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CRIMES ET CHATIMENTS DANS
L'ESPAGNE INQUISITORIALE |
Chers
amis Harrissiens, vous qui aimez la lecture et la culture, je ne saurais que
trop vous conseiller, la lecture du livre de l'auteur : Michèle
Escamilla-Colin, Crimes et chatiments dans l´Espagne inquisitoriale.
L'auteur retrace ici l'histoire d'une Espagne baroque déclinante, dégage le
rapport entre délit et sentence, retrouve le profil socioprofessionnel du
condamné, et aussi son aspect physique, grâce aux coordonnées d'identification
à jamais fixées par le zèle du policier du Saint Tribunal. Les principaux
aspects de l'expérience inquisitoriale, vécue dans une souffrance quotidienne
: arrestation, mise au secret, torture, délation forcée, infamante et
théâtrale exhibition en autodafé, condamnation à la ruine, à la prison,
parfois à la plus horrible des morts nous sont révélés. Parmi eux, les
cryptojudaïsants sont les plus nombreux. Pour avoir pratiqué leur religion,
interdite depuis le décret d'expulsion du royaume d'Espagne, en 1492, ils sont
enfermés, torturés, jugés et châtiés. D'ailleurs, le Tribunal de la foi, alors
vieux de deux siècles, n'avait-il pas été créé pour eux ? Ne furent-ils pas
l'adversaire privilégié de l'inquisiteur, le seul qui méritât tous ses
efforts, le seul qui fût digne de lui ?
En voici un résumé :
CRIMES ET CHATIMENTS DANS L'ESPAGNE INQUISITORIALE
DU CRYPTOJUDAISME A L'AUTODAFE
L'Espagne du 14em. siècle,... l'Espagne n'avait pas échappé aux horreurs de la
peste bubonique, pas plus qu'elle n'avait échappé aux séquelles d'une autre
peste, c'est à dire à l'agitation sociale. Vers la fin du 14em. siècle le
virus de l'antisémitisme qui avait pris naissance dans l'Europe du nord,
commença à infecter la culture espagnole.
On assista alors à des flambées de violences contre les Israélites, sous
l'impulsion de dirigeants religieux ultras, on s'employa avec ardeur à
convertir au christianisme tous les Musulmans, et tous les Israélites
d'Espagne. En certains lieux il leur fut fait interdiction de manger, de boire
avec des Chrétiens, voire même de leur parler.
Ils furent empêchés d'exercer leurs métiers d'artisanat et d'agriculture, il
leur fût interdit de porter des vêtements de soie, et on les contraignit
d'aller en guenilles, la famine menaçait. Faisant irruption dans la synagogue
de Tolède des Chrétiens zélateurs en firent une église : Santa Maria la
Blanca, le même sort s'abattit sur quantités d'autres synagogues et de
mosquées. Les pressions et la violence se firent si intenses que des milliers
de Israélites et Musulmans se convertirent au christianisme.
Ici comme dans le reste de l'Espagne une vague de conversions déferla, en
refluant elle a laissé derrière elle pas moins de cent milles convertis, les
Espagnoles les appelèrent les Nouveaux Chrétiens. La communauté des Séfarades
si bien intégrée à la vie espagnole fut déchirée en deux clans, beaucoup de
ses membres s'étaient convertis publiquement, mais en privé continuaient à
observer les rituels de leur religion originelle. Un ressentiment se fit jour
contre ceux qui continuaient à observer leurs anciens rites, les Chrétiens
ulcérés les surnommèrent les "Marranos", vocable tiré d'un mot ibérique
désignant les cochons.
Quand les royaumes de l'Espagne chrétienne furent enfin unis sous le règne de
Ferdinand et d'Isabelle, les monarques se mirent en devoir de purifier la foie
de leurs sujets chrétiens. Le premier jour de l'an 1481 l'Inquisition
espagnole commença sa sale besogne. Pour faire disparaître jusqu'aux derniers
vestiges des rituels Israélites chez les Nouveaux Chrétiens, pour briser
toutes relations entre les convertis et les autres Israélites d'Espagne, des
milliers d'hommes et de femmes furent jugés et torturés, des milliers finirent
sur le bûcher, pourtant des années de terreurs et de tortures ne purent
anéantir les liens établis et leur héritage culturel.
