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SHOAH ET CINEMA |
L’association «Témoignage pour mémoire » a recueillis 130 témoignages de détenus du camp d’Auschwitz ; elle choira 14 d’entre eux hommes et femmes témoins de l’horreur et victimes de l’enfer concentrationnaire nazi. Chaque récit est précédé d’une présentation de l’interviewé par Annette Wievorka (1) inspiratrice du projet , suivi de photos et clos par un rappel du devenir de l’intéressé. Il y a entre autres Henri Borlant qui trace avec larmes le climat de ces camps de la mort où dysenterie et typhus minaient déjà les concentrationnaires obnubilés par la faim, Marcel Jabelot qui perdit 17 membres de sa famille qui rappelle l’atmosphère malsaine engendrée par la promiscuité , l’hygiène défectueuse et les cris d’horreur permanents
14 voix qui symbolisent des milliers d’autres pour dire l’insoutenable, l’impensable, l’irracontable, l'indescriptible, 14 voix qui viennent pour qu’on n’ oublie jamais l’horreur et l’inhumanité. Henri Borlant comme beaucoup d’intervenants symbolisera par ses actions : témoignages dans les lycées et collèges, membre du conseil d’administration de la fondation pour la Mémoire de la Déportation, la voix de la mémoire . De surcroît il contribuera à l’édifice de ces récits émouvants, signera un documentaire « Des survivants racontent » que l’on trouve dans le troisième dvd qui est accompagné de musique sur les chants juifs qui accompagnent les témoignages. Le dernier dvd est composé d’un documentaire « Auschwitz le monde savait-il » ainsi d’entretiens qui confirme que le monde en question en savait beaucoup plus sur le sort des juifs qu’il ne voulait l’admettre. Un pan d’Histoire nous est offert avec ces 14 récifs qui contribuent surtout à une époque où des esprits malsains minimalisent dénaturent ces dures réalités, à la reconstitution de l’Histoire du people juif.
(1) crée en 1991 qui en 4 ans a recueilli ces dépositions que l’on peut visionnés aux Archives Nationales
(2) docteur en histoire et directrice de recherche au CNRS auteure de « déportation et génocide : entre la mémoire et l’oubli » Plon 1992 et de « Auschwitz expliqué à ma fille » Le Seuil 1999
CHERE PERLA de Chachar Rozen Israël 1999
Perla est la dernière survivante d’une famille naine juive qui a survécu aux expériences du Dr Mengelé à Auschwitz. Elle fait partie d’une troupe d’artiste de cirque qui eut son heure de gloire avant l’arrivée du nazisme. Hannelore naine aussi est chrétienne, né après la guerre en Allemagne. Ces deux dames vont sympathiser échanger leurs émotions et Hannelore va fouiller le passé pour retrouver un film , des photos ou témoignages attestant les paroles de son amie .Un documentaire de plus qui souligne le sort des gens de petite taille éliminés par calcul ou gardés comme cobaye et qui rappelle la politique d’euthanasie –sans rapport avec la réalité d’aujourd’hui et synonyme sans jeu de mot d’état nazi- Ce film parle de mort et de vie, de pardon et de reconnaissance , d’amour et d’amitié.
PRISONNIER DU PARADIS de Malcom Clarke et stuart Sender Canada 2004
Le film concerne la vie et le destin d’un artiste juif allemand Kurt Gerron. Acteur de second rôle des années 20-30 (1) dont le plus célèbre est le directeur d’une troupe dans « l’ange bleu » du réalisateur juif viennois J.Von Sternberg .Il est connu pour son activité dans le théâtre et le music hall (2) et pour sa carrière cinématographique en tant qu’acteur et réalisateur (3). De par cette dernière activité il allait entrer dans l’Histoire en signant malgré lui un documentaire mensonger sur le sort des juifs dans le camp de Térézin. Effectivement , arrêté et mis dans ce camp de concentration ; il fut sommé de réaliser une supercherie montrant un ghetto où les juifs sont bien traités. Cette mascarade dont il nous reste quelques images était monté pour rassurer les représentants aveugles de la Croix Rouge du sort des concentrationnaires (4). Cette réalisation falsifiée aux images enjolivées connu sous le titre « Le Furher offre une ville aux juifs » le fit passer pour un traître aux yeux de ses congénères. Kurt Gerron est – il si candide ou si préoccupé par son art pour lequel il sacrifia tout au risque de sa vie.
