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L'épopée navale de la Tunisie à travers les siècles


   

   L'épopée navale de la Tunisie à travers les siècles :

Première époque de –850 Les Phéniciens aux Arabes +647 :


1.1 l'époque punique (814-146 av. J.C.)

Si les premiers vestiges connus remontent à 750 av. J.C., il est généralement admis que la création de Carthage date approximativement de 814 av.J.C.. La cité est alors un comptoir dépendant de la ville de Tyr. Mais rapidement, elle acquiert son indépendance, et développe un réseau de succursales sur tout le bassin occidental de la Méditerranée, créant ainsi un empire maritime.
Cette activité maritime supposait une grande maîtrise de la navigation et de la construction navale, dont les Carthaginois avaient hérité des Phéniciens et des Grecs. Ne dit-on pas que le périple d'Hannon le conduisit jusqu'aux rivages de Cornouailles?

Les périples d'Hannon et d'Himilcon :

Le récit du voyage du Carthaginois Hannon est très contesté. Il semble qu'il soit parti au V° siècle av.J.C., avec 60 navires emmenant environ 30 000 hommes et femmes, pour fonder des colonies, et sans doute reconnaître de nouvelles routes vers l'or du Soudan. Les exégèses les plus audacieuses voudraient qu'Hannon ait atteint, au fond du Golfe de Guinée, le Mont Cameroun. Pour d'autres, il n'aurait pas dépassé le sud du Maroc. Quoi qu'il en soit, le récit de ce voyage ne manque pas d'intérêt, et représente un véritable témoignage sur cette exploration de contrées inhospitalières ou paradisiaques. Dans le même temps, Himilcon explorait l'Atlantique au nord du détroit de Gibraltar, à la recherche de l'étain nécessaire à la confection du bronze. Il parvint, sans doute, jusqu'aux côtes de l'Armorique ou de la Grande-Bretagne, et même, peut -être de l'Irlande.

Ainsi, la cité dominera la Méditerranée centrale et occidentale jusqu'en 146 av J.C., date à laquelle elle se trouvera battue, puis écrasée et enfin supplantée par sa rivale, Rome.

De l'entente cordiale à la guerre, (535-264 av J.C.), ou la conquête de la Sicile.

En 535 av. J.C., les Grecs dominaient la Méditerranée. Les Carthaginois et les Etrusques s'alliaient parfois contre l'ennemi commun et c'est ainsi qu'après une bataille livrée pour le contrôle de la Corse les deux alliés victorieux se partagèrent leurs conquêtes: la Corse à Rome et la Sardaigne à Carthage. Les Carthaginois s'installèrent en Sardaigne en 530 av. J.C. La Corse (bataille navale d'Alalia en 540 av. J.C.) et la Sardaigne ayant été reprises aux Grecs, les alliés décidèrent de s'attaquer à la conquête de la Sicile. Mais les Etrusques furent, peu à peu, supplantés par les Romains qui créèrent la République de Rome.

En 509 av. J.C., un traité est signé (voir Annexe B) entre Rome et Carthage qui contraint les Romains dans leur navigation, leur interdisant notamment de circuler dans la zone comprise entre le Cap Bon et le Moyen Orient. Les Romains avaient également interdiction de s'installer en Sardaigne. Cette mesure fut maintenue jusqu'en 238 av. J.C., date de la conquête romaine de cette île.

De 489 à 276, Carthage s'efforça de conquérir la Sicile (voir annexe A). Cette période connut une succession d'affrontements contre les tyrans de Syracuse, durant lesquels les Carthaginois engagèrent des flottes de guerre considérables, même si les chiffres annoncés par les historiens de l'époque ont pu paraître excessifs:
expédition contre Palerme, 2000 bâtiments de guerre
expédition de Sélinonte, 60 bâtiments de guerre, 1500 de transport
expédition d'Agrigente, plus de 1000 navires
expédition de reconquête de Motya, 400 vaisseaux de guerre, 600 de transport.

Tout au long de cette période, les relations avec Rome demeurèrent cordiales. Les différents traités de 306 et de 279 av. J.C. renforcèrent les exigences de Carthage, et interdirent le passage du Détroit de Messine aux navires romains. En échange, Rome était libre de ses ambitions en Italie.

En 272, Rome et Carthage s'allièrent même pour repousser les Perses hors de Sicile, quand Pyrrhus tenta de conquérir celle-ci.

Mais, en 264, Rome, fortement intéressée par les riches récoltes de blé de la Sicile, vint soutenir les mercenaires campaniens installés autour de Messine, contre les Carthaginois qui résidaient dans cette île. Ce fut le début de la guerre de Sicile, et les préludes à la Première Guerre Punique.

