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CRIMES
ET CHATIMENTS DANS L'ESPAGNE INQUISITORIALE
DU CRYPTOJUDAISME A L'AUTODAFE
L'Espagne du 14em. siècle,... l'Espagne n'avait pas échappé aux horreurs de
la peste bubonique, pas plus qu'elle n'avait échappé aux séquelles d'une
autre peste, c'est à dire à l'agitation sociale. Vers la fin du 14em. siècle
le virus de l'antisémitisme qui avait pris naissance dans l'Europe du nord,
commença à infecter la culture espagnole.
On assista alors à des flambées de violences contre les Israélites, sous
l'impulsion de dirigeants religieux ultras, on s'employa avec ardeur à
convertir au christianisme tous les Musulmans, et tous les Israélites
d'Espagne. En certains lieux il leur fut fait interdiction de manger, de boire
avec des Chrétiens, voire même de leur parler.
Ils furent empêchés d'exercer leurs métiers d'artisanat et d'agriculture,
il leur fût interdit de porter des vêtements de soie, et on les contraignit
d'aller en guenilles, la famine menaçait. Faisant irruption dans la synagogue
de Tolède des Chrétiens zélateurs en firent une église : Santa Maria la
Blanca, le même sort s'abattit sur quantités d'autres synagogues et de mosquées.
Les pressions et la violence se firent si intenses que des milliers de Israélites
et Musulmans se convertirent au christianisme.
Ici comme dans le reste de l'Espagne une vague de conversions déferla, en
refluant elle a laissé derrière elle pas moins de cent milles convertis, les
Espagnoles les appelèrent les Nouveaux Chrétiens. La communauté des Séfarades
si bien intégrée à la vie espagnole fut déchirée en deux clans, beaucoup
de ses membres s'étaient convertis publiquement, mais en privé continuaient
à observer les rituels de leur religion originelle. Un ressentiment se fit
jour contre ceux qui continuaient à observer leurs anciens rites, les Chrétiens
ulcérés les surnommèrent les "Marranos", vocable tiré d'un mot
ibérique désignant les cochons.
Quand les royaumes de l'Espagne chrétienne furent enfin unis sous le règne
de Ferdinand et d'Isabelle, les monarques se mirent en devoir de purifier la
foie de leurs sujets chrétiens. Le premier jour de l'an 1481 l'Inquisition
espagnole commença sa sale besogne. Pour faire disparaître jusqu'aux
derniers vestiges des rituels Israélites chez les Nouveaux Chrétiens, pour
briser toutes relations entre les convertis et les autres Israélites
d'Espagne, des milliers d'hommes et de femmes furent jugés et torturés, des
milliers finirent sur le bûcher, pourtant des années de terreurs et de
tortures ne purent anéantir les liens établis et leur héritage culturel.
L'Inquisition espagnole exigeait maintenant une action encore plus radicale,
c'est dans la fastueuse salle des ambassadeurs de l'Alhambra, que le 31 mars
1492, la longue et illustre histoire des Israélites d'Espagne prit fin
tragiquement, c'est ici que le Roi Ferdinand et la Reine Isabelle cédant à
la demande pressante de Torquémada le Grand Inquisiteur, promulguèrent
l'Edit d'Expulsion au terme duquel tous les Israélites d'Espagne, devaient
soit se convertir au Catholicisme, soit quitter le pays avant la fin de la mi-été.
" D'après le rapport des Inquisiteurs, il ressort que les Nouveaux Chrétiens
subissent un lourd dol de leur commerce avec les Israélites, subséquemment
nous avons décidé d'ordonner à tous les Israélites de quitter notre
royaume, et de n'y revenir pour quelle que raison que ce soit ".
Au cours de cette année là plus de cent cinquante milles réfugiés
s'agglutinèrent en longues théories sur les routes d'Espagne, abandonnant
derrière eux leurs demeures, leurs vignobles, leurs ateliers, leurs
synagogues, leurs écoles, et leurs souvenirs de bonheurs, et ceux des jours
d'épreuves, accumulés au cours de siècles inoubliables, sous la domination
arabe puis chrétienne.
