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LE CINEMA JUILLET 2003 


                                 

     UNE   FEMME   DE  MENAGE     de  Claude Berri France 2002

                                                                                     sortie DVD Mai 2003 (1)

                                Une chambre à l’abandon désordonnée comme la vie de son locataire Jacques ( Jean Pierre Bacri) un quinquagénaire qui sort d’une histoire d’amour chaotique avec Constance ( Catherine Breillat )  qui le poursuit de coups de fils anonymes qui ne font qu’augmenter sa déprime. Jacques partage son mal être avec une amie Claire (Brigitte Catillon), seul son boulot l’exile de ses problèmes .Jacques dans une boulangerie relève une annonce d’ une femme de ménage . il l’appelle pour mettre ranger son capharnaüm . Celle qui va répondre à cette demande est Laura (Emilie Dequenne)  une jeune et belle femme sexy  insouciante, bonne vivante , sans interdits ni esprit de contradiction . peu à peu elle va s’installer dans chez lui faute de logement et pour oublier une déception amoureuse. Cette installation gène Jacques dans ses habitudes de vieux garçon et dans sa tranquillité ; d’ailleurs la sexy employée n’a pas les goûts du monolithique célibataire. Ayant le cœur à l’ouvrage Laura va mettre un peu d’ordre aussi dans La vie sentimentale de Jacques s’offrant à lui et devenant sa maîtresse .Ce dernier, bougon va sortir peu à peu de sa tanière, de son enfermement reprendre goût à la vie et tomber amoureux de cette rencontre aussi inattendue qu’inespérée.

                           Adapté d’un roman de Christian Oster , adapté et dialogué par l’auteur ce film sur la solitude des êtres (tous les amis et rencontres de Jacques sont seuls dans la vie ) sur la difficulté de communiquer , de donner :Laura dit au début  de leur histoire d’amour : « Je vous aime, j’attendrais que vous m’aimiez » sur l’inappétence des êtres privés  de  vie, d’espoir, d’attaches. Claude Berri nous donne une œuvre touchante sur la renaissance (2) d’un homme désœuvré, pessimiste ; par petites touches il sait  approcher , peindre –lui le grand amateur d’art- cette union fulgurante et fugace peut être , faire jouer juste ses acteurs et rendre crédible son scénario et ses personnages.La dernière grande œuvre du nabab du cinéma français qui nous a pffert un an après un des plus beaux livres de cinéma (3)

 

(1)   il y a dans de DVD un petit bijou le premier film –un court métrage – de Claude Berri qui reçut l’oscar en 1965 , un interview de l’auteur, des deux acteurs principaux ainsi que les traditionnelles filmographies et un making of

(2)   la scène de la noyade avortée de Jacques montre le dernier sursaut d’un homme à la dérive

(3)   Autoportait de Claude Berri  Editions Léo Scherr  mai 2003

 

4  CINEASTES  JUIFS   MAUDITS

Roman Polanski « Courts Métrages » 

           Roman Polanski  avait déjà dans ses premières œuvres une originalité qui s’est pas départie dans sa filmographie et qui était déjà l’empreinte d’un grand réalisateur et d’un auteur à part entière. Nous retrouvons dans ces courts métrages un ton cocasse et burlesque, une atmosphère saugrenue, des situations irrationnelles et un pouvoir  visuel intense  qui le dégage de dialogues superflus. Notamment dans « Deux hommes et un armoire » de 1958  histoire insolite d’un couple sortant le dit meuble de la mer pour une destination inconnue s’accommodant difficilement de cet objet géant, encombrant et générateur de malheurs. Les six autres courts métrages sont à la hauteur de ce dernier et tout aussi surprenant ; du grand Polanski

 

LE SECRET DERRIERE LA PORTE de Fritz Lang

                                              DVD « les introuvables » Wild Side Vidéo

                    Une jeune femme riche Célia , à la mort de son frère  rencontre un homme énigmatique au Mexique. Ce dernier qui avait caché son premier mariage et son fils a une manie étrange et morbide : il reconstitue dans son immense demeure des chambres ayant abrité des crimes et les fait visiter à ses invités. Que cache la dernière pièce que l’intéressé ferme secrètement à clef .

