Netanya le 19 mai 2008

Communiqué de Dr. Victor Hayoun

Rapport des 3 rencontres

du judaïsme tunisien

de début mai 2008

à Netanya

Suite à mon communiqué du 24 avril 2008 dans lequel je vous annonçais les 3 rencontres prévues du 6 au 13 mai 2008, j'ai le plaisir de vous en rendre compte après qu'elles aient eu lieu. 

Chacune de ces rencontres avait un sujet précis qui était important pour la sauvegarde du patrimoine et de l'histoire du judaïsme tunisien.

En voici les éléments essentiels que nous avons retenus :

La première rencontre avec "Les Anciens Elèves du Lycée Carnot" au Centre AMIT [Association Mondiale des Israélites de Tunisie] à Netanya.

Rappel : L'association des anciens du Lycée Carnot de Tunis a organisé un voyage en Israël depuis Paris et a consacré, sur ma suggestion, l'après midi du 6 mai pour une retrouvaille avec des anciens du Lycée Carnot qui vivent en Israël et d'autres originaires de Tunisie. Ainsi, après une matinée de visite à Césarée …

C'est le mardi après-midi, 16 mai 2008, que l'autobus qui transportait une cinquantaine de "touristes tunes' commença son périple dans la région du Sharon au centre du pays.

La première étape fut donc comme prévu au Kibboutz Régavim où nous attendait Gad Chahar [Chemla], ce pionnier de la vieille garde qui, entre autres activités sionistes, faisait partie du noyau de jeunes juifs tunisiens qui créèrent ce Kibboutz.

Il s'avéra être un ancien du Lycée Carnot où il étudia durant 6 ans, dans la fin des années 30 et le début des années 40.

Avant de répondre aux questions de ses visiteurs, il présenta une rétrospective historique de la création du Kibboutz, de son système de fonctionnement ainsi que de quelques particularités comme :

 - leurs voisins arabes qui les combattaient et qui plus tard devinrent tout simplement les habitants du village voisin,

 - ou encore, l'utilisation de la langue française et de la langue hébraïque au Kibboutz et de ce qu'il en reste chez les générations qui suivirent.

Il eut aussi l'excellente initiative d'apporter une enveloppe avec des photos de sa classe au Lycée Carnot ainsi que quelques photos de famille tout au long de ses années au Kibboutz.

Il semblerait que le clou de la visite fut quand il entonna la chanson du Lycée Carnot aux oreilles de ses visiteurs qui ne la connaissaient pas.

La visite fut relativement brève pour cause d'impératif dû à l'emploi du temps. De là le groupe prit la route vers le Mochav Yanouv, lui aussi créé par des immigrants arrivés de Tunisie en 1949, qui, dans cet élan de sionisme, se convertirent comme beaucoup d'autres aux activités agricoles qui allaient devenir le fleuron de la productivité de ce jeune pays Israël.

A leur arrivée à Yanouv, les anciens du Lycée Carnot eurent la surprise délicieuse de goûter aux bons fricassés que Madame Adrienne Pérez, habitante du Mochav, eut la gentillesse de nous préparer comme "goûter de midi".

C'est à ce moment, alors que nos amis se délectaient de ce fricassé sur le gazon ensoleillé du Mochav, que Monsieur Chalom Assous qui compta parmi les jeunes familles fondatrices du Mochav en 1949, raconta l'histoire du Mochav et des familles qui le composaient, depuis sa fondation suite à la catastrophe aérienne d'Oslo dans laquelle périrent 27 enfants juifs tunisiens et 7 adultes (accompagnateurs et équipage), jusqu'à nos jours.

Là encore, Chalom Assous est venu nous rencontrer avec des photos anciennes montrant ces jeunes sionistes de Tunisie vivant dans des tentes et se procurant de la nourriture avec des bons de ravitaillement, alors qu'Israël, jeune pays de tout juste 1 an, pansait encore ses plaies de la Guerre d'Indépendance et se mesurait à d'innombrables problèmes vitaux.

La visite à Yanouv se conclu auprès du Mémorial sur lequel sont détaillés les noms des jeunes victimes de la catastrophe d'Oslo.

Après ces 2 arrêts "agricoles", le groupe se rendit à Netanya, la capitale du Sharon, au centre AMIT, dans lequel attendait près d'une vingtaine de personnes, anciens du Lycée Carnot et autres membres actifs de Amit, anciennement installés en Israël.

Après avoir pris quelques rafraîchissements, les invités eurent droit à des explications sur la création d'AMIT, ses buts et la construction du centre ainsi que sur la sculpture murale de Elie Sarfati Sar-El, à la mémoire des victimes de la présence des Allemands sur le sol tunisien pendant la seconde Guerre Mondiale. Ils visitèrent ensuite la synagogue, le club du 3^ème âge, le musée, la bibliothèque et les archives du centre des originaires de Tunisie en Israël.

