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 Hébron : où les beautés bibliques rencontrent les barbelés


Par Sarah Barak.

 

On m’a dit que la route de Hébron était grandiose, mais c’est difficile à dire en regardant par les fenêtres blindées du bus. Je m’enfonce dans mon siège jusqu’à ce que ma tête soit à la bonne hauteur par rapport à la portion protégée de la fenêtre, et jette un coup d’œil aux passagers. Le bus est presque vide, des soldats, de jeunes religieux barbus et deux vieilles femmes. La destination finale du bus est Beer Sheva, ce qui me semble étrange, car il m’est difficile d’imaginer que quelqu’un veuille aller à Beer Sheva en passant par Kyriat Arba.  Je mets cela sur le compte de la bizarrerie du système de transport israélien et me replonge dans la lecture de « Histoire de Hébron et importance stratégique. »

Hébron, selon la brochure, est située à 32 km au sud de Jérusalem, et est le site de la plus vieille communauté juive du monde. Elle est aussi une des quatres villes saintes d’Israël. Le livre de la Genèse précise qu’Abraham lui-même a acheté le Caveau des Patriarches pour y enterrer sa femme Sarah. Selon la tradition juive, les Patriarches Avraham, Issac et Jacob ainsi que les Matriarches Sarah, Rebecca et Lea sont enterrés dans le Caveau. Le Roi David a reçu son onction à Hébron et y a régné durant sept ans.  Mille ans plus tard, lors de la révolte juive contre les Romains, de violentes batailles ont eu lieu ici. « Rien n’a changé » me dis-je en lisant ceci. Les Juifs ont pratiquement vécu là en continuité jusqu’en 1929, date à laquelle les Arabes ont massacré la communauté juive, provoquant la mort de 67 personnes et forçant le reste de la communauté à s’exiler. Les Juifs retournèrent à Hébron après la Guerre des Six Jours en 1967.

 

Je sais que 500 Juifs vivent à Hébron, entourés de 120 000 Arabes. A Kyriat Arba, la communauté juive est située à 750 mètres de Hébron, sur une colline où vivent 6000 personnes, dont 30% de nouveaux immigrants originaires de France, et 20 % de Russie.

 

Hébron a toujours été une zone de conflit, notamment à cause des sites saints. Ces désagréments ont été la cause de violences et de bains de sang entre les populations juives et arabes de la ville.

 

Le voyage jusqu’à Kyriat Arba dure 50 minutes. A la sortie du bus, je me retrouve au milieu d’une petite ville colorée et bien ordonnée. Les rues sont calmes. Les abris de bus sont colorés et les maisons blanches et propres.  Des espaces de verdure et des terrains de jeux pour enfants se trouvent à chaque coin, et le soleil brille sur les vertes collines de Hébron. Quelque part dans ces collines se trouvent des terroristes du Hamas et du Jihad Islamique.

Ma collègue et moi-même décidons de nous rendre au Caveau des Patriarches. Cela revient à quitter la tranquilité relative de Kyriat Arba et à entrer dans une zone dangereuse de Hébron. Arrivées aux portes de Kyriat Arba, je me rends compte que notre voiture n’est pas blindée. La panique me saisit. Me voici en uniforme de Tsahal, voyageant dans un véhicule non blindé vers les quartiers palestiniens de Hébron. Certes, les Palestiniens sont sous couvre-feu ce jour-là ; mais la pensée que l’un d’entre eux pourrait nous tirer dessus à partir d’une fenêtre n’est pas rassurante. Cinq minutes plus tard, nous arrivons, saines et sauves, à l’entrée du Caveau des Patriarches, un des sites les plus sacrés des traditions juive et musulmane.

Le côté « sacré » de l’expérience est un peu amoindri par l’impression de passer dans l’équivalent des systèmes de sécurité d’El Al (y compris les détecteurs à métaux). Une fois à l’intérieur, le lieu crée une impression impossible à transcrire par des mots. Le Caveau, comme plusieurs endroits à Hébron, n’est pas seulement la source d’un conflit ancestral, mais est en conflit avec lui-même. De lourdes portes vertes s’ouvrent sur d’étroites pièces contenant des chaises en plastique bleu et des livres saints. Des chandeliers poussiérieux pendus aux plafonds, des inscriptions en arabe sur les murs. Dans la tombe de Sarah, une femme juive est assise, seule, entourée de décors arabes, priant. Scène emplie de mélancolie.

