|
|
Par Emmanuel Navon, professeur de relations internationales à l’Université de
Tel-Aviv, directeur d’un cabinet de conseil
Document paru dans la revue Outre-Terre N°9- "Israël en Israël" - novembre 2004-
Revue française de géopolitique.
Lors de la venue du président israélien en France en février 2004, le
porte-parole de l’Elysée publia un communiqué pour confirmer l’attachement de la
France à la légitimité de l’Etat d’Israël[1]. Quatre mois plus tard, Michel
Rocard déclarait lors d’un discours prononcé à la Bibliothèque d’Alexandrie : «
L’origine du problème palestinien est la promesse donnée par les Anglais aux
Juifs de fonder un Etat-nation . Ce fut une erreur historique »[2].
Ces deux déclarations prouvent que la légitimité même de l’Etat d’Israël ne va
pas de soi pour les dirigeants français. Quelle eût été la réaction de la France
si le porte-parole de la présidence israélienne avait publié un communiqué
confirmant l’attachement d’Israël à la « légitimité » de la République française
? Et comment la France aurait-elle réagi si un ancien Premier ministre israélien
avait situé l’origine des guerres franco-allemandes dans l’établissement de
l’Etat-nation français ?
Pourquoi Israël est-il le seul Etat-nation dont la légitimité continue d’être
mise en cause ?
Après tout, il existe aujourd’hui dans le monde des Etats à la fois récents,
artificiels et instables dont la seule « contribution » à l’humanité consiste
dans une série interminable de guerres et de massacres ethniques. Mais personne
ne s’interroge sur la légitimité du Soudan, de la République démocratique du
Congo ou du Rwanda. Ce qui ne signifie bien entendu pas que ces Etats soient
illégitimes ou qu’il faille démanteler tous les Etats militairement violents,
historiquement incohérents et culturellement muets. Mais on constate simplement
que les Etats ratés, les Etats voyous et les Etats fantoches, eux, ne font pas
l’objet d’une remise en question. Au contraire, la communauté internationale a
récemment élu le Soudan à la commission des droits de l’homme des Nations unies,
alors même que le gouvernement de Khartoum est en train de perpétrer un génocide
à l’encontre des chrétiens soudanais. De même que la Syrie qui soutient le
terrorisme chiite et occupe le Liban depuis trente ans est actuellement membre
du Conseil de sécurité…
De l’autre côté, vous avez le plus ancien peuple du monde, un peuple persécuté,
humilié et massacré pendant deux mille ans d’exil, auquel son pays sert d’unique
refuge ; un peuple sans égal par son apport culturel à l’histoire de l’humanité
; le seul Etat fondé sur une tradition de plus de trois mille ans ; le seul pays
où des réfugiés faibles et démunis ont fait fleurir le désert, fondé une
démocratie dans une région totalitaire, gagné toutes les guerres provoquées par
des coalitions de six pays arabes, développé des industries, des technologies et
une recherche scientifique améliorant chaque jour la vie de millions d’individus
dans le monde ; le seul Etat garant d’une culture, d’une religion et d’un
message qui sont au fondement de la civilisation occidentale et de la foi
partagée par deux milliards d’être humains; le seul Etat au monde à avoir
renoncé à des gains territoriaux acquis dans des guerres d’autodéfense au nom de
la paix avec ses voisins.
Cet Etat, c’est l’Etat d’Israël, mais lui, et il est seul dans ce cas, doit en
permanence justifier de son existence.
Nationalisme et démocratie : il n’y a pas d’exception sioniste
Les Juifs eux-mêmes critiquent le sionisme, qui est le nationalisme juif.
Certains courants du judaïsme ultra-orthodoxe s’opposent pour des raisons
théologiques à l‘existence d’un Etat juif, mais cette position ne se cantonne
pas aux mouvements ultra-orthodoxes. De nombreux intellectuels juifs estiment
que le nationalisme juif est incompatible avec l’éthique juive : le peuple juif,
tel est l’argument, ne peut pas être la « lumière des nations » et disposer à la
fois de pouvoir, car le pouvoir corrompt. L’absence d’un Etat et d’une armée
seraient l’ultime garant de la spiritualité et de la moralité juives. L’une des
figures de proue de cet antisionisme juif est George Steiner, professeur de
littérature comparée aux universités d’Oxford et de Cambridge et penseur de
renommée internationale. Ni Juif honteux, ni « Juif antisémite », Steiner est
fier de son identité juive, mais il considère que le peuple juif ne peut avoir
pour rôle de témoigner de la moralité et de la justice universelles qu’en
situation d’exil et d’éloignement du pouvoir. Le sionisme, en conférant aux
Juifs du pouvoir, aurait liquidé ce statut de pureté morale et le destin
historiquement assigné au peuple juif. Comme beaucoup d’autres intellectuels,
Steiner abhorre le nationalisme, mais son opposition au sionisme ne découle pas
d’un refus général du nationalisme. Que le nationalisme soit une maladie
incurable de tous les peuples ou pas, le peuple juif est le seul peuple qui ne
puisse se permettre d’y succomber. Steiner n’est bien entendu pas le seul
penseur juif à décrier l’idée d’un pouvoir juif temporel. Dès le début du XXe
siècle, les philosophes juifs allemands Hermann Cohen et Franz Rosenzweig
avaient développé des théories hégéliennes du « destin » du peuple juif avant la
Shoah. Ils pensaient sincèrement que cette même Allemagne qui allait décimer un
tiers du peuple juif incarnait le sommet de la culture et qu’elle était, pour
les Juifs, la Terre promise. Or, nous ne vivons pas dans un monde idéal, mais
dans le monde où six millions de Juifs ont été massacrés : au cœur coeur de
l’Europe et en plein cœur coeur du vingtième siècle. La question qui se pose aux
Juifs est alors de savoir s’ils préfèrent être parfaitement moraux et morts ou
imparfaitement moraux et vivants. Une recherche du délicat équilibre entre idéal
et réalité qui est d’ailleurs au centre de la pensée juive : le rôle de l’homme
est d’améliorer le monde, pas de s’en détacher. La halakha, la loi juive, vise à
introduire un élément de sainteté et de moralité dans le monde réel.
On affirme dans certains milieux intellectuels israéliens que Theodor Herzl, le
père fondateur, ne voulait pas d’un Etat juif, mais qu’il préconisait un Etat
des Juifs. C’est pourquoi son ouvrage majeur se serait intitulé en allemand Der
Judenstaat, l’ « Etat des Juifs ». Or, les traductions anglaise et française de
1896 portent les titres explicites The Jewish State et L’Etat juif, un choix qui
n’avait rien de fortuit puisque l’auteur connaissait les deux langues[3]. Par
ailleurs, Herzl utilisait dans ses écrits de façon interchangeable les préfixes
Juden- (« des Juifs ») et jüdisch (« juif »). Mais que voulait en réalité Herzl
au-delà de la sémantique : un Etat à caractère juif ou un Etat neutre où les
Juifs seraient majoritaires ?
Herzl était un Juif assimilé qui revint progressivement à ses origines après
l’affaire Dreyfus. Sa correspondance et ses mémoires révèlent son attachement au
judaïsme : « Dieu n’aurait pas préservé notre peuple aussi longtemps si nous
n’avions pas une destin dans l’histoire de l’humanité »[4].
