Joseph est appelé par nos sages Joseph le Tsadik, Joseph le juste. Il compte parmi les sept invités qui honorent tous les jours la Soukka lors de la fête de Soukkot.

Cet attribut de Tsadik lui vient de sa mésaventure avec la femme de Putiphar lorsqu'il se montra capable de repousser ses avances. Son caractère peut être comparé à celui de ses frères Ruben et Juda qui, confrontés à une situation semblable avec Bilha et Tamar ne manifestèrent pas la même vertu, bien que Joseph fût dans la fleur de l'age et isolé.

La capacité de Joseph de résister aux tentations constitue la source fondamentale de son rayonnement. Le Tsadik sait quand donner et quand refuser.

Ce trait de caractère de Joseph n'est pas le seul de sa personnalité, il y en a d'autres plus étonnants voir agaçants.

Ainsi que doit-on penser de son attitude envers ses frères qui fût à l'origine de leur réaction à son égard? Joseph, comme chaque Tsadik, possède une double personnalité, celle de juste et celle de souverain.

En tout état de cause, Joseph ne pouvait rester longtemps un berger. Lors de ses épreuves en Egypte, ses qualités furent mises à l'épreuve et ses défauts les plus déplaisants, s'effacèrent peu à peu. Il prit très vite la figure de patriarche.

Cependant, même devenu chef politique couronné, cette facette de sa personnalité réapparaît lors de sa rencontre avec ses frères, après tant d'années de séparation. Il organise une mise en scène digne d'une comédie des plus modernes, avec bien sur, un happy end. Même dans ses relations avec Putiphar, la femme de Putiphar et le Pharaon Joseph montra une tendance à l'outrance et à l'extraordinaire. Malgré tout il inspirait confiance et attirait l'affection.

La clé de la personnalité de Joseph réside sûrement dans son attribut de rêveur qui porte et transmet un message au-delà de sa psyché. Il n'était pas, comme son père Jacob un prophète, qui contemplait D' dans ses rêves. Joseph contrairement à ses frères parvint à percer certaines choses en rêves sans s'ériger en prophète.

Jérémie mentionne clairement cette qualité intermédiaire en faisant écho au passage du Deutéronome 13;1: " s'il s'élève au milieu de toi un prophète ou un visionnaire….

Bien avant Freud, nos anciens dans le Talmud savaient que le rêve est un phénomène subjectif. Mais ils croyaient en un autre type de rêve, le rêve prophétique. Le prophète et le rêveur partagent deux expériences pas si différentes: Ce qui les distingue c'est la clarté du message.

Quelqu'un qui rêve se trouve dans une situation délicate. Il n'atteint ni l'objectivité ni la clarté de la vision prophétique, car il est en contact avec des éléments inconscients de son âme et à son désir propre.

Jacob après son rêve de l'échelle se dressant jusqu'au ciel déclara": Si D' est avec moi et s'il me protége dans la voie où je marche……alors l'éternel sera un D' pour moi"; Poser de telles conditions ne peut s'expliquer que par le doute qu'avait Jacob à propos de son rêve. S'agissait-il d'un rêve prophétique ou seulement l'expression de ses désirs. Ce n'est qu'après 22 ans qu'il prit conscience de cette prophétie. Revenu sur les lieux de sa révélation, il y construira un autel et confirmera que c'était bien là la porte du ciel qu'il avait vu en rêve.

Joseph en revanche semble n'avoir aucun doute quant à la nature de ses rêves. Il est persuadé que les gerbes, la lune, le soleil se prosternant devant lui sont un présage. L'entourage de Joseph considérait que la personnalité de Joseph n'était pas étrangère à la nature de ses rêves et qu'elle n'était que l'affirmation de sa soif de pouvoir.

Durant toutes ses épreuves, Joseph dut certainement se rendre à l'évidence: ses rêves ne correspondaient qu'a l'expression de ses simples désirs. C'est seulement lorsqu'il atteignit les sommets de la grandeur en Egypte qu'il saisit l'authenticité de ses visions.

Ce n'est que lorsqu'il devint le maître du royaume d'Egypte, et qu'il fut sûr que les gerbes le soleil et la lune se courberaient devant lui, que Joseph se fit un devoir de mettre un terme à la saga de ses frères. Joseph comprit qu'il n'était pas le seul metteur en scène de cette pièce compliquée. Dés lors Joseph cessa d'être "Le rêveur".

Joseph interpréta également les rêves du pharaon. Il ne tenta pas de modifier la nature de ces rêves. Il fonda sa politique sur sa propre expérience sans chercher à s'y opposer. Il était sûr de leur inéluctabilité.

Joseph encore jeune croyait comme tous les jeunes, être maître de sa destinée. Il n'était pas vraiment conscient de l'immense souffrance qu'impliqueraient ses rêves pour lui, sa famille et toute la nation juive.

Ce qui au départ pouvait n'être que l'imagination débridée d'un adolescent gâté se transforma en une vaste réalité.

La stature de Joseph finit par approcher celle d'un prophète.

Quand Joseph questionna ses frères leur demandant: Mon père vit-il encore? Et quant-il apprit que son père vivait toujours il comprit que l'ensemble de sa vision était réalisé. Son rêve de jeunesse prenait fin et il se confondait avec la réalité.

Joseph GIARMON

D'après la leçon d'Adin STEINSALTZ

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