La guerre de Sicile, (264-241 av J.C.).

Carthage et Rome ayant rompu leur alliance, les guerres puniques devaient éclater et modifier les équilibres politiques de la Méditerranée occidentale.

La Première Guerre Punique

En 264 av J.C., Messine fut occupée par les Romains. Le Consul Appius Claudius Caudex projeta de poursuivre la conquête de la Sicile. Une Marine de 100 quinquérèmes et 20 trirèmes fut construite, mais subit quelques échecs sous le commandement de Cornélius Scipion. Cependant, en 261, la Sicile est partagée, Rome occupe l'intérieur, tandis que Carthage contrôle les rivages.

En 260, à la bataille de Myles, Hannibal (3) fut défait par l'amiral romain Duilius. Ce dernier avait inauguré la tactique des "corbeaux", qui consistait à rapprocher les navires grâce à des sortes de ponts-levis aménagés à la proue des navires, à partir desquels un harpon était lancé pour hâler le navire adverse le long de son propre bord. Ainsi, la bataille navale se transformait-elle en bataille terrestre, entre les soldats embarqués à bord des deux navires jumelés,.

En 254, la flotte romaine comprenait 230 unités de combats, tandis que Carthage alignait 250 vaisseaux. Rome, encouragée par son précédent succès, estima que la conquête des côtes africaines était à sa portée et monta une expédition navale contre celles-ci. L'escadre carthaginoise, stationnée à Lilybée, voulut lui barrer la route, et subit un grave revers, durant la bataille d'Ecnome (voir annexe C), où 330 navires romains s'opposèrent à autant de navires carthaginois.

Les Romains poursuivirent leurs opérations et conquirent Kélibia, puis Tunis en 255, pour ensuite venir menacer Carthage Cette dernière fut sauvée par Xanthippe, un chef grec embrigadé par les Carthaginois.

Durant 13 ans, Rome et Carthage s'affrontèrent. Carthage semblait dominer, sans pouvoir vaincre. Sa supériorité sur mer était incontestable. Rome décida d'abandonner l'Afrique et reprit son offensive contre la Sicile:
- 254: Drépane, succès carthaginois
- 250: Palerme, succès romain
- 249: blocus de Lilybee, succès romain (voir annexe C)
bataille de Drépane, victoire du Carthaginois Adherbal (voir annexe C)
- 242: blocus de Drépane, par les Romains.

Carthage envoya une flotte au secours de Drépane, qui fut détruite en mars 241, dans la bataille des îles Aégates (voir annexe C). L'amiral Hannon est crucifié à Carthage, pour cette défaite.


La guerre d'Afrique (241-238 av J.C.)

Après leur défaite navale aux îles Aégates (241 av.J.C.), les Carthaginois abandonnèrent la Sicile, tandis qu'Hamilcar et Hannon étaient occupés à mater la révolte des mercenaires.

En effet, ces soldats, rapatriés sur le continent attendaient le versement des arriérés de solde que l'Etat, en raison de ses difficultés économiques, ne parvenait pas à leur verser. Ils finirent par se révolter, se rassemblèrent dans un camp établi près de Tunis et menacèrent Carthage.
L'insurrection se répandit rapidement, et une guerre civile cruelle et meurtrière eut lieu, qui ne prit fin qu'en 238.
Carthage était épuisée et ruinée, Rome en profita pour attaquer et conquérir la Sardaigne.

Dans le même temps, les Carthaginois entreprenaient leur conquête de l'Espagne.

La guerre d'Hannibal (238-150 av J.C.).

Entre 226 et 225 av.J.C., Carthage reprit son expansion coloniale, et Hasdrubal fonda Carthagène (221), en Espagne .

La Deuxième Guerre Punique

En 218 av.J.C., débuta la Seconde Guerre Punique.

Hannibal Barca voulait venger les défaites que Rome avait fait subir à Carthage, profitant de son état de faiblesse. Il se lança à la conquête de l'Espagne dont il espérait tirer les moyens nécessaires à son expédition.
Il mena sa conquête de victoire en victoire jusqu'en 216 devant Cannes. Mais, entre temps, les Romains occupaient Sagonte et ainsi coupaient les voies de communication terrestres d'Hannibal. Seule la voie maritime restait utilisable pour ravitailler les troupes carthaginoises.
Heureusement, impressionnées par les victoires d'Hannibal, la Sicile et la Sardaigne basculaient du côté Carthaginois. Mais cela ne suffit pas et Carthage commença à éprouver des difficultés dans le soutien des opérations militaires d'Hannibal qui, dés 214, dut reculer.

