Tunisie: vives critiques contre l’éventualité d’amnistier les jihadistes

Par Houda Ibrahim 

La Tunisie vit, depuis plusieurs jours, au rythme d'une grande polémique causée par le retour des jihadistes tunisiens des zones de conflit en Irak, en Syrie et en Libye. La polémique a encore enflé suite aux déclarations du président tunisien, Béji Caïd Essebsi. Il a laissé entendre qu’une amnistie, façon algérienne, pourrait être appliquée vis-à-vis de ces jihadistes tunisiens, à leur retour.

Une pluie de réactions et de critiques a déferlé en Tunisie contre la possibilité d’amnistier près de 6 000 jihadistes tunisiens recensés, officiellement, par l'ONU et qui sont susceptibles de rentrer dans leur pays après avoir été impliqués dans des actes terroristes à l'étranger, notamment dans les rangs de différents groupes jihadistes comme al-Qaïda et le groupe Etat islamique.

Des responsables politiques au sein du gouvernement et dans l’opposition ont montré leur discordance sur la possibilité d’amnistier ces Tunisiens. Le président Béji Caïd Essebsi avait considéré qu’il n’y avait pas, en Tunisie, « assez de prisons pour pouvoir contenir les islamistes de retour » et avait fait l'éloge de la loi d'amnistie algérienne de 2005.

Plusieurs partis politiques ont dénoncé ces propos et la plus virulente des réactions vient de la plus importante centrale syndicale, à savoir l’Union des travailleurs tunisiens (UGTT). Elle a estimé, dans un communiqué, que l'amnistie, en Algérie, était « une illusion » et que certains partis voulaient transformer la Tunisie en « refuge » pour les terroristes. L’UGTT a appelé le pouvoir à éclairer sa position et à appliquer la loi sur le terrorisme. « Accepter des terroristes repentis, c’est possible, mais uniquement en se basant sur cette loi », indique le communiqué.

« Non au retour des terroristes », est la parole la plus clamée, ces derniers temps, par la société civile sur les réseaux sociaux. La majorité des citoyens tunisiens refuse ce qu'on appelle désormais « la loi du repentir ».

Les fortes réactions ont amené le gouvernement à tenir une réunion exceptionnelle, vendredi soir, pour étudier la question. Il a alors nié l’existence d’une loi secrète d’amnistie ainsi que l’existence d’un accord, avec d’autres pays, pour le retour de ces terroristes.

La bataille des chiffres

L’ONU, dans son rapport daté de juillet 2015, a estimé le nombre de Tunisiens en zones de conflit à près de 6 000, répartis entre la Syrie, l’Irak, la Libye et le Yémen. Le président tunisien parle de près de 3 000 terroristes tunisiens à l’étranger dont 600 sont morts en Syrie. Les autorités syriennes, elles, avancent un chiffre bien plus élevé en affirmant qu’en 2014, quelque 10 000 combattants tunisiens étaient en Syrie.

En 2015, une délégation tunisienne composée de juristes et de journalistes affirmait, quant à elle, qu’entre 7 000 et 8 000 terroristes tunisiens étaient en Syrie et que 2 000 autres y sont morts.

La Tunisie exclut les Tunisiens porteurs de la double nationalité de sa liste de terroristes à l’étranger et n'inclut pas, dans ces chiffres, tous ceux qui se sont endoctrinés au jihad en Europe.

Les spécialistes du terrorisme considèrent qu’il n y a plus aucun doute sur le fait que le contingent tunisien est le plus grand parmi les terroristes qui ont rejoint les zones de conflits. Actuellement, il y a 800 terroristes détenus en Tunisie, après leur retour. Quelque dizaines d’autres sont rentrés sans en être inquiétés.

L'héritage afghan

Le jihadisme en Tunisie ne date pas de 2011. Des Tunisiens afghans ont été vite libérés du temps de l’ancien président Zein el-Abidine Ben Ali, faute de preuves contre eux. Dans le pays, nombreux sont ceux qui considèrent que les Tunisiens afghans ont formé ceux qui sont allés faire le jihad en Syrie, en Irak et ailleurs.

Face à ce phénomène de retour, les autorités tunisiennes sont accusées de laxisme et le citoyen craint le pire pour son avenir et pour celui de la Tunisie.

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