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L'occidenté |
Transcription de
l'émission du lundi 10 janvier 2005 sur Judaïques FM
L’Étoile et le Jasmin, proposée et animée par André Nahum
À propos de la sortie du roman de Liliane Messika, L'occidenté
André Nahum : Bonsoir, je reçois ce soir Liliane Messika pour son livre
L'occidenté, itinéraire d’un homme ébranlé. C’est un roman paru aux éditions
Yago-Séguier. Liliane Messika, bonsoir.
Liliane Messika : Bonsoir.
A. N. : Vous avez fait là un très beau travail. C’est d’abord un très beau
roman, mais c’est surtout un livre en rapport avec votre engagement… Je ne vais
pas trahir un secret en disant que vous êtes une militante de Primo, que vous
avez un site sur Internet qui défend Israël bec et ongles …
L. M. : Nous avons effectivement créé Primo-Europe dont je suis porte-parole. On
ne défend pas seulement Israël bec et ongles, on défend la démocratie et les
valeurs de la République où qu’elle soit.
A. N. : C’est tout comme…
L. M. : Voilà, c’est tout comme. Je suis d’accord avec vous.
A. N. : En tout cas L’Occidenté est un roman, non pas initiatique mais c’est un
roman enquête. C’est-à-dire que vous y démontez mot pour mot et pièce par pièce
tous les arguments de la propagande antisioniste, c’est-à-dire antijuive.
Pourquoi vous avez fait ça sous forme de roman, pourquoi pas un essai, ou un
pamphlet ?
L. M. : D’abord parce que des essais, il y en a déjà beaucoup, j’avais déjà
traduit l’année précédente Mythes et réalités des conflits du Proche-Orient de
Mitchell G. Bard, qui est un classique aux Etats-Unis. Je l’avais adapté pour la
France parce que les contextes sont différents et qu’il y a des évidences pour
les Américains qui ne sont pas bonnes à dire en France. Mais ce livre, outre le
fait qu’il n’a pas été distribué correctement, était justement un essai pur et
dur. Et pourquoi pas un pamphlet ? Parce qu’il y a des gens bien plus costauds
que moi qui en écrivent, mais surtout parce que aussi je me suis rendu compte
que les pamphlets, comme les essais, ennuient les gens. Ils n’ont pas envie de
les lire. Ils lisent les dix premières pages parce qu’ils veulent s’instruire et
ensuite ils le mettent sous la pile en disant « Bon quand j’aurai cinq minutes,
j’y reviendrai ». Et sur les dix premières pages il n’y a pas assez de place
pour leur donner toutes les réponses.
A. N. : Bien observé. En tout cas votre roman, on le lit d’un bout à l’autre. On
ne s’arrête pas parce qu’il y a une intrigue, qui est prenante et c’est, en
plus, la dénonciation de tous les mythes, de tous les poncifs contre les
Israéliens, un par un. Vous êtes comme un inspecteur de police qui remonte le
fil d’un crime, et vous dénoncez pièce par pièce tous les morceaux du puzzle.
Alors pourquoi « L’Occidenté », comme titre ? Vous auriez pu dire l’Occidental
ou l’Oriental… C’est un monsieur qui vient de Belgique, votre héros.
L. M. : Oui, c’est un type qui souffre à l’Occident, il souffre d’être
occidental, il estime que les Occidentaux sont coupables de tous les maux de la
Terre et particulièrement de tous ceux qui touchent le tiers-monde et donc il
est accidenté à son Occident, et j’ai trouvé que L’Occidenté…
A. N. : C’est bon, moi ça m’a plu aussi… Mais votre héros, l’Occidenté, qui
rejette l’Occident, en fait c’est un Belge, grand, blond… Il n’est pas Flamand,
il est Wallon ? Parce que les Flamands sont un peu plus antisionistes que les
Wallons, je crois.