Ce qui ne signifie pas qu’il prônait une théocratie : « Nous saurons confiner
les [rabbins] dans les temples, de même que nous saurons confiner les soldats
dans les casernes », note-t-il dans l’Etat juif. Parce que ce qui unit les
Juifs, ce qui les caractérise en tant que nation, de même que les Allemands ont
la langue et les Suisses un territoire, c’est leur foi : « Nous nous
reconnaissons comme nation à travers notre foi »[5] ; « notre foi est la seule
chose qui nous ait préservés ». C’est pourquoi la tradition juive est « sacrée
»[6]. Et donc : « Les rabbins seront les piliers de mon organisation, et je les
honorerai. Ils élèveront, instruiront et éclaireront le peuple »[7]. Où encore
au troisième congrès sioniste de Bâle : les Juifs pauvres de Russie seront « les
meilleurs sionistes, parce qu’il n’ont pas oublié nos traditions et parce que
leurs sentiments religieux sont profondément ancrés »[8] .
Herzl ne voulait donc en aucun cas dissocier l’Etat juif du judaïsme. La
Déclaration d’indépendance de l’Etat d’Israël qu’il a contribué à fonder fait
référence à la Bible et proclame que l’Etat réalisera la prophétie biblique du
rassemblement des exilés. Le symbole de l’Etat d’Israël est le Chandelier du
Temple de Jérusalem ; les fêtes nationales sont les fêtes juives ; l’hébreu la
langue du pays ; il y a sur le drapeau national et les avions de l’armée de
l’air l’étoile de David ; l’hymne national chante le « peuple libre sur notre
terre ».
Certains prétendent qu’un Etat ne peut être à la fois juif et démocratique.
C’est faux. Un Etat peut être démocratique sans qu’il y ait complète neutralité
quant à son identité culturelle, ethnique et religieuse. L’Etat juif est le seul
Etat du Moyen-Orient où des députés arabes siègent dans un parlement
démocratiquement élu et où des juges arabes siègent dans des tribunaux (dont la
Cour suprême ) indépendants du pouvoir exécutif. Israël promeut, comme beaucoup
d’autres Etats, une identité nationale spécifique sans qu’il y ait pour autant
discrimination entre ses citoyens, Juifs ou Arabes. Le fait que les Arabes
israéliens ne se reconnaissent pas dans le drapeau et l’hymne du pays ne les
empêche pas d’être des citoyens à part entière et de participer pleinement à la
vie politique de leur pays. Qu’ils soient relativement désavantagés,
idéologiquement et culturellement, handicapés par rapport à la majorité juive
renvoie exactement au statut des minorités dans tous les autres Etats-nation
démocratiques.
L’un des fondements de l’État juif est la Loi du retour. D’aucuns la qualifient
de discriminatoire et raciste parce qu’elle confère aux seuls Juifs le droit
automatique d’immigrer en Israël et de devenir citoyens israéliens. Mais il n’y
a là nulle discrimination : la loi israélienne accorde automatiquement la
citoyenneté à tout enfant né en Israël de parents israéliens, que ceux-ci soient
juifs, arabes, druzes ou bédouins. Par ailleurs, tout non-Juif peut faire une
demande d’immigration et de naturalisation. Israël a comme chaque pays souverain
le droit d’accepter ou de rejeter pareille demande. Il n’y a aucun pays qui
accorde automatiquement le doit d’immigration et de citoyenneté à quiconque le
demande.
Le principe de rapatriement dans un Etat-nation est reconnu par le droit
international. La résolution des Nations unies qui approuvait en 1947
l’établissement d’un Etat juif était destinée entre autres à permettre aux Juifs
de contrôler l’immigration dans leur propre pays. Israël n’est par le seul Etat
qui entretienne des relations privilégiées avec une importante diaspora et
disposant d’une « loi du retour ». Pas moins de neuf pays européens :
l’Autriche, la Belgique, la Grèce, la Hongrie, l’Italie, la Roumanie, la Russie,
la Slovaquie et la Slovénie ont des lois qui octroient un statut privilégié aux
membres de leur groupe ethnique vivant en dehors du pays avec une nationalité
étrangère. Par exemple le droit grec attribue des droits privilégiés aux « Grecs
ethniques » ( article 108 de la constitution ) ; la Grèce est également à
l’origine d’une initiative visant à offrir la citoyenneté grecque aux quelque
300 000 Albanais d’origine grecque vivant en Albanie. La Russie a voté une « loi
du retour » en 1999 : tout russe de souche devient automatiquement citoyen russe
lors de l’immigration en Russie.
Le Conseil de l’Europe a adopté les recommandations de la « commission de Venise
» (à propos du statut des hongrois d’outre-frontières) : les relations normées
et préférentielles entre pays d’origine et diaspora sont compatibles avec le
droit international tant qu’elles ne portent pas atteinte à la souveraineté des
pays hôtes. Autrement dit, l’Europe elle-même a récemment légitimé les principes
d’appartenance nationale et ethnique.
Les Etats-nation démocratiques – et Israël parmi eux – favorisent donc les
intérêts de leur majorité sans pour autant nier les droits de leur(s)
minorité(s). Quiconque appelle au démantèlement de l’Etat juif parce que les
Arabes y sont en position de relatif désavantage handicap se doit, au nom de la
logique, de l’honnêteté et du bon sens, d’exiger celui de tous les Etats-nation
où vivent des minorités et le remplacement de celles-ci par des fédérations bi-
ou multinationales, voire par des Etats strictement indifférents à cet égard,
tant au plan idéologique qu’au plan culturel.
Ceux d’entre les Européens qui affirment que le concept d’Etat juif est dépassé,
mais appliquent le même raisonnement à leur propre pays, sont au moins logiques.
Pour eux, c’est le concept même d’Etat-nation qui est périmé et qui doit faire
place à celui de fédération européenne post- et supranationale. L’Europe aurait
déjà atteint cette phase postnationale où la nation, tout comme l’Etat-nation,
appartient déjà à l’histoire. Ce qui n’est à l’évidence pas l’opinion des
Basques, des Catalans, des Corses, des Ecossais, des Wallons et des Flamands.
D’autres préfèrent s’inscrire dans la contradiction. C’est le cas député arabe à
la Knesset Azmi Bishara lequel suit les « théories critiques » du modèle
national d’un Benedict Anderson : la nation ne serait pas une « donnée naturelle
» [9]. Et-ce à dire que tous les nationalismes seraient artificiels et
illégitimes ? : « Non, l’idéologie et l’identité nationale font partie
intégrante de la modernisation sociale. Je suis moi-même un nationaliste arabe
»[10]. La critique ne vaut donc que pour le nationalisme juif ; tous les
nationalismes sont égaux, mais certains le sont plus que d’autres.
Les fondements de l’Etat juif
Contrairement aux Anglais en Amérique ou aux Français en Algérie, les Juifs ne
furent pas des colons. Ils n’avaient pas de métropole, vivaient comme des
étrangers minoritaires dans tous les pays du monde, ne représentaient les
intérêts d’aucune puissance coloniale, n’avaient jamais été souverains qu’en
terre d’Israël et n’avaient jamais cessé de considérer cette terre comme la
leur. Les puissances coloniales, par ailleurs, étaient opposées au projet
sioniste et si les Britanniques publièrent la Déclaration Balfour en 1917, ce
fut pour trahir leurs engagements dès 1922.