L'Inquisition espagnole exigeait maintenant une action encore plus radicale,
c'est dans la fastueuse salle des ambassadeurs de l'Alhambra, que le 31 mars
1492, la longue et illustre histoire des Israélites d'Espagne prit fin
tragiquement, c'est ici que le Roi Ferdinand et la Reine Isabelle cédant à la
demande pressante de Torquémada le Grand Inquisiteur, promulguèrent l'Edit
d'Expulsion au terme duquel tous les Israélites d'Espagne, devaient soit se
convertir au Catholicisme, soit quitter le pays avant la fin de la mi-été.
" D'après le rapport des Inquisiteurs, il ressort que les Nouveaux Chrétiens
subissent un lourd dol de leur commerce avec les Israélites, subséquemment
nous avons décidé d'ordonner à tous les Israélites de quitter notre royaume,
et de n'y revenir pour quelle que raison que ce soit ".
Au cours de cette année là plus de cent cinquante milles réfugiés
s'agglutinèrent en longues théories sur les routes d'Espagne, abandonnant
derrière eux leurs demeures, leurs vignobles, leurs ateliers, leurs
synagogues, leurs écoles, et leurs souvenirs de bonheurs, et ceux des jours
d'épreuves, accumulés au cours de siècles inoubliables, sous la domination
arabe puis chrétienne.
Ce fut là la plus massive des nombreuses expulsions d'Europe, mais ce n'était
pas qu'une expulsion, c'était aussi pour l' Espagne, la fin d'une époque de
cinq siècles au cours de laquelle la vie et la pensée avait atteint des
sommets inégalés en Europe occidentale. Dans ce pays en particulier la vie des
Israélites et des Musulmans avait été imprégnée par un idéal, qui était de
vivre pleinement et de manière créative au sein d'une société plus vaste, tout
en restant fidèles aux anciennes valeurs et traditions.
Et c'est ainsi qu'un certain jour du mois d'août, le même mois que Christophe
Colomb avait choisi pour appareiller vers de nouveaux horizons, que les
derniers réfugiés quittèrent l'Espagne.
Quant à leurs frères qui acceptèrent la conversion pour pouvoir rester sur
leur terre, ils vont selon le bon vouloir des monarques, être livrés à la
persécution et aux tortures de la Sainte Inquisition, pour finalement être
jetés dans les flammes des grands autodafés populaires, qui comme nous allons
le voire, et en similarité avec le jeux du cirque romains, permettait de
canaliser la vindicte du peuple sur des victimes expiatoires toutes désignées.
Ceux des analystes qui se sont penchés sur ce volet honteux de l'histoire,
sont frappés par les similitudes qui existent, tant au niveau de l'action
méthodique, que de l'exactitude comptable, que de la concision des fichiers de
police de l'Inquisition, similitude avec ce que l'on a vu bien plus tard chez
les nazis, et autres régimes qui se spécialisèrent dans la prétendue chasse
aux sorcières, que l'on peut aussi dénommer chasse aux boucs émissaires.
Le fichier est très simple, il comprend trois volumes qui groupent sur
plusieurs siècles des centaines de procès dressés par l'Inquisition.
Dés le moment où tous les non - convertis sont sensés avoir quitté l'Espagne,
on promulgue l'Edit de Délation qui énumère un certain nombre de pratiques, ou
de signes extérieurs, de gestes, d'attitudes, ou de non gestes, qui permettent
d'attirer l'attention du vulgaire, qui ne sait d'ailleurs lui même absolument
rien, à cette époque là du judaïsme. Et parmi le catalogue de ces gestes on
peut citer par exemple : le changement de chemise le vendredi, le fait surtout
de ne pas travailler le samedi, et de travailler le dimanche, bien-sur au
niveau des pratiques alimentaires, on demande de surveiller si les gens
mangent du porc ou pas.
Evidement il y a là toute une frange de la population qui est bien placée pour
surveiller, c'est bien-sur la domesticité par exemple, ce qui a du être
absolument terrible, parce que tous ces nouveaux chrétiens ont évidemment des
domestiques chrétiens, et il suffit que cela se passe un peu mal entre les
patrons et les valets, pour qu'il y ait délation, sur les bases de tel ou tel
signe assimilés à une pratique judaïque en privée.