La Marine carthaginoise perdait de son efficacité. En 210, Agrigente et la Sicile tombèrent pendant que les Romains prenaient Carthagène en 209 avant de relancer l' offensive en Espagne, puis en Afrique.
En 204, une opération de débarquement fut effectuée à Cap Farina. Elle permit la conquête de Tunis.

La paix fut enfin signée en 202, mais la situation restait tendue et la guerre reprit de façon sporadique jusqu'en 195, date à laquelle Hannibal s'exila en Orient

A l'issue de cette seconde guerre, Rome exigera de Carthage qu'elle livre 200 navires et 200.000 armures. Bien que ces chiffres soient éminemment contestables, ils laissent cependant entrevoir l'ampleur de ces combats antiques.

La destruction de Carthage (150-146 av J.C.).

La Troisième Guerre Punique

La Troisième Guerre Punique débuta en 149 av.J.C. Carthage fut prise et détruite par Scipion-Emilien.
En 146, l'Empire carthaginois est écrasé en dépit de la résistance armée de la Cité. La Marine s'opposa à l'ennemi jusqu'au dernier moment. Elle perça une ouverture dans le mur d'enceinte du port pour tromper le blocus romain et faire sortir, à la plus grande surprise des assaillants, 120 navires dont 50 trirèmes. Mais elle ne sut pas utiliser cet exploit et, trois jours après, vit tous ses bâtiments détruits devant le port.

Les moyens carthaginois.

Les Carthaginois étaient très jaloux des conquêtes et des connaissances acquises dans le domaine maritime.
On raconte l'anecdote selon laquelle un capitaine carthaginois se voyant suivi par des navigateurs romains dans une zone où les Puniques détenaient, jusqu'alors, le monopole de la navigation et du négoce, préféra échouer volontairement son navire sur un haut-fond, entraînant, du même coup, la perte de ses poursuivants, plutôt que de leur révéler le bon passage. Ce capitaine, aussi courageux que retors, devait, du reste, survivre à cette aventure, et se voir dédommager par l'Etat carthaginois de la perte de sa cargaison.

Cette activité maritime nécessitait la maîtrise de techniques avancées:

Les ports :

Il paraît intéressant de relever la liste des ports les plus importants de Tunisie, à cette époque. Il s'agissait de:
Mahdia, Carthage, Tunis, Hadrumète (Sousse),Taparura (Sfax), Kerkenna, Takapès (Gabès), Hippodiarestus (Bizerte)

A Carthage, existaient deux ports puniques. L'un réservé à la flotte de guerre, l'autre aux bateaux de commerce.
Le port militaire comprenait un bassin circulaire, autour d'une île, elle-même circulaire de 120m de diamètre. Cette île, ainsi que les bords extérieurs du bassin, étaient aménagés en une série de rampes couvertes en pente douce, descendant jusqu'au niveau de la mer, où les Carthaginois pouvaient hâler leurs navires au sec et à l'abri, en les faisant glisser sur des poutres disposées transversalement. Certaines de ces rampes étaient pourvues de fosses, analogues à celles de nos stations services, qui permettaient de se glisser sous les coques pour les entretenir, et les réparer. Un étage supérieur hébergeait des magasins où pouvaient être stockés agrès et accessoires. Au centre de l'île, un pavillon surélevé abritait le poste de commandement de l'amiral, et un poste de guet. De là, l'amiral pouvait diriger les manoeuvres, et surveiller la haute mer.

Ce port avait une capacité de 200 vaisseaux et, secret militaire oblige, restait dissimulé aux regards des marins de commerce comme des gens de la ville, par une double enceinte.

Datant de la première moitié du II° siècle av.J.C., il est donc postérieur aux grands combats navals, et aux principales guerres menées par Carthage, à l'exception de la Troisième Guerre Punique.

Le port marchand, situé immédiatement au sud du précédent, est plus ancien. Il remonterait à la fin du quatrième ou au début du troisième siècle av J.C.. D'abord rectangulaire, il présentait dans son dernier état, la forme d'un hexagone allongé.

Les ports de Carthage étaient appelés Cothons, d'une racine phénicienne désignant l'action de creuser. Il s'agit bien, en effet, de ports creusés à l'intérieur des terres, parfois au prix de terrassement considérables.

Les navires :

Les Carthaginois passaient pour d'excellents architectes navals. Leur flotte se composait de navires de guerre longs, à proue effilée, armés d'un éperon, et propulsés à la rame, et de navires marchands, bateaux ronds à proue relevée, gréés de voiles. Celles-ci étaient rectangulaires et se fixaient sur une vergue perpendiculaire au mât.