 

Nous décidons de quitter le Tombeau. Hébron s’étend devant nous et trois soldats appuyés sur le mur contemplent la vue spectaculaire. Je note en passant le drapeau israélien qui flotte sur le Tombeau.

Aux pieds des marches, nous entamons la conversation avec des gardes de la Police des Frontières d’origine druze. Ils sont originaires de Bet Shean, « loin de la maison », confirment-ils. Que ressentent ces Arabes revêtus de l’uniforme de Tsahal qui protègent un des sites les plus sacrés des deux religions. Un des officiers déclare « nous sommes ici pour garantir la paix. C’est un site sacré, tout le monde devrait pouvoir y accéder, Juif ou Musulman ». Nous décidons suite à ces mots d’aller explorer Hébron en profondeur et nous dirigeons vers la Casbah.

 

« Vous voulez nous faire tuer ? » crie une fille en courrant vers nous. Haute et fine, elle est revêtue de l’uniforme vert foncé de la Police des Frontières, équipée d’un M16, les yeux lançant des éclairs. Quelques secondes plus tôt, ma collègue a laissé échapper des balles de sa cartouche. Sans réfléchir, nous en avons ramassé quelques-unes, en laissant traîner par terre. «les terroristes palestiniens cherchent partout des balles pour leurs attaques, et vous les laissez tomber au milieu de la rue. » Nous n’avions pas pensé à cela. Honteusement, nous tournons le dos et ramassons les balles. « Désolé, on n’avait pas réfléchi », murmurons-nous. La fille souri et dit «c’est bon, pas de mal, vous êtes qui et que faites-vous à Hébron ? ».

 

Parcourant les rues vides, nous lui expliquons que nous travaillons  pour le site de Tsahal, en reportage sur Hébron, les soldats et les dangers…

« Depuis combien de temps es-tu en poste à Hébron ? » lui demandons-nous.

«Un an, j’ai été transférée de Jérusalem »

« Volontairement ?»

« Ouais, je voulais être ici, c’est génial !»

Ma collègue et moi-même échangeons un regard embarrassé. Hébron est beaucoup de choses, mais « génial » n’est certainement pas le premier mot qui vient à l’esprit.

« D’où viens-tu ? » lui demandons-nous

« Rishon LeZion » répond-elle avant d’ajouter « bon, je ne peux pas vous accompagner plus loin. Il y a d’autres soldats à 20 mètres. » Nous la remercions et avançons. Les rues sont vides à cause du couvre-feu, mais des deux côtés de la rue se trouvent des bâtiments palestiniens, s’élevant de façon menacante sur nous. Les 20 mètres jusqu’au poste suivant en paraissent 20 km. Nous entendons des Palestiniens parler arabe à chaque fenêtre, mon souffle se coupe et mes pieds refusent d’avancer. « Allez ! » crie ma collègue qui se trouve déjà à plusieurs mètres devant. « je veux retourner » je murmure, plus pour moi que pour quiconque… «Allez, viens, tout va bien, on est presque arrivées au poste » crie-t-elle. J’avance.

En passant devant une fenêtre d’un rez-de-chaussée, un enfant palestinien qui tient un couteau se tient aux barres de la fenêtre, montrant ses dents et grognant.  Oubliant de crier, je cours et arrive au poste.

 

Deux soldats équipés de gilet parre-balles nous regardent avec amusement.

« Le garçon à la fenêtre m’a menacé avec un couteau !» dis-je, tentant de retrouver mon souffle.  Les soldats sourient et un dit « t’en fais pas, ils font ça tout le temps, c’est seulement pour t’intimider, ils ne peuvent rien faire de derrière leurs fenêtres ». Pas trop convaincue, je décide d’y croire.

 

Je les regarde de plus près. Environ 19 ans, taille moyenne et minces avec des sourires d’enfants sauvages.

«Vous n’avez pas peur d’être ici ?» je leur demande, toute tremblante de mon parcours de 20 mètres .