L. M. : Il est moitié moitié. Mais en réalité, il est Belge par paroxysme, parce
que ce qui se passe en Belgique c’est à peu près la même chose que ce qui se
passe en France. J’ai choisi quelqu’un qui avait vécu dans les pays arabes parce
que je trouvais qu’il représentait bien ce qui est devenu aujourd’hui un lieu
commun en France, c’est-à-dire qu’il pense que les musulmans ont forcément
raison puisqu’ils représentent d’une certaine façon le tiers-monde, la pauvreté,
et qu’ils ne peuvent donc pas être coupables puisqu’ils sont victimes. Et mon
héros est la contraction de tas de gens que je connais et qui servent ce même
discours, qui sont ce que Finkielkraut appelle les « antisémites sympas »…
A. N. : Ah c’est un type bien, il est très généreux… Il n’aime pas Israël parce
que c’est le mal. Et si Israël n’avait pas été le mal, il l’aurait aimé ?
L. M. : Sûrement…
A. N. : Du reste il n’est pas antisémite. Il adore les Juifs.
L. M. : D’une certaine façon oui, il adore les Juifs, il adore les victimes…
C’est un type qui adore les victimes…
A. N. : Sortis d’Auschwitz ils ne l’intéressent pas beaucoup, c’est sûr…
L. M. : Il est compassionniste, là où quelqu’un est une victime et a besoin
d’être défendu, il y va avec son armure, son cheval blanc, etc. Là où les Juifs
sont victorieux, en uniformes et où ils ont des tanks, ça ne lui va pas du tout.
A. N. : Beaucoup d’auteurs font remonter cette vague épouvantable
d’antisémitisme déguisé en antisionisme à la guerre des Six Jours… Jusqu’en
1967, les Juifs étaient des victimes, donc très honorables, ils sortaient des
camps, ils avaient été brûlés, c’est bien pour un Juif… c’est bon… c’est un bon
destin…
L. M. : Et puis ils travaillaient la terre…
A. N. : Oui, un petit peu c’est ça. Donc c’était des gens biens…Ils étaient
tranquillement dans leur malheur et en 1967 il s’est passé quelque chose de
terrible, les Juifs ont gagné une guerre, en une journée, ils ont détruit
l’aviation égyptienne et trois armées arabes et ça, c’est intolérable, c’est
insupportable…
L. M. : C’est absolument insupportable… C’est drôle que vous disiez ça parce que
mon deuxième roman, qui n’est pas encore paru, commence un peu comme ça… Les
Juifs ont un rôle à jouer, il faut qu’ils restent dans ce rôle de porter la
misère du monde…
A. N. : On peut prier pour eux comme ça…
L. M. : Voilà, mon héros représente une part importante des gens, ce que
j’appelle en France les gens bien intentionnés mais mal informés, qui sont
vraiment persuadés d’être dans le camp du bien. Et un beau jour mon héros est
obligé de s’apercevoir que ce qu’il lit dans le journal n’est pas le reflet de
la réalité sur place.
A. N. : Ce qui est intéressant dans la façon dont vous avez mené ce livre, c’est
que jusqu’au bout il ne peut pas y croire. Il dit « je ne me suis quand même pas
trompé à ce point », ou « on ne m’a pas trompé à ce point ».
L. M. : Il ne faut pas raconter le livre… Surtout pas la fin…
A. N. : Non, on ne raconte pas la fin du tout, mais enfin je veux juste mettre
le lecteur en condition, lui donner envie de lire le livre. Alors ce Belge,
grand, beau, converti à l’Islam…
L. M. : Très pro-arabe mais très occidental dans son aspect…
A. N. : Il est né en Afrique, il a épousé une Africaine mais blonde et blanche…
À laquelle il a fait une fille formidable, enfin bref, il va vivre dans les pays
arabes, où il est heureux, à la fois content et pas content, il cache son whisky
pour le boire, sinon on lui coupe la tête ou les bras, et puis il se convertit à
l’Islam. Alors pourquoi est-ce qu’il se convertit à l’Islam ? Pour faire comme
tout le monde ? Pour communiquer ? Pourquoi ?
