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En
attendant de retrouver ben laden |
L’histoire ne se répète jamais et les journées s’écoulent moins doucement qu’avant alors chacun a repris son travail sérieusement y compris les habitués à ne rien faire mais il y en a un qui depuis toujours exagère plus que les autres
Depuis tout petit il était toujours à l’heure à l’école et il faut voir l’ambiance le seul jour où il y a eu une grève , la pluie , la neige , un rayon de soleil par hasard qui se demandait comment il avait pu se glisser soudain ; la voiture ne démarrait pas ce jour-là comme tous les jours mais en bien plus marqué ce qui fait que le retard devenait presque inévitable mais lui le pauvre , le mot lui-même il n’arrivait pas à lui donner un sens et impossible de savoir comment sans montre ni rien de semblable il s’arrangeait toujours pour être même pas en avance : à l’heure , pile à l’heure ( très longtemps après on apprit que quand se profilait un quelconque événement qui risquait de ne pas lui permettre de se trouver là où il le fallait au moment où il le fallait , ça n’était pas plus compliqué que ça : le temps s’arrêtait ( c’est hyper facile dans ces conditions et n’importe qui peut le faire) .
Bref , ce jour-là la pluie , la grève , mille autres choses qui ne me viennent pas à l’esprit qui arrivent toutes en même temps , ce jour-là : RETARD .
C’est possible que ce soit un peu long mais il faut décrire l’ambiance à la maison de cette journée historique à côté de laquelle d’autres journées historiques ( les premiers pas sur la
lune , la mort du général de gaulle , la victoire des bleus à la coupe du monde , la naissance d’un fils dans une famille connue de tunis où il n’y avait que des filles – sept , huit , dix peut-être -, même le sacre de la reine élisabeth vers 1952 et j’ai des vides dans la tête sinon je pourrais en sortir encore une immense quantité mais il faut que j’arrête et à part un , je n’ai rappelé que des événements heureux mais il y en a eu d’autres ( parenthèse dans la parenthèse il vaut mieux se taire ….))c’est exactement comme s’il ne s’était rien passé du tout .
C’est pas la peine de dire combien il avait toutes les qualités pour satisfaire ses parents , combien il revenait peut-être pas chaque jour mais très souvent avec des notes qui dépassaient les performances des meilleurs de la classe et il était en plus toujours très bien mis : jamais un cheveu en trop , ou un peu déplacé par rapport aux autres ; jamais un ongle différent . C’est dire . Cependant à la longue , devant l’impossibilité de le critiquer , mis à part le retard unique de son histoire de perfection d’horaire , il arrivait souvent qu’il ne prît pas la peine de répondre au courrier : c’était un immense défaut qui aurait pu , s’il n’avait été aussi diplômé , lui interdire certains postes professionnels auxquels il aspirait depuis tout enfant : comptable , directeur , fonctionnaire , cadre administratif , l’essentiel étant qu’il fût derrière un bureau , un stylo à la main , et qu’il s’en servît honorablement : c’est ce qui lui arriva .
C’est vrai que sur la photo de lui qu’on va découvrir sur la page suivante il avait d’un seul coup grandi et après nombre d’entretiens d’embauche il avait opté définitivement pour un poste de responsable qui comblait toutes ses aspirations d’enfance : on va le découvrir un jour normal où il n’y a rien de particulier le concernant mais où , le stylo à la main , il s’apprête à apposer son paraphe au bas d’un document dont il ne savait pas combien cette signature allait non seulement engager son avenir mais aussi celui des 2 seules personnes qui à la longue ont pu aussi bien le supporter dans sa vie de tous les jours que partager son quotidien professionnel : une tante très ancienne , Lucie Slakmon , qui avait eu une terrible aventure affective avec un membre de sa famille beaucoup plus jeune qu’elle ce qui à cette époque était assez mal vu et qui avait été délaissée pour une minime anomalie physique dont Georges M.
le fameux membre de la famille au nom masqué pour anonymat volontaire – il est encore vivant et achève humblement ses jours dans une maison de retraite du château de Limours – ne s’aperçut que sur le tard .