La deuxième rencontre fut avec le Prof. Marc Fellous qui présenta l'Association de "Sauvegarde du cimetière du Borgel à Tunis"

Rappel : Le Prof. Marc Fellous, généticien à l'hôpital Cochin à Paris, a créé en 2007, avec Monique Hayoun, l'AICJT, l'association pour la sauvegarde du cimetière du Borgel de Tunis. Ce projet nécessite une organisation et une planification d'envergure qui doit obtenir un large soutien de la part de la communauté juive des originaires de Tunisie où qu'ils se trouvent.

Cette rencontre eut lieu le dimanche 11 mai 2008 au centre AMIT en présence de plus de 60 participants.

Le Professeur Marc Fellous donna d'abord une présentation de l'état actuel des lieux avec :

 - Les tombes plates qui ont résisté, plus que les hautes qui sont plus récentes,

 - Les carrés du cimetière et leurs noms,

 - Le mur qui sépare les Grana des Twansa vu par satellite,

 - Les monuments aux morts de la première et de la seconde Guerre Mondiale,

 - Les tombes de Rabbins célèbres (Rabbi Haï Taïeb Lo Met) et autre célébrité (Hbiba Msika),

 - Quelques symboles qui figurent sur les tombes (branches brisées pour designer des jeunes décédés),

 - L'importance de la présence des gardiens

 - et surtout, un état général que l'on peut qualifier de catastrophique tellement les tombes sont détruites.

Après avoir présenté le bureau de son Association qui fait un travail bénévole, le Professeur Marc Fellous a répondu aux questions qui lui furent adressées.

L'entretien du cimetière du Borgel (comme ceux d'autres communautés dans d'autres villes de Tunisie) éveille de nombreuses sollicitudes de la part de gens qui vivent en Israël ou ailleurs et qui ont des membres de leur famille enterrés en Tunisie.

Aussi, pour conclure ce compte rendu succinct de cette rencontre de deux heures, nous suggérons à qui éprouve le besoin, de visiter le site de l'Association www.leborgel.com et d'y laisser des messages auxquels le Professeur  Fellous et son équipe se feront un plaisir de répondre.

La troisième rencontre avec Fréderic GASQUET, auteur de"La lettre de mon père", eut lieu à la Synagogue de rite tunisien Keter Torah, le mardi 13 Mai 2008 au soir.

Rappel : Frédéric Gasquet raconte dans son livre l'histoire de son père, son grand-père et son oncle qui furent déportés et mis à mort en Allemagne en 1944. Cette histoire qui ne laisse pas le lecteur indifférent, est poignante et rappelle celle des juifs de Tunisie sous l'occupation allemande pendant la seconde guerre mondiale. C'est une histoire si peu et si mal connue, qui est la toile de fond du récit que Frédéric Gasquet relate dans son livre.

La publication de cette rencontre fit salle comble avec plus de 120 personnes présentes.

Cette histoire tragique de la famille Scemla de Tunis, que l'auteur enquêta pendant quelques années, fut détaillée pendant près de 2 heures d'explications que Frédéric Gasquet  donna devant une salle qu'il tint en halène.

Son intervention émotive éveilla des souvenirs et provoqua des larmes que les personnes présentes eurent du mal à retenir.

Ce livre, qui relate une véritable tragédie familiale, a été dédicacé sur place par l'auteur qui avait donné au préalable de nombreux détails sur le déroulement et les rebondissements de sa recherche.

Pour Frédéric Gasquet c'était la première rencontre de présentation de son livre en Israël, qui fut suivie par 5 autres à : Tel-Aviv, Ashdod et Jérusalem où se tint sa dernière intervention à Yad Vachem le mardi 20 mai 2008.

Pour conclure ce rapport de ces 3 rencontres, il faudrait mettre le point sur une évidence : de nombreux sujets qui sont chers et importants à la communauté juive originaire de Tunisie où qu'elle se trouve, sont peu, pas ou mal connus.  

L'histoire du judaïsme tunisien est une histoire millénaire.

Lorsque de nombreuses communautés vivaient encore en Tunisie, leurs histoires étaient parfois bien différentes les unes des autres. Mais aujourd'hui, alors qu'elles se trouvent concentrées principalement en France et en Israël, il est de notre devoir de faire connaitre les différents panneaux de ces histoires communautaires qui nous sont encore très chères.

Ceci est un travail de mémoire.

§        Comme celui de Frédéric Gasquet pour sa famille

§        Celui du Professeur Marc Fellous et son équipe pour le cimetière du Borgel

§        Ou celui de Michel et Lina Hayoun et leurs collègues pour le Lycée Carnot de Tunis.

Nous devons écrire ! Nous devons raconter ! Nous devons témoigner ! Nous devons insister, pour que cette longue et belle histoire ne soit pas vouée aux oubliettes.

Dans ce contexte de communautés déracinées, il ne faut pas oublier que ces jeunes pionniers sionistes quittèrent leur Tunisie natale dans laquelle souvent il ne manquait de rien matériellement, et eurent le courage de se lancer dans cette lutte idéaliste de la construction de l'Etat d'Israël.

Dr Victor Hayoun

          vhayoun@bezeqint.net