Le gouvernail d'étambot, bien évidemment, n'existait pas. Les Carthaginois utilisaient, pour diriger leurs navires, une rame fixée par deux amarres sur le flanc du bateau. Une barre, implantée dans le haut de cette rame, perpendiculairement à son axe, en facilitait l'emploi. Les navires pouvaient ainsi disposer de deux rames-gouvernails, mais seule l'une d'entre elles, alternativement, était utilisée.

Les navires carthaginois étaient généralement plus légers et plus manoeuvrants que les vaisseaux romains. De plus, leurs marins étaient réputés plus habiles et plus expérimentés.

A partir de 500, un changement intervint: les légères pentécontères, galères à 50 rameurs, firent place aux trières à trois rangs de rames, avec un équipage de 200 hommes.

Le calfatage de ces bâtiments était assuré par un mortier de chaux et de sable. La carène était, extérieurement, doublée de feuilles de plomb.

Cependant, pilotes extraordinaires, et charpentiers experts, les Carthaginois ne paraissent pas avoir inventé de procédés nouveaux dans l'art de la construction navale. Il semble qu'ils se soient contentés d'appliquer et de mettre en oeuvre les connaissances qu'ils tenaient des Grecs.

1.2. l'époque romaine (146 av J.C.-439 ap J.C.)

La victoire romaine lors de la Troisième Guerre Punique se traduisit par la destruction de Carthage et par la disparition de son empire au profit de Rome.

Mais Rome n'était pas une cité maritime. L'empire romain sera conquis essentiellement par voie de terre. La Marine romaine eut surtout pour mission de transporter les troupes. Celles-ci, même lorsqu'elles combattaient à la mer, se servaient des navires comme de pontons mobiles, recréant ainsi les conditions du combat terrestre.

La prédominance romaine jusqu'en 439 ap J.C..

En 46 av.J.C., Jules César débarqua à hauteur du site actuel de Skanés et s'y installa. La Tunisie devint romaine.

Cette période de l'histoire de la Tunisie semble avoir été particulièrement calme. Intégrée dans l'Empire Romain, l'Ifriquya paraît avoir bénéficié des bienfaits de la paix, entièrement occupée aux activités rurales et commerçantes.
Il est vrai que peu d'ouvrages traitent, du point de vue naval, de ces années là.

Les moyens romains :

Les ports :

Les Romains, occupant la "Provincia Africa", Carthage ne tarda pas à en redevenir la capitale. Ils reconstruisirent les ports et les réaménagèrent.

Rome avait besoin de transporter le blé de la plaine de la Medjerda vers la République En 180 après JC, l'empereur Commode fit construire une flotte spécialement destinée à cet usage, ce qui dit assez quelle pouvait être pour Rome, l'importance de Carthage et de son port.

Ce port n'était plus couvert. Il ne semble pas qu'il ait disposé des infrastructures nécessaires à l'entretien et à la réparation.

Au centre, un temple fut construit, tandis que le reste de l'île semblait consacré aux mouvements marchandises et aux échanges.

Les techniques navales :

Les navires étaient surchargés d'hommes. En effet, bien que les Romains aient doté leurs galères d'éperons, ainsi que le voulait l'usage depuis le premier millénaire avant Jésus-Christ, ils préféraient l'abordage à l'aide de grappins. Les combats navals étaient en réalité des combats de fantassins sur la mer.

1.3. la décadence (439-647)

L'occupation vandale (439-533).

En 439 ap.J.C. , les Vandales derrière leur chef Genselric, envahirent à leur tour la Tunisie. Ils s'entendirent avec les populations autochtones et levèrent notamment l'interdiction qui leur était faite de s'intéresser aux affaires de la mer. En collaboration avec les Berbères, ils construisirent une escadre, et attaquèrent Rome par voie de mer, en 455 ap.J.C. et procèdèrent au pillage sans merci de la célèbre cité.

La colonisation byzantine (533-647).

Pendant ce temps, Byzance projettait d'envahir la Tunisie. Ses forces débarquèrent en 533 ap.J.C. et s'établirent à Carthage, sous le commandement de Belisaire. La Tunisie devint byzantine et chrétienne. Les nouveaux occupants n'étaient pas très concernés par les affaires de la mer et la marine ne fut pas leur préoccupation essentielle.

En 647, les Arabes envahirent le pays. Les Byzantins essayèrent vainement de résister et Carthage devint musulmane en 698.

La Douda.

