Tou Bichvat chez Fauchon, par Bernard Sberro

En Janvier, 16h05, j'entre dans votre boutique pour acheter quelques fruits afin d'honorer ma table de fête de ce soir-là.

A l'étal, des couleurs, un plaisir pour les yeux et pour une dégustation future, pleine d'exotisme, en ce triste hiver parisien où, sorti des "fruits de saison" de la région parisienne, rien, sinon dans quelques lieux dont la réputation n'est plus à faire, ne permet d'égayer la table.

Un vendeur s'affaire devant une corbeille en préparation pour un client qui me précède.

16h18 environ, j'ai fait mon choix, j'attends, j'attends mon tour.......

Fauchon, haut lieu de la gastronomie, du luxe, de l'élégance et du plaisir.

Les minutes passent à un rythme bizarre lorsque le temps presse sans que le regard de l'unique vendeur - en cette période creuse - vienne seulement se poser sur vous pour vous permettre de patienter un peu, pour vous faire accepter l'idée que la corbeille en préparation - réputation et image obligent - nécessite une minutie de présentation allant de la bruyante cellophane qui doit enrober l'ensemble au scotch qui en assure la bonne tenue avant la découpe des rubans au sigle de la grande maison, rubans de noble couleur qu'il faut agencer avec l'harmonie nécessaire à la corbeille qui n'en finit pas d'être préparée.

Je regarde ma montre avec ostentation, je n'ai pas droit au moindre regard de l'unique vendeur : une sensation de non-existence m'envahit ; soudain.

16h29, dans un dernier réflexe de survie, je souhaite un "chabbat chalom" et une bonne fête à mon coreligionnaire chanceux qui présentera cette belle corbeille à sa table, et je traverse la place pour faire mes emplettes.

Bernard Sberro

Le client qui est sur la gauche, on voit bien qu’il n’est pas responsable et qu’il ignorait que j’allais venir acheter juste après lui des fruits pour TOU BICHVAT donc on ne peut pas lui en vouloir, et son visage montre bien tout ça, bien que.

Le vendeur, tout en noir bien sûr, n’est pas forcément méchant à mon égard mais il doit avoir eu l’intuition que je ne serai pas un très gros acheteur de fruits chez fauchon en janvier alors qu’il voyait bien que l’autre qui lui disait tout le temps et si on ajoutait quelques dattes, et si on ajoutait des cerises, et si on ajoutait, et si on ajoutait, qu’heureusement que les affaires n’ont pas très bien marché pendant la période des fêtes et qu’il restait des stocks ( la preuve, la période des soldes ), il aurait pu dévaliser le magasin dans sa corbeille malgré les prix.

Aussi, je vais quand même adresser le courrier ci-joint à fauchon pour marquer le coup mais sans leur dire pour autant qu’en face, chez hédiard, le client de devant moi ne se trouvait heureusement pas là ce qui m’a permis d’être servi dès mon arrivée ( donc pas de dessin ) mais que les prix n’ont rien à envier à ceux d’en face, surtout la pitahaya qui n’a pas beaucoup de goût mais peut-être c’est son nom qui justifie son prix.

bernard sberro

TOU BICHVAT CHEZ FAUCHON

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