(1) (il tourna près de 20 films en 1927)
(2) (il fut le premier interprète de la fameuse complainte de Macky ) de l’écrivain antifasciste Bertold Brecht
(3) 60 films et 20 comme metteur en scène
(4) Claude Lanzmann fera un documentaire « Un vivant qui passe » sur l’envoyé de cet organisme
NICOLAS WINTON :LA FORCE D’UN JUSTE documentaire tchèque et slovaque de
Minac Matej et Patrick Pass
Tout débute ou recommence à la fin des années 80 quand un dénommé est invité dans une émission de télévision –grand moment d’émotion-. où sans le savoir l’invité est entouré des personnes qu’il a sauvées durant la guerre. Nicolas Winton est un jeune banquier londonien en voyage dans la Tchécoslovaquie de 1938 ; contrairement à Kurt Gerron il pressent le danger et décide de sauver par une émigration organisée (faux papiers et parents adoptifs) la vie de près de 700 enfants juifs et ceci en moins d’un semestre .L’histoire est extraordinaire et édifiante comme son héros, elle ne fut connu qu’un demi siècle plus tard grâce à son épouse –mise au secret- qui découvrit des documents qui attestent ces faits. Si le documentaire remémore les faits de cette histoire extraordinaire, il ne nous renseigne point sur la personnalité de ce juste : quelles été ses motivations ?, pourquoi taire un passé glorieux ? L’homme est un mystère , couvert d’honneur reconnu par beaucoup de nations, anobli cet homme de 93 ans ne demande qu’à retourner à son jardin !et garder néanmoins les pieds sur terre il dira à propos de l’holocauste « il y aura beaucoup d'autres holocaustes, dans d'autres parties du monde, et qu'on ne trouvera plus de mots justes pour les décrire. Par ailleurs, il y en a d'ores et déjà ». Les 669 enfants sauvés ont été journaliste, écrivain , ministre, ingénieur, ouvrier, cinéaste, ils sont aujourd’hui grands pères et cette famille compte aujourd’hui 5000 membres tous tournés vers cet illustre inconnu charitable et énigmatique qu’est : Nicolas Winton
M.KLEIN de Joseph Losey 1976 Fance
Un homme antiquaire qui vit d’achat et de revente d’objets ou un homme qui cherche à s’enrichir durant l’occupation allemande . Un journal envoyé seulement sur abonnement intitulé « Les informations juives » lui est adressé ; il se découvre fiché à la Préfecture suite à cet envoi erroné . Robert Klein s’inquiète de cette homonymie et part à la recherche de son double. Mais L’Histoire va lui barrer le chemin ; nous sommes en 1942 à la veille des deux journées de la Rafle du Vel d’Hiv.
La grande intelligence de ce scénario machiavélique est de poser la question de l’identité ; existe t-il un type juif contrairement à la scène de prologue où un médecin tente de le définir par des mesures physiques et des stéréotypes répétés. Cette quête pirandelienne de la personnalité reste pertinente et dérangeante d’autant plus qu’elle se déroule dans une époque où l’état décidait de dire qui était qui et de surcroît sectorisait les individus pour mieux les perdre. Il est bon de rappeler que ce film à l’atmosphère mi fantastique , mi métaphysique fut produit par Alain Delon , réalisé par un cinéaste que l’on a cataloguait, mis en quarantaine et obliger de s’exiler, qu’il fut réalisé durant cette décennie où le cinéma beaucoup plus politique et politisé que nos jours , soulignait la responsabilité de l’état français durant l’occupation et reste par son discours son traitement et sa dénonciation une des oeuvres françaises les plus imposantes de ces années.
