Étonnant personnage que Loulou Tayëb ! Ce
Juif tunisien, militant écologiste de la première heure qui fit
partie de la délégation des Verts, reçue en son temps par le
CRIF et qui a longtemps siégé comme conseiller à la mairie du
20ème arrondissement de Paris où il fut délégué à la vie
artistique, est, de longue date, un peintre reconnu dont les
expositions attirent un public toujours plus nombreux.
Tayëb, spécialiste, entre autre, de toiles
géantes, est passionné par les visages. On lui doit un portrait
gigantesque de Georges Perec, l’auteur de la fameuse
« Disparition », une étude représentant le critique d’art
Jean-Paul Aron ou encore une sculpture de Tristan Tzara
transformé en dieu aztèque. Le beau recueil publié par les
éditions « Caractères » créées par le poète Bruno Durocher et
dirigées aujourd’hui par sa veuve, Nicole Gdalia, nous propose
un florilège d’œuvres récentes de Tayëb qui nous donne à voir, à
admirer, une galerie de « lumineux », d’hommes et de femmes,
connus ou moins connus, tous aujourd’hui disparus et qui ont
marqué leur époque et la sensibilité de l’artiste. Voici Anne
Frank, au sourire radieux, avec un petit air de jeune fille
d’Afrique du Nord, la musicienne Danielle Messia au visage
triple et très « asiatique », Suzette Ctorza, la « mère
défunte », à la dissymétrie des yeux très picassienne, Vicky
Messica, l’acteur « tune » à la voix cassée qui créa le Théâtre
des déchargeurs, Henri Grabman, un très grand danseur devenu
clochard à Montparnasse, Lina Nahmias, avec ses cheveux crépus,
ses yeux verts et, au cou, sa double rangée de perles. Sans
oublier Sidy Lamine Diarra, Édith et Marcel, Samira Bellil, qui
illustre la couverture et tant d’autres encore. Et, enfin, en
dernière page, voici Theodor Herzl, le sioniste de Bâle, qui
faisait rêver, dans les années cinquante, les jeunes Juifs de
Tunis et de La Goulette.
Très beau, très émouvant, lumineux.
Jean-Pierre Allali
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