L. M. : La raison officielle c’est une assurance-vie, c’est-à-dire qu’il vit en
Iran, il y est en mission pour plusieurs années, il sait très bien que si il ne
fait que regarder une femme dans les yeux et qu’on le dénonce, il finit en
prison. Donc être musulman l’autorise à avoir des relations normales avec les
femmes iraniennes. Mais il y a quelque chose en dessous, même s’il ne raconte à
sa famille, à ses amis restés en Europe que la partie officielle. En réalité il
a un tel rejet de tout ce qui est l’Occident avec son…
A. N. : Pourquoi ? À cause de la colonisation ?
L. M. : Pourquoi est-ce que tous nos intellectuels en France n’aiment pas
l’Occident, pourquoi est-ce qu’on accuse l’Occident en général et les États-Unis
en particulier d’être coupables de tout ce qu’il y a de mauvais dans le monde ?
Eh bien, il est dans ce même état d’esprit. C’est quelqu’un de bien. Moi j’en ai
fait un petit peu un archétype…
A. N. : C’est une synthèse de pas mal de gens…
L. M. : Il est né Blanc en Afrique à l’époque où la colonisation a cessé, au
moment de l’indépendance. Donc d’une certaine façon il était colonisateur et il
est devenu brusquement minorité étrangère dans un pays. Il a adopté les valeurs
du colonisé, c’est pour lui, en quelque sorte, une condition de survie, mais
aussi, il a ressenti une espèce de besoin de s’identifier à celui qui a pris son
indépendance, à celui qui s’est affirmé, à celui qui est sorti de la
colonisation. Et pour ce faire, il fallait avoir quelque chose contre quoi
lutter et ce « contre » c’était l’Occident. De la même façon que la plupart des
gens, entre guillemets « l’intelligentsia française », aujourd’hui déteste
Israël et déteste les États-Unis en prenant pour appui la colonisation, sans
vouloir admettre les faits. Les faits, c’est que l’Afrique, qui est dans l’état
le plus épouvantable qui soit, les Américains n’y ont jamais mis les pieds et
c’était les Français qui y étaient, ou les Belges, enfin l’Europe. Mais ça on
l’a un peu oublié tellement on est pressés de faire remarquer que les Américains
sont coupables.
A. N. : Oui, il y a une telle haine, un tel rejet de ce qui est
américano-israélien, parce que les deux sont liés … Il faut le Grand Satan et le
Petit Satan, c’est un package, c’est Satan tout court… Cela rappelle un truc
extraordinaire : au moment où les Turcs ont pris Constantinople, il s’est trouvé
des nobles chrétiens pour dire « Plutôt le croissant de l’Islam que la tiare de
Rome ». Nous sommes un peu dans la même situation où l’on dit « Plutôt ce qui
peut arriver avec nos anciens colonisés que la soumission aux États-Unis », Rome
étant les États-Unis dans ce schéma. Comment expliquez-vous ce consensus dans
notre pays contre tout ce qui est Américain et tout ce qui est Israélien ?