Et il n'y a pas que les pratiques alimentaires que l'on peut citer, il y a
aussi tout ce qui concerne l'enterrement, le fait de laver entièrement le
mort, de l'habiller d'un linceul blanc, ce qui apparemment n'était pas fait
par les chrétiens de l'époque.
On peut dire que c'était plus facile au 16 éme. siècle pour l'inquisition de
repérer les cryptoIsraélites, que ça l'eu été pour la gestapo au 20 éme.
siècle parce qu'ils ne mangeaient pas de porc, ou parce qu'ils ne
travaillaient pas le shabbat.
On peut dire que beaucoup de convertis étaient restés très attachés à leur foi
d'origine, et ils courraient des risques en pratiquant même de façon cachée.
Et ils avaient quand même une double identité, et ce qui particulièrement
atroce, c'est que l'on persécute des gens qui ne sont nullement agressifs, qui
essayaient finalement de concilier leurs anciennes coutumes avec les
apparences d'un comportement qui leur est imposé.
Ils ont conservé une fidélité au fort intérieur, et au fort intérieur
largement étendu c'est à dire dans la cellule familiale, ou dans un groupe
d'amis, et quant au reste ils donnent tous les signes extérieurs d'apaisement.
Malgré cela on les épient en tentant de pénétrer au fond d'eux mêmes, ce qui
fait que cette persécution apparaît comme spécialement atroce.
Il est certain que la situation de cette fraction de la population était très
inconfortable psychologiquement, puisqu'en fait sauf bien entendu la toute
première génération, celle qui suit le décret d'expulsion, ces gens sont
complètement coupés de leur racines judaïques, ils n'ont plus de
Jurisconsults, plus synagogues, plus de livres, donc à mesure que le temps
passe le contenu théologique s'amenuise, et quelques fois il devient difficile
de distinguer ce qui est purement cultuel, de ce qui est culturel à
l'attachement à l'identité à des racines puissantes.
Il est à ce stade nécessaire de rappeler des similitudes qui ont existé dans
d'autres groupes isolé qui ont perpétués sans plus les comprendre, des
symboles, des cultes, et des rites originaires du judaïsme, et dont les
significations se sont perdues à travers les siècles, et les divers avatars de
la diaspora. Les exemples sont nombreux et on pourrait en citer quelques uns.
Enfin on trouvait en Espagne beaucoup de marranes qui perpétuaient tel ou tel
rîtes, purement par habitude, ou par seul attachement aux traditions
familiales.
Mais par contre on trouve aussi des gens qui sous la torture disent croire en
Moise, et pas en Jésus, et donc aussi qui savent ce qu'être israélite veut
dire. Ce qui semble être le plus fascinant dans les documents, notamment dans
les "Relations de Causes" qui sont des condensés de procès, c'est lorsqu'on
voit précisément quelqu'un d'ordinaire qui n'est au fond pas très convaincu
finalement que l'autre est chrétien ou israélite, et s'il pratique ou non un
judaïsme précisément familial, lorsqu'au fond de la prison, on saisit le
moment, parce que les interrogatoires sont répétés, le moment où l'inquisiteur
qui contrairement à la gestapo veut convertir, et bien le combat de
l'inquisiteur c'est précisément qu'il veut obtenir la conversion du condamné.
C'est donc une sorte de lutte absolument délirante, et ce qui est vraiment le
plus terrible, c'est le moment ou un être, un homme ou une femme, et il y en a
plusieurs exemples, à une audience dit : "C'est terminé, je suis israélite, je
veux vivre ou mourir dans la vois de Moise, vous pouvez me brûler !". Et en
général il ne reviennent jamais, on a vu plusieurs cas de ce type ou le procès
a duré encore des années, et durant cette période la personne qui a pris cette
décision au fond de la cellule, dans la plus grande solitude, le plus grand
dénouement, et dans la plus grande misère morale et physique, lorsqu'il a pris
cette décision, il n'y revient jamais.
Et pourtant c'est là on va s'acharner, et s'acharner d'une façon extrêmement
intelligente même, puisque l'Inquisition met tout en oeuvre, on fait appel à
des qualificateurs qui sont des théologiens redoutables.