Le voilà dans la position décrite plus haut où peut-être on s’était fait une autre image de lui mais la réalité est là et tant pis pour le cheveu un peu déplacé sur le front mais le stylo et la signature et le document, on a la preuve que ce n’est pas une invention.
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Maintenant l’histoire de la tante : en 1911 , Salomon Slakmon , fils cadet de Ruben Slakmon de la Maison B.S.P ( Bijaoui , Slakmon et Perez , céréaliers ) épouse Mathilde Berdah , puînée de Maurice S. Berdah et Reine Cardoso issue de la bourgeoisie livournaise , dont le chic et l’élégance sans faille font d’elle une des jeunes filles les plus appréciées de la capitale : mariage quelque peu forcé du fait de l’état de future parturiente presque jour pour jour sept mois après leur première rencontre . Cette même année naît Lucie . Enfance sans histoire dans le beau quartier de Belvédère , villa modeste mais toujours bien entretenue , peu d’amis , une initiation à la musique soudain interrompue sans qu’aucune raison apparente ne le justifiât . Envoyée en France ; on est en 1923 , cet hiver est particulièrement rude et Tunis ville si ensoleillée paraît soudain recroquevillée sur elle-même ( Tunis , pas Lucie , mais il n’est pas impossible que ceci ait agi sur cela ) ………..
Très longtemps après , les bombardements , les biens confisqués et tout ce qui s’ensuit et voilà la petite Lucie devenue soudain vieille fille .
Parents désolés , inquiétude infinie : on est déjà en 1952 , l’année du sacre de la reine Elisabeth 2 et on va vite comprendre pourquoi elle n’avait aucun succès , pourquoi elle s’est arrangée pour tomber amoureuse de ce jeune cousin qui , une vie durant , et on sait qu’il a vraiment vieilli aujourd’hui , ne s’y est jamais habitué : durant ce fameux séjour en France , alors qu’en compagnie de ses camarades elle s’initiait à un nouveau jeu comme tous les enfants de son âge , une chute en avant qui aurait dû en tant normal n’avoir aucune conséquence , fit qu’elle se releva avec un nez carré qui lui resta même lorsqu’elle fut engagée comme assistante de son neveu .
En voici la preuve
Le jour où tante Lucie annonce , pour la première fois depuis 27 ans , elle qui ne s’est jamais absentée , elle qui a su être présente à chaque instant , en toute circonstance , qu’elle désire prendre 2 heures de retard pour achats indispensables concernant son état général , ce jour-là après accord de son chef , son neveu maniaque de l’horaire , vengeance soudaine ou sanction refoulée on ne le saura jamais , elle aperçoit , dans un coin du bureau Lynne Portland , recrue engagée le matin même .
Lynne Portland est étudiante à Paris depuis Septembre 99 ; elle est native d’une bourgade texane où elle a poursuivi des études juridiques internationales et envisage , à très court terme de se destiner à l’enseignement des techniques managériales dans l’industrie nautique .
Elle est en outre conseillère en marketing pour un cabinet de recrutement renommé .
Voici la scène
Ce tableau d’un format classique sur papier glacé exécuté à l’aide de feutres à la suite d’une altercation entre l’auteur et son fils montre quelques similitudes mais de nombreuses divergences avec les créations antérieures de l’artiste : le cadre peu habituel d’un bureau anonyme semble avoir été volontairement choisi pour éviter une quelconque situation conflictuelle : ambiance feutrée soulignée par la présence d’un tapis de laine au premier plan ,étagères correctement rangées avec juste ce qu’il faut de négligence pour mettre à l’aise le visiteur occasionnel ; le diplôme au mur est un « faux « mais jamais personne , même les plus proches collaborateurs de René M. n’ont osé s’en approcher suffisamment pour en avoir la certitude . Sur le meuble de droite un flacon , sur celui de gauche un vase .
Dans les tiroirs la suite de l’histoire qui peut-être un jour finira par être dévoilée .
Bernard Sberro
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