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RABBI FRADJI CHAOUAT


   

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TOMBE RABBI FRAJI CHAOUAT A TESTOUR

 




LE PÈLERINAGE DE REBBI FRAJI DE TESTOUR


INTRODUCTION

Je me souviens des beaux pèlerinages de Testour, auquels j'avais participé avec mes parents et mes cousins et cousines. Tous les ans on allait au pèlerinage de Rebbi Fraji Chaouat de Béja. L'apperçu historique se base sur la chanson de geste, chantée par les femmes et les hommes des communautés qui participaient aux pèlerinages, sur les contes de mon père, les récits qu'il me transmit de son père et de son grand-père, que je n'avais hélas pas connus, et sur les dires de ma mère,de ma grand-mère paternelle et de ma grand-mère maternelle, ainsi que sur les confirmations vivantes de mon arrière-grand-père, de mon arrière-grand-mère et de son frère, qui étaient encore vivants quand j'étais jeune. A cela s'ajoutent mes propres expériences des pèlerinages auquels j'avais participé depuis mon jeune âge et les Maassiot (histoires) que nos rabbins nous racontaient lorsque nous étions sages au cotab, sans oublier la communauté de ma ville Béja, où j'ai grandi. 

Personne ne connaissait le nom du secrétaire du rabbin, mais vu que je considère son témoignage comme une des bases de ce récit, j'ai trouvé nécessaire de donner un nom à un homme aussi important. J'ai choisi le nom de Haï pour le secrétaire de Rebbi Fraji, car selon la tradition, une personne qui est passée dans l'au-delà est toujours vivante et on use ce nom pour se référer à elle. On dit que celui qui sert un tzadik (un juste) devient lui-même un juste. Dans la chanson de geste on parle de la fonction de la personne qui assitait le rabbin comme d'un "Gozbar" ce qui veut dire secrétaire.

Je sais qu'il y a d'autres versions, toutefois pas béjaoises, qui sont légèrement différentes de la mienne et qui parlent d'un serviteur et pas d'un secrétaire ainsi que d'une mule et pas d'une jument. De ma part je n'ai jamais entendu parler d'une mule à Béja et la chanson de geste confirme la version avec la jument. Du reste, cela m'aurait étonné que Rebbi Fraji aurait demandé que sont corps soit mis sur un animal croisé, pas naturel. Je sais que mon grand-père qui était religieux et croyant ne montait jamais sur une mule. La plupart des vieux de son âge avaient des juments et pas des chevaux.


LA LEGENDE

On raconte que dans le vieux temps Rebbi Fraji Chaouat vivait à Béja au début du dix- septième siècle. Il était très pieux et charitable et savait guérir les malades. La communauté juive de Béja, qui le vénérait pour ses connaissances de la Torah et sa gentillesse exceptionnelle avait mis à sa disposition un secrétaire juif qui s'occupait de ses besoins quotidiens. Ce secrétaire avait une chambre dans la même maison, il n'avait qu'à traverser la cour intérieure pour aller chez le rabbin. Le nom du secrétaire était Haï. C'était un vieux célibataire qui avait presque soixante ans lors de la mort de Rebbi Fraji et qui avait servi le charitable et généreux rabbin avec grand dévouement. 
Rebbi Fraji était économe et comptait chaque sou, mais quand Haï lui faisait ses achats le rabbin tenait à rembourser la somme dépensée en ajoutant toujours une somme pour honorer le secrétaire. A chaque fois Haï refusait de prendre de l'argent, tant il vénérait le rabbin. Un jour Rebbi Fraji lui dit:
- "Mon cher ami, puisque D' t'a envoyé à moi Il s'attend de moi que je sois bon avec toi, car si j'aurais été seul, que serait-t-il devenu de moi? Je te prie, si tu veux m'aider, ne refuse pas l'argent que je te dois pour tes efforts." Le sécrétaire prit l'argent que lui offrait le rabbin et avant de s'éloigner il lui baisa la main. A son tour Rebbi Fraji le benit avec ces paroles hébraïques en passant la main sur sa tête:
- "Yevarekha Adonaï Veyichmerekha" (Que D' te bénisse et te garde) D'après les dires du secrétaire à chaque fois que le rabbin le bénissait, il sentait un courant agréable qui traversait tout son être et le laissait dans un état agréable et paisible pour la durée de la journée. 

