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Monsieur Halfon,
Bonjour.
Je suis tombé par hasard, il fait bien les choses ce dernier, sur votre site
Harissa .Com. Et là, j’ai pu à loisir lire et relire avec délectation tous
ces vécus, ces anciennes mémoires d’anciens juifs tunisiens écrites et
narres dans vos pages d’accueil, dans cet espace qui n’en fini plus,.
J’ai parcouru ce capharnaüm avec beaucoup de plaisir souvent imbibé
d’émotions.
Ancien enfant du pays du soleil, plus particulièrement de la Goulette, ma
ville de naissance et d’attache, port bien connu et célèbre surtout, je me
suis rendu compte d’un oubli. Oui, un oubli que les internautes juifs,
italiens et musulmans non point relaté.
J’ai cherché et recherché, jusqu’à me fendre la rate et le râtelier mais
hélas, je ne trouve pas d’articles qui parle du....
KIF DE LA KARMOUDA.
Je vais vous pondre donc mon premier
texte, qui j’espère aura une audience auprès de vous, et auprès bien sur de
toute cette faune qui vivote autour de vous pour vous parler de cet un
ancien kif de jeunesse cité plus haut.
Je prends aussi la précaution, au vu de la bella Roba qui loge chez vous, de
faire le moins de fautes possible. Un pari qui me coute tant et tant de
labeur.
Le kif de la Karmouda est un moment délicieux.
Cela se rapporte bien loin dans ma mémoire car voyez vous, Monsieur, ces
faits que je vous rapporte ne font pas partie de la haute bourgeoisie bien
sur, ignare de la Karmouda.
Je ne me souviens pas avoir lu, dans l’histoire de France du moyen âge ou du
jeune âge et encore moins à notre époque dans les archives élyséens et
républicains d’hier et d’aujourd’hui, de cet engouement de jeunesse que nous
avions, nous les modestes adolescents souvent privés d’assises autour d’une
table au déjeuner, pour la Karmouda.
Ce n’est pas un jeu bien sur la Karmouda mais un moment délicieux où je me
délectais de ce que me préparait maman lorsque en culottes courtes, disons
en short, elle nous préparait, pour mes frères et moi, ces morceaux de
crouton de pain, de volume modeste, qu’elle creusait en dedans pour en
soulager la mie. Elle intercalait ensuite dans ce trou quelques ragouts ou
autres boulettes bien molles accompagnées de ‘mac’bouba’ (salade cuite) (à
ne pas confondre avec Mac Intoch ou Mac Namara) pour notre plus grand
plaisir.
A cette époque, nous habitions, mes frères et moi, un espace réduit et
dresser la table était pour elle une charge supplémentaire, alors pour
gagner du temps, elle composait avec beaucoup de soins et gouts, ce mini
casse croute fait maison qu’elle nous servait, enveloppé dans du papier
blanc.
Une fois entre mes mains, j’allais avec ma chose m’asseoir dans mon lieu
préfère, la terrasse, à l’abri des regards, pour mordre avec délicatesse
dans ce crouton engrossé par la matière, mon grand kif.
Je commençais d’abord par grignoter lentement les bords, et à mesure que je
progressais, parce qu’il faut bien évoluer avec les dents, la mac’bouba
dégoulinait, par la pression de mes doigts sur la Karmouda, sur mes
vêtements. Avec mon index et mon pouce, je ramassais ce surplus de salade
que j’avalais goulument.
Ce moment était inoubliable et j’y avais pris gout au point de demander à
maman de me préparer cette ‘terfiche’ (ratatouille) aussi souvent que
l’occasion se présentait.
Elle consentit à le faire en prenant fait et cause pour mon souhait.
J’ai apprécié ainsi les boulettes, les bsal et loubia( ragout de haricots
avec sa viande) le merguez grillé, toujours accompagnés avec ses condiments
enfouis dans la Karmouda.
J’étais heureux de cette pause déjeuner, bien loin de ces tables dressées,
bien ordonnées où les déjeuners me paraissent insipides aujourd’hui.
Comment suis-je arrivé à parler de cette belle fortune qui aujourd’hui
devient si rare, moi qui vis à Angoulême la blême. Du coté de Marignac la
maniaque. Je rigoOOOle.
Et bien, il y a quelques minutes, ma chère épouse à préparer un joli ragout
fait de boulettes de viande baignées dans une sauce exquise. Encore chaude.
Et là, j’ai fait Tilt. Je n’ai pas hésité un seul instant.
J’ai coupé une bonne Karmouda.
Délesté de sa mie, j’ai intercalé entre ses parois bien chaudes, une dizaine
de ronds de viande et là, j’ai fermé les yeux.
Un retour de 55 ans m’a surpris. J’ai senti comme un bain de jouvence
m’envahir.
J’étais heureux de mâchouiller comme dans le bon vieux temps, ce plaisir
oublié.
Il y a parmi nous des anciens tunisiens comme Braham, Camus etc...Je ne
parle pas de ceux et de celles qui n’ont rien de juifs tunisiens, qui ont
surement vécu ces moments forts agréables d’une Karmouda qui ne se refait
plus.
Bon appétit.
NDLR/ Dire de quelqu’un qu’il a le menton qui ressemble à une KARMOUDA MTA
CANOUN signifie que son menton est anguleux.
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