NUITS ET BROUILLARDS 1955 de Alain RESNAIS
Ce documentaire magnifique par sa concision et son texte remarquable signé Jean Cayrol- qui vient de nous quitter- et d’une voix neutre par Michel Bouquet est célèbre. Il est emblématique car il fut le premier film français à évoquer les camps d’extermination, car il subit une censure –le plan d’un képi d’un policier français- (1)et une interdiction à Cannes en 1956 lors du fameux festival (1) suite à des pressions allemandes , il reçut le Prix Jean Vigo et fut présenté toujours en 1956 au festival de Berlin. Réalisé l’année ou Khroutchev dénonçait les crimes staliniens, le film qui devait s’appeler « Résistance et déportation » est signé d’un grand réalisateur (Alain Resnais) de courts métrages dont beaucoup furent primés (2)Il avait été précédé de « La tragédie de la déportation » un livre de Olga Wormser et Henri Michel qui devaient être conseillers du film. Le film présenté ici est accompagné d’un programme radiophonique de 4 heures réalisé en 1994 d’une grande richesse qui fait participer les auteurs ainsi que Claude Lanzman, et Serge Klasfeld entre autres (3) ainsi qu’un livret de 60 pages.
Quant au film en lui même, il est une dénonciation des crimes de guerre, de l’extermination du peuple juif- les scènes décrites ou filmées sont pénibles à regarder - et un appel à la vigilance .Le commentateur (Michel Bouquet) dit à ce propos d’ailleurs : « Qui de nous veille dans cet étrange observatoire pour nous avertir de la venue de nouveaux bourreaux » Cette production reste un grand document historique et cinématographique.
(1) La raison invoquée fut : « Par respect pour les déportés et pour leurs familles…… qu’il est inconvenant de présenter un tel document dans une atmosphère de festivité internationale »
il sera néanmoins présenté dans cette ville le 29 avril de la même année
(2) Van Gogh en 1950 un oscar, Les statues meurent aussi prix Jean Vigo qui subira une censure aussi
(3) L’émission produite par France Culture (reproduite dans le DVD) reprend la genèse , son accueil à Cannes, en France, en Allemagne, son rapport à la spécificité juive et les regards que portent les jeunes et le public sur cette œuvre témoin de son temps.
HOLLYWOOD ET LA SHOAH de Daniel Anker 2004
Ce pertinent documentaire nous renseigne sur l’industrie capitale des USA et sur la représentation des atrocités nazies des années 30 à nos jours. Le rappel (1) commence dès 1939 avec « Confession of the nazi spy » de Anatole Litvak avec Edward va modifier la politique de ces derniers qui se lancèrent dans un cinéma de propagandeG.Robinson et « I married a nazi » de Irving Pichel en 1940. Mais l’état souligne que ses films réalisés par et avec des techniciens juifs était de mauvaise augure et rendrait responsable d’une éventuelle guerre les juifs ! « Le dictateur » seul produit non hollywoodien du au génial Charlie Chaplin ne prêtera pas oreille à ces recommandations .(2)
Les nazis avaient quelques avant demander que soient licencier les représentants juifs de firmes américaines en Allemagne et les studios s’exécutèrent alors qu’ils étaient dirigés en grande partie par des juifs d’Europe de L’Est. (3) L’attaque de Pearl Harbour en 1940 allait ouvrir le chemin d’un cinéma de propagande anti hitlérien avec le génial « To be or not to be » de Lubitsch « Hitler’s madman » de Douglas Sirk en 43 et les méconnues « Tomorrow the world » et « none shall escape » en 44 respectivement de Leslie Fenton et André de Toth (4) et les plus grands metteurs en scène (Capra Huston Wilder et Stevens( 5 ) furent envoyer filmer la guerre et les camps de la mort. Puis ce fut après l’armistice un demi silence ponctuée d’œuvres incluant des personnages juifs mais évoquant rarement les camps de concentration ; il eut fallu attendre l’aube des années 60 pour réapprendre ou plus tôt apprendre l’horreur nazie avec la version télé tournée en direct –c’est à dire sans coupures publicitaires- du « Jugement à Nuremberg » (6) et les images défilèrent et les langues se délièrent ; ce qui nous valu le feuilleton tant décrié par les survivants dont Elie Wiesel « Holocauste » en 1977 « War and remember » autre série ( fois plus longue (plus de 30 heures) aux images violentes en 1988 puis pour résumer « La liste de Schindler » de Spielberg en 1993 et « Le pianiste » dernièrement.
