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BOUZAMBO |
Et
toi BOUZAMBO
? Ou
es-tu?
Imaginez
une armoire
a glace d’ebene; a la place des
tiroirs, poignets, gonds et portieres vous aurez des muscles, biceps, triceps,
pectoreaux, dorsaux sculptes sur une
statue humaine et vous obtenez Bouzambo: Hercule noir portant le monde congele en blocs de
glace descendant de son camion – glacier.
Hercule souriant, aux dents d’ivoire blanc, d’une blancheur immaculee, brillantes de toutes leurs feux, comme cette merveille du monde: le phare d’ALEXANDRIE.Cet athlete de jeux olympiques passait dans notre quartier,deux fois par semaine, pour vendre aux menageres ete comme hiver, des blocs de glace a l’epoque pre-frigorifique. Imaginez un athlete noir mi-nu,avec un blos de glace blanc et gros comme une banquise, pesant pres de cinquante kilos,pose sur un sac de jute a meme son epaule ruisselante d’eau et de sueur.Ce bloc de glace soutenu par des bras a faire palir le grand Arnold,autant par leurs beautes plastiques que par leurs dimensions: l’oval parfait des biceps aux nerfs tendus comme la corde invisible de cet arc de l’Herakles de Rodin. Cette apparition d’une epoque revolue ,decendait les marches du camion ,d’un pas sure et desinvolte,comme un danseur portant une frele ballerine sur son epaule aux sons d’une musique connue de lui seul. Parfois il portait un bloc sur chaque epaule chez des familles riches a la nombreuse marmaille et aux glacieres profondes comme des tombeaux. Quand il arrivait chez nous, les Sitbon, il s’asseyait sur les marches de notre “villa”, pour boire un verre d’orgeat frais avec un croquant en ete, ou un bol de cafe avec du “boulou” en hiver, prepares avec attention et respect par maman Zizette, ma mere. Car maman Zizette respectait tous les gens de peines : balayeurs, boulangers ambulants, egoutiers , marchands de quatre saisons et meme diseuses de bonne aventure (“Degazah”) . Elle respectait surtout les balayeurs et les egoutiers qui nettoyaient ou recuraient les alentours de notre habitat, qui etaient apres leurs passages propres et luisants a faire enrager les voisines. Les bonnes ames, ne manquaient pas de faire courir des ragots a faire blemir papa Francois ,mon pere. Maman zizette, avec une bouteille d’eau fraiche et des verres propres a la main etait comme la Madelon – cantiniere parmis cette armee de travailleurs qui guerroyaient contre la salete ou nous approvisinnaient jour apres jours par pluies, mistral et sirocco ( ou “vents et marees “[ “bel franssia”]). Mon prefere etait BOUZAMBO. D’un caractere gai et bon-enfant, il nous faisait pisser de rire quand il imitait nasillarde, avec son accent d’Afrique profonde, ses copains anamites du regiment d’Indochine. Imaginez un buffle d’Afrique imitant un “ canard” asiatique.. Ce buffle a “laboure” avec son fusil ,maintes rizieres dans cette guerre d’Indochine. Pleins de canards et de coqs francais y ont laisse des plumes. Lui, Bouzambo, en est sorti indemme avec la queue un peu roussie par les faits d’armes.. Car notre Bouzambo etait medaille et reforme avec le grade respectable de sergent d’infanterie. Le grade de
sergent dans une unite
combattante correspond au grade
de general dans un
armee de
ronds-de –cuir. Un jour qu’il sirotait son orgeat avec un morceau de “boulou” sur les marches de notre “villa”, il se souvint d’un de ses exploits connu de lui seul. Moi, petit bout- de- choux assis a cote de lui , l’ecoutait les yeux ecarquilles et bouche bee ce qui s’avera etre pour moi un dilemme intellectuel. Il parlait comme a lui meme , beaucoup plus comme une confession qu’un recit heroique de guerre. Sa peau luisait de sueur sous les rayons du soleil d’ete, l’ombre de la vigne assombrissait plus encore certaines parties de son buste nu et les feuilles menues de la vigne vierge dansaient sur sa peau sous