Un jour avant de se retirer Haï demanda au rabbin s'il avait encore besoin de quelque chose. Rebbi Fraji lui dit:
- "Haï, que le Seigneur te donne une longue vie, je crois que là-haut on m'appèle et je vais tout faire de sorte que le matin je serai lavé et habillé de ma robe de nuit blanche. Quand tu rentreras le matin dans ma chambre je serai déja parti, mais ne t'inquiète de rien, tu n'auras rien à faire, simplement tu diras aux membres de la communauté juive de Béja de mettre mon corps sur ma jument. Elle connait le chemin vers ma loge finale sur cette terre et là ou elle s'arrêtera c'est là où il faudra creuser. Ma tombe doit être simple et sans ornement. Haï écouta son maître, tout ému baisa sa main et se retira lentement vers sa chambre ne sachant quoi penser de ce qu'il venait d'entendre de la bouche du rabbin.

A peine rentré dans sa chambre il se jeta dans son lit et sans même avoir enlevé ses habits le fidèle sécrétaire mit sa tête sur son oreiller et le sommeil l'emporta. Tôt le matin il se réveilla en sursaut lorsqu'il vit les premiers rayons de soleil pénétrer par la fenêtre qui donnait vers la cour. Haï s'en voulait de ne pas s'être réveillé plus tôt pour voir le rabbin. Il fit une rapide toilette et se dirigea vers la chambre du rabbin.

D'habitude lorsqu'il s'approchait de la chambre, le rabbin disait toujours:
- "C'est toi Haï??" Cette fois-ci il y avait un silence et à nouveau il sentit les mêmes sensations que lorsque le rabbin le bénissait. Il entra dans la chambre. Il trouva le rabbin allongé sur son lit comme s'il dormait. Haï ne croyait pas que le rabbin était mort, il s'approcha du lit pour voir de plus près et à sa grande surprise le corps du rabbin avait les yeux fermés et semblait plongé dans un sommeil éternel. Haï mit sa main droite sur les yeux du rabbin et fit "Chema Israël" puis il ferma gentiment la porte pour ne pas faire du bruit et s'empressa vers la synagogue d'Ein Echemech pour alerter les Juifs qui faisaient encore la prière de "chahrit". La nouvelle du départ du rabbin secoua les présents, puis tous interrompirent brièvement la prière matinale pour écouter les dires de Haï sur la dernière volonté du rabbin. 

Après que la prière matinale fut terminée la communauté entière du petit au grand se précipita vers la maison du rabbin. Ils prirent le corps du rabbin et le mirent sur sa jument, comme le rabbin l'avait voulu. Ensuite, tous les présents formèrent un cortège. Aussitôt la jument prit la direction du sud-est et se mit en route. Elle avança vers ce qui est aujourd'hui l'avenue Sidi Frej. Au fur et à mesure qu'elle avançait, les membres de la communauté juive la rattrapaient et le cortège s'agrandissait.

