Francine DISEGNI Mémoire RAÏ-ART Les peintures de l'exil 1996-1997

par Francine Disegni, travail d'étude et de recherche sous la direction de Jacques Cohen .

L'écriture de la mémoire, on l'a vu avec Proust, consisterait à mêler des sensations du présent à celles du passé afin que le temps s'abolisse.

Aujourd'hui, comme beaucoup de déracinés, je reste fascinée par un des effets de l'exil: le vide qui est propice à la création.
C'est au moment où la nostalgie s'associe au désir de retrouver des sensations perdues que j'éprouve l'envie de peindre.

De mes origines orientales, il demeure des notes ensoleillées qui, tel le refrain d'une chanson populaire, reviennent constamment sur la partition de ma vie. Au final, la mélodie est celle du Raï, combinant jazz et malouf, je qualifie volontiers mon travail de "Raï-Art" *; ceci n'est pas totalement à prendre sur le mode anecdotique et, en termes picturaux, je m'efforce de souligner ce qui témoignent des deux cultures. Il y a dans mes tableaux une ambiance qui est la trace d'un Orient qui persisterait essentiellement par le truchement de la lumière, de la couleur et l'architecture. Portes fermées, rues désertes, escaliers qui ne demandent qu'à être empruntés. Sous les portes, des lumières fluides qui contrastent avec l'épaisseur, la solidité des murs. Peindre c'est pour moi quitter le lieu présent, c'est pénétrer dans le rêve. Mes tableaux sont au croisement de mémoires "revisitées".

Oskar Kokoschka à propos de ses rêves de mondes disparus :
"En ce temps là, l'Orient et l'Occident s'enchevêtraient comme le lisse et la trame d'un tapis, pour tisser un paradis"

Dans ma pratique, je cherche à marquer, du visible à l'invisible, la présence de l'absence: le manque. Il est évoqué par le fait même qu'il n'est pas figuré mais suggéré par la désertion des lieux, par la lumière et par la couleur… Les éléments qui définissent ma peinture, et que l'on retrouve à plusieurs reprises dans la production d'autres artistes exilés d'Afrique du Nord, manifestent à la fois l'enracinement dans une culture orientale et les traces de la vie en occident.

De mes études en arts plastiques à l'université il en résulte un mouvement qui tente d'aller au-delà de la réalité.

L'art est devenu le territoire de l'exil, chargé des traces de la mémoire, de l'histoire, où convergent les questions, les métaphores, les paraboles, lieu où les paroles de la diaspora s'enracinent. Toiles emportées, espace privilégié d'un peuple errant pour qui être apatride devient synonyme d'interrogation, de réflexion quant à la nature même du lieu, qu'il soit mythique, imaginaire ou réel.

* Raï-Art : Mouvement que j'ai imaginé et que j'aimerais développer.

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http://disegni.online.fr/index.htm