l’effet de la brise matinale. Il resssembalit a un extra-terrestre a peau d’ecailles ondoyantes. Les sons qui sortaient de ses levres etaient coupes par le siroitement de sa boisson ou par la mastication, parfois deformes par son accent sabir et agravant la comprehension . Le mot “faces de riz” revenait souvent et ce n’est qu’une dizaine d’annees plus que je compris la vraie signification. C’est comme-ca qu’il nomme les combattants d’HO-CHIN-MINH En fait,”faces de riz”, etait la deformation, ou plutot son interpretation de “faces d’ahuris” que les tirailleurs senegalais avaient adoptes en designant ces combattants et plus generalement ce peuple don’t l’alimentation avait sans doute influence le facies et donnait les stigmates des constipes. Quel beau melange ,cette Indochine, quelle belle mosaique: imaginez un tapis jaune fauve des autochtones avec, dissemines un peu partout de tout petits points blanc des officiers colonisateurs encercles et proteges par une multitude de petits points noirs des tirailleurs d’AFRIQUE : Cela fait pelage de jaguar….. Un de ces petits points noirs etait Bouzambo,loins de son Afrique natale,loin des siens,pour perpetuer et faire respecter son ancetre d’adoption Gaulois. Quel crime de prendre des gens doux comme du miel sauvage et de les rendre des meurtriers forces. Ils tuaient surtout pour sauver leurs peaux,se trouvant entre le marteau de la colonisation et l’enclume de la diginte humaine des liberateurs. Les Perses enchainaient les vaincus et les faisaient combatre de force dans leurs rangs sous peine de mise a mort immediate pour le moindre signe de faiblesse combattante. La colonisation asservissait des peuples et les obligeait a se trucider sous peine de prison ou mort physique et morale. Les sillons impurs de la Marseillaise abreuvant les sillons des champs de bataille de la Marne resonnait ironiquement et differemment aux oreilles d’un colonisateur. Mon Bouzambo escape du massacre etait assis la, pres de moi, respirant la sante et la joie de vivre. Bouzambo vendant de la glace equivaudrait a un esquimau vendant des noix de coco a Helsinki. Lse paradoxes ironiques de la vie n’ont pas cessaient de m’emmerveiller. L’orgeat etant faite de jus concentre d’amande amer melange a une grande quantite d’eau galace”cela donnait une boisson de couleur laiteuse sucree et rafraichissante. Imaginez ce verre balnc comme neige entre des doigts d’ebene. Quel merveilleux contraste,quel sublime mariage…. Le liquide moire donnait des reflets de boule de cristal sous les rayons fuyants du soleil qui peceaint entre les sarments de la vigne vierge. Bouzambo fixait parfois son verre comme un magicien sa boule de crystal. Bouzambo buvait son orgeat. Moi, je buvais ses paroles : Nous y voila, tour de garde, tapis comme une panthere noire ,le fusil entre les mains sous une pluie torrentielle,des eclaircies aveuglantes sous la lune dechirant le voile des nuages,et les myriades d’etoiles comme une pluie celeste ,et les yeux de mon ami les fixants avec nostalgie . Ces memes etoiles, son pere, ses oncles,ses freres les voyaient comme lui. Dieu seul savait sous quels cieux, sous quelle latitude:enroles par force ou par perfidie sous le drapeau tricolore. Puis soudain, un feulement,l a.. Juste en face a une vingtaine de metres de lui sous ce manguier qui l’epouvantait a chaque fois qu’une mangue mure et delicieuse tombait avec un chuintement et un bruit mat sur les hautes herbes qui tapissaient la clairiere. Sans doute une autre mangue qui s’ajouterait au petit dejeuner matinal. Mais non. C’etait bien oval, avec , sous la lune, des couleurs de mangue;mais ca avait des yeux et ca portait un fusil…. La pluie se remit a tomber,un deluge soudain accompagne d’éclairs et de tonnerre. Bouzambo etait dechire entre l’envie de fuir, et celle de sauver sa peau et surtout de ne pas tuer ce Viet-Minh, cet homme en face de lui,son frere d’arme ennemi. Il voulait hurler et lui dire: --- “Vas-t-en,fous le camp,je ne veux pas de ton sang sur mes mains…” Mais la rafale