 

Deuxième époque de 647 Les Arabes à 1574 Les Ottomans :


La conquête arabe, la création de l'empire musulman

-L'époque aghlabide (800-909)

-L'époque fatimide (909-1048)

-L'époque ziride (1048-1148)

-L'époque almohade (1160-1236)

La reconquête européenne et l'invasion ottomane

-L'époque hafcide (1236-1574)


2. DE 647 A LA CONQUETE OTTOMANE (1574)


2.1. la conquête arabe, la création de l'empire musulman


L'arrivée des Arabes, en 647, est rapidement suivie d'une large conquête de toute la Tunisie jusqu'en 1236.

En 711, alors que l'empire arabo-musulman atteint sa plus grande ampleur, les Arabes décident d'occuper Rome, en vue de conquérir l'Europe. Entre temps, Moussa Ibn Nousair édifie un arsenal à Radès.

Les dynasties aghlabide, fatimide, ziride et almohade se succèdent, organisant le pays et le défendant contre les tentatives germaniques ou normandes.

L'époque aghlabide 800-909

En 800, Ibrahim Ibn El Aghlab devint Emir d'Ifriqya et s'efforça de réconcilier Arabes et Berbères. Il instaura ainsi la dynastie aglhlabide. Cet Emir était très soucieux des dangers venant de la mer et il fit construire une importante flotte de combat. Il édifia un réseau de ribaats, sortes de sémaphores armés, destinés à surveiller le large et à transmettre l'alerte vers les autorités du pays.


LES RIBAATS:


Ces constructions fortifiées étaient armées par des troupes divisées en trois équipes qui permettaient d'assurer une veille permanente vers le large, "par tiers". L'édifice était surmontée d'une grande tour appelée Nador, destinée à accroître la portée de la vue des guetteurs.

En cas de danger d'incursion, ou d'invasion, l'alerte était transmise vers la capitale, de veilleur en veilleur, par des signaux optiques ou sonores.

Les hommes qui occupaient ces forts avaient également un rôle religieux et leurs communautés pouvaient être comparées à celles des ordres monastiques .

En 827, le patrice Constantin, nommé gouverneur de la Sicile, par l'empereur de Constantinople , envoya son lieutenant Phima, avec quelques vaisseaux, ravager et piller les côtes d'Afrique. Peu après, Zyadet Allah, troisième successeur d'Ibrahim et quatrième roi de Tunis dans la dynastie aghlabide, décida de profiter des troubles survenus en Sicile lors de la destitution de Phima pour venger cette agression.

Il fit appareiller une flotte de cent vaisseaux de Sousse, leur port de construction, et en confia le commandement à Assad Ibn Fourath. Ces bâtiments portaient dix mille hommes d'infanterie et sept cents cavaliers. Ils conquirent l'île qui passa sous la domination aghlabide

En 835, la flotte appareilla de Palerme pour venir en aide au Duc André de Naples qui s'opposait à ses voisins de Benevent. Devant ses succès, la marine aghlabide poursuivit son expédition en contournant le sud de l'Italie pour pénétrer en mer Adriatique. Elle attaqua alors Brindisi, qu'elle pilla avant de reprendre la mer.

En 840, cette même flotte parvint à conquérir Tarente, et à détruire une escadre vénitienne de 60 navires venue au secours de la ville.

En 846, les Aghlabides lancèrent une force de 73 vaisseaux portant 500 chevaux et dix mille hommes, à la conquête de la Province Romaine. Ils débarquèrent dans l'embouchure du Tibre et se dirigèrent aussitôt vers Rome. La ville fut pillée, puis ce fut le tour d'Ostie, de Gaete et de Benevent. Rome et Ostie furent occupées quelque temps, mais les Aghlabides décidèrent rapidement de réembarquer avec leur butin pour rejoindre leur port d'attache.

Ils ne devaient pas pouvoir profiter de leurs prises car une tempête survint et engloutit leur flotte.

Un autre désastre attendait la marine aghlabide: en 880, une flotte byzantine de 140 navires devait surprendre l'escadre au large du Cap Milazzo, et lui infliger une défaite cuisante.

En 902, la Calabre devient musulmane.


L'époque fatimide 909-1048

En 909, l'avènement de la dynastie fatimide ne remit pas en cause la politique de la dynastie précédente. La construction navale continua de se se développer. Mahdia fut bâtie en 921, par Obeid Allah El Mahdi. Ce port avait une capacité de 30 bateaux, tandis que l'arsenal attenant pouvait en recevoir 200. La flotte devait s'accroître jusqu'en 973. Elle était initialement destinée à un vaste projet d'expédition vers l'Orient.

Dès 922, les Fatimides lancèrent une opération navale contre l'Italie. La flotte, sous le commandement d'Obeid Allah El Mahdi, s'empara de Lombardi et de Uria, faisant plus de 10 000 prisonniers. Elle poursuivit ses conquêtes en Calabre, puis occupa Tarente et Otrante.