La vraie question est de savoir si l’émergence d’une nouvelle idéologie ou d’une
nation nouvelle justifie la fondation d’un Etat lorque l’Etat à venir porte
atteinte aux droits d’une autre nation. L’opinion la plus répandue à cet égard
est à l’évidence que oui : personne n’irait remettre en cause l’existence des
Etats-Unis parce que leurs fondateurs ont expulsé ou tué les Indiens
autochtones. Et quant à la nouveauté des Etats, il n’est pas de pays qui ne
soutienne aujourd’hui l’établissement d’un Etat palestinien alors que le concept
même de peuple palestinien est récent. D’autant que le penseur et célèbre
historien de l’orientalisme palestinien, Edward Saïd, le reconnaît lui-même : «
Le nationalisme palestinien est fondé sur l’expulsion des Israéliens »[11].
Pourquoi donc remettre en question la légitimité du seul Etat juif ? La réponse
la plus courante est que les Juifs ne peuvent se permettre de faire un «
comeback » historique sur le dos des Arabes. Veulent-ils un Etat ? Qu’ils
aillent s’installer sur un lopin de terre australien ou canadien , cela nous
épargnera un conflit sans issue au Moyen-Orient. Il est compréhensible, tel est
l’argument, que les Juifs, après la Shoah, aient besoin d’un pied-à-terre
quelque part dans le monde, mais ils doivent aussi comprendre qu’on ne peut
réclamer la propriété d’un bien abandonné depuis si longtemps et occupé
entre-temps par de nouveaux locataires. Quitte à tolérer ce « fossile », comme
le suggérait « plaisamment » l’historien Toynbee, que ce soit dans un musée
d’histoire naturelle !
Une argumentation curieusement avancée par ceux qui se font en même temps les
avocats zélés de « droit au retour » des Palestiniens et veulent que quiconque a
été expulsé de sa maison doit pouvoir rentrer chez lui, quelle qu’ait été la
durée de l’exil. Un raisonnement qui tiendrait donc pour les Palestiniens, mais
pas pour les Juifs. Sans compter que ceux qui déclarent les Juifs étrangers en
Terre Sainte ne les considèrent pas non plus comme de « vrais Français » ou de «
vrais Russes ». Or, si les Juifs sont étrangers aussi bien en « Palestine »
qu’en diaspora, on se demande où ils seront chez eux !
Certains français illustres comprirent que le retour des Juifs sur leur terre
n’était que justice. Jean Racine « Réjouis-toi, Sion, et sors de la poussière.
Quitte les vêtements de ta captivité. Et reprends ta splendeur première. Les
chemins de Sion à la fin sont ouverts. Rompez vos fers, Tribus captives ;
Troupes fugitives, Repassez les monts et les mers : Rassemblez-vous des bouts de
l’univers » (Esther, Acte III, scène IX).
Jean-Jacques Rousseau « Je ne croirai jamais avoir bien entendu les raisons des
Juifs, qu’ils n’aient un Etat libre, des écoles, des universités, où il puissent
parler et disputer sans risque. Alors seulement nous pourrons savoir ce qu’il
ont à dire » (La Profession de Foi du vicaire savoyard).
Napoléon Bonaparte en 1799 à quarante kilomètres de Jérusalem : « Réveillez-vous
Israélites ! L’heure est venue de réaliser votre indépendance politique comme
nation parmi les nations ! ».
Ces grands Français connaissaient leur histoire d’Israël. Ils savaient que le
nom « Palestine » vient de Philistins, un peuple de la mer Egée qui s’était
installé au douzième siècle avant l’ère chrétienne sur la côte orientale de la
Méditerranée. Lorsque les Romains écrasèrent la révolte des Juifs au deuxième
siècle de l’ère chrétienne, ils tentèrent d’effacer toute mémoire juive en
rebaptisant justement la Judée Palestina, du nom de leurs ennemis. D’où le mot
arabe Filastin..
Or, les Hébreux avaient conquis la terre de Canaan qu’ils rebaptisèrent Eretz
Israel mille trois cents ans avant l’ère chrétienne. Ils y vécurent en
confédération tribale jusqu’à l’unification sous la première royauté de Saül.
David, établit la capitale d’Israël à Jérusalem mille ans avant
l’ère chrétienne. Son successeur, Salomon, fils de David, construisit le Temple de Jérusalem ;
il laissa un royaume centralisé et fermement établi.
Après la mort de Salomon, le pays était divisé entre le royaume du Nord (Israël)
et celui du Sud (Judée). Le royaume d’Israël fut détruit par les Assyriens en
l’an 722 et celui de Judée par les Babyloniens en 587 avant l’ère chrétienne. Un
demi-siècle plus tard, le roi de Perse Cyrus permit aux Juifs de revenir en
Israël et d’y rebâtir le temple de Jérusalem. Alexandre le Grand repoussa les
Perses et conquit la Judée en 332 av. J.C. Les Juifs se révoltèrent en 167
contre la dynastie hellénistique et ils rétablirent un Etat autonome en 142.
Rome conquit la Judée en 63 av. J.C. et y instaura un régime juif vassal. Le
royaume d’Hérode était directement soumis à Rome et les Juifs se soulevèrent en
l’an 66 de notre ère. La « Guerre des Juifs » relatée par Flavius Josèphe
s’acheva avec la destruction du Second Temple par les Romains en 70. Bar Kokhba
organisa une seconde révolte en 132 et celle-ci fut écrasée par les Romains en
135. Après la division de l’Empire romain deux siècles plus tard, Byzance règna
sur les Juifs soumis jusqu’à l’invasion arabe de 634-640. Les croisés
s’emparèrent de la Terre Sainte en 1099 pour la « libérer » des musulmans , mais
le royaume franc s’effondra avec la victoire des Mamelouks en 1291.Les Ottomans
prirent la région en 1517 et la dominèrent jusqu’à l’installation des
Britanniques en 1917. Les Britanniques quittèrent eux-mêmes la Palestine en 1947
et les Juifs y établirent leur Etat la même année.
De tous les peuples qui se sont succédés en Judée depuis la destruction du
Second Temple par les Romains, seuls les Juifs sont encore là. Après la conquête
de Canaan, ils ont souvent été privés de leur indépendance, mais leur présence
n’a jamais été effacée et ils ne se sont jamais départis d’un attachement
viscéral, évoqués plusieurs fois par jour dans les prières, à ce pays. Même au
lendemain de la révolte de Bar Kokhba et de la répression violente qui suivit,
les Juifs continuèrent de constituer une majorité dans leur pays et ils y
jouissaient encore d’une certaine autonomie. A preuve que lorsque l’empereur
Caracalla décida en 212 d’octroyer la citoyenneté romaine à ceux de ses sujets
qui avaient un pays, les Juifs l’obtinrent. Pas de doute à Rome, à l’époque, que
la Palestine était le pays des Juifs. C’est à l’époque des Romains, puis de
Byzance, que furent composés en Judée la Mishna et le Talmud de Jérusalem. Les
Juifs ne cessèrent d’ailleurs pas de combattre pour leur indépendance puisqu’une
force juive de Judée fut constituée en 614 pour lutter aux côtés des Perses
contre les Byzantins[12].