L. M. : Ecoutez, puisqu’on parlait de Primo-Europe, j’ai un texte sur le site
qui s’appelle « La droite vient de Mars et la gauche de Vénus » et mon
explication vaut ce qu’elle vaut, mais en résumé, c’est, grosso modo, que la
politique a un sexe, et qu’après le paternalisme des années de droite, on a élu
la gauche, qui nous a, d’une certaine façon fait tomber en maternitude,
c’est-à-dire qu’on s’est mis à se préoccuper avant tout des victimes. De la
nature, de l’essence de la victime. D’abord on s’est mis à exalter le droit à la
différence, et petit à petit ce droit à la différence, qui est une chose
formidable et enrichissante, est devenu la différence des droits. Par exemple
Jospin, alors qu’il était ministre de l’Éducation nationale, a voulu que les
jeunes Maghrébins retrouvent leurs racines - on n’est pas sûr que les jeunes
Maghrébins avaient cette demande-là - mais il a décrété qu’on allait enseigner
l’arabe dans les collèges et dans les lycées. Seulement on n’avait pas de profs
formés à l’arabe. On a donc recruté des imams d’Arabie saoudite ou du Maroc qui
n’ont pas du tout enseigné l’arabe, mais un fondamentalisme qui a commencé à
faire bouillir les banlieues. Mais comme ce qui bouillait dans ces banlieues
c’était le tiers-monde, la misère et que les pays riches sont coupables de cette
misère, coupables de ne pas avoir intégré les immigrés, il ne fallait même pas
le dire, il ne fallait pas le remarquer. Car si on le disait, on était un
lepéniste. Donc on ne l’a pas dit et on s’est retrouvés dans une situation où
quand des jeunes désœuvrés sous-éduqués qui venaient d’un ghetto commettaient un
délit, il ne fallait surtout pas remarquer quel genre de jeunes c’était. Et ils
ont commencé par les plus faibles : les femmes et les Juifs. Comme on ne posait
pas le diagnostic, on ne risquait pas de trouver le remède et on a vu une montée
parallèle de l’antisémitisme et de la misogynie dans les banlieues.
A. N. : Chez les jeunes de banlieue, un terme devenu générique …
L. M. : Oui, ces jeunes des banlieues qui n’étaient pas forcément jeunes, qui
n’étaient pas forcément des banlieues, étaient les victimes du système. Ça aussi
c’est devenu vraiment une valeur, « victime-du-système » en un seul mot… Je le
dis d’autant plus tranquillement que j’ai voté à gauche jusqu’aux dernières
élections.
A. N. : Moi je viens d’Afrique du Nord, donc je ne suis pas trop mal placé pour
en parler, il y a quelque chose de monstrueux dans le fait de mettre tous ces
jeunes en condition de victimes. Parce que si on les compare à leurs cousins qui
sont restés en Afrique du Nord, ils sont loin d’être des victimes. En Afrique du
Nord, on se bat pour aller à l’école, pour s’instruire, mais ici on se bat pour
casser l’école. Ce qui était là-bas quelque chose de désirable, de merveilleux,
un but auquel on n’arrivait pas toujours, aujourd’hui devient l’abomination.
L’école c’était un must, et c’est toujours un must pour les déshérités d’Afrique
du Nord, et le grand mérite de certains pays comme la Tunisie de Bourguiba c’est
d’avoir envoyé les gosses à l’école. Mais ici, au contraire, c’est une brimade
que d’envoyer les gosses à l’école. Et puis aussi, moi j’habite Sarcelles. On
parle des cages à lapins… C’est quand même mieux que les gourbis qu’il y avait
en Afrique du Nord ! Dans les cages à lapins, il y a du chauffage central, il y
a de la moquette sur le sol ou un parquet de bois, il y a des ascenseurs… En
matière de souffrance et de brimades, il y a pire !
L. M. : Oui, ils sont victimes d’une part parce qu’on les a convaincus qu’ils
étaient victimes, mais aussi parce qu’on les a aidés à être des victimes. Moi je
pense que l’on devrait envoyer les meilleurs profs dans ces cités-là, plutôt que
d’envoyer les jeunes profs qui sont arrivés les derniers au classement et qui se
trouvent complètement démunis face à des gamins qui ont pratiquement leur âge.
Je ne suis pas pour la discrimination positive en ce sens que je trouve
absolument anormal de nommer un préfet parce qu’il est musulman, ou juif, ou
sikh ou n’importe quoi - en revanche je trouve que là où il y a le plus grand
déficit éducatif, c’est là qu’on doit envoyer les meilleurs profs et avoir les
classes les moins nombreuses possibles. Cela étant, on avait aussi installé un
système où les imams les convainquaient qu’ils étaient des victimes par essence,
c’est-à-dire qu’ils n’avaient rien besoin de faire, de toute façon ils étaient
victimes. Et s’ils n’étaient pas reconnus comme l’élite de la nation, c’était
parce qu’il y avait un affreux complot, pas parce qu’ils n’avaient pas appris à
écrire… Toute notre intelligentsia s’est engouffrée dans la brèche en disant «
mais oui, les pauvres, on les a ghettoïsés, on en a fait des victimes, c’est de
notre faute ». C’est exactement le même système de pensée qui fait qu’après le
11 septembre on a accusé les Américains de l’avoir bien mérité par leur
arrogance, etc. D’accord ils étaient arrogants, mais si tous les gens arrogants
se prenaient un avion sur la tête, il ne resterait plus beaucoup de gens debout
et sur la Rive Gauche moins qu’ailleurs.
