L'ECOLE DE LA GOULETTE III
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LES MÉMOIRES DUN GOULETTOIS.
LENFANT DE LA GOULETTE
PAR ALBERT SIMEONI . 18/06/1989
".....Linstruction Publique était donnée à tous sans distinction de
confession ou de nationalité, aux garçons par les Frères des Ecoles Chrétiennes, aux
filles et aux tous petits par les soeurs de Saint Joseph, dites de lApparition. La
batisse vétuste que celles-ci viennent de quitter en Septembre 1968, pour créer une
garderie denfants au Kram, nest pas leur plus ancienne maison. En effet,
cest dans une petite masure du quartier du port en deçà des remparts,
quétait venue loger,en 1985 Émilie Vialar, leur fondatrice, que lEglise
Romaine porte aujourdhui sur ses autels. Puis vinrent les Ecoles italiennes, et, en
dernier lieu, les Ecoles publiques françaises, qui acquirent la place prépondérante.
Actuellement les écoles du secteur de la Goulette abritent un ensemble de 6720 élèves
dont un millier pour lenseignement secondaire. L'élèment féminin figure pour un
sixième......"
MAITRE RAOUL DARMON. Extraits des Notules .1969.
Aujourdhui , ces écoles de filles et de garçons publiques françaises
appartiennent au Ministère de LEducation Tunisienne. On y enseigne toujours le
français, bien évidemment. Et nos esprits sont toujours collès à leurs murs.
" LECOLE DE LA GOULETTE III"
"............Au cours élémentaire (9iéme), jeus comme instituteur Monsieur
Sandali-corse au visage mince et à la moustache soignée , toujours bien rasé . Il
portait des mocassins ,
ce qui lui donnait une allure féline. Il forçait le respect par sa gentillesse et sa
bonté. Un hiver particulièrement rude sévit cette année là. Jattrapais une
pneumonie et gardais le lit pendant quinze jours. Cétait un Jeudi après midi. On
frappe à la porte. Surprise de ma mère en voyant mon instituteur -un paquet à la main
(des bananes) et un second bien ficelé -genre papier- cadeau-entre ses bras. Toute
troublée et presque paralysée par cette soudaine et impromptue apparition , ma mère
balbutia quelques mots et linvita à entrer. Monsieur Sandali était venu
senquérir de mon état de santé. Il sasséya prés de moi au bord du lit ,
en toute simplicité , et refusa poliment le verre dorgeat et de boulou (gâteau
tune) que ma mère lui présenta. On bavarda un bon moment tandis que dans la chambre
dà coté ma grand-mère ignorant la fonction de mon illustre invité, lança à
haute voix en judéo-arabe :
"...Yà Héyà .....échkoun él rajèl hèda élli tkhèl....mé narfouch...."
(...Louise......qui est ce monsieur qui vient de rentrer ....je ne le connais pas.....)
Ma tante Poupèe, à proximité :
"Euche.....Euchkétt......méch taymèlnà èl yar...." (
Chut.......................tu vas nous faire honte....)
La mémé "...It chabbà él bijaccou ould Mourice....." (...Il ressemble à
Bijacco le fils de Maurice..)
Poupé "..Koum ....ijjà fèl coujinà ....kôss tarf khôdra...." (Lève ....et
viens à la cuisine...couper quelques salades..)
La vieille "Mnih ....kôlli échkoun....?" (Bon dis moi ....qui est ce ..?)
Poupè "El meystrou tà Biber....jà itfakdou...." (Cest le maitre de
Bébèrt....il lui rends visite...!)
Laïeule "El yambar èl rajèl hédda.....hakkou ouahèd kiffou ijjI
yakhdék..!" (Quel ambre ce monsieur ....il te faut un homme comme celui pour èpoux
!).
Avant de partir , mon instituteur me remit le petit cadeau
"Ramuntcho"daprès Pierre Loti. Mon premier livre de collection et mon
"billet dentrée "dans le monde littéraire. Je
le remerciais vivement . Il membrassa et sen alla. Cest le plus beau
souvenir de ma vie. Ma tante et ma mère en furent sidérées. Plus tard ,une fois guéri
,je lui offris à mon tour "Croc blanc"de Landon.
Monsieur Sandali-un "prof"comme on nen trouve plus-enseigna deux ans
encore puis regagna son île de Beauté.