C’est l’invasion arabe qui déracina vraiment les Juifs. Contrairement à leurs
prédécesseurs, les Arabes pratiquèrent une politique de colonisation intensive,
de confiscation des terres et de démolition des maisons. C’est ce nettoyage
ethnique qui fit des Juifs, pour la première fois dans l’Histoire, une minorité
en Judée. L’idée reçue, de nos jours, est que les Juifs ont chassé les Arabes de
leur terre. Mais historiquement et chronologiquement, ce sont les Arabes qui les
chassèrent. Ces derniers devinrent majoritaires au septième siècle, et ce
jusqu’au processus de reconquête par les premiers au dix-neuvième siècle. La
Reconquista de l’Espagne par les chrétiens mit huit cents ans à se produire. En
quoi la reconquête de la Judée par les Juifs, parce qu’elle a pris quatre
siècles de plus, aurait moins de légitimité ? Ce serait par ailleurs donner
raison à Ben Laden qui attribue l’Espagne aux Arabes. Non que le droit civil de
certains pays, entre autres le droit juif, ne reconnaisse pas l’idée de
propriété par défaut. Le voleur peut devenir propriétaire du bien volé si la
victime a perdu tout espoir de retrouver son bien. Or, les Juifs, précisément,
ne cessèrent jamais d’espérer retourner dans leur pays. C’est pourquoi ils
refusèrent au demeurant un Etat en Argentine, en Ouganda, au Birobidjan et en
Mandchourie.
Cependant, en dépit des efforts déployés par les Romains, puis par les Arabes et
les croisés, les Juifs se maintinrent en Judée/Palestine. Leurs principales
communautés du premier au dix-neuvième siècle furent : Safed, Tibériade, Hébron,
Gaza, Rafah, Ashkelon, Césarée, Jaffa, Acre et Jéricho. Parmi les habitants
juifs de Jéricho au septième siècle, il y avait les rescapés des massacres
perpétrés par Mahomet contre les tribus juives d’Arabie. Au onzième siècle, les
croisés massacrèrent des milliers de gens et de nombreux Juifs de France,
d’Angleterre, plus tard d’Espagne, de Lituanie, du Portugal, de Sicile, de
Sardaigne, de Rhodes et de Naples s’installèrent en Judée. Dès le douzième
siècle, la population juive allait croissant. Au moment de la conquête ottomane,
à peu près 10 000 Juifs vivaient à Safed, le communauté de cette ville comptant
15 000 âmes et une académie rabbinique au seizième siècle[13]. D’importantes
communautés vivaient à la même époque à Jérusalem, à Hébron et à Acre. Quand on
procéda au premier recensement à Jérusalem à l’époque des Ottomans en 1858, il
s’avéra que les Juifs y constituaient la majeure partie de la population, les
musulmans en représentant moins du quart. Bien avant la première vague
d’immigration (aliyah) des Juifs européens en 1882, Jérusalem, Safed et
Tibériade étaient des villes (ou plutôt des villages) à majorité juive.
Durant l’occupation ottomane, la vie des Juifs en Judée était intolérable.
William Tanner Young, consul britannique à Jérusalem, rapporte le 25 mai 1839 au
Foreign Office qu’ils étaient massacrés à Hébron, battus, expropriés à Jérusalem
et interdits de prière dans les Lieux saints. Si leurs coreligionnaires
d’Europe, du Yémen, d’Irak, de Turquie et d’Afrique du Nord les rejoignirent à
la fin du dix-neuvième siècle, c’est que les conditions de vie en diaspora
étaient plus terribles encore et parce que ces mêmes Juifs n’avaient jamais
perdu l’espoir de revenir dans leur pays.
Les Arabes affirment de nos jours que les Juifs s’emparèrent d’une contrée bien
établie, peuplée et verdoyante. Tous les récits de voyage et rapports sur la
Palestine du XVIIe au XIXe siècle attestent au contraire d’une région vide de
l’Empire ottoman. Henry Maundrell en 1697 : Nazareth, « un village minuscule et
sans importance » ; Jéricho, « une bourgade minable et sale » ; Acre, « une
désolation »[14]. L’archéologue britannique Thomas Shaw en 1738 : la Terre
Sainte «vide, désolée et manquant de tout »[15]. Le comte Volney en 1785 : Nous
avons du mal à reconnaître Jérusalem...on y compte environ douze mille habitants
»[16]. Alphonse de Lamartine qui visita la région en 1832 écrit dans le Voyage
en Orient (1835) qu’à part Jérusalem, il ne rencontra pas âme qui vive et que la
Palestine était « le tombeau de tout un peuple ». Ou encore Alexandre Keith en
1844 : « A l’époque de Volney, la Terre Sainte n’en était pas encore arrivée à
l’état de désolation totale décrit par les prophètes »[17]. Et puis le consul
britannique en Palestine ottomane, James Pinn en 1857 dans un rapport à Londres
: « Le pays est à peu près inhabité »[18]. Le compte rendu le plus célèbre de
l’état des lieux de la Palestine ottomane à la fin du XIXe siècle et à la veille
de la première aliyah est le journal de Mark Twain, témoin oculaire en 1867 :
« Pas un seul village [dans la Vallée de Jezréel] –rien sur trente miles dans
les deux sens. Deux ou trois petits groupes de tentes bédouines, mais pas une
seule habitation permanente. On peut voyager pendant dix miles sans rencontrer
dix êtres humains (…) Déserts sans âme qui vive, collines vides (…) ruine
mélancolique de Capharnaüm, stupide village de Tibériade, enterré sous six
palmiers (…). Nous arrivâmes à Tabor sans encombre et sans rencontrer âme qui
vive tout au long du chemin. Nazareth est désolée (…) Jéricho est en ruine,
comme inchangée depuis le miracle de Josué il y a plus de trois mille ans;
Bethléem et Béthanie, dans leur pauvreté et leur humiliation, n’ont plus rien
pour rappeler qu’elles furent honorées par la présence du Sauveur, ces endroits
où les bergers chantaient « paix sur terre, grâce à l’homme » n’abritent pas une
créature vivante (…) Bethesda et Horzine ont disparu et les déserts autour
d’elles où des milliers d’hommes écoutèrent la voix du Sauveur et mangèrent le
pain miraculeux, elles se sont endormies dans une solitude qui n’est plus
habitée que par des oiseaux de proie et des renards qui rôdent[19]."
On peut également citer le cartographe britannique Arthur Penrhyn Stanley : « ni
signes de vie ni habitations en Judée, sur des distances entières » dans une
oeuvre parue en 1862[20].