Dans ce temps-là la Tunisie était gouvernée par le Bey qui était nommé par l'Empire Ottoman. Sa fonction était comme celle d'un gouverneur mais il devait rendre compte au Sultan turc pour les activitées quotidiennes et encaisser les impôts des habitants et des commerçants. En général le bey chargeait son fils ou désignait un officier d'encaisser les impots. Il mettait à leur disposition des jeunes soldats (des janissaires) que l'empire lui envoyait. Le fils du bey ou l'officier allait d'une région à l'autre pour encaisser les impôts et pour celà il campait dans certaines régions. Dans le cas de cette histoire le campement des soldats du bey était dans la région du nord. On appelait ces camps des camps volants. Quand les impôts étaient encaissés le fils du bey et ses soldats rentraient avec l'argent à la résidence du bey à Tunis.
Après des heures et des heures de marche la jument atteignit un camp volant du Bey. Le gardien qui était à l'entrée du camp leva la main pour arrêter le cortège et d'après les dires de papa, sa main resta en l'air et il ne pouvait plus la rabaisser. La jument avança tranquillement. La même chose qu'au gardien arriva à l'officier qui voulait intervenir. Les soldats qui voyaient cette scène étaient furieux et ne comprenant pas ce qui s'était passé accoururent pour arrêter et même frapper toutes les personnes du cortège. Ces soldats à leur tour s'immobilisèrent devant la jument qui continuait gentiment son chemin dans la direction de Testour, sans souci. 
- "Oh mon Dieu!" disaient les soldats du bey, voyant que tous les bras qui voulaient frapper le saint et ses compagnons étaient paralysés. Chacun croyait vite intervenir, mais bientôt ils étaient plus de cent soldats avec les bras en l'air sans pouvoir les bouger. Le prince alarmé par le bruit des soldats sortit de sa tente et voyant ses soldats affolés il comprit qu'il s'agissait de quelque chose de très particulier et non pas d'une révolte ou d'une attaque. Il salua le cortège et demanda aux gens qui accompagnaient la jument:
- "Qui est ce mort?" Haï, le secrétaire de Rebbi Fraji avança et se présenta au prince en disant:
- "Votre Altesse Beylicale, je suis le sécrétaire de cet honorable rabbin et c'est sa dernière volonté d'être enterré là où sa jument s'arrêterait. Nous suivons justement la jument afin que sa volonté soit respectée." Le prince comprit et s'exclama:
- "Alors dites-moi que c'est un saint!" Toute la communauté qui n'osait pas dire un mot sur Rebbi Fraji fit comme d'une seule voix: 
- "Oui, notre prince, c'est même un grand saint!"
Le prince se précipita devant la jument et fit:
- "Samahna Ya Sidi Ma Refnachi Karek" (Sire, pardonnez-nous, nous ne connaissions pas votre honneur et grandeur.) Puis il s'adressa à ses officiers et soldats et leur dit: 
- "Mais vous êtes des imbéciles, vous ne voyez pas qu'il s'agit là d'un saint! Allez, exécutez sa dernière volonté." Ensuite il s'adressa au rabbin avec ces paroles:
- "Ya Sidi, Enouaslouek Bel Tabal ou Bel Zokra Hata Lel Emken" (Sire, nous vous accompagnerons avec le tambour et le biniou jusqu'à votre endroit.) Et ainsi tous les soldats se trouvèrent les mains libérées et se joignirent au cortège avec la musique et les tambours. La jument fidèle à son maître continuait son chemin et arrivée à Testour, à la fin d'une rue du village, elle s'arrêta et s'assit comme une femme fatiguée. Les Juifs et les Arabes qui accompagnaient le rabbin se mirent à creuser la tombe selon le rite juif.
Depuis ce temps, Rebbi Fraji était très respecté par les communautés juive et musulmane de Béja.


LE PÈLERINAGE

Depuis la mort du rabbin, tous les ans le pèlerinage se tenaient à Testour auprès de sa tombe. De notre temps, la route avait changé et passait par les montagnes du Monchar et par Medgez-El-Bab. 
Notre tradition voulait que chaque année les Juifs béjaois et de toute la région du nord, jusqu'en Algérie allaient à pied au pèlerinage de Rebbi Fraji Chaouat qui était enterré à Testour. Le fait que sa jument avait choisi Testour n'était peut-être pas un simple hasard. Aujourd'hui on sait que Testour en sumérien veut bien dire Terre Sainte.

Chaque année on se préparait à l'avance pour ce pèlerinage, qui se tenait à Soukot, la fête des tabernacles, qui symbolise la vie dans le désert durant l'exodus des Israëlites d'Egypte. L'après- midi du premier jour de Hol-ha-moëd toutes les familles juives se groupaient sur l'esplanade de l'avenue de la République et chaque famille formait une caravane. Chacune apportaient avec elles des victuailles et un mouton. Il y avait des familles qui préféraient l'abattre à Béja, d'autres suivant le rite des sacrifices le prenaient vivant et l'abataient à Testour. Les caravanes comptaient quelques centaines de personnes. Elles se formaient devant l'ancien Café Bijaoui d'avant guerre. Les caravanes se composaient des membres de chaque famille, et à ceux-là se joignaient les voisins ou certains amis qui avaient une même affinité. Certaines amitiés se nouaient juste avant ou pendant les jours du pèlérinage.