Monsieur Lancon où lhomme à la cigarette qui ne finit jamais présida
ma 10 ième année. Nerveux, un brin débraillé, il avait à nimporte quel moment
de la journée un bout de Gitanequi pendait à sa lèvre inférieure. Ce bout
de mègotdèfiait la loi de léquilibre tant il se balançait dune
lèvre à lautre sans tomber. Sa classe était décorée de vieux filets de pêche
suspendus aux murs et aux plafonds, de carapaces de tortues, de squelettes
dhippocampes et de homards séchés. Toute la Méditerranée sauf la mer. Tout un
attirail de pêche était éparpillé aux quatre coins de la salle. Fervent supporter de
léquipe de France (Kopa ,Remetter et compagnie) , il nhésitait pas à
introduire un poste de radio pour suivre tel ou tel match international de sa
favorite. En 1956 , aprés un France-Italie (gagné par les
transalpins 2/1 ,il faillit jeter le poste par la fenêtre du premier étage :
Petits cons .....vous riez ....hein? Eh ..bien ,vous allez voir de quel bois je me
chauffe!
Nous avons eu droit ce jour là à toutes sortes de brimades et trois jours durant,
claques et privations de récré; comme si la défaite de la France, nous incombait !
(Monsieur Lancon , la France sest largement rattrapée depuis....).
Monsieur Romieu -homme sévère et à principes-dirigeait les débats avec son juge
de paix-une règle noire aux dimensions honorables.
Ceci est mon juge de paix.Il mérite respect et obéissance disait- il à
chaque rentrée de classe à ses nouveaux élèves.Le juge de paix en question
trônait en vue sur son bureau.Linstituteur prenait un malin plaisir à sanctionner
certains troubles fête en les frappant sur la paume ou parfois sur les bouts des doigts
joints. Un jour,ne pouvant plus supporter davantage cette justice bâtonnée,
un élève sempara de la règle à son insu et la brisa en deux.Pour Mr
Romieuce cassus belli" était tout simplement un complot ourdi contre
sonjuge de merde.Ce défi fort grave ne resta pas impuni mais personne
nosa dénoncer le coupable.Toute la classe fut mise en quarantaine. Les retenues
pleuvaient mais le fèlonrestait introuvable. La rébellion contre le
défenseur de lordrefit le tour de lécole et de la Goulette. On recensa
pas moins de trente héros libérateurs. Depuis, on nentendit plus parler ni
dujuge de paixni
ailleurs du Robespierre qui le manipulait. Mr Romieu sen fût allè ......
La séance de Levez les ardoisesen calcul mental était la plus pénible pour
moi. Une minute nous était allouée pour soulever ma petite angoisse noire.
La mienne (mon ardoise)
était toujours propre des deux cotés. Mon ami P........par contre, encore plus idiot, ne
levait que ses deux bras , sans ardoise. Ce qui faisait dire à notre instituteur :
"Vous ne vous êtes pas trop fatigués les méninges , vous deux"
Je mabaissais tellement , par la honte , que je faillis tomber de mon banc, et
lidiot dèrriére moi suivait mon mouvement.
(A u B.E.P.C., mon sujet de rédaction était du genre "....Parlez de
loptimisme et du pessimisme (deux cousins qui me sont proches). Un vrai désastre.
Je clignotais des yeux
désespérément vers mon ami Charlino juste à ma gauche mais à lopposé. Il me
chuchota "Cest voir la vie en rose ou en noire..". Jai
dissértè sur toutes les couleurs de larc en
ciel et même parlé des frigolos de "Chez Bébèrt". Recalé. Mes moyennes
nont jamais dépassées 5 sur 10 et je me note généreusement. Mon frère Max a eut
le même cursus
académique, jusquen seconde ; à un "......Vous êtes un homme vindicatif
...."lancé envers lui par le préposé au test de la nationalité française, Max le
remercia chaleureusement. Il navait rien compris. Même destin, même métier
.....collés comme deux c.......s....)
Linstituteur le plus proche de nous car enfant de la Goulette, depuis plusieurs
générations, (un de ces ancêtres fût général et un autre vice -consul de France à
la Goulette),
habitait le quartier de la petite Sicile., rue St Cyprien. Bon pédagogue et la crème des
enseignants , il menait campagne contre les fainéants et les bons à rien.
Vous....Andrè....vous baillez aux corneilles. Vos devoirs sont pleins de taches
d huile et dharissa (.com)! Que fait donc votre père?
...Il est casse-croutier....monsieur..."
..Ah.......je comprends...!
Monsieur Gaspary, toujours vivant et habitant à Marseille, a laissé la meilleure des
réputations à lécole de la Goulette.Dautres instituteurs laisseront bonne
impression (Mr
Jointè, Mr Roux, Mr Lévy ...etc.....dautres passèrent discrètement sans bruit.
A SUIVRE............
Albert Simeoni
albertsimeoni@wanadoo.fr
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