En 924, une deuxième flotte fatimide de 44 bateaux, sous le commandement de Saiin, s'attaqua à la Sardaigne et à Gênes.

En 933, une troisième campagne fut lancée contre la Corse, et, de nouveau, les îles sardes.

Mais, en 980, Othon II, empereur du Saint Empire Romain Germanique, entreprit de conquérir le sud de l'Italie byzantine. Il occupa certaines villes comme Naples et Tarente. Les Ducs italiens firent alors appel aux Tunisiens de Mahdia.

Une coalition arabo-italienne se constitua pour repousser les troupes germaniques d'Othon II. En mer, les escadres tunisiennes et byzantines luttèrent de concert. L'expansion germanique en Méditerranée fut arrêtée, en 983.

L'époque ziride 1048-1148

Les Fatimides, qui n'avaient pas abandonné leur projet initial, étaient occupés en Orient. Ils confièrent l'administration de la petite et lointaine Ifriqya au chef d'une famille locale, les Ziri. Imprudence!

En 1048, ce fut la rupture qui permit l'établissement de la dynastie ziride.

La Sicile, sous contrôle musulman depuis 827, fut reconquise en 1096 par Roger 1er, seigneur normand, qui devint ainsi Grand Comte de Calabre et de Sicile et gouverna cette île jusqu'à sa mort en 1101.

En 1115, Ali, septième roi de Tunis dans la dynastie ziride, commença son règne en envoyant une flotte contre Djerba dont les habitants s'étaient rebellés et infestaient les côtes d'Afrique en y pratiquant la piraterie. Il se heurta ensuite, en 1117 à la révolte de Gabés, soutenue par les troupes de Roger 2°, Comte de Sicile et successeur de Roger 1°, mais échoua et se replia sur Madhia, où il fut lui même assiégé, avant de pouvoir reprendre l'avantage et de repousser les rebelles vers Gabés.

Le successeur d'Ali, son fils Hassan, ne fut pas beaucoup plus heureux. Les désastres s'accumulèrent. En 1125, les Normands de Sicile s'emparèrent de l'île de Djerba. La situation économique était catastrophique et la famine sévissait.

Roger 2° profita de l'occasion et arma une flotte qu'il réunit près de Pantelleria, avant de la lancer à la conquête des côtes de l'Ifriqya. Il s'empara de Tripoli en 1146, puis de Madhia, de Sfax et de Sousse en 1148. Il domina toute la contrée qui s'étendait de Tripoli à Tunis.

Le huitième roi, Hassan, s'enfuit. Il se réfugia auprès de Abd El Moumen, fondateur de la dynastie Almohade et lui demanda de le rétablir sur son trône. Abd El Moumen se décida facilement à aller expulser les Normands de leurs conquêtes d'Afrique. Il entreprit en 1159 cette guerre sainte, et parvint victorieux à Madhia en 1160.

Aucune des parties reconquises ne fut rendue au prince détrôné et la dynastie ziride prit ainsi fin.

L'époque almohade 1160-1236

Les provinces sous contrôle almohade dépendaient d' un gouverneur nommé par Abd El Moumen.

Tunis n'échappa pas à la règle et fut soumise au gouvernement des délégués envoyés par la résidence royale. Ce fut l'occasion de nombreuses vexations et spoliations de la part d'oppresseurs qui profitèrent de l'éloignement du chef-lieu de gouvernement pour se supplanter et se dépouiller mutuellement.

Plus d'une famille musulmane abandonna alors Tunis pour aller chercher asile et protection chez les chrétiens de Sicile.

Mais simultanément, le commerce redevint florissant. Les musulmans, qui furent les premiers à organiser les formes de leurs échanges selon les nécessités du trafic international, perfectionnèrent leurs méthodes tandis que les chrétiens s'en inspirèrent. Les négociants chrétiens vinrent trafiquer à Tunis, et s'y établirent même Le Maghreb almohade commerçait avec l'Espagne, mais aussi avec Pise, Gènes, Marseille et Venise.

Chaque nation avait son consul pour défendre ses ressortissants et disposait d'un fondouk pour y entreposer ses marchandises et servir de refuge en cas d'émeute.

Des traités spéciaux furent conclus pour protéger les personnes et les biens: en 1231 avec Venise, 1234 avec Pise, 1236 avec Gênes.

Les Almohades disposaient d'une escadre qui passait pour être la première de Méditerranée. Elle était l'oeuvre du berbère Youssouf. Ce dernier avait servi sur les bateaux du Comte de Sicile, Roger 2ème avant d'être nommé amiral par Abou Yacoub, troisième souverain de la dynastie almohade.