Pour nous les enfants c'était une grande excursion et aventure. Chaque famille essayait de tenir les enfants à côté, mais les familles s'entre-mêlaient et les parents commençaient à perdre la patience. Plus d'une fois une famille cherchait un de leurs enfants, ou un enfant égaré cherchait ses parents. Ces délais retardaient le départ de la grande caravane béjaoise.

J'avais plusieurs fois participé aux pèlérinages. D'année en année les amitiés changeaient. C'etait ainsi que les familles faisaient la connaissance des enfants, des parents et des grands-parents des autres. Les caravanes commençaient la marche d'abord vers le stade de football afin de s'organiser et de créer des distances entre les grandes familles. Les vieux de chaque famille étaient les chefs de file. Ceux-là marchaient devant, en tête de chaque famille. Les hommes et les enfants qui pouvaient marcher allaient à pied. Les vieilles femmes montaient sur des charettes ou en calèche, certains vieux montaient à cheval ou sur les dos des ânes. Certains louaient des ânes avec leurs propriétaires. Les jeunes hommes de chaque famille restaient à l'arrière pour protéger les femmes. Certaines familles étaient très grandes. La caravane du pèlerinage était si longue qu'on ne voyait pas la fin. Presque tout le monde était d'une façon ou d'une autre cousin et cousine, du fait que les mariages entre Béjaois étaient fréquents. Un jour mon père me disait:
- "Si tu veux savoir, tout Béja est une seule famille."

La route de Béja à Testour passe par Medjez-El-Bab. La distance et d'approximativement 70 km. La première étape est de 45km et la deuxième, de Medjez-El-Bab à Testour est de 25km.

Les premiers kilomètres étaient les plus agréables. La route était plus ou moins droite, les jeunes se sentaient les plus forts, un esprit de compétition se créait parmi eux. Mais dès que l'on dépassait les vieux, nos pères nous rappelaient qu'il fallait ralentir pour permettre aux femmes et aux vielles personnes de maintenir le rythme avec nous. Le trajet de Béja jusqu'à Medjez-El-Bab durait jusqu'au matin, on allait doucement, on chantaient des chants judéo-arabes. 

Medjez-El-Bab représentait la première étape et notre caravane de Béja était toujours la première. On y arrivait tôt le matin. On attendait sous les arbres d'eucalyptus. On profitait de cet arrêt pour manger. Certains tiraient des sandwichs, du pain de maison, des oeufs durs, des olives, d'autres des ma'akoud ou des plats cuisinés, et encore de boulous, des cakes, des bichcoutous et des fruits. Tout était froid mais bien mangeable, car après cette longue marche nous avions tous grande faim. Les enfants sautaient d'une famille à l'autre et se ramenaient avec des friandises que les autres familles leur offraient. Chaque famille donnait de ses bonnes choses aux autres.

Vers dix heures du matin les premières caravanes de Tunis et d'autres villes arrivaient à Medjez-El-Bab. Les caravanes s'arrêtaient pour se reposer et se débarbouiller et retrouvaient les Béjaois qui les attendaient. Les arbres d'eucalyptus donnaient un ombrage agréable aux familles qui se réorganisaient pour la dernière étape vers Testour. 

La caravane de Tunis arrivait toujours avec des musiciens qui jouaient de la Zokra (flûte tunisienne ou biniou), de la Darbouka (un genre de tambour nord africain) et d'autres qui jouaient el Oud ouel Ejrana (du luth et du violon). On continuait ensemble la route jusqu'à Testour. 

Quand on arrivait, les habitants de Testour, qui du reste étaient paraît-il les descendants des Arabes et des Juifs venus ensemble d'Andalousie après la défaite arabe en Espagne, nous attendaient avec des youyous. Chaque famille juive s'hébergeait dans une maison musulmane. Les maisons musulmanes étaient construites autour d'une cour qui donnait accès à chaque chambre. Les habitants libéraient une ou plusieures chambres et chaque famille juive en prenait une. Une fois que les familles avaient pris possession temporaire des lieux celles-ci étaient libres d'aller à la tombe du saint à tout moment.