Voilà pour le pays verdoyant « envahi » par les Juifs en 1882. Au moment où
passe Mark Twain, la population de la Palestine ottomane est de quelque 400 000
âmes – Juifs et Arabes confondus. La première vague d’immigration, en 1882,
entraîna celle des Arabes de l’Empire ottoman qu’attiraient les perspectives
d’emploi fournies par l’infrastructure juive en Palestine. Un fait attesté et
durable : « L’immigration arabe en Palestine, depuis 1921, est nettement plus
nombreuse que l’immigration juive », déclare par exemple le Président Roosevelt
en 1939[21]. C’est que la « communauté juive palestinienne » a lancé une
économie dynamique. En 1947, le salaire d’un ouvrier arabe de Jaffa multiplie
par deux celui de son collègue de Naplouse. De 1922 à 1947, la population arabe
croît dans les villes et régions où les Juifs sont majoritaires : de 290% à
Haïfa, de 158% à Jaffa et de 131% à Jérusalem – pour une croissance de 50% en
moyenne dans les régions où les Juifs ne sont pas installés[22]. Selon
l’historien Ernst Frankenstein, au moins 25% des Arabes qui vivaient en
Palestine en 1882 étaient des nouveaux venus ou les descendants des Egyptiens
ayant conquis la région en 1831[23].
A la date où les Britanniques reçoivent de la Société des Nations en 1920 un
mandat sur l’ensemble du territoire correspondant aujourd’hui à ceux d’Israël,
de l’Autorité palestinienne et de la Jordanie, 900 000 personnes s’y trouvaient
(dont 600 000 en Palestine occidentale, à l’ouest du Jourdain). Dès le début du
XVIIIe siècle, les villages, en particulier le port de Jaffa, étaient peuplés
non seulement de Juifs et d’Arabes, mais de Turcs, de Grecs, d’Arméniens, de
Bosniaques, de Druzes, de Kurdes, de Perses, d’Egyptiens, de Templiers
allemands...Les Arabes étaient pour l’essentiel nomades et ne constituaient
qu’un groupe ethnique parmi d’autres. A l’époque de la partition par les Nations
unies en 1947, les Juifs étaient majoritaires à l’Ouest : 538 000 contre 397 000
Arabes.
La Palestine n’a jamais constitué un pays et le concept même de Palestine
n’existait pas dans l’Empire ottoman. Comme l’explique Bernard Lewis, le
spécialiste du Proche-Orient : « Depuis la destruction de l’Etat juif dans
l’Antiquité et jusqu’au Mandat britannique, le territoire connu sous le nom de «
Palestine » n’avait pas de frontières...Cette région englobait des subdivisions
administratives changeantes »[24]. La Syrie fut en 1887 divisée en deux vilayets
: Beyrouth et Damas, et les sandjaks d’Acre et Naplouse rattachés à Beyrouth,
celui de Jérusalem étant indépendant. Point de Palestine, donc, dans l’Empire
ottoman, que ce soit au plan physique, administratif ou linguistique. Le mot
même de Palestine n’était pas usité chez les Turcs et les Arabes. Ce furent les
Britanniques qui « ressuscitèrent » la Palestina romaine. Il n’y avait ni Etat
ni peuple palestinien. Comme le reconnut d’ailleurs le rapport Peel de 1937, qui
n’était pourtant en rien favorable aux Juifs : « Durant les douze siècles qui se
sont écoulés depuis l’invasion arabe, la pays a quasiment disparu de la scène
historique (…) Il est resté en dehors de l’Histoire tant sur le plan économique
que politique. Même sur le plan culturel et scientifique, sa contribution à la
civilisation est nulle.»[25]. C’est, comme le notait déjà en 1858 l’historien
suisse Félix Bovet, parce que les Arabes ne sont pas des autochtones, qu’ils n’y
construisent rien[26]. Une seule ville arabe fut construite en terre d’Israël:
Ramleh. Toutes les autres sont des villes juives rebaptisées par eux. La
résolution du premier congrès islamo-chrétien de janvier-février 1919 à
Jérusalem réuni afin de désigner les représentants locaux pour la Conférence de
la paix est révélatrice: « Nous considérons la Palestine comme faisant partie de
la Syrie arabe dont elle ne fut jamais séparée. Nous sommes liés à la Syrie par
des liens nationaux, religieux, linguistiques, naturels, économiques et
géographiques »[27]. Le dirigeant arabe palestinien Awni Abdul Haadi déclarait
quant à lui déclarant à la Commission Peel en 1937 : « Il n’y a pas de
Palestine. C’est un terme inventé par les sionistes. Notre pays a fait partie
pendant des siècles de la Syrie »[28].
Les Arabes connaissaient ces faits et tous ne considéraient pas le retour des
Juifs, contrairement à une opinion aujourd’hui répandue, comme une « invasion ».
Personne n’allait à l’époque de la Conférence de la paix soulever la question
d’un Etat palestinien, car les Arabes eux-mêmes n’exigaient pas d’Etat pour un
peuple qui n’existait pas. L’émir Faysal, leader de la délégation arabe à
Versailles, voulait un royaume arabe incluant la Syrie, le Liban, la
Transjordanie, la Palestine, voire même l’Irak. Mieux : il existe toute une
série de déclarations, évidemment conjoncturelles, de celui-ci allant dans le
sens des sionistes. Par exemple l’accord officiel de coopération passé le 3
janvier 1919 avec Haïm Weizmann : les sionistes appuieraient l’émir dans son
effort de construction nationale ; ce dernier, en revanche, encouragerait « les
mesures adéquates » pour une « immigration massive des Juifs vers la Palestine
». Ou encore la lettre de Faysal datant de mars 1919 au juriste Felix
Frankfurter : « Notre délégation d’ici à Paris est parfaitement au courant de la
proposition soumise hier par l’organisation sioniste à la Conférence de la Paix
et nous la considérons comme modérée et convenable. Nous ferons de notre mieux,
en ce qui nous concerne, pour l’aider à réussir. Nous souhaiterons la plus
cordiale bienvenue aux Juifs chez eux...Il (le docteur Weizmann) a été un grand
soutien de notre cause et j’espère que les Arabes pourront bientôt être en
mesure de rendre aux Juifs une partie de leur bonté ».
De fait, ce n’est pas avec le partage de l’ONU, approuvé par l’Assemblée
générale en novembre 1947, que la communauté internationale reconnut aux Juifs
le droit de disposer d’eux-mêmes dans leur patrie historique, c’est à la
conférence de San Remo, en avril 1920, puisque la Puissance mandataire, la
Grande-Bretagne, avait désormais pour mission explicite d’œuvrer d’oeuvrer à
l’établissement en Palestine d’un foyer national juif. Les Juifs obtenaient leur
droit à l’autodétermination à la sueur de leur front et après avoir asséché les
marais, planté des arbres et construit des routes, des hôpitaux, et des écoles.
En juin 1922, le Livre blanc de Churchill séparait officiellement la
Transjordanie de la Palestine et l’excluait du territoire ouvert à l’immigration
juive. Les Arabes dont beaucoup s’étaient battus, contrairement à la Légion
juive (unités britanniques ), du côté turc, se voyaient donc attribuer 80% de la
Palestine originelle.
Quant aux Arabes de Palestine occidentale qui souhaitaient le rattachement à la
Syrie, ils n’admirent jamais l’établissement d’un quelconque Etat juif.
