La Thora donne beaucoup de détails sur la vie d'Abraham. Mais qu'a-t-il vraiment accompli? Qu'est-ce qui fait de lui un personnage si central?

La réponse la plus admise c'est qu'Abraham fut l'inventeur du monothéisme. Il aurait été le premier à concevoir cette idée.

Et pourtant, malgré l'histoire midrachique d'Abraham brisant les idoles de Naor son père, cette réponse n'est pas celle retenue par nos maîtres.

La croyance en un seul D' n'est pas un phénomène nouveau dans la Thora ni une évolution des esprits.

Le monothéisme n'est pas une évolution du polythéisme, stade inférieur vers un stade supérieur.

C'est plutôt l'inverse: le polythéisme est une dégénérescence du monothéisme.

Le monothéisme correspond à un stade primordial et fondamental.

Les anthropologues en accord avec Maimonide démontrent que les cultes tel que le fétichisme ou le vaudou sont une dégénérescence des premiers cultes monothéistes.

Les peuples les plus primitifs et les plus incultes possèdent une croyance en une force supérieure.

De nos jours des peuplades reculées et isolées tels les buchinams vivant en Afrique du sud croient en une force unique et suprême. Cette croyance ne se rapporte pas à une quelconque force de la nature, ni même à des Dieux ou des démons. Il s'agit de ce que les savants appellent un " sentiment océanique ", celle de l'écrasement de l'être humain face au mystère et à l'immensité de la vie et de l'infini.

De ce sentiment deux voies entièrement différentes sont possibles.

La première consiste en une dégénérescence de cette unicité vers une multiplicité, une évolution d'une foi naturelle vers quelque chose d'imprécis. Le concept d'ensemble précède la conception de forces spécifiques de différentes catégories: le feu, l'eau, la terre, le soleil, etc…

La peur, la reconnaissance ou tout autre sentiment peut aboutir à la création d'une divinité représentative de l'une de ces forces allant jusqu'au stade d'image ou d'une figure qui en devient son incarnation.

Elle est au départ le symbole de la puissance divine. La décadence spirituelle aboutit à l'adoration d'une telle statue pour elle-même.

L'Avoda zara n'est donc pas le stade primitif de la religion mais le passage d'une croyance primaire en un D' unique indéfinissable vers l'adoration de dieux tangibles.

Il est plus facile de " négocier " avec des images spécifiques que d'analyser l'infini.

Le culte polythéiste est complexe et sophistiqué. Au lieu de communiquer avec l'être suprême, le polythéiste croit en l'efficacité de dieux intermédiaires et fonctionnels.

Le Talmud définit ces cultes d'idolâtres même si elles désignent D' comme le D' suprême.

Adam est le premier être à avoir une relation directe avec D'. Les générations suivantes commencent leur évolution vers le polythéisme.

Abraham est né dans un système de pensée évolué polythéiste. La ville de Ur était une grande cité avec une culture, un commerce, des sciences, des arts, une philosophie très évolués.

L'affirmation de la foi d'Abraham en un D' unique était perçue par ses concitoyens comme barbare et primitive.

Abraham appelait à la Téchouva (au retour) vers cette foi ancienne.

Abraham voyagea et rencontra d'autres hommes, qui, bien qu'isolés et dispersés à travers le monde, avaient la même foi en un D' unique.

Dans Béréchit 14-18 on peut lire: Melchisédech roi de Salem (Jérusalem) apporta du pain et du vin, il était prêtre du D' suprême.

Abraham tenta donc de ressusciter ce que tout le monde considérait comme un pur archaïsme et de rétablir la foi en un D' suprême.

Abraham fut un grand homme, un grand chef, qui a joué un rôle qui incombera bientôt à Machiah: rétablir une relation appropriée entre D' et les hommes.

Abraham est un homme particulier à l'origine de cet embryon qui deviendra une nation particulière: la nation d'Israël.

Abraham est le premier prophète à enseigner la croyance en D' non pas comme une religion antique et primitive, mais comme une authentique foi et comme mode de vie.

Joseph GIARMON

jogiarmon@yahoo.fr