de vent etoufferait ce cri du
coeur,comme si les elements se mettaient de la partie pour etre complice de ce
qui allait suivre. La forme rampait vers lui,le canon du fusil pointe sur lui. Bouzambo crut qu’il etait repere et s’attendait a recevoir une balle entre les yeux. Il ignorait que la nature l’avait dote d’un mimetisme qui dans la nuit le rendait invisible;seul le blanc de ses yeux le devoila et c’est vers eux que le combattant Viet pointait son fusil. Bouzambo eu un moment de panique qui crispa son doigt sur la gachette. Un éclair sortit du canon de son fusil. Il recut le recul de la crosse de son fusil sur son epaule. Assourdi par le vacarme de la tempete, le coup de feu etouffe comme un pet de mouche dans une eruption volcanique, parti. Puis ,silence. Un soudain silence a vous faire dresser les cheveux sur la tete. Un silence de terreur. Ni pluie ,ni vent,ni eclairs:le silence total a peine pertube par ces mangues qui tombaient toujours avec le meme chuitement et ce bruit mat comme les grains de sablier geant egrenant ces secondes angoissantes. Bouzambo ecarquillait les yeux et vit au meme endroit, se relever lentement au-dessus des herbes haute cette mangue aux yeux d’amande . Il appuya encore une fois sur la gachette,la forme disparut encore une fois. Cette fois –ci la detonation lui assourdit les oreilles . Ses copains de section, dans leurs tentes,une vingtaine de metres derrieres lui, ronflaient sans se soucier de la tempete; confiants en Bouzambo qui avait plusieurs fois fait ses preuves de courage et de responsabilite. Le deuxieme coup de feu parti,il avait peur de crier a l ‘alerte ce qui devoilerai sa position et pourrait declencher une panique qui se changerai en hecatombe. Il attendait ,les yeux fouillants les hautes herbes et les troncs abattus. Il voulait ramper en arriere,mais ne voila-t-il pas que la mangue aux yeux brides apparut au meme endroit. Foutu.. Il etait foutu…. Il a rate a deux reprises sa cible, cette fois –ci c’est lui qui ecopera. Il tira une troisieme fois sous un nouveau deluge de pluie,et le meme “ramadan” recommencat: Rafales de vents , eclairs, tonnerre;de tout pour humilier l’humanite rampante. La pluie fouettait son visage et se melangeat a la sueur ,car il suait a grosses gouttes comme s’il etait dans un “hammam”. Il se mordait les levres jusqu’a saigner et des rubis rouges courronnaient les petales de petites fleurs blanches qui poussaient sous son menton. Ce n’etait pas seulement de la sueur et du sang mais des larmes qui coulaient de ses yeux comme des diamants;car il etait sure,a present d’avoir tue cet homme en face de lui.Cela ne faisait pas de doute ,car le canon de fusil etait pointe vers le ciel comme s’il voulait tirer sur les etoiles qui etaient revenues,innocemment,les nuages partis,ignorant le drame sous elles . Elles brillaient, les saintes- ni-touche. De toute leur beaute, indifferentes et froides. Apres une eternite,Bouzambo rampa vers sa victime et fut horriffie de trouver ,pas un seul corps,mais trois etendus les uns sur et a cote de l’autre. Il pleura toutes les larmes de son corps….. Et les larmes de cristal du decore d’Indochine,se melerent a l’orgeat faite d’amandes amers ,prudemment je me levais et le quittais pour le laisser pudiquement seul avec son deuil . Les heros souffrent mille morts dans leurs ames. Plus tard,lorsque je lus les faceties de Tartarin de Tarascon,elles ne me faisaient pas rire et traitais mentalement son auteur de sombre plagiaire :le temps s’egrenant a rebours comme des mangues qui sauteraient de l’herbe pour rejoindre leurs branche.
Daniel Sitbon
A Bebert
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