non musulmane) auxquels il faut ajouter 7000 Juifs français et 3000 Juifs italiens. Après la défaite de juin 1940 et l'établissement du régime de Vichy, les Juifs font l'objet de toutes les mesures discriminatoires édictées en France : ils sont exclus de la fonction publique et les professions d'avocats et de médecins sont limitées par le numerus clausus. La gestion de leurs entreprises leur est retirée et confiée à des administrateurs provisoires « aryens ». Toutefois, seuls les Juifs de Sfax portent l'étoile jaune car le résident général de France en Tunisie, sous la pression de Moncef Bey, n'applique pas à la lettre les décrets de Vichy. En pleine application de ces mesures, la Tunisie est occupée par les armées de l'Axe suite à l'Opération Torch (8 novembre 1942). Ayant pris en otages une centaine de notables juifs qu'ils menacent d'exécuter, les Allemands force la communauté de Tunis à fournir 3000 hommes de 18 à 28 ans qui sont dirigés vers les camps de travail obligatoire du Borgel et de Bizerte. Pendant les six mois d'occupation, outre les pénuries alimentaires et les bombardements subis par toute la population tunisienne, la population juive supporte le poids des réquisitions militaires et est frappée d'exorbitantes amendes collectives. Des exécutions sommaires et des déportations dans des camps de concentration européens (touchant environ 4000 personnes) punissent les contraventions à l'ordre allemand. Parmi les Juifs suppliciés figure Young Perez, champion du monde de boxe en catégorie poids mouche, qui est dénoncé et abattu au cours des marches de la mort en janvier 1945. Mais la victoire des Alliés empêche les nazis d'appliquer aux Juifs de Tunisie la solution finale. Peu de temps après la libération du pays par les armées alliées, le 7 mai 1943, les dispositions édictées contre les Juifs sont peu à peu abrogées et les Juifs bénéficient alors de conditions favorables à leur essor. La communauté connaît une période de plénitude dans tous les domaines : arts, sports, politique, littérature, agriculture, commerce, industrie, etc. En 1946, on dénombre près de 70 000 Juifs de nationalité tunisienne sans compter les 20 à 25 000 Juifs de nationalités française, italienne ou autre. Désormais, l'émancipation passe aussi par le sionisme, défendu par des journaux comme La Voix juive et La Gazette d'Israël. Dès 1945, des jeunes émigrent pour aller grossir les effectifs des pionniers d'Israël. Après l'indépendance d'Israël, l'émigration devient massive : quelque 25 000 Juifs partent pour Israël entre 1948 et 1955. Les plus occidentalisés des classes aisées se dirigent vers la France.