« Non, ils sont sous-couvre-feu, c’est pas si terrible »

« Et quand ils ne sont pas sous couvre-feu ? »

« C’est un peu plus effrayant », répond un des soldats. « Les rues sont pleines de monde, qui court partout, femmes et enfants, et on ne peut pas savoir qui va sortir une arme et te tirer dessus. » Je frissonne à cette pensée.

L’autre soldat ajoute « les enfants se tiennent à deux mètres de nous et lancent des pierres, visant nos têtes. On peut pas faire grand chose pour les arrêter car on ne peut pas quitter nos postes. Il nous suffit de faire un pas pour qu’ils s’enfuient et disparaissent dans la foule, revenant après quelques minutes et recommençant à lancer des pierres. »

Patrick et Guy sont les noms de nos deux soldats.

« Ma mère est française, c’est pour cela que j’ai un prénom original», déclare Patrick, avec une pointe de fierté. Les deux servent dans la Brigade d’infanterie NAHAL.

« C’est un peu dur », soupire Patrick, de sous son casque trop grand, « je veux dire, nous gardons huit-huit, et ne sortons que tous les 18 jours pour 72 heures. » N’étant pas combattantes, nous leur demandons ce qu’est ce « huit-huit ».

« Huit heures de garde, huit de repos, dix-huit jours d’affilée » nous répondent-ils.

« Vos mères doivent être malades de peur ! »

« La mienne non, » répond Patrick, « parce qu’elle ignore où je suis. C’est la meilleure façon, pourquoi devrais-je l’inquiéter. Ma petite amie me manque, c’est très dur de passer des semaines sans la voir. »

 

Je regarde un bloc de ciment qui nous fait face. C’est une plaque, mais je n’arrive pas à déchiffrer ce qui est écrit à cause de la distance.

Guy m’explique « c’est là que mon meilleur copain a été tué il y a quelques mois. » Nous le regardons, interdites. « Comment est-ce arrivé ? »

« On se tenait là, on parlait, comme on le fait maintenant, et un terroriste est arrivé du coin et lui a tiré dessus. » Le visage de Guy est impassible, je lui demande si tout va bien.

« Oui, bien. » réplique-t-il. « ça arrive souvent. On doit s’y habituer. Ca fait partie du travail. »

« Comment on s’habitue à ce genre de chose ? » je demande, stupéfaite.

« C’est un peu étrange les premiers jours, puis tu te dis que tu dois faire ton travail, et tu es obligé de faire avec».

« C’est comme l’attaque d’il y a deux mois, où 12 personnes ont été tuées », lance Patrick, « l’atmosphère était très intense pendant deux jours, c’était un réel choc, nous avons perdu de bons amis, mais si nous n’étions pas là, ce serait pire, des centaines de gens seraient tués, des femmes et des enfants… »

 

La radio se met soudainement à crépiter. Patrick et Guy échangent des regards et répondent à la voix étouffée du transistor.

« Nous devons y aller » dit Guy en effilant prestement son casque sur sa tête.  « Vous devez continuer par-là, c’est plus sûr ». D’autres soldats passent en courrant et Patrick et Guy se joignent à la course. Nous ne les suivons pas et marchons dans la direction qu’ils nous ont indiquée.

 

20 mètres plus loin, nous voici dans un autre monde. Les bâtiments ne sont plus en ciment mais en pierres de Jérusalem. Il y a des terrains de jeu et des gens sont assis dehors. C’est le quartier juif de Hébron. Nous nous promenons, nous habituant au nouvel environnement. Sur chaque immeuble se trouve une plaque en mémoire d’un résident tué par des terroristes palestiniens. Des photos de Shalevet Pass, le bébé de 10 mois tué par un sniper palestinien jonchent les murs. Un groupe de touristes américains fourmille autour de nous, prenant des photos et distribuant des chocolats aux soldats.

 

« Vous êtes ici pour une visite de solidarité ? » je demande. « Non », répond un homme d’âge moyen, barbu « Hébron appartient aux Juifs, nous pouvons y venir quand bon nous semble, un chocolat ? »

 

Plusieurs jeunes « colons » sortent de leurs maisons, cheveux flottant sur leur visage. Les Américains partis, nous nous approchons d’eux, qui ressemblent plus à des hippies new age et leur demandons un verre d’eau. « Si vous désirez du café, il y a un abri de thé pour les soldats sur la route. Il y a à manger et à boire, ce que vous voulez ».