Ce fut là la plus massive des nombreuses expulsions d'Europe, mais ce n'était
pas qu'une expulsion, c'était aussi pour l' Espagne, la fin d'une époque de
cinq siècles au cours de laquelle la vie et la pensée avait atteint des
sommets inégalés en Europe occidentale. Dans ce pays en particulier la vie
des Israélites et des Musulmans avait été imprégnée par un idéal, qui était
de vivre pleinement et de manière créative au sein d'une société plus
vaste, tout en restant fidèles aux anciennes valeurs et traditions.
Et c'est ainsi qu'un certain jour du mois d'août, le même mois que
Christophe Colomb avait choisi pour appareiller vers de nouveaux horizons, que
les derniers réfugiés quittèrent l'Espagne.
Quant à leurs frères qui acceptèrent la conversion pour pouvoir rester sur
leur terre, ils vont selon le bon vouloir des monarques, être livrés à la
persécution et aux tortures de la Sainte Inquisition, pour finalement être
jetés dans les flammes des grands autodafés populaires, qui comme nous
allons le voire, et en similarité avec le jeux du cirque romains, permettait
de canaliser la vindicte du peuple sur des victimes expiatoires toutes désignées.
Ceux des analystes qui se sont penchés sur ce volet honteux de l'histoire,
sont frappés par les similitudes qui existent, tant au niveau de l'action méthodique,
que de l'exactitude comptable, que de la concision des fichiers de police de
l'Inquisition, similitude avec ce que l'on a vu bien plus tard chez les nazis,
et autres régimes qui se spécialisèrent dans la prétendue chasse aux sorcières,
que l'on peut aussi dénommer chasse aux boucs émissaires.
Le fichier est très simple, il comprend trois volumes qui groupent sur
plusieurs siècles des centaines de procès dressés par l'Inquisition.
Dés le moment où tous les non - convertis sont sensés avoir quitté
l'Espagne, on promulgue l'Edit de Délation qui énumère un certain nombre de
pratiques, ou de signes extérieurs, de gestes, d'attitudes, ou de non gestes,
qui permettent d'attirer l'attention du vulgaire, qui ne sait d'ailleurs lui même
absolument rien, à cette époque là du judaïsme. Et parmi le catalogue de
ces gestes on peut citer par exemple : le changement de chemise le vendredi,
le fait surtout de ne pas travailler le samedi, et de travailler le dimanche,
bien-sur au niveau des pratiques alimentaires, on demande de surveiller si les
gens mangent du porc ou pas.
Evidement il y a là toute une frange de la population qui est bien placée
pour surveiller, c'est bien-sur la domesticité par exemple, ce qui a du être
absolument terrible, parce que tous ces nouveaux chrétiens ont évidemment
des domestiques chrétiens, et il suffit que cela se passe un peu mal entre
les patrons et les valets, pour qu'il y ait délation, sur les bases de tel ou
tel signe assimilés à une pratique judaïque en privée.
Et il n'y a pas que les pratiques alimentaires que l'on peut citer, il y a
aussi tout ce qui concerne l'enterrement, le fait de laver entièrement le
mort, de l'habiller d'un linceul blanc, ce qui apparemment n'était pas fait
par les chrétiens de l'époque.
On peut dire que c'était plus facile au 16 éme. siècle pour l'inquisition
de repérer les cryptoIsraélites, que ça l'eu été pour la gestapo au 20 éme.
siècle parce qu'ils ne mangeaient pas de porc, ou parce qu'ils ne
travaillaient pas le shabbat.
On peut dire que beaucoup de convertis étaient restés très attachés à
leur foi d'origine, et ils courraient des risques en pratiquant même de façon
cachée. Et ils avaient quand même une double identité, et ce qui particulièrement
atroce, c'est que l'on persécute des gens qui ne sont nullement agressifs,
qui essayaient finalement de concilier leurs anciennes coutumes avec les
apparences d'un comportement qui leur est imposé.