D’où la vague de violences des années 20. Les Britanniques tentèrent d’apaiser
la colère arabe en faisant désigner Hadj Amin al-Husseini comme mufti de
Jérusalem à la mi-mai 1921. Cette erreur fut fatale : le personnage fit du rejet
de l’autodétermination juive un devoir religieux et de l’assassinat de Juifs un
acte légitime et louable. Avant al-Husseini, le partage de la Palestine
occidentale entre un Etat juif et un Etat arabe était encore envisageable. Après
lui, elle devint impossible. Ses incitations au meurtre trouveront une
application extrême dans le massacre de Hébron en 1929 : soixante Juifs
assassinés par les Arabes le 23 août sur encouragement et instructions, alors
que la communauté sépharade vivait là depuis des générations ; c’était la
première fois que la ville se vida de ses Juifs. 133 personnes massacrées dans
une tuerie qui s’était étendue en particulier à Safed. Le mufti accusa
d’ailleurs ses victimes d’avoir provoqué ces meurtres pour s’attirer la
sympathie des Britanniques. Ceux-ci, au lieu de combattre le terrorisme racial,
accédèrent néanmoins à la demande d’al-Husseini et baissèrent le quota de
l’immigration juive en Palestine fin 1936. Un scénario qui allait faire ses
preuves par la suite.
Hadj Amin al-Husseini rejeta vigoureusement les propositions de partition de la
Commissioin Peel, en juillet 1937, qui recommandait d’accorder seulement un
cinquième du territoire aux Juifs. Le rejet d’al-Husseini enterra le plan de
partage et donc la création d’un refuge pour les Juifs alors même qu’Hitler
était au pouvoir en Allemagne depuis quatre ans.
Peu après l’accession d’Hitler au pouvoir, le mufti avait écrit au consul
d’Allemagne à Jérusalem : « Les musulmans de Palestine et d’ailleurs accueillent
favorablement le nouveau régime en Allemagne et ils espèrent que le système
fasciste et antidémocratique s’étendra aux autres pays »[29]. Il avait organisé
des « scouts nazis » sur le modèle des Hitlerjungen. La swastika était devenu un
symbole populaire parmi les Palestiniens, tout comme la chanson : « Plus de
Monsieur, plus de Mister ! Au ciel Allah et sur terre Hitler ! ». Le terrorisme
arabe, soutenu par l’Allemagne, s’en prenait systématiquement aux civils juifs,
dans les hôpitaux, les théâtres, les magasins et les maisons. Al-Husseini, qui
rencontra Hitler en 1941, a coopéré avec le régime nazi : il promit de fomenter
une nouvelle révolte panarabe en échange de l’indépendance après la guerre et de
l’abrogation du foyer national juif ; il suggéra par exemple l’envoi des enfants
juifs de Hongrie en Pologne[30]. Le mufti visita Auschwitz et relate dans ses
mémoires : « Notre condition sine qua non à une coopération avec l’Allemagne
était d’obtenir une liberté d’action totale pour éliminer tout Juif de Palestine
et du monde arabe. Je demandai à Hitler un engagement explicite nous permettant
de résoudre le problème juif suivant nos aspirations nationales et raciales, et
conformément aux méthodes scientifiques modernes des Allemands. Sa réponse fut :
ils sont à vous ! »[31]. C’est al-Husseini qui forgea les expressions « Itbah al
Yahud » (Tuez les Juifs) et « Nashrab dam al Yahud » (Nous boirons le sang des
Juifs).
Son étroite collaboration avec les nazis le grandit encore dans le monde arabe :
l’Egypte lui accorda un statut de réfugié politique et le conseil national
palestinien l’élut à sa tête en 1948. Il continue de figurer comme grand
personnage des Arabes palestiniens et Arafat ne cesse de faire référence à lui
en tant que « héros » (interview à al-Quds du 2 août 2002).
Après la Seconde Guerre mondiale, les peuples ayant soutenu les Nazis furent
punis pour leurs crimes: par exemple, les Sudètes furent expulsés de
Tchécoslovaquie par les Alliés et envoyés en Allemagne. Les Arabes de Palestine,
en revanche, eurent droit à un meilleur traitement. En dépit de leur combat
commun avec les Nazis, l’ONU leur reconnu le droit à un État avec le Plan de
partage de 1947, en plus de l’État établi sur 80% de la Palestine mandataire par
la Grande-Bretagne en 1922. Après la Shoah, dans laquelle six millions de Juifs
périrent, le droit des Juifs à un État allait de soi. Pas seulement pour les
Juifs d’Europe rescapés des camps, mais également pour les Juifs des pays arabes
qui étaient traités comme citoyens de deuxième classe (dhimmis) dans les régimes
d’apartheid arabes.
On entend souvent dire que les victimes de la Shoah avaient droit à un État,
mais que c’était aux Allemands de payer une réparation territoriale et pas aux
Arabes palestiniens. Cet argument est spécieux pour deux raisons. D’abord, comme
je l’ai montré plus haut, la Palestine n’était pas plus arabe que juive, le
droit des Arabes à un État fut reconnu par le plan de partition (qu’ils
rejetèrent), et il n’y eut jamais d’État arabe palestinien. Le dernier État
souverain fut l’État juif détruit par les Romains en 70. Deuxièmement, dire que
les Arabes palestiniens n’ont rien à voir avec la Shoah est complètement faux:
leur dirigeant Al-Husseini fut un criminel de guerre nazi, les Arabes
palestiniens soutinrent l’Allemagne nazie, et ils portent une responsabilité
écrasante dans le génocide du peuple juif.
Les Arabes rejetèrent en 1947, tout comme dix ans auparavant, le plan de partage
de l’ONU et se lancèrent dans une guerre d’extermination contre les Juifs. Ce
conflit déclenchant une vague de réfugiés juifs et arabes. 850 000 Juifs furent
expulsés du monde arabe et 700 000 Arabes s’enfuirent de Palestine en attendant
la victoire, comme les y appelaient les pays frères. Certes, la Haganah
encouragea dans certains cas le départ de la population ennemie, mais ce sont
les hostilités provoquées par les Arabes qui furent la cause principale du
processus[32].
Après leur défaite en 1949, les Arabes auraient pu établir un Etat en
Cisjordanie et à Gaza, mais tel n’était pas leur but. Ils voulaient liquider
l’Etat juif souverain : d’où les guerres déclenchées par eux en 1967 et en 1973.
Après la Guerre des Six Jours, Israël accepta la Résolution 242 du Conseil de
Sécurité et les pays arabes la rejetèrent sans appel (Conférence de Khartoum).
Comme le dit très justement l’ancien ministre des Affaires étrangères Abba Eban,
la guerre des Six Jours fut le premier conflit de l’Histoire où ce fut le
vainqueur qui demanda la paix et les vaincus qui exigèrent une capitulation sans
conditions.
Anouar al-Sadate, qui eut le courage de franchir le pas et d’accepter la
Résolution 242 se vit d’ailleurs restituer tout le Sinaï, soit 90% des
territoires dont les Israéliens s’étaient emparés en 1967.
Arafat, l’héritier d’al-Husseini, refuse, lui, de s’engager sur cette voie. La «
reconnaissance » d’Israël à Genève en décembre 1988 et la ratification de
l’accord d’Oslo par le biais d’une lettre, datée du 9 septembre 1993, ne sont
chez le chef de l’OLP que stratagèmes. Abou Iyad, son bras droit, déclare dès le
11 février 1989 au journal koweïtien al-Watan qu’il n’y a pas eu reconnaissance
à Genève. ? Le 13 septembre 1993, jour de la signature de l’accord d’Oslo,
Arafat lui-même signifie à la télévision jordanienne que l’objectif reste
d’exécuter le plan par étapes adopté par l’OLP en 1974, c’est-à-dire d’accepter
un compromis provisoire pour détruire par la suite Israël. 10 mai 1994 : c’est
toujours Arafat qui explique à Johannesburg qu’Oslo n’est qu’une version moderne
de la convention d’al-Hudaybiya, conclue entre Mahomet et ses ennemis en 628,
soit un stratagème en situation de faiblesse pour mieux se défaire ensuite de
l’ennemi.