2.2. la reconquête européenne et l'invasion ottomane

Cette période connait, à ses débuts, l'expansion d'une véritable civilisation hafcide, riche et rayonnante, elle voit aussi se dégrader les relations entre les gouvernants de Tunisie et les puissances européennes, notamment l'Espagne.

La Course apparaît alors et, rapidement, elle devient un instrument économique, mais aussi politique. Elle succède aux escadres organisées des dynasties précédentes.

Puis la suprématie navale arabe va lentement s'estomper. Les corsaires échappent de plus en plus souvent au contrôle des rois de Tunis pour ne s'intéresser qu'à leurs seuls profits. La Tunisie redevient un enjeu que se disputent de nombreuses nations: Turquie, Espagne et Algérie, jusqu'à ce que la Sublime Porte impose sa domination.

L'époque hafcide 1236-1574

La fin de la suprématie arabe

En 1270, débuta la croisade de Saint Louis. Ce fut à partir de cette date que prit fin la suprématie arabe incontestée sur la Méditerranée: jusqu'à ce jour, "nulle planche ne pouvait flotter en Méditerranée sans l'assentiment des autorités arabes."

La marine de guerre hafcide commença à décliner. La piraterie se développa sans que le calife soit capable de la contrôler. Les bateaux furent obligés de naviguer en convois. Parallèlement à la piraterie, un phénomène nouveau apparût: la Course. Cette activité se différenciait de la précédente par le fait qu'elle était commanditée par une autorité à terre, alors que la piraterie s'exerçait au seul profit des capitaines et équipages des navires.

Les ports de Tunis et de Bizerte se constituèrent en Républiques autonomes organisées pour cette Course. Ils armèrent des galères qui parcouraient la Méditerranée pour leur compte. les corsaires du XIV° et du XV° siècle n'étaient pas seulement des pillards, comme le deviendront plus tard les Turcs, mais des soldats de la "guerre-sainte" contre les chrétiens. Ils songeaient moins au trafic des captifs qu'à l'emprisonnement des infidèles.

Les conflits étaint de plus en plus nombreux.

En 1335, Djerba fut reprise. Les Génois et les Siciliens tentèrent vainement de la reconquérir. Les relations se tendirent et la rivalité entre marins chrétiens et corsaires de Mahdia aboutit, en 1390, à l'envoi d'une flotte vénitienne, génoise et française contre cette île, place-forte d'Ifryqia. L'attaque échoua.

Dès 1500, la reconquête des Européens sur les territoires colonisés par les Arabes fut entamée. L'Espagne était libérée, puis le nord de l'Afrique .

Alors que la piraterie, féroce et ardente à recruter des chiourmes aux dépends de l'adversaire, était en déclin, l'Espagne jugea nécessaire de détruire les repères des corsaires barbaresques et entreprit une série d'interventions.

Ce fut le début de la "Croisade africaine" dont les motivations religieuses ont été largement exagérées. Le roi d'Espagne subordonna le triomphe de la Foi aux impératifs des affaires intérieures mais surtout à ceux de sa politique étrangère.

En 1510, les Espagnols se heurtèrent aux Ottomans en Tunisie, ils furent notamment battus à Djerba par Khereddine et Orudj.

En 1533, le prince hafcide Moulay Mohammed, d'un caractère faible et d'un âge avancé, désigna pour lui succéder et bien qu'il ne soit pas son fils aîné, son fils Moulay Hassan. Ce choix était destiné à satisfaire son épouse préférée.

Parvenu sur le trône, le nouveau roi s'empressa de faire étrangler ses frères dont il redoutait la vengeance. Mais le plus jeune, Rachid, lui échappa et se réfugia à Alger auprès de Khereddine dont il implora la protection. Ce dernier l'emmena à Constantinople et proposa à Soliman, douzième prince de la dynastie ottomane, de se servir du nom de ce malheureux prince pour faire la conquête de Tunis.

La tentative turque

Une flotte formidable fut rassemblée dans le but annoncé de remettre le jeune prince sur son trône à Tunis. Entre temps celui-ci était jeté en prison et la flotte, commandée par Khereddine, fit route vers la Goulette. A son arrivée, les Tunisiens prirent les armes et renversèrent leur roi au profit de Rachid. Ils ouvrirent leurs portes à Khereddine et découvrirent la supercherie trop tard. L'Amiral ottoman leur annonça qu'ils avaient à présent, pour maître, le sultan Soliman.

Moulay Hassan, ayant vainement fait appel aux tribus arabes pour s'opposer à l'envahisseur ottoman, recourut à Charles Quint qu'il décida facilement à mener une opération contre les Turcs.