Tunisie indépendante

Après l'indépendance proclamée le 20 mars 1956, les dirigeants du pays, avec Habib Bourguiba à leur tête, s'attachent à intégrer les Juifs en abrogeant ce qui les séparent de leurs compatriotes musulmans. Deux ministres juifs font partie des premiers gouvernements (Albert Bessis et André Barouch). Le 27 septembre 1957, le Tribunal rabbinique est supprimé et remplacé par une chambre civile tout comme le conseil de la communauté présidé par Charles Haddad-De Paz (11 juillet 1958). Onze magistrats juifs sont nommés et occupent, pour la première fois, de hautes fonctions judiciaires. Pour des motifs de salubrité publique, le quartier juif de la Hara où se situe l'ancienne Grande synagogue est rasé ainsi que le cimetière israélite de Tunis vieux de plusieurs sièclesLe cimetière n'était plus en activité depuis l'ouverture du cimetière du Borgel en 1928. Par ailleurs, le cimetière chrétien de l'avenue Albert 1 (où se trouve aujourd'hui l'hôtel El Mechtel et le Tennis Club de Tunis) et les cimetières musulmans de Bab El Khadra, Gorjani (où se trouve aujourd'hui le jardin public homonyme) et du boulevard Pétain (boulevard 9 avril 1938 où se trouve aujourd'hui les archives nationales, la Cour d'appel et la Cour de cassation) sont rasés dans la même période. Maurice Roumani, The Case of the Jews from Arab Countries: A Neglected Issue, éd. World Organization of Jews from Arab Countries, Tel Aviv, 1977, pp. 33 Norman Stillman, The Jews of Arab Lands in Modern Times, éd. Jewish Publication Society, New York, 1991, p. 127 et dans lequel se trouvent encore les tombes de rabbins vénérés. Dans l'ensemble, la politique républicaine est libérale mais la situation politique et économique conduit au départ la plupart des Juifs qui avaient choisi de rester dans leur pays après l'indépendance. La crise de Bizerte en 1961 donne lieu à de sanglants incidents qui engendrent une brutale flambée d'antisémitisme chez une partie de la population musulmane. Elle est suivie, lors de la Guerre des Six Jours par une nouvelle vague d'antisémitisme : la Grande synagogue de Tunis est incendiée, profanée et mise à sac le 5 juin et la fabrique de matzot incendiée. Malgré les excuses du président Bourguiba, 7000 Juifs supplémentaires émigrent vers la France. De 1956 à 1967, la population juive du pays diminue de 40 000 personnes. En 1971, l'assassinat d'un rabbin en plein cœur de la capitale déclenche une nouvelle vague d'émigration. Des attaques occasionnelles ont lieu par la suite à Zarzis et Ben Gardane en 1982 et à Djerba où un garde tunisien ouvre le feu sur les croyants et tue 5 personnes en 1985. À la suite de ces incidents, le gouvernement prend des mesures afin d'assurer la protection de la communauté juiveCountry Reports on Human Rights Practices for 1982, éd. Department of State, Washington D.C., 1983, pp. 1290-91 Country Reports on Human Rights Practices for 1985, éd. Department of State, Washington D.C., 1986, pp. 1321. Le président Zine el-Abidine Ben Ali, qui succède à Bourguiba en 1987, semble bien disposé à l'égard des Juifs originaires de Tunisie qui tendent à revenir plus souvent. Des cimetières et des synagogues sont restaurés, un bureau d'intérêts israélien, dirigé par Shalom Charles Cohen, ouvert à Tunis en 1996 et le premier vol direct, Djerba-Israël, est inauguré à l'occasion de la fête de Lag Ba'omer. Mais la rupture des relations entre la Tunisie et Israël, à la suite de la seconde Intifada, génère un certain malaise. Le 11 avril 2002, un camion bourré d'explosifs explose à proximité de la synagogue de la Ghriba tuant 21 personnes (dont 14 touristes allemands) et en blessant 30. Al-Qaida revendique la responsabilité de l'attenant. Peu après, d'autres actes antisémites sont signalés : des livres de prières ainsi qu'un Sefer Torah sont lacérés et endommagés, des tags haineux et des slogans hostiles aux Juifs peinturlurés et des drapeaux palestiniens comme des portraits de Yasser Arafat accrochés aux murs de la synagogue Keren Yéchoua de La Marsa. Dans le Sud, la synagogue et le cimetière juif de Sfax sont aussi vandalisés. En 2005, pour la première fois depuis l'indépendance d'Israël, le président Ben Ali invite le premier ministre Ariel Sharon à venir en Tunisie à l'occasion de la tenue du Sommet mondial sur la société de l'information. Face aux réactions négatives, c'est finalement son ministre des affaires étrangères, Silvan Shalom originaire de Tunisie, qui le représente. La communauté juive est aujourd'hui menée par l'industriel et sénateur Roger Bismuth. En octobre 1999, elle élit une nouvelle direction pour la première fois depuis l'indépendance et lui donne le nom de « Comité juif de Tunisie »Bureau for Democracy, Human Rights, and Labor, 2000 Annual Report on International Religious Freedom, éd. Department of State, Washington D.C., 2000. Sa direction spirituelle est assurée par le grand rabbin et de cinq rabbins (dont un à Djerba). En 2004, elle possède six écoles primaires (Tunis, Djerba et Zarzis), quatre écoles secondaires et deux yeshivas (Tunis et Djerba) ainsi qu'un jardin d'enfants, deux maisons de retraite et plusieurs restaurants cachers. La plupart de ses fidèles observeraient les lois du cacheroute. Quant au gouvernement, il accorde aux Juifs la liberté de culte et paie le salaire du grand rabbin . Il subventionne partiellement la restauration et l'entretien de quelques synagogues et autorise les enfants juifs de l'île de Djerba le partage de leur journée d'étude entre les écoles publiques séculaires et les écoles religieuses privées.

Personnalités

Références

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Bibliographie

- Jean-Pierre Allali, Juifs de Tunisie, éd. Soline, Courbevoie, 2003 
- Robert Attal et Claude Sitbon, Regards sur les Juifs de Tunisie, éd. Albin Michel, Paris, 2000 
- Denis Cohen-Tannoudji (sous la dir. de), Entre Orient et Occident. Juifs et musulmans en Tunisie, éd. de l'Éclat, Paris, 2007 
- Sonia Fellous (sous la dir. de), Juifs et musulmans de Tunisie. Fraternité et déchirements, éd. Somogy, Paris, 2003 
- Paul Sebag, Histoire des Juifs de Tunisie. Des origines à nos jours, éd. L'Harmattan, Paris, 2000 
- Hmida Toukabri, Les Juifs dans la Tunisie médiévale. 909-1057. D'après les documents de la Geniza du Caire, éd. Romillat, Paris, 2002

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