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Chers amis d’Harissa.com,
merci pour ce site, et merci à l’auteur de
la question qui nous permet le dialogue.
Au sujet de la question:
Kadour ben
Nitram est-il juif?
voici un petit commentaire:
Je ne crois pas, à moins que le nom Martin soit juif. J'ai cherché
dans l'onomastique juive et je ne l'ai pas trouvé. Nitram est
l'anagramme de Martin et Kaddour un prénom emprunté aux tunisiens.
Beaucoup de juifs, français, allemands ont donné le prénom Martin à
leurs enfants ( tel Martin Bruber pour n'en citer qu'un)- j'ai trouvé
un Michel Martin professeur d'université, tué en août 44 près de
Bourg d'Oisons (Grenoble). Est-il juif ?s'interroge l'auteur de
l'article, sans y répondre. Martin est un nom et un prénom
extrêmement répandu en France.
Notre Martin ( kaddour ben Nitram) était un français qui vivait à
Tunis. Artiste touche à tout, il était très connu et très écouté. Il
animait dans des émissions à Radio Carthage puis Radio Tunis, une
série de sketches appréciés par une certaine catégorie de la
population. (Kaddour est le fameux "Braïtou" de la radio tunisienne”).
Je ne crois pas que tous les tunisois appréciaient. Vous voyez ce que
je veux dire! Quelques uns s’y reconnaissaient et ils riaient jaune.
Dans ses fables pour le moins osées (on ne l'autoriserait plus de nos
jours) il faisait rire ses contemporains en imitant et en forçant le
trait, le parler français des tunisiens. Il y avait du talent et une
observaiton fine de la vie quotidienne. Mais qui riait?
Cette forme d’expression, c'est le Sabir, terme dérivé de l'espagnol
saber. Ce mot est entré dans la langue française pour souligner un
charabia plus ou moins compréhensible. Quelques humoristes en France,
après 62, avaient repris cette façon toute particulière de parler
français avec l'intonation et les déformations phonétiques et
grammaticales de ceux des maghrébins qui ne possèdent pas la langue.
La cigale et la formi de Pierre Pecheu, vous vous en souvenez? “
la cigale cette ptite folle” etc...
Il ne faut pas confondre le Sabir avec le Pataouète, terme dérivé de
Patois, véritable langue née à Alger qui a relié les hommes en AFN,
après la lingua franca. Le pataouète, langue parlée par les européens
d'Afrique du Nord, où se mêlaient des mots étrangers à la langue
française, comme l’espagnol, l’italien, le maltais etc . Outre ce
mélange, son originalité résidait dans les constructions
grammaticales des phrases. La syntaxe était ballottée. Nos
instituteurs se tiraient les cheveux. Lanly, a étudié de manière
approfondie, le parler d'Afrique du Nord . Camus au cours d'une
conversation avec Roblès (l'algérois et l'oranais) a dit : " le
pataouète c'est une langue qu'elle devrait servir à écrire une
tragédie". Quelle prémonition!
Les fables de Kaddour restent un témoignage du passé colonial, faut-
il les revendiquer? Elles sont amusantes et révèlent quelquefois le
bon sens de nos aînés, leur esprit d'observation, leur humour. Mais,
elles sont écrites, dites et prononcées en Sabir. Nous viendrait-on à
l'idée de revendiquer les pamphlets où sont raillés les juifs, tant
dans leurs expressions que dans leurs accents ? Ne me dites pas que
ce n'est pas la même chose. Et si tout celà était fait par d’autres?
Pour conclure, l'intérêt des fables de Kaddour ben Nitram est
historique, rien de plus. C'est un signe d'un passé, peut-être
douloureux, mais bien révolu. Il faut laisser ces fables à leur
place. Aux intellectuels et aux historiens à nous éclairer. Pourtant
Jean-Pierre Badia
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