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Chronique de Cathago :
DELENDA EST CARTHAGO
La Troisième Guerre Punique.
En l’an 145 Rome était en position d'arbitre en Orient comme en Occident,
et bientôt elle pourrait déployer sans la moindre contrainte sa politique
dans le Bassin méditerranéen tout entier.
Pour l'instant, un souci subsistait.
Depuis la bataille de Zama, il semblait au Sénat que Carthage se relevait.
Son économie ruinée avait retrouvé quelque chose de sa prospérité, au
point de préoccuper tout un parti qui à Rome prêchait la solution finale.
Caton « L’Ancien « , dit le Censeur, ne se lassait pas de répéter:
Delenda est Carthago, il faut détruire Carthage. Or, il se trouve que, sur
place, le roi allié de Rome, Massinissa construisait son État numide au détriment
des Carthaginois, déjà pressurés par les exigences de Rome. Massinissa
voyait grand; il songeait a faire de la Numidie un de ces royaumes hellénistiques
à la cour brillante.
Fort de l'appui des Romains, il ne se gênait pas pour empiéter largement sur
les maigres territoires puniques. Arriva ce qui devait arriver: exaspères des
incursions le Massinissa, dans lesquelles ils voyaient un peu trop la main de
Rome, les Carthaginois lui déclarèrent la guerre, le prétexte de
l'intervention était alors trouvé. II allait cette fois détruire Carthage,
mais il se peut aussi que certains aient vu dans cette opération gratifiante
un coup d'arrêt aux entreprises du Numide, qui finissait par prendre un peu
trop d'importance.
Une leçon de prince, en quelque sorte. La troisième guerre punique pouvait
commencer.
Les Romains débarquaient a Utique en 149, et menacèrent directement la métropole
africaine. Ils étaient bien résolus a en finir. Réduits a merci, les
habitants de Carthage eurent beau livrer leurs armes et trois cents otages,
cela ne suffit point. Les consuls n'exigeaient rien moins que l'évacuation
complète de la ville, qui devait être rasée et reconstruite ailleurs.
Rome contraignait ainsi Carthage à une résistance héroïque, qui ne dura
pas moins de trois longues années. Le siège connut pour les Romains des
hauts et des bas, jusqu'a l'arrivé du fils de Paul Émile, le vainqueur de
Pydna, petit-fils adoptif de Scipion l'Africain. On le connaît dans
l'Histoire sous le nom de Scipion Émilien.
Le nouveau commandant fit renforcer le blocus maritime et terrestre autour de
Carthage, affamant ainsi la grande cité, qui connut des scènes d'horreur. Au
terme d'une semaine entière de combats dans les rues, de jour comme de nuit,
la ville tomba en 146. Il ne devait pas en rester pierre sur pierre. Une fois
les habitants évacué afin d'être vendus comme esclaves, l'ensemble urbain
fut entièrement détruit et détail significatif, l'emplacement même fut voué
par les prêtres aux dieux infernaux, « Maudit serait celui qui oserait y
revenir « .
Le territoire carthaginois devenait province romaine d'Afrique, séparé à
toutes fins utiles du royaume numide par un fossé.
La destruction de la ville punique pouvait bien contenter les phantasmes
enfantés dans la tête des Romains par cette guerre de cent ans; elle n'en
constituait pas moins une absurdité
engendrée par une étroitesse de vues, bien dans la manière de la République:
Rome n'aurait plus qu’à reconstruire a son profit, vingt-cinq ans plus
tard, ce qu'elle avait si rituellement et
stupidement ravagé !
Dans les anciennes possessions carthaginoises d'Espagne, les Romains
n'agissaient pas avec plus de doigté. Leur rapacité brutale, les massacres
odieux, provoquèrent la révolte des Lusitaniens, qui se soulevèrent à
l'appel d'un berger nommé Viriathe, celui-ci tailla des croupières aux légions
romaines.
Les Celtibères ne se laissèrent pas plus facilement réduire. Numance,
assise tout en haut d'un plateau inexpugnable, sut résister a un interminable
siège ou les Romains durent déployer toutes les ressources de leur
savoir-faire. La ville ne devait céder qu'au vainqueur de
Carthage, Scipion Emilien. Elle tomba en 133: le comportement héroïque de
ses défenseurs inspirera à Cervantès, une des plus belles pièces du théâtre
espagnol.
Les Romains, au milieu de ce second siècle, avaient finalement réussi a
imposer leur hégémonie en Méditerranée, tant en Orient qu'en Occident. Il
y eut bien quelques soulèvements, mais les Jours étaient faits. La Macédoine
connut ainsi, en 148, un début de révolte, dont Cecilius Metellus vint
rapidement à bout , l'ancien royaume se vit réduit à l'état de province
romaine.
Les Grecs aussi s'agitaient. Ils furent battus à Scarphée en 146 par le même
Metellus. Corinthe fut impitoyablement rasée la même année que Carthage !
et ses habitants vendus comme esclaves. Tel était le sort que Rome réservait
aux insurgés. Ces exemples sinistres constituaient autant d'avertissements à
ceux qui dans l'avenir concevraient l'idée même d'une
résistance.
Enfin, bonheur qui n'était pas tout à fait le fruit du hasard, Attale III,
roi de Pergame, léguait en mourant, en 133 l'ensemble de ses états à son
ex-ennemie. La province romaine d'Asie venait ainsi s'ajouter aux autres.
De toutes ces guerres réussies, les grands capitaines revenaient nimbés d'un
inquiétant surcroît de prestige, et la tête pleine de projets d'avenir qui
ne cadraient pas forcement avec les idéaux républicains. Ils allaient, à
n'en pas douter, éveiller des vocations. Quant aux liens d'affaires, devant
qui s'ouvraient d'immenses marchés à exploiter, ils entendaient déjà
chanter les lendemains. Rome avait décidément bien changé, d'autres
conditions de vie poseraient bientôt à la République d'autres problèmes,
qui ne tarderaient pas à la dépasser.
Pour en revenir à la destruction de Carthage, qui pour l’époque pourrait
être comparé à un Hiroshima, Virgile dans son œuvre « L’Enéide «, a
probablement tenté dans un remord tardif, d’atténuer la responsabilité et
la cruauté de Rome, vis à vis de cette destruction totale, qui est une
insulte à l’intelligence, et au bon sens.
De nos jours, il subsiste encore dans le langage populaire des Tunisiens, un
nombre appréciable d’expressions, où l’on retrouve les restes de la
langue des Puniques, ce qui fait l’originalité de ce langage, et de cette
culture, qui a su ingurgiter et digérer, tous les peuples qui envahirent
cette région.
Propos recueillis
Berdah
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