                  Fritz Lang un des plus grands noms du cinéma s’intéresse comme le fut Hitchcock

a la psychanalyse en montrant un homme troublé par un passé traumatisant et troublant car à double personnalité. Le film qui possède une grande force donne un des plus beaux décors du cinéma et une de ses plus belles photos ; remarques non anodines car elles créent et développent une intensité dramatique grandissante dont Fritz Lang fut un expert

               Le support contient deux disques dont un documentaire tiré  de l’admirable série de André S.Labarthe « Cinéastes de notre temps »  où Fritz Lang converse en français avec Jean Luc Godard, une étude sur l’architecture du film, les photos du film, les filmographies traditionnelles et un DVD Room qui contient le script original et intégral qui est imprimable.

 

L’ENFER DE LA CORRUPTION de Abraham Polonsky

                                                                       DVD « les introuvables » Wild Side Vidéo

                     Joe Morse (John Garfield) (1) avocat arrivé travaille pour un gangster notoire qui a besoin de ses services pour réaliser un consortium avec ses semblables. Joe arrive même a s’allier son frère distant à ses manœuvres frauduleuses qui se fera éliminer par ses employeurs. Joe décide de ses retourner contre eux.

                    Abraham Polonsky qui comme son interprète principal verra sa carrière perturbé par le maccarthysme , cette hystérie collective qui habita les USA dans les années 50 , signe une œuvre noire, violente , d’une grande rigueur qui dénonçait une Amérique sclérosée, corrompue habitée de conflits moraux. Il signa avec ce petit chef d’œuvre un des regards le plus virulent sur une société décadente.

                   Le DVD contient un entretien avec Bertrand Tavernier et Pierre Risient  sur le cinéaste , une filmographie commentée de John Garfield ainsi qu’une galerie de photos et des filmographies.

 

 

CAUGHT  de Max Ophüls

                                                                       DVD « les introuvables » Wild Side Vidéo

                            Léonora (Barbara Del Geddes 1), femme rêveuse et ambitieuse pense que le bonheur se résume au mariage avec un homme riche. Elle épouse Smith Ohlrig (Robert Ryan)  un riche magnat qui se découvre être un homme possessif qui l’enfermera dans une tour d’argent . elle s’en échappe pour gagner une autonomie financière et peut être sentimentale avec la rencontre d’un médecin dévoué (James Mason), mais le passé va la rattraper .

                                 Max Ophüls un des plus grandes peintres français des tourments de la femme amoureuse signe ici une œuvre rigoureuse , remplie de haine et d’amour ; ces deux antipodes qui ne font parfois qu’un. Il montre une femme tiraillée entre deux amours : un despote dont le modèle serait le même que celui de Orson Welles (2) : le légendaire producteur Howard Hughes qui a produit cet film sulfureux.

                               Les bonus sont le documentaire sur Max Ophüls , une bande annonce et une galerie de photos avec un lien internet.

 

ALEXANDRE ARCADY : deux films –un livre

ENTRE CHIENS ET LOUPS  2002  sortie DVD  Mai 2003

                            Adrien (Richard Berry) est un cerveau du braquage, il sort de prison après avoir purgé une peine ; il a le cancer et sait sa fin proche. Celle de Werner (Saïd Tamaghmaoui) est provoquée par l’intéressé qui joue avec sa vie par dégoût de la sienne. Tous deux seront réunis pour une mission pour laquelle ils ne sortiront  pas vivant : un simulacre d’assassinat contre un homme politique et leur élimination comme tueurs. Mais le scénario prévu est changé au dernier moment. Mais qui dirige cette mascarade et pourquoi ce retournement ? Cet imprévu met en appétit nos deux héros qui singulièrement en manquaient.

                         Il y a par moments dans ce film policier les prémices d’une grande œuvre, malheureusement si le film se voit avec plaisir il ne répond pas tout à fait à notre attente , surtout de la part d’un cinéaste qui nous a touché davantage avec des œuvres policières comme « Le grand pardon » et « K » et intimistes comme « La bas mon pays ».Pourtant il y a un grand plaisir et un savoir faire de son auteur qui n’en est pas à son premier film comme réalisateur et comme spectateur. Il nous reste une somme de bonus dans un deuxième DVD qui rehausse le film : commentaires des 2 auteurs (le réalisateur et son fils)  25 mn de film coupé , les vidéos clips et séances d’enregistrement de Johnny Hallyday, les bandes annonces des films d’Alexandre Arcady , le DVD Room qui contient le scénario sur Internet et la traditionnelle filmographie des acteurs

 

 

 K   de Alexandre Arcady  France  1997   sortie DVD  juin  2003 (1)

