Ville situee a
125 kms (77 miles) au sud de Tunis.
Kairouan fut fondee en 670 par Uqba Ibn Nafi, le conquerant arabe de l'Afrique
du Nord. Pendant 4 siecles, Kairouan fut la ville administrative, centre politique et
capitale des Aghlabides et des emirs Zirid, ainsi que le point de rencontre des echanges
commerciaux est/ouest.
On pense, bien que ce ne soit pas prouve, que les juifs s'etablirent a Kairouan
des sa creation. Aux environs de 690 de notre ere, le calife Abd-Al Malik-Ibn Marwan
aurait fait transferer 1000 famille coptes d'Egypte. Certaines legendes pretendent que ces
familles etaient des familles juives. Il apparait au travers des ducuments dont on
dispose, que la vie juive y fut prospere.
Au Moyen-Age, la communaute Kairouanne devint le centre economique et culturel
juif. On a de plus amples informations sur cette communaute a partir du IXeme siecle.
L'etude de certains documents de la Genizah du Caire a eclaire la decouverte de la
communaute juive de Kairouan dont certains aspects avaient deja ete mis en relief par la
litterature rabbinique, particulierement celle emanant des "Gaonim" (Sages) de
Babylone. Une importante correspondance fut maintenue entre les juifs de Kairouan et les
Academies Talmudiques Babyloniennes. L'Academie de Kairouan etait celebre dans le monde
juif. Elle etait composee de sommites, avec a sa tete le "Resh Kallah".
Lorsque Natronai B. Chavivai (aux alentours de 775 de notre
ere) dut partir en exil et fut rejette de Babylone, on raconte qu'il se rendit a Kairouan.
Au Xeme siecle (vers 920 apres JC), un autre exile celebre Mar Ukba, force de quitter
Baghdad, s'installa lui aussi a Kairouan. En 1880, un mysterieux voyageur juif Eldad
Ha-Dani qui revendiquait son appartenance a lune des 10 tribus perdues dIsrael
sinstalla egalement a Kairouan. Sa presence et son savoir suscita un vif interet
parmi les rabbins de Kairouan, qui en debatterent entre autre dans la correspondance
etablie avec Tsemach, le Gaon de Sura.
Aux alentours de 932 ou 942, le celebre medecin et philosophe
Isaac Israeli arriva a Kairouan dEgypte. Vers 904, il devint le medecin prive de
Ziyadat-Allah III (de 903 a 909) qui fut le dernier souverain Aghlabide. Plus tard, il
servit pendant de longues annees Ubayd Allah Al-Mahdi (910 a 934), fondateur de la
dynastie Fatimide de Tunisie. Parmi ses nombreux eleves, on trouve lastronome
et physicien Dunash Ibn Tamim, qui naquit a Kairouan au debut du Xeme siecle et passa
toute sa vie au service des califes fatimides en qualite de medecin prive de la Cour.
A la fin du Xeme siecle, larrivee a Kairouan de
Hushiel B. Elhanan marqua un tournant dans letude de la halakha. Le Rav
Hushiel, comme beaucoup dautres juifs, etait dItalie. La population
juive de lepoque venait dhorizons geographiques tres divers. Des documents du
Genizah du Caire montrent que de nombreux noms de famille, en plus des noms qui etaient
sans doute dorigine berbere (comme Labrat, Sighmar et Masnut) avaient une
consonnance de ville etrangere. Cela incluait des noms de famille tels Andalusi
(dorigine hispanique), Fasi (de Fez), Taherti (de Tahert-maintenant Tiaret, ville du
sud de lAlgerie) et Siqily (de Sicile). Les sages de Kairouan maintenaient un
contact avec la Palestine ou affluaient beaucoup demigrants dAfrique du Nord.
