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EISENSTEIN
: UN GENIE
JUIF
RUSSE |
Vient de sortir en coffret (1) l’intégrale de l’œuvre du plus
grand cinéaste russe : Sergui Mikaïlovitch Eisenstein réalisé
sous l’égide de
Films Sans
Frontières (1 Bis)qui a recueilli ses huit films principaux ainsi que
ces courts métrages (2) et son film mutilé dont nous avons plus que des
images et quelles images !
Eisenstein est né en Lettonie en 1898 d’un père juif
allemand et d’une mère slave, attiré par les arts il se consacra au dessin
et aux arts plastiques- son travail s’en ressent- puis à l’architecture
et à la peinture auxquelles il rendit hommage dans ses décors somptueux. Il
tourne son premier long métrage en 1924 « La grève » ,
s’ensuivront d’autres films jusqu’au mémorable « Ivan le terrible »
où il utilisera pour la seule et unique fois la couleur (3) en passant par le
plus célèbre –car le plus copié , le plus reconnu et peut-être le plus
maîtrisé - « Le cuirassé Potemkine ». Influencé par Griffith
et par Fritz Lang un autre génie lui aussi d’origine juive allemande –
dont il assumera le montage russe de « Docteur Mabuse », influencé
par Meyerhold (4) il va se poser comme théoricien , novateur et révolutionnaire
du cinéma : il écrira : « Je ne fais pas de films témoins,
vus par un impassible œil de verre, je flanque des coups de poing dans l’œil
du public. Il meurt en 1948 non sans avoir quelques démêlés avec le pouvoir
et Staline qui tantôt le célèbrent et tantôt l’encensent.
DVD
1 IVAN LE
TERRIBLE (1941-
1945) et
Romance sentimentale (1930)
En l’an 1547 le Grand duc de Moscovie
est couronné Tsar sous le nom de Yvan IV. Son avènement et son sacre
ont lieu dans un climat de suspicion et de complots. S’il possède l’appui
du peuple, il doit lutter contre
les Boyards , l’Eglise et lui même pour rester le tsar de toutes les
Russies . Il devra feindre son assassinat et sa réédition pour arriver à
ses fins.
« Ivan le terrible »
réalisé en deux parties devait l’être en
trois (5) .La première réalisée
en 1941 fut admirée par Staline contrairement à la seconde
faite en 1945 ; le
dictateur touché par ce tableau lui ressemblant prit ombrage de la métamorphose
du héros devenu un être torturé calculateur, directif dévoré par le
pouvoir , torturé par sa foi et la raison d’Etat.. Cette charge dénonciatrice
fut le dernier ennui causé à son encontre ; Staline
reprenait en main le cinéma soviétique de façon autoritaire
et son film fut interdit . Eisenstein eut une crise cardiaque et
devait mourir trois ans plus
tard .
Ce chant de cygne splendide
par ses décors baroques, par l’utilisation d’un éclairage lumineux contré
par des ombres maléfiques qui accentuent la dualité du bien et du mal , par
son montage nerveux qui dénonce la folie de cet Ivan , par l’habileté des
champs de profondeur qui rend hommage à la disposition scénique , par ses
champs de profondeur qui rappellent l’étendue du pouvoir du tsar sont les
marques indélébiles d’un cinéaste au mieux de sa forme et qui a su maîtriser
l’outil cinématographique pour nous laisser cette ultime
démonstration d’un savoir faire d’un cinéaste qui sut marier la
poésie avec le drame, qui sut donner de l’émotion aux images , de la vie
à ses histoires et une âme à ses personnages.
Eisenstein partit en mission d’études avec deux collègues en Europe
en 1929. A paris le vicomte de Noailles lui commanda un petit film .Ce fut
« Romance sentimentale » un « poème musical impressionniste »
dont il suivra la réalisation de loin bien qu’il la signa avec
G.V.Alexandroff . Cette étude cinématographique, prétexte à un exercice de
style sera photographié par
celui qui allait devenir son chef opérateur attitré :Edouard Tissé
(6). Cette romance russe qui débute par une suite d’images accélérées
sur la nature montrant un chaos
ou une d’apocalypse fut un prétexte à une suite de recherche
où pointe déjà la patte du maître dans sa passion du détail. Cet
exercice de style de courte durée reste un spectacle visuel agréable.