                Enfant  Sam (Patrick Bruel) joue aux échecs avec un inconnu Katz un brocanteur israélite , ancien déporté qui a vu sa famille abattu devant ses yeux par un  nazi du nom de Heinrich. Des années plus tard en 1990  jouant encore aux échecs avec Katz son deuxième père et son mentor, ils sont troublés par l’arrivée d’un acheteur que Katz reconnaît comme un ancien S.S Güter, il l’abattra . Sam se refusant de l’arrêter le laisse fuir trouvant son acte non répréhensible, mais des anciens associés de Güter le poursuivent et Sam se voit obliger par son supérieur d’éclaircir ce dossier .Katz  meurt dans une explosion  et Sam se rend à Berlin pour y rencontrer Emma la fille de Güter qui enquête sur les mouvements néo nazis. Il apprend que Sam est mêlé à un trafic d’œuvres d’art volés à des juifs et que le Mossad enquête sur cette malversation  . Sam ira de surprise en surprise, découvrira une série de machinations et de trahisons, les masques vont tomber et révéler derrière des apparences le vrai visage de chacun .

                   Tiré d’un roman de la Série Noire (2), ce film co écrit par Jorge Semprun (3) se veut au travers d’un devoir de mémoire, une réflexion sur les apparences, sur le dédoublement de la personnalité et sur la responsabilité. Il rappelle dans des périodes de négationisme  intense que des vieux démons circulent encore en Europe , que ces mouvements soit dit en passant circulent aussi en France , incriminant leur présence même dans la police française. Si le film est emballant par son sujet, sa trame policière l’emporte sur le fond et réduit nous semble t-il son discours fort généreux, tolérant et humaniste reconaissant que les enfants des bourreaux sont aussi des victimes.

                  Une œuvre ambitieuse, courageuse , à contre courant , un film d’auteur qui casse la grisaille de la production habituelle et chose capitale nous renseigne, nous enseigne l’Histoire.

 

 

(1)   Le DVD comporte un making of intéressant comportant  des entretiens avec Alexandre Arcady et Patrick Bruel, une filmographie et une bande annonce.

(2)    « Pas de Kaddisk pour Sylberstein » de Konop édition Gallimard

(3)   écrivain espagnol rescapé des camps aussi et scénaristes des films politiques comme « Z » et « L’aveu »

 

LE PETIT BLOND DE LA CASBAH  de Alexandre Arcady 2003 Editions Plon

 

               De nouveau une autobiographie d’un cinéaste  qui à l’instar de Claude Berri autre cinéaste juif et autre chantre de la communauté  juive parle plus de sa vie que de son œuvre. Même si le prologue commence lors de la projection de son film consacré à un pan d’histoire de sa terre chérie ; « La bas mon pays »  son avant dernier film  réalisé en 2000, œuvre fraternelle contre l’intolérance qui offrait  une vison pessimiste de l’Algérie actuelle.  Cela commence en 1960  avec le départ de cette terre natale avec sa famille avec le départ de cette terre natale avec sa famille  de ce lieu qu’il ne quitta jamais par la pensée comme nos parents émigrés qui emportaient dans leurs bagages surchargés des brides de souvenir et une mélancolie qu’un pays qu’ils chérissaient et d’un bonheur laissé en friche.

                       Alexandre Arcady cinéaste de la mémoire nous fait côtoyer

Son enfance, sa famille et son entourage singuliers qui sont de véritables personnages de roman comme ce propriétaire si peu soucieux de demander les loyers qu’il finit par en réclamer plus aucun, la grand’ mère de 130  kilos difficile à mouvoir lors du déménagement qui passait ses journées dans un immobilisme serein sur son lit . un livre nostalgique sur le passé, sur la perte d’une culture et sur la mémoire si utile à citer pour ne plus perdre son identité

 

 

SATIN ROUGE    de Raja Amari France Tunisie Ed. Montparnasse (1)

 

               

    Une femme se regarde au début du film dans une glace, juge de son physique , se demande si ce reflet lui correspond et danse pour affirmer une féminité enfouie. Lylia cette femme est seule devant sa télé, dans ses autres loisirs, même avec sa fille Salma qui l’évite le jugeant trop démodée. Lylia (Hiam Abbas) (2) est veuve ce qui accentue sa solitude. Elle suit un jour l’accompagnateur musical des cours de danse arabe de sa fille pour se retrouver dans un cabaret où des femmes exécutent la danse du ventre devant un parterre masculin. Elle se sent attirer par ce monde nouveau qui réveille en elle  des frustrations que la servitude avait crées. Elle reviendra dans ce lieu pour s’enivrer de la danse et braver des interdits ; de spectatrice , elle deviendra actrice . cette jeune veuve va s’ouvrir à la vie , prendre d’avantages de directives que son rôle de femme soumise ne lui avait pas octroyées, pour revendiquer progressivement elle la mère sévère et vieux jeu le statut de femme autonome, et libre