Au debut du Xieme siecle, le "Gaon" de
lAcademie de Palestine Solomon B.Judah, originaire de Fez, continuait de maintenir
le contact avec les sages de lAcademie de Kairouan. Le Rav Hushil introduisit une
nouvelle methode detude dans son academie qui ne sappuyait pas sur les
opinions des erudits des Academies de Babylone. Cette academie se demarqua par ses
methodes de pensees. Cette independance intellectuelle et spirituelle de lEcole de
Kairouan grandit sous limpulsion du fils Rav Hai ayant pris la releve de son pere,
devenant ainsi un grand erudit de son epoque. Le chef de la deuxieme academie,
representant du courant de pensee des academies babyloniennes continua de correspondre
avec le Gaon Rav Sherira et son fils Rav Hai.
Des la fin de la 1ere moitie du XIeme siecle, le Rabbin Nissim,
fils du Rabbin Jacob, eut une position proeminante dans la societe intellectuelle de
Kairouan en raison de sa vaste erudition et de ses connections. Ainsi, il etait le
professeur du poete espagnol Salomon Ibn Gabirol et sa fille epousa Joseph fils de Shmouel
Ha-Nagid de Grenade. Le Rav Nissim succeda a son ami Hananel B. Hushiel comme
representant des Academies de Babylone a Kairouan. Ses ecrits restent une source
importante dinformation dans lhistoire des juifs dAfrique du Nord ainsi
quen matiere de Halakha. Le Rav Nissim assista a la destruction de sa communaute
lorsque la ville fut mise a sac en 1057 par les arabes qui venaient denvahir
lAfrique du Nord. Linvasion causa denormes degats a cette zone, la Libye
et Tunisie de nos jours. Cet evenement marqua la fin de Kairouan comme centre
intellectuel. Ses habitants juifs furent eparpilles en Egypte et Sicile. Beaucoup de juifs
quitterent Kairouan pour lEgypte precedant ainsi le depart du dernier Nagid . Ce
sont les juifs du Caire qui procederent a une vaste collecte de fonds afin de
lentretenir financierement.
Il existe de nombreux documents montrant lextraordinaire
prosperite de la communaute avant son effondrement. Les juifs entretenaient des relations
actives de dimension internationale de lEspagne a lInde. Les juifs succulerent
leur richesse et vie de luxe, en exhibant des gouts extravagants et onereux pour les
draperies soyeuses et colorees dorigine perse et le parfum. Ils etaient
egalement amateurs de musique. Leurs commerces etaient actifs dans de nombreux echanges
commerciaux. La famille Ibn Sighmar etait influente economiquement a la Cour et fut le
creuset dau moins quatre generations de "dayanim" dont la famille
Berechiah composee dintellectuels et de dirigeants communautaires et la famille
Majjani qui joua un role influent dans le developpement du commerce mondial.
Pendant la premiere moitie du XIeme siecle, lune des
personnalites les plus importantes de Kairouan fut le premier "nagid" de la
communaute juive Abu Ichaq Abraham Ibn Ata, qui au dela de sa seule richesses et de son
souci du bien-etre dautriu, etait aussi un homme erudit et general des armees
Zirides.
Le deuxieme "nagid"de Kairouan fut Jacob B. Amram,
dont le pouvoir mais aussi la generosite furent vantes par les "Gaonim" de
Palestine.
Lorsque la Tunisie fut conquise par les Almohades en 1160, on
ne trouva nulle mention des juifs de Kairouan.
Jusquen 1881, lorsque la Tunisie devint protectorat
francais, Kairouan, devenue ville sainte pour lIslam, devint zone interdite pour
toutes les autres religions. Des 1881, des pionners Francais sinstallerent a
Kairouan. Peu de temps apres, des marchands juifs sy etablirent avec leur famille et
y fonderent deux synagogues. La petite communaute parvint a avoir son propre
"chohet" et "hazzan".
En 1936, il y avait seulement 348 juifs a Kairouan. Ceux-ci
souffrirent de loccupation allemande comme leurs correlegionnaires des autres villes
du pays. Beaucoup dentre eux fuirent, dautres revinrent sur place plus tard.
En 1946, on denombrait 275 juifs a Kairouan, quil quitterent pour sinstaller
dans les grandes villes voire dautres pays.
A la fin des annees 60, il ny avait plus un seul juif a
Kairouan!! (Source d'information, Beth Hatefutsoth Museum, Jerusalem, Israel. Traduction
par Isabelle Tahar-Miller)