A. N. : Bon, donc c’est un peu ce système que vous dénoncez, que vous disséquez
d’Israël. Votre héros va avoir des problèmes… Sa sœur, qui a échappé à un
accident terrible, va remercier le Ciel en allant à Jérusalem sur le tombeau du
Christ, mais le dernier jour de son séjour, son fils unique va aller danser dans
une discothèque où il rencontre une adorable jeune fille, israélo-anglaise,
c’est le jour où un kamikaze fait sauter le Mike’s Bar… Donc il va se trouver
confronté là dans son sang et dans sa chair avec la réalité israélienne et il va
être obligé d’y aller, et à travers les recherches qu’il va faire, et le soutien
qu’il va apporter à sa sœur, il va rencontrer des personnages dont il ne
soupçonnait pas l’existence.
L. M. : Mais il est comme la plupart des gens qui, en France, parlent du conflit
israélo-arabe sans même savoir où se trouve Israël, sans avoir la plus petite
idée de ce qu’est la réalité à la fois du Moyen-Orient, du conflit sur place, de
la société israélienne, de la société palestinienne, de la société des pays
arabes autour. Donc lui, il arrive pétri de préjugés et d’idées reçues, et puis
il se cogne contre la réalité. Et c’est lui qu’on accuse d’avoir des préjugés,
alors qu’en Iran, c’est lui qui accusait les Occidentaux de préjugés. « Mais
vous ne comprenez rien à la subtilité de la civilisation perse, vous êtes nuls,
vous ne voyez que le foulard » leur disait-il. Et tout d’un coup c’est à lui
qu’on dit « Oui, bon vous êtes gentil, vous venez de l’extérieur, vous comprenez
rien, vous plaquez vos idées toutes faites sur une réalité que vous ne comprenez
pas ». Alors comme c’est un type quand même intellectuellement honnête, ça finit
par pénétrer.
A. N. : Mais lentement… et il est très étonné. Il rencontre un prêtre, et il
pense que normalement, un prêtre catholique devrait dénoncer le sionisme, parce
que Notre Seigneur, etc. Or celui-ci ne dénonce pas, au contraire il explique.