DVD
2 LE
CUIRASSE POTEMKINE
(1925) – LA
LIGNE GENERALE
(1928)
Le journal de Gloumov (1923)
Son film le plus célèbre « Le cuirassé Potemkine » est réalisé
pour célébrer le vingtième anniversaire de la révolution de 1905 . Il
raconte le soulèvement de l’équipage du fameux bateau qui déconsidéré
et maltraité par leurs supérieurs se révolte. Cette mutinerie leur amènera
la sympathie des habitants d’Odessa qui se verront sauvagement repoussés
par une armée tsariste brutalement et sauvagement.Ce film présenté avec 3
accompagnements musicaux différents (6 bis) est l’un des chefs d’œuvres
les plus connus mondialement de son auteur. C’est un régal visuel
du aux recherches esthétiques de Eisenstein ; la fusillade sur le
grand escalier où les soldats tirent aveuglement sur la foule est une véritable
leçon de cinéma par son montage nerveux ,son sens de la dramaturgie, et sa dénonciation
historique.
« La ligne Générale »
est celle que Lénine préconisait : un plan coopératif pour
renouveler l’agriculture russe. Les trois compères (l’auteur ses scénariste
et musicien constants) préparèrent ce film .Mais appelés pour commémorer
les événements d’Octobre 1917, ils laissèrent l’histoire en plan. A
leurs retour le scénario avait été modifié ; il s’appelait « l’ancien
et le nouveau et Eisenstein s’attela à la réalisation. Une paysanne
organise une coopérative laitière pour améliorer son labeur et
lutter contre la pauvreté. Le village va acquérir une écrémeuse – moment
d’anthologie- et un tracteur. Le style évolue , l’attrait reste le même
avec une harmonie visuelle permanente et une peinture compatissante de la misère
paysanne. A nouveau son œuvre dénonçait l’exploitation ouvrière par les
gains misérables et le manque de matériel et autres difficultés (les bêtes
meurent et les paysans sont épuisés). Eisenstein signe une œuvre artistique
et documentaire exemplaires même si ce n’est pas sa plus grande œuvre ,
elle est mémorable par sa démonstration visuelle et son montage rythmée
DVD
3 :
QUE VIVA
MEXICO (1931) - ALEXANDRE
NEVSKI (1938)
« Alexandre Nevski » fut tourné avec peu de liberté, les
instances du cinéma imposèrent au réalisateur des collaborateurs charger de
surveiller l’idéologie du film et des acteurs professionnels , cette liberté
restrictive permet néanmoins à Eisenstein de tourner une œuvre forte. La
Russie du XIII siècle doit lutter contre les chevaliers teutoniques venus
l’envahir ; A.Nevski va diriger toute sa force contre les envahisseurs
allemands lors surtout de la fameuse « bataille des glaces » le 5
avril 1942.C’est cette fameuse bataille qui fit le clou de cette somptueuse
reconstitution qui eut le mérite d’être d’une beauté visuelle
remarquable avec un sens du montage et un concept visuel assez spatial.. Si le
film fut applaudi et plébiscité par les autorités staliniennes, il fut
retiré des écrans huit mois plus tard pour ne pas offenser l’Allemagne
avec laquelle Staline signa le pacte de non agression pour ressortir en 1941
et recevoir le prix Staline.
Le trio d’amis qui avait tourné le court métrage français
(Alexandroff, Tissé et Eisenstein) se
voit confier la réalisation d’un film sonore par la Paramount ; ils
choisiront en association financière avec l’écrivain Upton Sinclair
de tourner « Que viva Mexico »
qui restera un film inachevé faute d’entente financière, Sinclair
gardera le matériel et le film sera mutilé , remonté, découpé en
plusieurs films. (7) Ce désastre précédera un autre : « Le pré
de Béjine » et il fut mis en quarantaine par son pays qui proclamera : »Eisenstein
est considéré comme un déserteur qui a rompu avec sa patrie. Il a perdu la
confiance de ses camarades » La version proposée ici est celle du maître
comme aiment à l’appeler ses proches, en s’inspirant de ses écrits et de
ses dessins. Cette grande fresque contient quelques moments qui rappellent le
talent de son auteur.