Ils ont conservé une fidélité au fort intérieur, et au fort intérieur
largement étendu c'est à dire dans la cellule familiale, ou dans un groupe
d'amis, et quant au reste ils donnent tous les signes extérieurs
d'apaisement. Malgré cela on les épient en tentant de pénétrer au fond
d'eux mêmes, ce qui fait que cette persécution apparaît comme spécialement
atroce.
Il est certain que la situation de cette fraction de la population était très
inconfortable psychologiquement, puisqu'en fait sauf bien entendu la toute
première génération, celle qui suit le décret d'expulsion, ces gens sont
complètement coupés de leur racines judaïques, ils n'ont plus de
Jurisconsults, plus synagogues, plus de livres, donc à mesure que le temps
passe le contenu théologique s'amenuise, et quelques fois il devient
difficile de distinguer ce qui est purement cultuel, de ce qui est culturel à
l'attachement à l'identité à des racines puissantes.
Il est à ce stade nécessaire de rappeler des similitudes qui ont existé
dans d'autres groupes isolé qui ont perpétués sans plus les comprendre, des
symboles, des cultes, et des rites originaires du judaïsme, et dont les
significations se sont perdues à travers les siècles, et les divers avatars
de la diaspora. Les exemples sont nombreux et on pourrait en citer quelques
uns.
Enfin on trouvait en Espagne beaucoup de marranes qui perpétuaient tel ou tel
rîtes, purement par habitude, ou par seul attachement aux traditions
familiales.
Mais par contre on trouve aussi des gens qui sous la torture disent croire en
Moise, et pas en Jésus, et donc aussi qui savent ce qu'être israélite veut
dire. Ce qui semble être le plus fascinant dans les documents, notamment dans
les "Relations de Causes" qui sont des condensés de procès, c'est
lorsqu'on voit précisément quelqu'un d'ordinaire qui n'est au fond pas très
convaincu finalement que l'autre est chrétien ou israélite, et s'il pratique
ou non un judaïsme précisément familial, lorsqu'au fond de la prison, on
saisit le moment, parce que les interrogatoires sont répétés, le moment où
l'inquisiteur qui contrairement à la gestapo veut convertir, et bien le
combat de l'inquisiteur c'est précisément qu'il veut obtenir la conversion
du condamné.
C'est donc une sorte de lutte absolument délirante, et ce qui est vraiment le
plus terrible, c'est le moment ou un être, un homme ou une femme, et il y en
a plusieurs exemples, à une audience dit : "C'est terminé, je suis israélite,
je veux vivre ou mourir dans la vois de Moise, vous pouvez me brûler !".
Et en général il ne reviennent jamais, on a vu plusieurs cas de ce type ou
le procès a duré encore des années, et durant cette période la personne
qui a pris cette décision au fond de la cellule, dans la plus grande
solitude, le plus grand dénouement, et dans la plus grande misère morale et
physique, lorsqu'il a pris cette décision, il n'y revient jamais.
Et pourtant c’est là on va s'acharner, et s'acharner d'une façon extrêmement
intelligente même, puisque l'Inquisition met tout en oeuvre, on fait appel à
des qualificateurs qui sont des théologiens redoutables.
Dans le fond le tortionnaire qui est en face de celui qui a accepté le
martyr, se dit : "Mais si on pouvait l'avoir, quelle belle âme il ferait
celui-là!".
Les martyrs sont surtout des hommes, mais on compte aussi énormément de
femmes et de tous ages entre 14 ans et 90 ans, c'est absolument épouvantable,
on torturait des enfants, mais aussi des vieillards.
Surtout on a pu remarquer que lorsqu'au niveau des condamnations au bûcher,
qui sont bien entendu en pourcentages assez faibles, car on ne condamnait à
mort qu'assez exceptionnellement, l’Espagne d’alors réservait ces cas
seulement pour les grandes cérémonies, comme celles qu'on effectuait au nom
du "Combat contre les grandes Hérésies" pour étoffer les cérémonies,
ce qui nous parait aujourd'hui évidemment horribles et cyniques.