Et là, notre bonhomme ne comprend plus. Il finit tout de même par trouver
quelqu’un qui l’intéresse énormément c’est une Israélienne ultra gauche qui est
pour la paix, qui lui fait rencontrer des Palestiniens pour la paix entre
guillemets. Et petit à petit, mais il est dur à la détente quand même hein, il
est très dur à la détente…
L. M. : Il faut mesurer l’épaisseur de la cuirasse de préjugés. Si vous essayez
de parler aux gens, en France aujourd’hui, ils ont cette attitude-là. Dans ce
livre, on dit que « tous les personnages sont fictifs, etc. » Mais en réalité
aussi bien le curé que le pasteur, que le médecin, tous ces gens-là, ils
existent, je me suis inspirée de personnes réelles, j’ai mis dans leurs bouches
des choses que j’ai entendues à la radio, dans des conférences, etc. Donc ces
gens-là disent des choses qui sont réelles. Et pourtant, on m’a accusée d’avoir
fait une intrigue invraisemblable, un personnage qui n’est pas du tout crédible,
archétypal et si vous allez sur Fnac.com on accuse ce roman d’être manichéen…
A. N. : Ah bon…
L. M. : Oui, oui absolument. Donc mon personnage, lui, est obligé de se cogner à
la réalité, parce qu’il n’a pas le choix, parce qu’il est parachuté là-bas, il a
cette obligation qui lui ouvre un peu l’esprit mais les lecteurs français eux,
ils n’ont pas cette obligation, ils continuent de tout voir à travers le prisme
de leur grille de lecture, et Dieu sait qu’elle est imprimée profond…
A. N. : Mais c’est très grave ce que vous dites là parce que finalement on peut
se poser la question « Comment faire ? Que faire ? », vous militez, vous avez un
site qui est et je ne suis pas le seul de cet avis, extrêmement valable, qui
fait du bon travail…
L. M. : www.primo-europe.org.
A. N. : Publicité gratuite.
L. M. : Merci.
A. N. : Mais il rencontre des préjugés épouvantables… On parle de la barrière,
mais là ça n’est pas une barrière, c’est une forteresse… alors il nous reste
trois minutes, ce que je voudrais c’est que Liliane Messika, l’auteur, s’efface
pendant deux minutes derrière Liliane Messika la militante. Comment voyez-vous
les choses ? Comment fait-on pour arriver à ce qu’un livre comme celui-là serve
à quelque chose et que des militants comme vous servent à quelque chose ?
L. M. : Je pense que le roman est un bon outil. Approcher les gens par le côté
humain et par l’identification, c’est certainement plus efficace que de leur
envoyer des traités historiques avec Grand A, petit B, etc. Maintenant je pense
aussi qu’il y a un décalage énorme entre le grand public français et les médias,
l’intelligentsia, qui leur assènent leur façon de voir et de penser. Je suis
toujours très étonnée, quand je parle à des gens, d’entendre : « Au
Proche-Orient c’est épouvantable ». Et quand je demande ce qu’ils trouvent
épouvantable, je me rends compte qu’ils s’identifient aux Israéliens. « C’est
affreux : ils vont à leur boulot, ou il vont au marché, et puis le bus explose,
mais ça doit être épouvantable ». En France aujourd’hui, les médias éliminent
complètement toute référence à l’humanité des victimes israéliennes, en ne
mettant en exergue que la douleur des pauvres qui commettent des attentats
suicides, en expliquant que s’ils font ça, c’est qu’ils sont dans un état
d’épouvantable désespoir … Et bien, malgré ce matraquage, les gens ne sont pas
dupes et ils le sont d’autant moins que mon roman raconte une histoire vraie.
Cet attentat-là a eu lieu, une jeune Française a été une des victimes, Dominique
Hass, et les deux coupables étaient deux Anglais d’origine pakistanaise, ce
n’était pas des pauvres colonisés. Même la presse française a été obligée de le
dire…
A. N. : Ils n’avaient rien à voir avec la souffrance du colonisé…
L. M. : On n’en a pas parlé longtemps, mais on en a parlé quand même parce
qu’une des victimes était française… Et je crois que si on avait une presse
d’information au lieu d’une presse d’opinion, ça changerait. La plupart des gens
en France ne sont pas mal intentionnés, ils sont mal informés, ils ne peuvent
pas s’informer autrement puisque toute la presse est unanime à raconter la même
histoire.
A. N. : Et bien il faut des gens comme vous pour se battre et pour faire en
sorte que l’on nous écoute aussi et qu’on n’écoute pas seulement les médias qui
sont très défavorables à Israël. Continuez votre combat. C’est beau. Il faut le
faire.
L. M. : Merci.
A. N. : Alors Liliane Messika, je vous remercie beaucoup d’avoir été mon invitée
ce soir. Je vous remercie pour ce combat que vous menez. Je rappelle le titre de
votre très beau roman, L’Occidenté, itinéraire d’un homme ébranlé, paru aux
éditions Yago-Séguier. Très bon roman mais surtout voyage à travers les
consciences. C’est bon comme définition ?
L. M. : C’est une excellente définition. Et si votre libraire ne l’a pas, il
peut le commander chez Séguier, à Paris, au 01 55 42 61 40.
A. N. : Merci à vous. Au revoir. Merci à tous. À la semaine prochaine.
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