Dans le fond le tortionnaire qui est en face de celui qui a accepté le martyr,
se dit : "Mais si on pouvait l'avoir, quelle belle âme il ferait celui-là!".
Les martyrs sont surtout des hommes, mais on compte aussi énormément de femmes
et de tous ages entre 14 ans et 90 ans, c'est absolument épouvantable, on
torturait des enfants, mais aussi des vieillards.
Surtout on a pu remarquer que lorsqu'au niveau des condamnations au bûcher,
qui sont bien entendu en pourcentages assez faibles, car on ne condamnait à
mort qu'assez exceptionnellement, l'Espagne d'alors réservait ces cas
seulement pour les grandes cérémonies, comme celles qu'on effectuait au nom du
"Combat contre les grandes Hérésies" pour étoffer les cérémonies, ce qui nous
parait aujourd'hui évidemment horribles et cyniques.
Les cas qui ont put être comptabilisés en nombre représentent un véritable
minimum, mais essayons de parler de cette comptabilité: Sur un ensemble de
3260 personnes qui ont eu à subir ces procès, on a put constater que 71%,
étaient poursuivis pour délit de judaïsme ou de cryptojudaisme, et il faut
ajouter que l'Inquisition ne poursuivait pas que ces délits, que pour le
reste, les 29% peuvent être cités comme suit : il y a la sorcellerie, la
polygamie, le mahométisme, car on les assimilait facilement aux maurisques, le
blasphème. Et puis les choses qui sont typiquement de l'ordre de l'église: par
exemple dire la messe sans être ordonné 0,75% ce qui est peu important, le
luthéranisme tout de même, l'imposture, le faut témoignage, la sodomie, il y a
aussi la complicité, ce sont les bourreaux notamment, les gardiens de prisons
qui quelque fois facilitent la vie des emprisonnés, ou même leurs mettent des
drogues, il y a des chapitres intéressant à ce sujet, ces drogues leur
permettent de moins souffrir au moment de la torture, et qui ensuite sont eux
mêmes arrêtés.
On poursuivait même aussi les prêtres dits "Sollicitant", ces solliciteurs qui
ont utilisé la profession pour abuser des victimes. Mais quand même,
l'Inquisition pour l'essentiel traquait surtout les Israélites.
Bien que ceux qui ont brûlés ne sont pas la majorité, on peut dire qu'au
15eme. siècle qui est une période qui est peu documentée, étant donné que pour
cette époque les comptes rendus de procès ont disparu, on sait tout de même
que les bûchers ont flambé d'une façon considérable, atroces, les procès n'ont
pas été conservés, et d'ailleurs ces procès devaient être extrêmement
expéditifs.
Il y a tout de même des choses qui intriguent l'observateur par exemple : on
s'aperçoit que ces converses judéo-chrétiens sont non seulement traqués et
épiés, mais qu'on veut les empêcher de partir, il y a comme une espèce de
paradoxe, et il faut avouer qu'on ne comprend pas toujours très bien les
espagnoles, ces portugais qui sont des ex - espagnoles revenus en Espagne,
souvent veulent repartir, ils veulent aller vers Bayonne, ou Amsterdam, ou en
Italie etc... , alors on les surveille, et s'il y en a un qui s'absente trop
souvent, on veut lui confisquer ses biens, et le déférer au tribunal de
l'Inquisition.
Tout se passe comme si on voulait éviter qu'ils quittent l'Espagne, alors que
ça aurait réglé le problème, mais c'est que finalement, et c'est là qu'ils
sont pris dans le piège de la LEX OPERAE OPERATO, ce sont des gens qui ont été
convertis, donc ils ne sont plus libres en quelque sorte, et c'est là que vous
voyez le piège infernal, car l'Inquisition ne peut plus de ce fait les
considérer comme des non - chrétiens.
Le paradoxe c'est aussi que l'on voit de temps en temps des Israélites
étrangers qui passent en Espagne, parce qu'ils commercent avec l'Espagne,
parce qu'ils travaillent pour le Roi d'Espagne, et alors ceux là sont filés,
dés qu'il arrivent en Espagne et qu'on sait qu'ils sont Israélites, il y a des
guetteurs que l'Inquisition met à leurs trousses, et à leurs frais. On
entrevoit là un aspect financier sordide puisque les gens en prisons doivent
aussi payer leur subsistance, et les policiers, on dirait aujourd'hui les
barbouzes, devaient êtres en quelques sortes à "La Solde" de leurs victimes.
