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Extrait du livre inedit "Les Trésors Cachés" |
Extrait du livre inedit "Les Trésors Cachés"
PRÉLUDE
Les pensées sur ma ville natale m'accompagnaient toujours. J'avais gardé
d'excellents souvenirs de mon enfance. Je conservais jalousement certaines
sentiments et courants agréables qui me parvenaient peut-être des hauts
cieux. La vie harmonieuse des habitants de ma ville avait contribué
amplement à mon éducation et à mon mode de vie. Les collines rocheuses et
les plaines vertes qui contournent notre ville sont toujours présentes dans
ma mémoire. Ma femme et mes enfants savent beaucoup sur Béja et la Tunisie,
par mes récits, par les chansons et les proverbes que je leurs transmets à
certaines occasions. Dans ma maison j'ai entretenu tout le temps une chambre
que j'avais aménagée à la façon de chez nous, avec des tapis et des klimes
afin de jouir de l'héritage de mes ancêtres et de la culture que j'avais
héritée. Depuis des années la musique tunisienne et arabe fait partie de ma
collection de disques et de cassettes sonores.
Plus tard je me suis rendu compte que je n'étais pas le seul à avoir une
telle collection.
Il y a treize ans que ma maman est partie dans l'autre monde, treize années
après mon père. Ils étaient les derniers de ma plus étroite famille, qui
nous quittaient. C'est à eux, à leurs familles et aux habitants de Béja que
je dois une grande partie de mes connaissances du mode de vie judéo-
tunisien et de sa culture.
Maman n'avait jamais mis ses pieds dans une école. Peu importe, car ce
qu'elle m'avait enseigné dépassait de loin tout ce que j'avais appris dans
les hautes écoles. Ma maman m'avait appris dès mon jeune âge les chants de
Louisa Tounsia, de Habiba Msika, de Saliha, du El Ofrit, puis le vrai sens
de "l'amour" et de "la charité". Elle me disait toujours:
- "Ma Yenfaa Càn El Qalb Ouel Faal." (Il n'y a que le coeur et les actes qui
comptent.) En effet ces deux principes faisaient partie de ma croyance et
.de mes pensés
J'étais aussi gratifié d'avoir eu un père, qui a su me transmettre beaucoup
de leçons à travers toutes les histoires qu'il nous racontait et les
proverbes qu'il employait. Il me disait souvent:
- "LaKram Ta'ati Eteber Ouela Ghla, L'Armaz Charba Ma Mel Guerba Tkidha."
(Les généreux offrent les pierres précieuses quelle que soit leur valeur et
les mesquins n'offrent même pas une goutte d'eau de leurs outres). Ce n'est
qu'aujourd'hui que je découvre le sens de ces sagesses voilées. Aussi il me
disait:
- " Eli Ya'mel el Kher Ma Y Chaour." (Celui qui veut faire du bien ne
demande pas conseil.) Je commence à peine à discerner et à saisir le vrai
sens de ces paroles.
Après tant d'années loin de ma ville, j'aurais sans doute perdu la langue
judéo-tunisienne et nos traditions, si ce n'était pour mes parents qui les
ont conservées. En plus, je n'étais pas le seul à avoir gardé ces moeurs et
ces traditions. Je suis toujours content de rencontrer des gens de mon pays.
Le vendredi le couscous avec viande et boulettes est resté le plat
traditionnel et solennel de ma maison. J'ai maintenu ainsi la coutume de mes
parents. Les plats tunisiens font toujours partie de notre cuisine. Pour
n'en citer que quelques-uns: l'Hlalem, Lemhamssa le Nikitous, de la Kouara
(pieds de veau)de la Harguemin, de la Gnaouya, Maghmouma, La Pkeila, Tajine
el Fad et des dixaines d'autres plats. Sans omettre les dixaines de salades
comme "Slata Mechouya, Slata Jida, Lemzaoura, Slata Khal", etc.. Il me prend
parfois l'envie de manger une simple "A'ssida" (semoule à l'eau cuite) .
Combien de fois je me contentais de manger du pain et des olives ou alors du
pain de l'Harissa et de l'huile d'olive. Voici ce que cela veut dire: pour
moi, un héritage, c'est de pouvoir être heureux avec peu. Une simple chanson
ou une mélodie peut me rendre gai comme un enfant. Y a-t- il une joie plus
belle que celle d'un enfant? La joie ne doit jamais nous quitter, si nous
voulons que la vie nous sourie.
- "Ezha Le Donya - Edonya Tezhalek" (Souris à la vie et la vie te sourira),
nous disait maman. Et j'ajoute: "Nous serions à l'aise, si nous ne nous
souciions pas du lendemain. Laissez le destin faire son travail car tout est
en nous."
Il faut être gai et s'entourer de joie. Le futur sera toujours autrement que
nous le pensons. Evidemment, il faut faire de son mieux dans toutes les
circonstances, que ce soit dans le travail ou à la maison. Il n'est certes
pas toujours possible de se tenir dans le même état d'âme, mais il faut
essayer d'être son propre guide. Mon père me disait un jour:
- "Lorsque les choses ne vont pas comme on l'aurait désiré, il faut s'offrir
ou offir à quelqu'un d'autre, quelque chose qui fait plaisir." Il ne faut
jamais laisser la tristesse ou le souci nous dominer. Ce n'est pas seulement
aux autres que l'on fait plaisir, mais c'est surtout à nous-mêmes, car en
agissant ainsi nous ouvrons les sources de la joie et du bonheur pour nous
et pour les autres.
Emile Tubiana
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