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C’EST QUOI ZMERLI PAR VICTOR UZAN
SOUVENIR DES ANNEES 30 ? SAUVEUR SALFATI RACONTE
C’était un puits de science, les tissus n’avaient pas de secret pour lui.
Le ZENANA, la SOIE, le SATIN et même le TUSSOR.
Avec lui dans mon jeune âge, j’ai appris ces noms si mystérieux.
Son métier ! colporteur. Un métier qui n’existe plus. Pas de magasin, pas d’employé, pas de charges.
Il passait dans notre village toutes les deux ou trois semaines. Il frappait à la porte. " qui c’est ? " " EL ZMERLI "Autrement dit, le smirne. D’origine Turque, il portait un Kebous sur la tête ;une sorte de fez réduit de moitié qui semblait visser sur son crâne. Je ne l’ai jamais vu décoiffé. Probablement chauve, la soixantaine et une barbe taillée au ciseau. Il maniait un français châtié à cause des noms des tissus qu’il offrait à la vente en porte à porte. Il parlait également l’arabe dans lequel il mêlait du littéraire turc ou égyptien. Je suppose qu’il connaissait aussi l’anglais, cet homme donnait l’impression d’avoir beaucoup voyagé, ce qui, à l’époque, était encore très rare.
IL portait un costume de couleur noire, légèrement suiffé, juste ce qu’il faut pour ne pas faire sale. Le gilet
était rayé d’une chaîne en or au bout de laquelle un gros régulateur reposait dans l’une des poches basses
du gilet . Il sortait sa montre avec la même ostentation qu’un médecin qui va consulter le pouls d’un malade
Et, ce geste indiquai à la cliente que le marchandage avait assez duré ou que le choix du tissus à acheter se devait d’être définitif.
C’était un de ces juifs dont les aïeux, chassés d’Espagne par Isabelle la Catholique et l’inquisition, s’expatrièrent à constantinople, plusieurs s’installèrent à smyrne. De tout temps, la Turquie a été le pays musulman qui a admis les juifs à part entière, conseillers du sultan ou banquiers, médecins ou boutiquiers.
Aujourd’hui encore Israël est considéré en pays ami.
A l’époque, dans les années trente, les tunisiens étaient obnubilés par les " turqueries " en effet, les turcs
avec Mustapha Kémal à leur tête, représentaient aux yeux de tous les musulmans, les musulmans les plus modernes, vêtus à l’européenne, portant une casquette, ce qui paraissait un défi à la religion, la visière
gênant le front de toucher terre lors de la prière. Leur pays était l’un des rares pays musulmans indépendant.
L’occupation ottomane a laissé beaucoup de traces en Tunisie.
Un pourcentage important de tunisiens est à d’origine turque, ils montrent leur différence en portant
un fez haut de forme au lieu de la chéchia plus courte jugée plus plébéienne .
Mon ZMERLI aimait bien glorifier les maris de ses clientes musulmanes du titre d’ "effendi " allant jusqu’à
" bey " . Son magasin c’était deux valises réunies par une grosse corde passée sur son épaule. L’une de ces valises contenait les échantillons, l’autre, les commandes de tissus à livrer aux clientes.
Il fallait l’entendre vanter la qualité des tissus qu’il exposait, susciter l’envie et la convoitise des dames et ensuite marchander les prix " sur mes yeux, à ce prix, je te le cède à perte "
La veste, légèrement usée et montrée à dessein, était là pour prouver la vérité du serment.
Le café ou le thé était alors servi par la maîtresse de maison.
Il en fait des kilomètres le ZMERLI et à la fin de la journée, il prenait le train pour Tunis où il habitait et où
il passait ses commandes auprès des commerçants du souk, lesquels s’approvisionnaient chez les soyeux
de Lyon et aux fabricants d’Elbeuf.
Le lendemain, c’était une autre ville de banlieue, La Goulette ; La Marsa, Hammam-lif, Maxula Radès ; Amilcar ; Salambo ; Carthage ; et ainsi de suite.
Ah oui, j’oubliais le " NANZOUK " un autre tissus. Un nom Fascinant, non ?
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