Parlons maintenant de l'autodafé car c'est en quelque sorte le pilier central
de toute cette machine infernale. Parlons du grand autodafé de 1680, qui a
fait l'objet du célèbre tableau de Francisco Rizi, que nous allons essayer de
détailler un peu, et ce qui tout d'abord est incroyable pour nous aujourd'hui,
c'est que c'est avant tout une grande fête populaire et aristocratique. Et
c'est une fête que les gens de l'époque qualifient de "FIESTA", "THEATRO",
"FERIA", etc..., le même vocabulaire que celui de la fête, et il est
généralement organisé sur le lieu même où se déroulent d'autres activités.
Celui de 1680 est particulièrement révélateur pour de multiples raisons, et
parce que c'est le dernier des grands autodafés. Il n'est pas présidé par le
Roi parce que le Roi ne pouvait pas présider l'autodafé, ça serait une erreur
de le dire, car seul l'Inquisiteur Général préside l'autodafé, et il est
d'ailleurs de ce fait placé obligatoirement au dessus, son trône si l'on peut
dire est placé en surplomb par rapport aux balcons qui se trouvent au milieu
du tableau de Rizi.
C'était une sorte de cérémonie extrêmement longue, qui durait toute la journée
jusqu'au soir, où on lisait pendant des heures et des heures les peines
auxquelles les gens étaient condamnés, et qu'on se demande comment les gens
tenaient durant presque 14 heures, et que ça se terminait généralement tard
dans la nuit.
On voit sur le tableau tout au fond un balcon où se tient la famille royale,
c'est à dire Charles II, et sa jeune épouse Marie Louise d'Orléans, et la
Reine Mère veuve, et ce jeune couple qui ont 18 et 20 ans, ils sont mariés
depuis 6 mois, et c'est principalement pour honorer leur nouvelle Reine, que
les espagnoles qui avaient des goûts bizarres, ont organisé ce grand autodafé,
car ces festivités auxquelles assistaient les Rois, étaient organisées pour
des occasions très particulières.
On y voit beaucoup d'aristocrates, et on sait que les grands d'Espagne se
disputaient pour y avoir des places. Sur le tableau en arrière plan on peut
voire toute la noblesse et les familiers de la coure installés sur les gradins
à droite qui assistent à la fête, et vous avez parmi ces spectateurs beaucoup
d'ambassadeurs, étant données les circonstances, le mariage du Roi avec une
princesse de France, et il y a beaucoup de personnes qui viennent de la coure
de Versailles. On sait aussi que quelques dames qui viennent de Versailles,
qui sont obligées d'assister à ce genre de spectacle, qui ne partagent pas
tellement le goût des organisateurs, et les spectateurs étrangers qui voient
ça, envoient chez eux des lettres absolument terribles pour dire combien tout
ça est répugnant.
Alors on peut maintenant dire un mot sur l'institution des Familiers, c'est
que c'est en effet une institution très particulière, il s'agit donc de nobles
qui deviennent les assistants de l'Inquisition, le Familier c'est un laïque
qui devient un serviteur bénévole du Saint Office, moyennant quoi il reçoit en
retour une certaine protection juridique, parce qu'il ne relève dés lors que
du Tribunal Inquisitorial pour toutes sortes d'affaires, et en général
l'Inquisition leur est bienveillante, car elles leur confère un passeport
diplomatique, et il y a aussi tout le prestige qui s'attache à la Familiature.
Ca coûte plutôt assez cher pour devenir Familier, on paie de sa personne, de
son temps, et souvent aussi de sa cassette personnelle, par exemple pour ce
grand autodafé de 1680, on n'avait pas assez de places dans les prisons pour
héberger les condamnés qui venaient de tous les tribunaux d'Espagne, et il
avait bien fallut les loger quelque part avant l'autodafé, et les Familiers
étaient amenés à les loger chez eux, à transformer leurs maisons en prisons en
hébergeant à leur frais une dizaine de condamnés. Alors ces Familiers se
trouvent à la gauche du tableau de Rizi, ils encadrent chaque condamné, dés la
sortie de la prison jusqu'au bûcher s'il est condamné à mort, ou jusqu'à la
fin de la cérémonie s'il ne l'est pas, le condamné est encadré par deux
Familiers.
