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Extrait
d'un chapitre du livre en préparation:
"Les mémoires d'un déraciné." Par Victor Cohen.
Chapitre:
"Le renvoi déguisé et planifié des juifs et des étrangers de Tunisie aprés
l'indépendance."
C’était un lundi matin, juste après l’entrée dans la classe, son camarade et
voisin de banc François baldachino dit à Jean Claude.
-Tu as entendu les nouvelles Jean Claude ? Ce qui s’est passé vendredi soir en
pleine nuit?
-Non.
-Toute la ville en parle.
-Que s’est il passé ?
-Et bien plusieurs gros chalutiers de pêche appartenant à des familles
françaises, italiennes et grecques se sont sauvés clandestinement par voie
maritime.
-Sauvés ou ?
En France ou en Italie ou peut être en Grèce, personne ne connaît leur
destination réelle.
-mais pourquoi ?
-Ils sont partis définitivement, ils ont quitté la Tunisie, ce sont en
majorité des pécheurs et des agriculteurs, il y a aussi beaucoup d’autres, ils
ont pris leurs femmes et les enfants, d’ailleurs tu ne vois pas que dans notre
classe il manque quatre ou cinq élèves.
-Mais pourquoi sont ils partis clandestinement?
-Mais depuis l’indépendance les arabes rendent la vie insupportable aux
étrangers, ils veulent leurs prendre leurs chalutiers, leurs terres et tous
les autres commerces, comme ils l’ont déjà fait à l’ami de mon père….
l’imprimeur Monsieur Scicluna….celui qui imprime le journal «les nouvelles
sfaxiennes»…. Ils lui ont confisqué son imprimerie pour la donner à ses
employés arabes….elle ne s’appelle plus imprimerie Scicluna, mais COOPI , mot
dérivé de coopérative et d’imprimerie, soit disant que c’est devenu une
coopérative ouvrière.
-Peut être font ils cela à ceux qui ont la nationalité française, mais nous
les juifs nous ne sommes pas concernés, nous sommes tunisiens, la plupart des
juifs de Tunisie sont tunisiens, d’ailleurs nous sommes arrivés en Tunisie
avant les arabes ; il ne faut pas que les arabes oublient qu’il y a eu
beaucoup de juifs tunisiens qui ont aidé Bourguiba dans sa prise de pouvoir.
-Mais tu plaisantes Jean Claude, je connais pleins de juifs qui sont partis et
d’autres aussi qui se préparent au départ, ils essaient de vendre leurs
maisons et leurs magasins….le prix de l’immobilier a chuté de quatre vingt dix
pour cent cette année….tu sais, cette histoire de coopérative qu’on entend
partout c’est de la spoliation pure et simple…..c’est une loi envers tous les
étrangers juifs y compris, pour nous dégoûter et nous faire partir d’ici….ils
ne veulent plus de nous ici, c’est un renvoi déguisé.
-Peut être, mais ne dramatise pas il y a toujours eu des gens qui partent et
d’autres qui viennent s’installer, cela a toujours été comme ça.
-Non, la ce sont des départs en masse, c’est sérieux, tu dois savoir que si tu
prends le bateau ou l’avion pour quitter la Tunisie, la loi ne t’autorise à
prendre avec toi que trente dinars et une valise d’affaires personnelles, tout
tes autres biens tu dois les laisser ici, aux tunisiens arabes.
-Et alors ?
-Mais que veux tu que fasse quelqu'un qui quitte définitivement avec trente
Dinars pour aller en France? Tout au plus il pourrait se payer un taxi et une
ou deux nuits d’hôtel. Ceux qui se sont sauvé vendredi en pleine nuit ont
certainement pu prendre une partie de leurs économies avec eux.
-Cohen ! Baldachino! Arrêtez de bavarder ! s’écria Monsieur Muscat le
professeur.
François et Jean Claude se sont tus, ils craignaient et respectaient beaucoup
leur professeur.
Victor Cohen.
Extrait de chapitre en exclusivité pour HARISSA
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