Les cas qui ont put être comptabilisés en nombre représentent un véritable
minimum, mais essayons de parler de cette comptabilité: Sur un ensemble de
3260 personnes qui ont eu à subir ces procès, on a put constater que 71%, étaient
poursuivis pour délit de judaïsme ou de cryptojudaisme, et il faut ajouter
que l'Inquisition ne poursuivait pas que ces délits, que pour le reste, les
29% peuvent être cités comme suit : il y a la sorcellerie, la polygamie, le
mahométisme, car on les assimilait facilement aux maurisques, le blasphème.
Et puis les choses qui sont typiquement de l'ordre de l'église: par exemple
dire la messe sans être ordonné 0,75% ce qui est peu important, le luthéranisme
tout de même, l'imposture, le faut témoignage, la sodomie, il y a aussi la
complicité, ce sont les bourreaux notamment, les gardiens de prisons qui
quelque fois facilitent la vie des emprisonnés, ou même leurs mettent des
drogues, il y a des chapitres intéressant à ce sujet, ces drogues leur
permettent de moins souffrir au moment de la torture, et qui ensuite sont eux
mêmes arrêtés.
On poursuivait même aussi les prêtres dits "Sollicitant", ces
solliciteurs qui ont utilisé la profession pour abuser des victimes. Mais
quand même, l'Inquisition pour l'essentiel traquait surtout les Israélites.
Bien que ceux qui ont brûlés ne sont pas la majorité, on peut dire qu'au
15eme. siècle qui est une période qui est peu documentée, étant donné que
pour cette époque les comptes rendus de procès ont disparu, on sait tout de
même que les bûchers ont flambé d'une façon considérable, atroces, les
procès n'ont pas été conservés, et d'ailleurs ces procès devaient être
extrêmement expéditifs.
Il y a tout de même des choses qui intriguent l'observateur par exemple : on
s'aperçoit que ces converses judéo-chrétiens sont non seulement traqués et
épiés, mais qu'on veut les empêcher de partir, il y a comme une espèce de
paradoxe, et il faut avouer qu'on ne comprend pas toujours très bien les
espagnoles, ces portugais qui sont des ex - espagnoles revenus en Espagne,
souvent veulent repartir, ils veulent aller vers Bayonne, ou Amsterdam, ou en
Italie etc... , alors on les surveille, et s'il y en a un qui s'absente trop
souvent, on veut lui confisquer ses biens, et le déférer au tribunal de
l'Inquisition.
Tout se passe comme si on voulait éviter qu'ils quittent l'Espagne, alors que
ça aurait réglé le problème, mais c'est que finalement, et c'est là
qu'ils sont pris dans le piège de la LEX OPERAE OPERATO, ce sont des gens qui
ont été convertis, donc ils ne sont plus libres en quelque sorte, et c'est là
que vous voyez le piège infernal, car l'Inquisition ne peut plus de ce fait
les considérer comme des non - chrétiens.
Le paradoxe c'est aussi que l'on voit de temps en temps des Israélites étrangers
qui passent en Espagne, parce qu'ils commercent avec l'Espagne, parce qu'ils
travaillent pour le Roi d'Espagne, et alors ceux là sont filés, dés qu'il
arrivent en Espagne et qu'on sait qu'ils sont Israélites, il y a des
guetteurs que l'Inquisition met à leurs trousses, et à leurs frais. On
entrevoit là un aspect financier sordide puisque les gens en prisons doivent
aussi payer leur subsistance, et les policiers, on dirait aujourd'hui les
barbouzes, devaient êtres en quelques sortes à "La Solde" de leurs
victimes.