La guerre d’Arafat est une guerre injustifiée. Son but n’est pas de libérer un
peuple, mais d’en détruire un autre. Médias et manuels scolaires de l’Autorité
palestinienne promeuvent la mort comme valeur suprême et rejettent le droit des
Juifs à un Etat. Exemple de sermon de Muhammad Ibrahim Madi diffusé sur la
chaîne de télévision de l’Autorité palestinienne le 3 août 2001 :
« J’ai été ravi lorsqu’un enfant m’a dit : ‘Ô Cheikh, j’ai quatorze ans. Dans
quatre ans je me ferai exploser parmi les ennemis d’Allah, je me ferai exploser
parmi les Juifs.’ Je lui ai dit : ‘Ô, jeune enfant, puisse Allah te faire
mériter la Shahâda [« martyr »] et me faire mériter la Shahâda (…) Toutes les
armes doivent être tournées contre les Juifs, nation maudite dans le Coran,
qu’Allah décrit comme des singes et des porcs, des adorateurs de veaux et
d’idoles. Rien ne les arrêtera sinon la couleur du sang de leur sale nation,
sinon notre volonté de nous faire exploser en leur sein. Puisse Allah faire en
sorte que les Musulmans règnent sur les Juifs. Nous les ferons exploser à
Hadera, à Tel-Aviv, à Netaniya, jusqu’à ce qu’à ce qu’Allah nous rende maîtres
de ces ordures (…) Nous entrerons dans Jérusalem en conquérants, ainsi qu’à
Jaffa, Haïfa et Ashkelon (…) Bénis soient ceux qui éduquent leurs fils dans la
voie du Jihad et de la Shahâda ! [33].
Ce n’est pas un hasard si le nombre des attentats perpétrés par l’OLP et le
Hamas a triplé après la signature d’Oslo II en septembre 1995 (retrait israélien
de 98% de la population palestinienne et établissement d’un gouvernement
palestinien sous la houlette de l’OLP). Les attentats-suicide ont commencé après
le retrait israélien des territoires et le début de la propagande d’Arafat qui
se situe dans la lignée directe de celle d’al-Huseini. La présence militaire
israélienne dans les territoires contestés est la conséquence, pas la cause, du
terrorisme palestinien. Ce terrorisme débuta dès les années 1920 sous
l’impulsion d’al-Husseini bien avant l’existence même de l’Etat d’Israël.
La plus longue occupation de l’Histoire fut l’occupation de l’Inde par la
Grande-Bretagne. Il n’y eut pas un seul attentat-suicide contre les Anglais
durant toute cette période. L’occupation la plus cruelle et la plus injustifiée
aujourd’hui est l’occupation du Tibet par la Chine. Les Tibétains ne se font pas
exploser parmi les Chinois innocents et ne tirent pas à bout portant sur leurs
enfants. Quant à la pauvreté, si elle est l’autre cause du terrorisme
palestinien, comment se fait-il que des pays comme Haïti ou le Bangladesh ne
soient pas des centres mondiaux du terrorisme ?
C’est précisément à l’apogée du processus d’Oslo qu’Arafat exposa sa stratégie à
des diplomates arabes dans un hôtel de Stockholm le 30 janvier 1996 : « L’idée
est d’éliminer l’Etat d’Israël et d’établir un Etat purement palestinien...Par
une guerre psychologique et l’explosion populaire nous allons rendre la vie aux
Juifs impossible. Dans cinq ans, nous aurons de six à sept millions d’Arabes en
Cisjordanie et à Jérusalem et les Juifs ne voudront pas vivre parmi les
Arabes... »[34].
Conclusion
Le but du sionisme était de faire des Juifs un peuple libre sur sa terre et de
permettre à leur génie créateur et à leur culture se s’épanouir pleinement. Ce
but a été atteint.
Mais le sionisme avait un autre but, lequel n’a pas été atteint. Herzl, qui
mourut il y a exactement cent ans, conclut son livre l’État juif en termes
suivants : « Je crois qu’une génération extraordinaire de Juifs va émerger. Les
Maccabées se lèveront à nouveau. Je le répète : les Juifs qui veulent un État
l’auront. Nous vivrons comme hommes libres sur notre propre terre, et mourrons
en paix dans nos maisons. Le monde sera libéré par notre liberté, enrichi par
notre richesse, grandi par notre grandeur. Et tout ce que nous essaierons
d’accomplir pour notre propre bien aura des répercussions bénéfiques pour le
reste de l’humanité. » Les Juifs qui le veulent peuvent vivre libres sur leur
propre terre. Mais si certains meurent en paix dans leurs maisons, d’autres
meurent dans leurs maisons assassinés de sang froid, ou meurent déchiquetés dans
la rue. Et, bien que la haute-technologie israélienne enrichisse d’autres
peuples et pays, le monde n’est pas libéré par notre liberté et n’est pas
agrandi par notre grandeur.
L’État d’Israël est accusé d’être un État criminel, d’être le principal
violateur des droits de l’homme dans le monde, d’être l’incarnation du nazisme,
et d’être l’ultime obstacle à la paix au Proche Orient. Aux Nations-Unies et
dans les universités américaines et européennes, Israël est plus condamné ou
boycotté qu’aucun autre pays. Ses dirigeants sont menacés d’être poursuivis en
justice pour crimes de guerre.
Il est effectivement lâche et absurde d’accuser d’antisémite toute critique
d’Israël. Mais il est malhonnête et hypocrite d’appliquer deux poids-deux
mesures à la critique d’Israël et des autres pays. Les Israéliens critiquent
leur pays à longueur de journée et sans pitié. Mais il y a une différence entre
critiquer et diaboliser. Entre dire que Sharon a tort sur telle ou telle
décision et le comparer à Hitler. Entre dire que la présence militaire
israélienne au-delà des lignes de cessez-le-feu de 1949 est illégale, et dire
que l’existence même de l’État d’Israël est illégitime. Entre dire que le
conflit israélo-arabe doit être résolu et dire qu’Israël est la cause de tous
les maux. Entre dire que la politique des éliminations ciblées des leaders
terroristes est contre-productive, et dire qu’elle est responsable de
l’antisémitisme en France. Il est hypocrite de manifester son soutien pour les
Arabes palestiniens sans jamais mentionner les Tibétains ou les Kurdes dont les
droits nationaux sont autrement plus authentiques et anciens et qui, eux, ne
jouent pas au football avec la tête décapitée de leurs victimes. Il est
hypocrite d’accuser Israël de crimes de guerre lorsque son armée prend des
mesures défensives ou punitives pour protéger sa population civile, et de fermer
les yeux, les oreilles et la bouche sur le génocide du Soudan. Il est hypocrite
de hurler d’indignation sur l’ « occupation israélienne » et de ne dire mot sur
l’occupation du Liban par la Syrie, de Chypre par la Turquie, ou du Tibet par la
Chine. Il est hypocrite de venir servir de bouclier humain pour Arafat lorsque
Tsahal cherche à mettre la main sur ses protégés, et de ne jamais venir servir
de bouclier humain devant les cafés et les cinémas israéliens pour empêcher
l’entrée de bombes humaines.