DVD
4 : LA
GREVE (1924) -
OCTOBRE (1927) - Le
pré de Béjine (1937)
« La
grève » est le premier long métrage de cet artiste génial qui annonce
un de ses chefs-d’œuvre « Le cuirassé Potemkine ». Le synopsis
est simple ; des ouvriers d’une usine arrêtent leur travail et se
mettent en grève suite à une fausse accusation de vol. Les pouvoirs feront
tout pour les discréditer et justifier leurs répression .L’œuvre est
forte et montre déjà une grande maîtrise cinématographique. Eisenstein
dira qu’une « œuvre d’art est avant tout un tracteur qui laboure à
fond le psychisme du spectateur , dans une orientation de classe donnée
"
« Octobre »
a été commandée pour célébrer le 10 ième anniversaire de la révolution
d’Octobre 1917 , en s’inspirant du fameux livre de John Reed (7 bis). Plus
de 10 000 figurants furent utilisés dont beaucoup avaient vécu l’histoire
évoquée. Les évenements politiques (exclusion et exil de Trotsky )
« Le
pré de Béjine » est un montage de photogrammes et même par cette
projection inhabituelle de son court métrage, nous pouvons admirer le sens de
la dramaturgie de Eisenstein, sa passion pour les plans expressifs de ses
personnages, sur sa
recherche de la profondeur des champs et pour sa maîtrise du montage. Ecrit
en collaboration avec Isaac Babel (8).Eisenstein réalisa
Que
n’a t- on pas pardonner – je parle des autorités staliniennes- à ce cinéaste
inclassable : son désir de travailler en Amérique, son intérêt pour
d’autres cultures (Mexique, Japon) le fait d’être juif, celui de
critiquer Staline avec son « Yvan
le terrible », celui d’être en fin de compte
presque intouchable du fait de son talent et de sa renommée ? Six
volumes d’œuvres choisies, des milliers de dessins, mille études sur lui,
10 films et l’œuvre résistent encore aux analyses tant son empreinte fut
forte voire indélébile et emplie de mystères Dire que Eisenstein est un génie
est un lieu commun, les histoires du cinéma le disent et un jury mondial a
classé « Le cuirassé Potemkine » comme l’un des 10 meilleurs
films de tous les temps. Son cinéma reste moderne par son approche visuelle,
son discours et son montage hors du commun, ce révolté
indomptable est encore un cinéaste à découvrir dont les images nous
envoûtent encore .Ce magnifique coffret
qui restera un des plus imposants de cette année tente de rappeler le
travail d’orfèvre de celui qu’on surnommait Sa Majesté Eisenstein
de
4 dvd vendus aussi séparément dont chacun contient deux films, un court métrage,
une biographie de l’auteur, des critiques signés des cinéastes Rohmer et Rivette, des historiens du
cinéma comme Leyda, Sadoul et
Mitry ainsi qu’une histoire autour des films accompagnés de notes du cinéaste
russe
(1
bis) qui sortent également « Moloch » et « Juste avant la
nuit »
Romance
sentimentale » 15 mn de 1930 et « Le journal de Gloumov » 5
mn de 1923 ( considéré comme sa première réalisation
Le
temps de deux ou trois séquences
dans un film en 2 parties d’une durée totale de
près de trois heures.
Illustre
homme de théâtre russe
Intitulée
successivement « Ivan Grozny » « Le complot des Boyads »
et « Les combats d’Yvan » dont il avait tourné environ 800 mètres
(l’Encyclopédie du cinéma par Roger Boussinot page 1068)
Ce
grand opérateur signa de 1924 à 1946 tous les films de Eisenstein et
travaillé avec un autre grand ;Alexandre Dovjenko.
(6
bis) celui de Meisel composé pour sa sortie en 1926 avec l’assentiment de
Eisenstein,
de Kroukov composée en 1950 pour la réédition du film et des
extraits des œuvres
de Chostakovitch ( lui aussi persécuté par Staline) pour sa
ressortie en 1976
« Tonnerre
sur le Mexique » « Eisenstein à Mexico » « Kermesse
funèbre » (1933-1934) « Time in the Sun »
en 1939 par Marie Seton une de ses biographes et même une partie des négatifs
furent utilisés dans "« Viva Villa »(7 bis) « 10 jours
qui ébranlèrent le monde » qui inspirera des
cinéastes mexicain et américain un des plus grands des écrivains
soviétiques qui écrivit
« Contes d’Odessa » en 1927 sur le milieu juif
qui travailla pour le cinéma souvent.
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