                 Le cinéma tunisien a plus d’écho chez nous que d’autres cinémas minoritaires (3) du fait que sa particularité exotique et sa remise en question du rôle de la femme , de la mère nous interpelle par ses revendications légitimes. Ce cinéma de la Méditerranée et de la mélancolie  comme le souligne Raphaël Millet (4) nous montre la lassitude  du temps qui passe , des corps qui veillissent au soleil et qui n’ont plus de reconnaissance, de la peur du changement, du réveil  trop brusque qui va bousculer son monde, son entourage et son être. Ce sont des femmes cinéastes  qui apportent un souffle nouveau à un cinéma asthmatique.

                 Raja Amari sait avec son film téméraires par son sujet et ses scènes d’amour filmer par petites touches successives sans faire acte de révolutionnaire la métamorphose d’une femme tunisienne engluée dans le patriarcat et dans une société à domination masculine . Au travers cette danse du ventre lascive et enivrante qui libère des énergies , Lylia va à l’insu des voisins, de la famille lointaine et de sa fille se positionner, sortir des rangs ; c’est une femme affranchie qui dansera au mariage de sa fille. 

 

 

(1)   peu de bonus, nous aurions aimé avoir l’entretien de la réalisatrice figurant dans le dossier de presse et quelques extraits de danse du ventre par Samia Gamal

(2)   Vue dans « Aime ton père » de Jacob Berger et « Quand on sera grand » de Renaud Cohen

(3)   Nous avons eu « demain je brûle » en 2000 en 2001 « Siestes grenadines »  et surtout « La saison des hommes » de Moufida Tlati auteur du magnifique « Les silences du palais »

 

LA    FOI    AU      CINEMA

               ORDET de  Carl Dreyer DVD sortie Mai 2003

                Un fou perdu dans la nature invective les humains leur reprochant leur manque de croyance en Dieu et annonçant  le jour du Jugement dernier. Trois autres hommes ses frères et son père le recherchent pour calmer sa véhémence. A eux tous ils forment une famille de protestants à laquelle viennent s’ajouter Karen  une belle fille enceinte d’un troisième enfant dont elle espère qu’il sera enfin de sexe masculin. Le plus jeune des enfants tombe amoureux de la fille du tailleur, être d’un dogme  différent et c’est pour cette raison  il refusera d’unir les amoureux. D’autres faits vont venir briser et remettre en question les convictions des uns et des autres : l’illuminé Johannes s’enfuit et reste introuvable , la belle fille meurt en couches  perdant  son enfant. Seule la plus jeune de ses filles croit aux prédictions de l’oncle qui annonçait au cours de l’histoire que seule la foi sauve les vies

                Œuvre grave, sentencieuse Ordet est un film sur la foi, sur la Rédemption et sur l’espoir. Rarement œuvre mystique ne fut autant solennel dans la peinture de la religion avec ses croyants et ses extrémistes. Ce film sur l’ébranlement de la foi et sur ses tourments est une œuvre forte dénonçant les antagonismes religieux : il faut assister à ce combat entre les deux patriarches luthériens se reprochant de façon véhémente  leur  manque de chrétienté où leurs excès religieux.

               Le fou a toute sa raison et les autres normalisés à souhait semblent égarés dans leur confiance, tout comme ce prêtre et ce médecin qui se disputent amicalement les raisons d’un miracle. Ce tableau de maître signé en 1955 d’un cinéaste qui ne tournait plus qu’un film en 10 ans comme si lui même avait perdu la foi dans cet art qui produisait en ces temps là des films mensongers , qui ne reflétait point la réalité. L’auteur s’efface derrière ses personnages comme il l’avait avec son œuvre, il soigne l’atmosphère joue avec les décors nonobstant la mise en scène spectaculaire préférant cristalliser ses protagonistes  figés dans leurs idées et la mise en scène devient une succession de tableaux , où lumière, pénombre – le film est en noir et blanc- et corps statufiés accentuent le doute itinérant dans cette histoire mystique. Dreyer est un grand cinéaste ; il a dépassé le stade de la réalisation formelle, magnifiquement peint l’ébranlement de la foi .Sa conviction près de 50 ans après nous emporte encore.

 

 ROGER CHEMOUNI

  


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