Comme l’écrit Alan Dershowitz, immédiatement après qu’Arafat ait rejeté toutes
les offres de paix de Camp David sans faire de contre-proposition, et après
qu’il ait répondu à la paix par la guerre, l’opinion publique internationale
était majoritairement derrière Israël. Dès l’instant où Arafat envoya des femmes
et des enfants se faire filmer devant les tanks israéliens, l’opinion
internationale tourna à nouveau (en particulier après la manipulation de «
l’Affaire Al-Dura » diffusée par France 2). Mais cette même opinion
internationale ne se contenta pas de tomber dans le piège d’Arafat. Elle devint
littéralement folle. En essayant de comprendre les causes de ce retournement
irrationnel et extrême, Dershowitz conclut que « Israël est l’État juif et le «
Juif » parmi les États du monde. »[35] Ce ne sont plus « les Juifs » qui sont la
cause de tous les maux et les vrais responsables de leurs propres malheurs, mais
« Israël » et « Sharon. » Ce ne sont plus « les Juifs » qui contrôlent la
finance mondiale, mais « Sharon et son entourage » qui contrôlent Bush et les
néo-conservateurs.
Grâce à l’État juif, les Juifs ne sont plus à la merci des nations. Mais l’État
juif n’a pas mis fin à la haine des nations envers les Juifs, au contraire.
L’idée que les Juifs puissent être forts et se défendre fait horreur à ceux qui
se sont habitués à les humilier pendant des siècles. Le sionisme ne peut pas et
ne pourra pas mettre fin à la haine des Juifs, parce que cette haine n’a rien a
voir avec les Juifs eux-mêmes mais avec idées qu’ils représentent depuis leur
apparition sur la scène de l’Histoire.
Comme l’annonce le Prophète Isaïe, un jour viendra où tous les hommes seront
frères, et l’agneau couchera près du loup (une plaisanterie israélienne ajoute
que mieux vaudra être le loup que l’agneau). Mais nous en sommes loin. Et pour
que cette prophétie se réalise, il faut que les Juifs soient libres et
souverains. D’où la nécessité de l’État juif, tant pour les Juifs que pour
l’humanité.
---------------------------------------------------
[1] Le Monde, 16 février 2004.
[2] www.proche-orient.info, 22 juin 2004.
[3] Cf. Yoram Hazony, « Did Herzl Want a ‘Jewish State ‘ ? », Azure, 9
,printemps 2000, p-44-45 : Herzl utilisait souvent le substantif Juden pour
l’adjectif juif ; par exemple Judenkongress pour congrès juif ; l’usage des deux
tournures est chez lui, comme d’ailleurs en allemand indifférent.
[4] Briefe und Tagebücher, Vol. 2, p. 128-129.
[5] The Complete Diaries of Theodor Herzl, Raphael Patai, trad. Harry Zohn, New
York, Herzl Press,1960, p. 56.
[6] Diaries, Ibid., p.72.
[7] Ibid. , p. 104.
[8] 15 août 1899.
[9] Cf. Azmi Bishara, « Entre nationalité et nation » (hébreu), Teoria ubikoret
6, 1995, p.41.
[10] Ha’aretz (supplément du week-end), 29 mai 1998, pp.24, 27.
[11] Atlantic Unbound, 22 septembre 1999,
www.theatlantic.com/unbound/interviews/ba990922.htm
[12] Cf. Samuel Katz, Battleground : Fact and Fantasy in Palestine, New York,
Bantam, 1973, p.88.
[13] Palestine Royal Commission Report Presented by the Secretary of State for
the Colonies to Parliament by Command of his Majesty, July 1937, Cmd. 5479,
p.11-12.
[14] The Journey of Henry Maundrell from Aleppo to Jerusalem, 1697, Londres,
Henry Bohn, 1848, pp. 428, 450, 477.
[15] Cf. Thomas Shaw, Travels, or Observations Relating to Several Parts of
Barbary and the Levant (1694-1751), Londres, 1754.
[16] Cf. Constantin Volney, Travels Through Syria and Egypt in the Years
1783,1784, 1785, Londres, Peter Noster & Row, 1788, Vol. 2, p.36.
[17] Cf. Alexandre Keith, The Land of Israel, Edimbourg, William Whyte, 1844,
p.465.
[18] Lettre à Harel McLardon, 15 septembre 1857, British Foreign Office, doc.
78/1294, n°36.
[19] Cf. Mark Twain, The Innocents Abroad , or, The new Pilgrim’s progress, New
York, Oxford University Press, 1996, pp. 349, 366, 375, 441-442.
[20] Cf. Arthur Penrhyn Stanley , Sinai and Palestine, in connection with their
history, Londres, John Murray, 1881, p.118.
[21] Cf. Franklin Delano Roosevelt, communiqué au secrétaire d’Etat, 17 mai
1939, in Foreign Relations of the United States : Diplomatic Papers , Washington
DC, United States Government Press Office, 1955, Vol. 4, p. 457.
[22] Cf. Arieh Avneri, Haityashvut Hayehudit Vetaanat Hanishol, Tel-Aviv,
Hakibbutz Hameuhad, 1980, p.221.
[23] cf. Ernst Frankenstein, Justice for my People, Londres, Nicholson & Watson,
1943, p.127.
[24] Cf. Bernard Lewis, « The Palestinians and the PLO : A Historical Approach
», Commentary, janvier 1975. Et du même auteur, « Palestine : On the History and
Geography of a Name », in Bernard Lewis, Islam in History, Chicago, Open Court,
1993, p. 153-165.
[25] Palestine Royal Commission Report, op.cit., ch. 1, p.6.
[26] Cf. Félix Bovet, Egypt, Palestine and Phoenicia : A Visit to Sacred Lands,
Londres, 1882, p.384-385.
[27] Cf. Yehoshua Porath, The Palestine-Arab National Movement, 1929-1939 : From
Riots to Rebellion, Londres, Frank Cass, 1977, Vol. 2, p. 81-82.
[28] Cité par Alan Dershowitz, The Case for Israel, Wiley, 2003, p.7.
[29] Cf. Benny Morris, Victimes Histoire revisitée du conflit arabo-sioniste,
Editions Complexe, 2003, p. 143 = Righteous Victims A history of the
Zionist-Arab Conflict, 1881-1999, New York, Alfred A. Knopf, 1999.
[30]Ibid., p.186.
[31] Cf. Sarah Honig, « Friendish Hypocrisy II : The Man from Klopstock St. »,
Jerusalem Post, 6 avril 2001.
[32] Cf. Benny Morris, The Birth of the Palestinian Refugee Problem, 1947-1949,
Cambridge University Press, 1988.
[33] www.pmw.org.il
[34] Cf. Ephraim Karsh, Arafat’s War, New York, Grove Press, 2003, p. 57-58.
[35] The Case for Israel, p. 11.
|