Les femmes musulmanes préparaient des Jradeks, un genre de pita, (les Tunisois l'appellent "Khobz Tabouna" bien connue dans le nord de la Tunisie). La plupart des Musulmans refusaient le payement pour le logis et pour les Jradeks. Ma maman avait toujours besoin de beaucoup de temps pour s'occupper de la famille avant d'aller visiter la tombe. En attendant, nous les jeunes qui étions impatients, nous sortions dehors comme les premiers éclaireurs. Les rues de Testour étaient semblables aux rues du quartier arabe de Béja. Nous nous amusions à visiter d'autres rues sans toutefois perdre de vue la rue de notre domicile temporaire. A cette occasion on faisait la connaissance de jeunes enfants venus d'autres villes, certains nous invitaient chez eux, nous invitions des nouveaux amis chez nous. Ainsi nous gardions nos parents toujours en action. On passait un jour ou deux à Testour, pleins de joie et de gaieté. 

Pour les Juifs du nord de la Tunisie y compris les Juifs de Bone et de Constantine, le pèlerinage de Testour était aussi important que le pèlerinage de la Ghriba à Djerba est pour les Juifs du sud tunisien. On dit que l'avenue Sidi Frej de Béja était au nom de Rebbi Fraji. Alors, le chemin de Testour passait par le pont Trajan, le cortège de Rebbi Fraji passait par le chemin qui était devenu Sidi Fraj. Certaines familles faisaient le pèlerinage de la Ghriba à Djerba, du Maarabi près de Gabès et enfin, de Rebbi Fraji à Testour. Les Tunisois avaient aussi leur saint "Rebbi Hai Taieb Lo Met" au vieux cimetière de Tunis. Son pèlerinage était très important pour les Juifs tunisois.

Je me souviens de notre première visite à la tombe du saint. Le mausolée de Rebbi Fraji était plein de pèlerins. La tombe se trouvait au centre d'une grande salle. Les femmes et les enfants chantaient et faisait des voeux. Puis du coup le corps des musiciens avec les binioux et les tambours jouait des sons qui résonnaient et électrisaient tous ceux qui étaient présents, avec le rythme acceleré de la chanson de Rebbi Fraji. "Lah Y Lana, Lah Y Lana Essayed Icoun Ema'ana". Certains rentraient dans l'extase de la dance, certaines femmes suivaient le rythme, jusqu'à en perdre la tête. Dans ce chahut je me souviens aussi du moment où comme un silence de l'âme s'accapara de moi et je sentais le rayonnement qui emplissait tout l'espace et mon être. C'est ainsi que je saisissais la croyance en une force suprême. De même je comprenais que cette force jaillit dès que nous nous trouvons dans la joie. Dans ces moments, tous les problèmes qui nous accablent tous les jours disparaissent. Les visiteurs donnaient des offrandes sans réserve. Ils apportaient des plateaux de briks, de makroud, de yoyos, des beignets au miel, des manicotti, des dragées, des cakes, des boulous, des bichcoutous, etc. Certains distribuait même de l'argent. Une atmosphère de sérénité et d'une douceur particulière remplissait nos coeurs. La bonté et la générosité abondaient. Nous nous sentions du coup des frères et des soeurs. Voici ce que les souvenirs des pèlerinages de Rebbi Fraji réveillent en moi et j'espère que cette joie se répande sur tous ceux qui lisent ces lignes.

J'ai entendu beaucoup d'histoires sur les miracles que le pèlerinage de Rebbi Fraji avait apporté. C'était devenu une tradition, que celui qui avait un voeu, allait prier sur sa tombe et son voeu était exaucé. J'avais été témoin d'une amie de ma mère qui habitait à Bone "Anaba" (Algérie)
et qui n'avait pas pu avoir d'enfants depuis qu'elle s'était mariée. Elle était restée treize ans sans enfants. Ma mère l'avait invitée à participer avec nous au pèlerinage de "Rebbi Fraji" afin de prier pour un enfant. L'année d'après, elle avait visité avec nous la tombe du saint et neuf mois plus tard elle avait accouché d'un garçon. Depuis, chaque année elle venait au pèlerinage avec son fils. 