Parlons maintenant de l'autodafé car c'est en quelque sorte le pilier central
de toute cette machine infernale. Parlons du grand autodafé de 1680, qui a
fait l'objet du célèbre tableau de Francisco Rizi, que nous allons essayer
de détailler un peu, et ce qui tout d'abord est incroyable pour nous
aujourd'hui, c'est que c'est avant tout une grande fête populaire et
aristocratique. Et c'est une fête que les gens de l'époque qualifient de
"FIESTA", "THEATRO", "FERIA", etc..., le même
vocabulaire que celui de la fête, et il est généralement organisé sur le
lieu même où se déroulent d'autres activités.
Celui de 1680 est particulièrement révélateur pour de multiples raisons, et
parce que c'est le dernier des grands autodafés. Il n'est pas présidé par
le Roi parce que le Roi ne pouvait pas présider l'autodafé, ça serait une
erreur de le dire, car seul l'Inquisiteur Général préside l'autodafé, et
il est d'ailleurs de ce fait placé obligatoirement au dessus, son trône si
l'on peut dire est placé en surplomb par rapport aux balcons qui se trouvent
au milieu du tableau de Rizi.
C'était une sorte de cérémonie extrêmement longue, qui durait toute la
journée jusqu'au soir, où on lisait pendant des heures et des heures les
peines auxquelles les gens étaient condamnés, et qu'on se demande comment
les gens tenaient durant presque 14 heures, et que ça se terminait généralement
tard dans la nuit.
On voit sur le tableau tout au fond un balcon où se tient la famille royale,
c'est à dire Charles II, et sa jeune épouse Marie Louise d'Orléans, et la
Reine Mère veuve, et ce jeune couple qui ont 18 et 20 ans, ils sont mariés
depuis 6 mois, et c'est principalement pour honorer leur nouvelle Reine, que
les espagnoles qui avaient des goûts bizarres, ont organisé ce grand autodafé,
car ces festivités auxquelles assistaient les Rois, étaient organisées pour
des occasions très particulières.
On y voit beaucoup d'aristocrates, et on sait que les grands d'Espagne se
disputaient pour y avoir des places. Sur le tableau en arrière plan on peut
voire toute la noblesse et les familiers de la coure installés sur les
gradins à droite qui assistent à la fête, et vous avez parmi ces
spectateurs beaucoup d'ambassadeurs, étant données les circonstances, le
mariage du Roi avec une princesse de France, et il y a beaucoup de personnes
qui viennent de la coure de Versailles. On sait aussi que quelques dames qui
viennent de Versailles, qui sont obligées d'assister à ce genre de
spectacle, qui ne partagent pas tellement le goût des organisateurs, et les
spectateurs étrangers qui voient ça, envoient chez eux des lettres
absolument terribles pour dire combien tout ça est répugnant.
Alors on peut maintenant dire un mot sur l'institution des Familiers, c'est
que c'est en effet une institution très particulière, il s'agit donc de
nobles qui deviennent les assistants de l'Inquisition, le Familier c'est un laïque
qui devient un serviteur bénévole du Saint Office, moyennant quoi il reçoit
en retour une certaine protection juridique, parce qu'il ne relève dés lors
que du Tribunal Inquisitorial pour toutes sortes d'affaires, et en général
l'Inquisition leur est bienveillante, car elles leur confère un passeport
diplomatique, et il y a aussi tout le prestige qui s'attache à la
Familiature.
Ca coûte plutôt assez cher pour devenir Familier, on paie de sa personne, de
son temps, et souvent aussi de sa cassette personnelle, par exemple pour ce
grand autodafé de 1680, on n'avait pas assez de places dans les prisons pour
héberger les condamnés qui venaient de tous les tribunaux d'Espagne, et il
avait bien fallut les loger quelque part avant l'autodafé, et les Familiers
étaient amenés à les loger chez eux, à transformer leurs maisons en
prisons en hébergeant à leur frais une dizaine de condamnés. Alors ces
Familiers se trouvent à la gauche du tableau de Rizi, ils encadrent chaque
condamné, dés la sortie de la prison jusqu'au bûcher s'il est condamné à
mort, ou jusqu'à la fin de la cérémonie s'il ne l'est pas, le condamné est
encadré par deux Familiers.
