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Le "cas" Nedjar restera dans les annales de la guitare.
En effet, apparu au milieu des années 60, il stoppe ses activités musicales
en 70, devient une légende du style manouche auprès des spécialistes du
style et ne réapparaît qu'aujourd'hui, âgé de 50 ans, tout en promesses !
Laissons à Claude Lemercier (spécialiste de la question, qui le connaît
depuis ses débuts) le soin de vous conter son histoire.
Philippe naît à Paris dans le quartier de la Bastille. A l'âge de 10 ans, on
lui offre sa première guitare. Une guitare classique "à cent balles". Pas de
cours de musique, pas de méthode. Découverte d'un vinyle de Django
Reinhardt. C'est un album du Hot Club, des années 1937/1938. On écoute et on
re-écoute. On tâtonne sur la guitare et on trouve dans sa tête les parcours
de doigtés.
C'est le jeu à deux doigts, pour le phrasé et le recours au troisième doigt
pour exprimer les accords. On est encore à l'âge des culottes courtes, on a
des mains de bambin et cependant…
Ça marche, c'est facile !. On joue le répertoire de Django. Le grand frère
Alain, entre dans le jeu avec une pompe manouche construite au jugé et tout
cela leur paraît simple, sans problème. Les parents, les proches, sont
stupéfaits du résultat. Ils ne seront pas les seuls : à la rue des Rosiers,
on écoute, on se frotte les yeux.
- "Manouches ?"
- "Non, nous venons de Tunisie."
Nous sommes en 1965. Philippe Nedjar joue avec Jacques Montagne, puis il
fait une saison sur la Côte avec Tchan Tchou Vidal, avec qui il se lie
d'amitié. On vit un rêve et on savoure les ovations du public. Celles
connues au Slow Club, en 1967 aux côtés de Marc Laferrière et Eddie Bernard.
Celles des gitans et gadjé du festival de Samois sur Seine en 1968, où il
fait équipe avec Eddie Bernard, Babik Reinhardt et Stéphane Grappelli.
Celles de l'Hôtel Hilton avec Stéphane, celles du Festival d'Antibes, en
1969 auprès de Marc Hemler (piano), Michel Gaudry (basse), Philippe Combelle
(batterie). De 1970 à l'an 2000, Philippe Nedjar se consacre à une vie
professionnelle et personnelle hors du monde de la musique. En 2001, mettant
un terme à sa carrière professionnelle, il revient à la musique, en
dilettante, mais toujours passionné de guitare. Sa collaboration avec Stan
Laferrière (fils de Marc) lui donnent l'occasion de développer ses chorus
enflammés en faveur d'un public toujours aussi généreux en applaudissements.
Et un public passionné de jazz, ça ne se trompe jamais.
Pas de doute, le jeune prodige des années 68 a bien gardé toute sa
virtuosité et son inspiration.
Pour la petite histoire, nous avons rencontré Philippe Nedjar qui nous a
raconté comment il a décidé un soir de l'an 70 d'arrêter la musique. Cette
anecdote dépeint bien l'idée qu'il se fait de son art : il travaillait en
club avec des musiciens et propose un dernier morceau (tempo médium) pour
terminer le dernier set. Les musiciens sont d'accord mais à condition que
l'on prenne ce morceau à tempo rapide, parce qu'ils doivent arrêter de jouer
dans exactement deux minutes, comme tous les soirs ! Philippe, dégoûté par
la réaction de ces "fonctionnaires de la musique", lui qui aimait tant
jouer, plaqua tout sur-le-champ et quitta le "métier". Voilà une histoire
édifiante…Qui ne s’arrete pas là puisqu’en 2003, il décide d’enregistrer son
premier vrai CD, reprenant à sa manière le message du Django de 53 (et de
son fils Babik). La galette est intitulée «Shadow of your smile» (Djaz
records/Dam diffusion) et ne manque pas de réveler tout l’art de Nedjar.
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