LA CHANSON DE REBBI FRAJI

À travers les âges une chanson de geste a été créée. Elle nous a été transmise de génération en génération et reflète le côté historique du personnage de Rebbi Fraji et du chemin que sa jument avait choisi. En toute occasion heureuse on chante cette chanson de joie et qui raffermit la foi des Juifs tunisiens.

Voici la chanson de geste de Rebbi Fraji Chaouat, selon ma mémoire et la mémoire des membres de notre ville. Elle est encore incomplète. Je remercie ceux des lecteurs qui se rappellent d'autres versets, de bien vouloir me les transmettre, afin que je puisse les insérer et conserver la chanson complète pour les générations qui viennent.

Lah Y Lana, Lah Y Lana, Ourebi Fraji Machi Ema'ana Lah Y Lana, Lah Y Lana, et Rebbi Fraji marche avec nous
Yagozbar Eija Kodami Esma Ou Matekhlefchi Klami Secrétaire, venez devant moi, écoutez et ne changez pas mes paroles
Rani Lioum Mkemel Ayami, Ou Machi A'nd Rabbi Moulana Aujourd'hui-même mes jours vont s'achever et j'irai chez notre Seigneur

Lah Y Lana, Lah Y Lana, Essayed Icoun Ema'ana. Lah Y Lana, Lah Y Lana, le seigneur* sera avec nous
Erebbi Sala Minha Oujdoudou Za'akou Bel Farha, Le Rabbin a prié Minha et ses ancêtres ont crié de joie
Oulioum Na'amlou Simha Le Sayed Elima'na. Et aujourd'hui on fera une fête pour le seigneur* qui est avec nous.

Lah Y Lana, Lah Y Lana, Ourebi Fraji Ichebet Ema'ana Lah Y Lana, Lah Y Lana, et Rebbi Fraji passera le chabat avec nous
Zaylet Erebi Mshat Ousebket Jmi El Qahal Alaha Kholtet, La jument du rabbin s'avançait et la communauté la rattrapait
Lah Y Lana, Lah Y Lana, Al Emra El A'yana, Lah Y Lana, Lah Y Lana, pour la femelle fatiguée

Lah Y Lana, Lah Y Lana, Ourebi Fraji Machi Ema'ana Lah Y Lana, Lah Y Lana, et Rebbi Fraji marche avec nous
El Assas Qaed Io'ss Yebssed Yedou A'l Leqfal, Le soldat montait la garde et sa main s'est raidie sur la gâchette
Qal Oualah Manheb Eno'ss Hata Yessarhni Maoulana. Il a dit: "Pour l'amour de Dieu, je ne veux plus garder,
Jusqu'à ce que ce seigneur* me libère."

Lah Y Lana, Lah Y Lana, Essayed Icoun Ema'ana. Lah Y Lana, Lah Y Lana, et le seigneur* sera avec nous
Samahna Ya Sidi Ma Refnachi Karek "Sire, pardonnez-nous, nous ne connaissions pas votre valeur
Enouaslouek Bel Tabal ou Bel Zokra, Hata Lel Emken Nous vous accompagnerons avec le tambour et le biniou jusqu'à votre endroit."

Lah Y Lana, Lah Y Lana, Ou Rebbi Fraji Ichebet Ema'ana Lah Y Lana, Lah Y Lana, et Rebbi Fraji fera le chabat avec nous
Zayled Erebi Mshat Oosebqet OuJat Fi Qalb Testour Ouberket La jument du Rabbin marchait et devançait. Elle est arrivée au coeur de
Lah Y Lana, Lah Y Lana, Metlet Emra El A'yana, Testour et s'est affalée
Lah Y Lana, Lah Y Lana, comme une femme fatiguée.

* Rebbi Fraji

Emile Tubiana

 MIRODIRECT@AOL.COM

           

 

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