Alors est Familier en Espagne, du dernier des laboureurs ou du grand
d'Espagne, sont sur pieds d'égalité vis à vis de l'Inquisition. C'est un des
aspects les plus paradoxaux des tribunaux de l'Inquisition, c'est aussi le
fait qu'à propos de la délation, le personnel et la domesticité étaient bien
placés pour observer les faits et gestes des suspects.
Et bien il faut aussi dire une chose importante, le témoignage du dernier des
valets a autant de poids devant le tribunal de l'Inquisition que celui d'un
Grand. D'ailleurs à ce propos il faut aussi dire que pour un certain nombre de
délateurs, et c'était une forme de racket, c'était tellement facile de faire
chanter un nouveau chrétien, en disant qu'on le dénoncerait à l'Inquisition.
Mais les tribunaux étaient assez pointilleux et ils ont aussi condamné un
certain nombre de racketeurs.
Ce qui est fascinant et complexe aussi, c'est que ce genre de personnes sont
en général issus justement des milieux concernés, les racketeurs ne sont pas
que des exécutant mais des personnes qui appartiennent aussi en partie à cette
communauté diffuse, hélas des marranes ! Ce qui rend évidement le problème
encore plus terrible, car les victimes sont aussi dénoncées par leurs propres
frères.
On pourrait aujourd'hui comparer les cérémonies de l'autodafé a la corrida, ne
serrais ce que par cette espèce de goût pour le sang, et cette passion pour la
morbidité, mais on n'a rien inventé en énonçant cela, ce sont précisément les
textes et les commentateurs de l'époque qui le disent eux mêmes, et qui
généralement emploient des métaphores absolument horribles dans cette
comparaison, et dans leurs commentaires, notamment pour les autodafés de 1650,
1655, ou 1667, à Cordoue qui s'étaient organisés sur la place qui existe
encore qui s'appelle la Corrideira, parce que c'est la place où on faisait les
courses de taureaux.
Alors on pourrait se demander quel est l'enjeu de tous ces horreurs, et au
delà de la consolidation du pouvoir, par les moyens de la division pour régner
sur des populations somme toute primaires, non instruites, et pas éclairées,
on pourrait voire apparaître le désire de tuer la pérennités, en exorcisant
l'enjeu de la revendication de l'alliance, car il y a en fait deux peuples qui
sont face à face et qui revendiquent la vérité unique, et l'appartenance à la
vraie religion, le fait du peuple chrétien qui revendique une commune
authenticité de l'alliance, et enfin on peut dire que cet homme qui est sur le
bûcher rend service aux autres, car il est celui qui a authentifié l'alliance
des autres, c'est pour ça que ça a pu durer si longtemps, et c'est là en fait
où se trouve le piège.
Qu'est ce qui rend aujourd'hui nécessaire de ressortir tout ça ?, c'est à mon
sens, et avant tout le devoir de ne pas ignorer la mémoire, et puis je pense
que de toute façon il est utile de savoir, et particulièrement pour les
chrétiens, qu'en un certain sens c'est une autre Shoah, une Shoah qui s'étend
à travers des siècles, et je pense qu'il est aussi utile de ressortir de
l'oubli les souffrances humaines, et de dénoncer la persécution de l'homme par
l'homme, surtout lorsque la victime n'est coupable finalement d'avoir eu une
autre foie, aujourd'hui nous dirions une autre opinion.
En même temps ce pécher, qui n'est pas simplement un pécher contre la charité,
mais qui est surtout un pécher contre la transcendance, parce qu'il est commis
par des gens qui dans leur logique étaient sincères dans une certaine mesure,
mais que ces gens on voulu se substituer a leur Dieu, et c'est ça le crime.
Je pense aussi que cette histoire est une grande leçon sur l'intolérance, et
qu'on a toujours besoin de voire jusqu'où l'intolérance peut aller, mais c'est
aussi une grande leçon sur la foie, et aussi une grande leçon sur l'espoir.
Wnessou El Douda
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