 

A quelques mètres de là, à Abu Sneina, nous assistons de loin à des funérailles arabes. « Ne sont-ils pas sous couvre-feu ? » je demande. Personne ne répond, ou personne ne prête attention.

Nous décidons de nous rendre à Bet Hadassah. Premier bâtiment à avoir été réoccupé par la communauté juive après la Guerre des Six Jours. Des femmes ont occupé seules cet endroit dénué de tout une année entière jusquà ce que le gouvernement israélien leur donne les permis de construire. L’endroit vaut le déplacement.

Hébron, ou la banlieue aisée rencontre une zone de guerre. Des maisons de pierres avec des fenêtres closes sont en total contraste avec les fils barbelés et les blocs de ciment éparpillés au hasard dans la rue. Des graffitis recouvrent les murs avec des slogans tels « Hébron est à nous », et «  le sang de Shalevet sera vengé ». De jeunes enfants juifs entourés de leurs châles de prières jouent à cache-cache alors que leurs mères qui se tiennent aux portes leur disent de ne pas se salir.

 

Nous trouvons le fameux abri de thé, et après tant marché pour le trouver, nous décidons de nous y arrêter prendre une tasse de thé.

 

Nous retournons vers le Caveau des Patriarches et nous arrêtons discuter avec les gardes de la Police des Frontières croisés à l’aller. L’un d’eux est diplômé en Commerce, et je lui demande ce qu’il fait encore là, s’il ne préfèrerait pas avoir un meilleur job.

« Non, on a besoin de moi ici, et nous serons ici tant qu’il faudra » répond-il.

 

A ce moment-là, un homme palestinien apparaît sur un toit, et jette son bras derrière lui comme s’il voulait lancer une pierre. Je cours me cacher derrière le camion de la Police des Frontières, et les soldats rient. J’ai honte. J’ai eu peur d’une pierre. Il est temps de partir.

 

Nous nous trouvons à l’entrée du saint site. Deux soldats éthiopiens adossés à un mur nous demandent si nous voulons échanger notre place avec la leur. « Ca fait trois ans que je suis là, » dit l’un d’entre eux, « je veux seulement partir d’ici ».

 

Un rabbin nous rattrape et nous demande si nous travaillons pour la radio de l’armée :

«Non », répondons-nous « nous sommes du site internet de l’armée ».

«Je veux vous dire quelque chose au sujet de Hébron » dit-il. « Hébron est à nous, et sera toujours à nous. Les Arabes possèdent 22 pays, nous un seul, et maintenant, ils tentent aussi de conquérir l’Europe et les Etats-Unis. Le Coran ne mentionne nulle part Jérusalem ou Hébron. La Torah elle, mentionne Hébron 87 fois. »

 

Il nous fait part de sa théorie sur « le fiasco des funérailles » qui ont eu lieu une semaine plus tôt à Hébron. « C’est ce qui arrive quand les Russes Bolchéviques prennent possession de l’Etat. La police entière est infectée, c’est la faute aux communistes »…Cela n’a pas de sens, mais il refuse de s’étaler sur le sujet. « Je vais vous dire autre chose, les soldats Druzes et Bédouins sont la conquième colonne. Ils travaillent pour l’autre côté. C’est prouvé. »

« Comment prouver de telles allégations ? » lui retorque-je avec emportement ? 

«A chaque fois qu’une attaque a lieu un vendredi ou un shabbat, les officiers juifs sont à la maison et les officiers bédouins sont en charge. Les Bédouins sont des Arabes, n’oubliez pas cela ! »

« Mais les Bédouins et les Druzes sont volontaires dans l’armée ! Ils mettent chaque jour leur vie en danger pour vous ! Comment pouvez-vous dire ça ? »

 

 « C’est ce qu’ils veulent que vous pensiez. Ce sont des Arabes. Je peux aussi vous dévoiler le fait que les soldats de Tsahal partagent leur nourriture avec les Palestiniens. Nous sommes en guerre avec eux ! Nous ne devrions rien leur donner ! »

 

En ayant assez entendu, nous décidons de rentrer à Kyriat Arba. Une fois sur place, je sens une vague de soulagement m’envahir. Hébron est peut-être un des lieux les plus saints de l’histoire juive, mais je ne suis pas pressée d’y retourner.

 

 


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