Plusieurs questions s’offrent à cette lecture : le cinéma américain a t-il su reproduire l’horreur des camps et la perversité d’un régime ; l’insoutenable est –il traduisible dans la fiction ; les représentations multiples divergentes ont elles rendues justice à la mémoire collective et à celle des disparus et quelle est le rôle rélle de l’image et la fonction de l’artiste face à l’Histoire ?
Il est vrai que Hollywood est prudent hypocrite et neutre quand il le veut bien . A t-il correctement façonné notre vision des camps ; ne l’a t-il pas réduite à des images stéréotypées. Il a par contre le mérite de réveiller des consciences , de mettre une pierre dans l’édifice de la mémoire . mais l’image fabriquée est elle suffisante, à croire que non car les documentaires – qui par nature ne trichent pas dans la reconstitution – marquent davantage et peut être plus longtemps comme « Nuits et brouillards » et « Shoah » .d’ailleurs Spielberg refusa d’utiliser tout artifice dans son film « La liste de Schindler » : pas de mouvement de caméra acrobatique, pas de couleurs dans le traitement et pas de violence démonstrative ; mais si on lui reprochera la scène des douches il fut près du documentaire et a le mérite de s’y être penché et d’avoir interpellé les consciences à travers le monde.
(1) sans oublier l’extraordinaire condamnation du régime nazi dans le film courageux de Frank Borzage « The mortal storm » avec James Stewart
(2) ce qui lui valut des ennuis lui qui nageait dedans déjà et avait épousée une actrice juive (Paulette Godard)
(3) la religion était rarement mentionnée dans les films d’alors ou de façon allusive
(4) la liste est grande et analysée dans « L’histoire infilmable – les grands de concentration nazie » de Vincent Lowy ed : L’Harmattan 2001
(5) Ce même George Stévens réalisera « Le journal d’Anne Frank » en 1959 et nous donnera les seules prises de vue en couleurs de l’univers concentrationnaire en 1944 (qui est ressortie en DVD dernièrement) intitulé « D-Day to Berlin »
(6) Suivi d’une version grand écran écrite toute deux par un auteur juif Abby Mann qui signera en 1965 « la nef des fous » qui évoque l’Allemagne des années 30
LE TRIPORTEUR DE BELLEVILLE de Stéphane Kurc France 2004
(France 2 les 28 et 29 fév)
Inspirée du livre éponyme de Daniel Goldenberg (1), ce téléfilm de 3 heures raconte les aventures pénibles d’un jeune juif durant l’occupation allemande en France. Victor notre protagoniste un juif de Belleville rencontre Mirande un soldat comme lui. Ils feront cause et route communes avant que le destin les sépare . Victor est fait prisonnier dans un camp de transit où règne un commandant sadique. David se sauvera rencontrera Marie et tentera avec elle et son ami de sauver sa famille que des lois raciales mettent en danger.
Epopée rocambolesque , le triporteur de Belleville est une œuvre attachante , jouée formidablement par un Lorant Deutsch (David) , véritable titi gouailleur à souhait, par une Romane Borhinger délicieuse et émouvante en une Marie téméraire et tenace et par un Mathias Miekuz truculent Mirande sans oublier l’apparition fugace de Michel Jonasz , méconnaissable en père de David avec son accent Yiddish et son incrédulité permanente . Si ce téléfilm est assez inégale la seconde partie est plus enlevée que la première , il n’en est pas point marquant par son humour permanent –cette seule chose qu’avaient les juifs pour lutter- décalé et salvateur : il faut voir Lorant Deutsch déguisé en curé réciter le kadddish à un soldat allemand mourrant de tuberculose. Une œuvre supplémentaire pour évoquer une période trouble –qui au fil des témoignages le devient de moins en moins- et montrer que ceux qui avaient fui l’antisémitisme –le triporteur en question est celui du père de David qui s’est sauvé avec de la Pologne- devaient affronter la même haine et les mêmes combats pour survivre.
Roger Chemouni
(1) paru en 1986 et qui ressort fin février , l’auteur en a signé l’adaptation et les dialogues avec Corinne Atlas
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