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LES
MEMOIRES D’UN GOULETTOIS
PAR ALBERT SIMEONI ( Bebert)
L’ENFANT DE LA GOULETTE.
‘CHEZ AYOUCHE’
-BRIK A L’ŒUF A LA MAIN.
-SPAGUETTIS MAISON.
-GRILLAGE AU FEU DE BOIS.
-COMPLET POISSON.
-CASSE-CROUTE AU THON.
-CASSE CROUTE A LA BOUTARGE.
-OMELETTE AUX FINES HERBES
-OJJA MERGUEZ MAISON.
-BOISSONS ET SODA.
Tel était le menu affiché et écrit à la main avec une craie blanche. Cette
pancarte était suspendue au mur, à hauteur d’homme, sur le coté droit du
rideau, de notre restaurant/gargote.
Il était situé juste en face de l’épicier à deux portes Hamza à proximité du
Casino . Entre la rue du Capitaine Bourdonneau et le Billard Hassen. A une
cinquantaine de mètres de notre maison de la rue Pasteur. Le café Vert se
trouvait à quelques coudées. Pour être plus précis.
La faillite de mon père, en 1956, due à la fuite des entrepreneurs français
mit mon père dans une situation difficile, les créanciers affluèrent puisque
les débiteurs s’envolèrent. Point de recette pour payer les traites et
factures. Un coup dur. Comme on dit dans le jargon populaire. Nous étions sur
la hssira.
En 1958, pour conjurer la mauvais sort et surtout nourrir une famille de sept
personnes, y compris ma grand-mère, ma mère proposa à mon père d’ouvrir avec
ses quelques économies, ramassées dans la poche de mon père quand il était bu,
un restaurant pendant l’époque estivale. C’est à dire quatre mois de Juin à
Septembre. Avec terrasses, tables, chaises et vitrines sur le trottoir.
La ‘Nessba’ ( vitrine) à casse-croûte servait à confectionner les petits pains
tranchée en leur milieu et remplis par les divers condiments connus, salades
et autres. Une modeste vitrine de moindre taille reposée sur des roulettes
presque au bord du trottoir. A quelques cinquante centimètres.
Elle servait à servir de petits ronds ‘Caque’ accompagné d’un morceau de
boutargue de mulet ou de thon séché et salé recouverte par de la cire,
préalablement découpé selon grandeur et au choix du client. Suivant sa bourse
du moment. Aussi. 50 millimes ou 100 millimes, la petite collation.
On jouait aussi sur les prix selon le profil du client, qu’il fusse aisé et le
prix grimpé, pour un ‘Mnèyèk’ on se sauvait. Mon père, connaissant tous ces
amis me les signalait par un code convenu entre nous….Ce qui donnait à peu
près ce dialogue.
‘Bebert…. ! Ehdèk elli jèyi tnèjèm zidou… !’
(………… ! Celui tu peux lui ajouter…’)
Quand apparaissait un ‘moisard’, un avare qui achetait un casse-croute à 50
millimes qu’il partageait avec sa femme, il me disait….
‘Arrab… !’ Et ainsi allait la boutargue…Bref, challinè…
J’avais 13 ans, Sauveur 11 ans, Richard 9 ans et Maxo faisait encore pipi dans
ses langes. Maman était une femme énergique, elle s’occupait de l’hygiène et
des fourneaux. Du moins pour la première saison. Mon père était aux sandwichs
et moi à la boutargue. Nous partagions donc les taches sans oublier mes frères
qui faisaient le service de ‘garçonage’. Notre breikèji Chaloum (‘Z’L)
présidait aux briks à l’œuf à la main, accompagné par un ouvrier. Il était
payé tous les week-end suivant le nombre d’œufs vendus, donc à la pièce. Au
pourcentage. Souvent, je remplaçait mon père qui remplaçait ma mère à la
cuisine et pour cause, elle devait rentrer pour s’occuper de mon jeun frère
resté à la maison. Adèb. Elle revenait une fois le petit alité et endormi aux
bras de ma grand-mère. Parfois, mon oncle venait nous donner,
sous les blasphèmes de mon père bu, un coup de main. Gratuitement. Nous avions
tous une serviette collée à la ceinture de nos shorts. Nos deux serveurs
attitrés encaissé sous mon œil jaloux les pourboires des clients ce qui me
mettait en colère. Car , je travaillais pour la gloire. Je mis fin à cette
injustice en me ‘ promutant’ garçon le jour où mon père embaucha un
maitre-cuisinier Hmida, un homme extraordinaire que nous avons pris en estime.
Nous l’appelions baba Hmida. Un chef, d’une gentillesse et d’un savoir faire
unique. Il était intransigeant dans la confection de ses plats et ne laissait
à personne le soin de pénétrer sa cuisine. Il portait toujours sa toque
blanche de chef , ce qui lui donnait une certaine distinction.
Tout était Cacher .Notre cuisine maison prit grâce à ce chef, sa vitesse de
croisière à un tel point que les clients attendaient plus d’un service pour
s’asseoir. Sous la chaleur de nos nuits d’été. Nous avions nos clients
attitrés, ceux qui nous laissait un généreux pourboire, étaient les mieux
servis quand aux autres, nous leur tournions le dos. Déjà. Il arrivait que
telle ou telle voulait être servi par tel ou tel frère, ce qui soulevait
souvent nos mauvaises humeurs. Au grand damne de mon père qui surveillait
l’obédience.
Nous étions parfois, très fatigués mes frères et moi, ce qui faisait que nous
nous allongions à pour de rôle’ sous la ‘Nessba’, cachés aux yeux des clients
pour roupiller entre les pains et les sacs en jute de farine vide. Couvertures
dérisoires qui servaient à garder les petits pains au chaud.
Nous étions ouvert de 17 heures à une heure du matin. En réalité nous fermions
bien tard, car il fallait faire le service de nuit; rentrer les tables,
vitrines et chaises pour recommencer le lendemain. Dur labeur que la
restauration qui avait son fric mais aussi sa saleté.
Ils nous arrivaient, mes frères et moi, de piquer dans la caisse pour aller
assouvir les ‘hofra’( fentes) des ‘pikfott’ d’à coté.
Trois années consécutives ont réussit à redresser la barre. Avec l’argent
ramassé, mon père put ouvrir une nouvelle échoppe de marbre, sous le nom de ma
mère. Dénommée MARBRERIE L.SIMEONI. ( Société Industrielle de Marbre Et Onyx
Naturel Importé). C’est moi qui ai trouvé cette prédestination. A la rue
Bab-El- Khadra.
Comme quoi dés fois…
J’en ai fais plus tard en 1971, mon métier. Mais là c’est une autre histoire.
‘….Savoir se reconvertir quand les circonstances l’exigent telle est la foi
inébranlable des hommes avec l’aide d’ACHEM. Merci.
ALBERT Simèoni.
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