Alors est Familier en Espagne, du dernier des laboureurs ou du grand
d'Espagne, sont sur pieds d'égalité vis à vis de l'Inquisition. C'est un
des aspects les plus paradoxaux des tribunaux de l'Inquisition, c'est aussi le
fait qu'à propos de la délation, le personnel et la domesticité étaient
bien placés pour observer les faits et gestes des suspects.
Et bien il faut aussi dire une chose importante, le témoignage du dernier des
valets a autant de poids devant le tribunal de l'Inquisition que celui d'un
Grand. D'ailleurs à ce propos il faut aussi dire que pour un certain nombre
de délateurs, et c'était une forme de racket, c'était tellement facile de
faire chanter un nouveau chrétien, en disant qu'on le dénoncerait à
l'Inquisition. Mais les tribunaux étaient assez pointilleux et ils ont aussi
condamné un certain nombre de racketeurs.
Ce qui est fascinant et complexe aussi, c'est que ce genre de personnes sont
en général issus justement des milieux concernés, les racketeurs ne sont
pas que des exécutant mais des personnes qui appartiennent aussi en partie à
cette communauté diffuse, hélas des marranes ! Ce qui rend évidement le
problème encore plus terrible, car les victimes sont aussi dénoncées par
leurs propres frères.
On pourrait aujourd'hui comparer les cérémonies de l'autodafé a la corrida,
ne serrais ce que par cette espèce de goût pour le sang, et cette passion
pour la morbidité, mais on n'a rien inventé en énonçant cela, ce sont précisément
les textes et les commentateurs de l'époque qui le disent eux mêmes, et qui
généralement emploient des métaphores absolument horribles dans cette
comparaison, et dans leurs commentaires, notamment pour les autodafés de
1650, 1655, ou 1667, à Cordoue qui s'étaient organisés sur la place qui
existe encore qui s'appelle la Corrideira, parce que c'est la place où on
faisait les courses de taureaux.
Alors on pourrait se demander quel est l'enjeu de tous ces horreurs, et au delà
de la consolidation du pouvoir, par les moyens de la division pour régner sur
des populations somme toute primaires, non instruites, et pas éclairées, on
pourrait voire apparaître le désire de tuer la pérennités, en exorcisant
l'enjeu de la revendication de l'alliance, car il y a en fait deux peuples qui
sont face à face et qui revendiquent la vérité unique, et l'appartenance à
la vraie religion, le fait du peuple chrétien qui revendique une commune
authenticité de l'alliance, et enfin on peut dire que cet homme qui est sur
le bûcher rend service aux autres, car il est celui qui a authentifié
l'alliance des autres, c'est pour ça que ça a pu durer si longtemps, et
c'est là en fait où se trouve le piège.
Qu'est ce qui rend aujourd'hui nécessaire de ressortir tout ça ?, c'est à
mon sens, et avant tout le devoir de ne pas ignorer la mémoire, et puis je
pense que de toute façon il est utile de savoir, et particulièrement pour
les chrétiens, qu'en un certain sens c'est une autre Shoah, une Shoah qui s'étend
à travers des siècles, et je pense qu'il est aussi utile de ressortir de
l'oubli les souffrances humaines, et de dénoncer la persécution de l'homme
par l'homme, surtout lorsque la victime n'est coupable finalement d'avoir eu
une autre foie, aujourd'hui nous dirions une autre opinion.
En même temps ce pécher, qui n'est pas simplement un pécher contre la
charité, mais qui est surtout un pécher contre la transcendance, parce qu'il
est commis par des gens qui dans leur logique étaient sincères dans une
certaine mesure, mais que ces gens on voulu se substituer a leur Dieu, et
c'est ça le crime.
Cette histoire est une grande leçon sur l'intolérance, et qu'on a toujours
besoin de voire jusqu'où l'intolérance peut aller, mais c'est aussi une
grande leçon sur la foie, et aussi une grande leçon sur l'espoir.
La Douda
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