Première restauration

En 1535, les flottes combinées d'Espagne, du Portugal, de Flandre et de Gênes firent route vers la Sardaigne où elles retrouvèrent celles d'Italie et de Malte. Ce furent quatre cents voiles, dont quatre-vingt dix galères qui arrivèrent devant Carthage. Sept mille hommes débarquèrent. Les Turcs n'opposèrent qu'une faible résistance.

La Goulette et Tunis tombèrent aux mains de Charles Quint. Barberousse prit la fuite.

Charles Quint rétablit Moulay Hassan sur son trône avant de se retirer. Mais peu de temps après, ce dernier fut de nouveau rejeté par ses sujets.

Deuxième restauration

En 1537, Charles Quint consentit à demander au vice-roi de Sicile d'intervenir au profit de Moulay Hassan.

La ville de Sousse fut soumise, puis en 1539, suite à l'intervention d'Andrea Doria, ce fut le tour des villes de Sfax, Kelibia et Monastir.

Mais cette deuxième restauration ne fut pas plus heureuse que la première et Moulay Hassan fut de nouveau mis en fuite en 1542. Cette fois son fils Hamidah en profita pour se faire proclamer Roi de Tunis.

Hamidah éprouva de nombreuses difficultés à contrôler son royaume. Il fit successivement appel aux Espagnols et aux Turcs, mais sans grand succès. La place était libre pour les différents Raïs qui exercèrent sans contrainte leurs activités de piraterie ou de course, selon les circonstances. L'un des plus célèbres fut Dragut.

Philippe II avait les yeux tournés vers La Goulette, mais les difficultés économiques de l'Espagne l'empêchait de mettre à exécution ses projets de conquête. Cependant en 1559, il autorisa les Chevaliers de Malte et le Vice Roi de Naples à monter l'opération de Djerba.

La flotte de Médina Coeli attendit l'automne et se mit en route alors que les navires ottomans étaient retenus à Gallipoli. La conquête de l'île se fit sans difficulté, mais le 15 mars 1560, en quittant son mouillage, elle fut assaillie par l'escadre de Piali-Pacha et de Dragut, qui coula trente navires, et fit cinq mille prisonniers.

La petite garnison chrétienne de Djerba fut exterminée après une farouche défense. Les ossements furent amoncelés en une pyramide: la tour des crânes (Borj Er Rous).

En réponse à l'attaque espagnole sur Djerba, les Turcs assiègèrent Malte. Dragut et Outch Ali (voir annexe F) se distinguèrent dans les combats. Dragut mourut en 1565 pendant ces opérations.

En 1568, Outch Ali est chargé du Pachalik d'Alger.

L'affrontement entre l'Empire Ottoman et les puissances chrétiennes se poursuivit jusqu'en 1571. La bataille de Lépante, le 9 octobre 1571, marqua la victoire de la coalition catholique. Outch Ali y fit preuve d'une bravoure particulière et gagna le titre de Capitan-Pacha, c'est à dire, commandant de la flotte ottomane.

La tentative algérienne

Hamidah resta au pouvoir jusqu'en 1570, date à laquelle le Pacha d'Alger, Outch Ali, attaqua Tunis et en fit la conquête.

L'intervention espagnole

Mais Philippe II, Roi d'Espagne, inquiet de l'expansion algérienne, décida une nouvelle expédition contre cet état. Il en confia le commandement à Don Juan d'Autriche, son Frère naturel, déjà célèbre par son comportement à la bataille de Lépante.

Don Juan reçut l'ordre de conquérir puis de raser toutes les villes barbaresques qu'il pourrait atteindre.

Il parvint à Tunis et épargna la ville qu'il confia à l'administration d'un frère de Hamidah. Il conquit également Bizerte et fit construire de nouveaux forts où il laissa des forces espagnoles.

La conquête ottomane

Le sultan Selim Shah, treizième prince de la dynastie ottomane, était irrité des succès de Don Juan. En trois ans, il fit reconstruire la flotte ottomane qui avait été complètement détruite en 1571 à Lépante.

En 1574, il envoya cette nouvelle flotte contre les Espagnols de Tunis, avec quarante mille hommes. Celle-ci était commandée par Sinan Pacha et Outch Ali (Ali el Fartaz - le teigneux). Elle comprenait deux cents galères fortement armées, accompagnées de plusieurs navires de transport de munitions et de matériel de guerre.

Les premières hostilités eurent lieu devant Tabarka. La Goulette et Tunis tombèrent . Cette double victoire livra la Tunisie aux Turcs:elle devint un pachalik. Le Maghreb prit alors sa physionomie moderne avec les trois blocs politiques du Maroc, de la Tunisie et de l'Algérie.

  


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