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       La table  et les pauvres


   

    Comment écrire sur un ton juste , qui ne trahisse en rien ces moments d’enfance où tout a une autre dimension . La traduction en langage adulte d’événements de l’enfance a toujours cette particularité d’avoir un goût de trahison. En effet, il est difficile de  passer d’un système où tout n’est que jeu, peine passagère, amitié perdue puis retrouvée à un autre système, fait de calcul, d’intérêt, de peur d’aimer, de donner, d’être soi. En tant qu’adulte vous pourriez penser que j’ai vécu dans la misère et la pauvreté, ce serait complètement faux. En effet, enfant ,je n’ai jamais ressenti le manque de quoique ce soit, je me vivais pareille aux autres. Lorsque nous allions à la mairie pour la distribution de vêtements d’hiver, c’était pour moi un jour d’achat ordinaire, je ne percevais pas ce qu’il y avait, peut être, d’humiliant à être habillé par la mairie. Quant une camarde de classe me dit qu’il y avait chez elle, une espèce de grosse marmite, dans laquelle on pouvait se laver, appelée baignoire, je la traitais de menteuse. Si une telle chose existait j’en aurai eu une !  Hors chez moi, on se lavait soit dans l’évier de la cuisine soit aux douches municipales. Lorsqu’à neuf ans , j’emménageais  dans un appartement muni de toilette et d’une salle de bain avec baignoire, je sus que ma camarade n’était pas une menteuse , mais comment le lui dire et m’excuser , nous avions quitté Paris . 

 

Nous vivions dans un deux pièces, un tout petit deux pièces,pour six enfants et trois adultes . Les enfants dormaient dans une chambre, à deux ou plus par lit et mes parents dans une chambre à part . Ma grand-mère avait vécu  chez sa fille, ma mère, dans l’opulence à Tunis mais maintenant les choses avaient terriblement changé . Mon père avait perdu toute sa fortune, un de ses employés arabes lui avait volé sa fabrique de chaussures .  Le super appartement avec les femmes de ménage, la vie facile sans problème était loin derrière eux .Mon père travaillait plus que douze heures par jour comme ouvrier . Nous ne le voyons pratiquement jamais , je peux dire qu’il fit son entrée sur la scène de ma vie en tant que père,  que lorsque j’avais aux environs de neuf ans, avant cet âge , je n’ai  presque qu’aucun souvenir de lui. Pour ma grand-mère vivre chez mes parents signifiait  profiter du travail de mon père, Elle se mit donc à soixante ans à travailler comme femme de ménage chez une coiffeuse, et aussi à cuisiner chez les gens.

Ma grand-mère fit aussi la demande pour un appartement et tous les jours , elle priait ses deux amis de l’aider . En effet, elle  avait  deux amis très forts, hors du commun, Rbi Meir et Rbi Chimone, Rien ne leur était impossible, ils pouvaient tout faire, ils suffisait qu’elle le leur demande . Dès qu’elle avait un gros problème , elle les appelait et ils venaient tout de suite  . Tout comme le feuilleton télévisé, de cette l’époque ,« l’homme invisible » , personne ne pouvait les voir, mais à la façon qu’elle avait de leur parler, on savait, nous, qu’ils étaient là . A franchement parlé, on en menait pas large même si on savait qu’il ne nous ferait aucun mal. Leur présence nous mettait mal à l’aise . Ainsi à force d’avoir demandé à ces deux amis, Rbi Meir et Rbi Chimone, de l’aider , ma grand-mère finit par obtenir  un appartement dans la même rue que la notre . Et c’est là le miracle ! En effet, on aurait bien pu lui donner un logement à l’autre bout de Paris mais grâce à Rbi Meir et Rbi Chimone , elle déménagea à cinq minutes de chez nous . Comme entre temps ma mère avait eu un septième enfant, il fut décidé que je dormirai tous les soirs chez ma grand-mère . Pourquoi moi ? Parce que déjà à Tunis, elle avait pris l’habitude de s’occuper de moi , cela ne me posa donc aucun problème de me séparer tous les soirs de ma famille . L’enfance, la tendresse revenaient dans ma vie.  Je l’aimais terriblement, paniquais quand au cours d’une dispute avec ma mère, elle menaçait de partir, à ces moments là , la peur de vivre sans elle me prenait et je m’évanouissais . Les choses ne faisaient que s’empirer ma mère accusant ma grand-mère de vouloir me tuer. Dans la famille mon hyper sensibilité ou , selon les psy, mon chantage affectif était bien connu. J’avais à peine  six ans et savais avec qui je voulais vivre. Je devinais aussi que si je ne voulais pas que l’on nous sépare, il me fallait taire la façon dont nous vivions. Par exemple, chez elle, en guise de petit déjeuner, elle me donnait du pain dur vieux de plusieurs jours qu’elle faisait grillé. Lorsque je refusais de dîner chez ma mère je savais que chez ma grand-mère, j’aurais  droit à du pain et de l’huile. Ma mère ignorait le  dénuement dans lequel vivait ma grand-mère. Elle ne pouvait imaginer que ma grand-mère se gêne pour prendre ce qui lui fallait pour manger .N’avait-elle pas subvenu aux besoins de sa mère de nombreuse années ? Pourquoi cette gêne soudaine ? Si ce n’est pour lui rendre la vie plus difficile !

Chez ma grand-mère, nous mangions à même le sol, une feuille de journal servait de nappe .  Un jour :

-         Dis-moi mémé , on est pauvre ?

-         Pauvre ? Nous pauvre ? Pourquoi tu dis ça ?

-         Parce qu’on mange par terre . Chez maman, on mange sur une table . pourquoi on n’a pas de table ?

-         Si on n’a pas de table c’est parce que Dieu ne nous l’a pas donné

-         Et pourquoi Dieu ne nous donne pas

-         Parce que d’abord Dieu  Il s’occupe des pauvres

La réponse me suffit . On n’était pas pauvre ! Il nous manquait rien mais absolument rien ! Et mes feuilles de cahier qui gondolaient, c’était pas parce que l’on n’avait pas de chauffage mais parce qu’il y avait trop d’humidité . Et comme le disait ma grand-mère l’important c’était d’être ensemble toutes les deux . Combien de temps passa, j’ai oublié. Puis un jour en  rentrant chez nous, elle avait un  drôle de sourire en ouvrant la porte : une table et deux chaises !

-         mémé  , il n’y a plus de pauvres ?

-         Il y a encore beaucoup de pauvres, mais Dieu, Il a vu que tu ne pouvais plus attendre, alors Il nous a envoyé la table.

Ça c’est pas vrai, j’aurai pu attendre encore longtemps.  Ce qui était important pour moi c’était de savoir que nous n’étions pas pauvres. Nous n’avions pas d’eau chaude, ni de toilette. Ma grand-mère faisait cuire son manger sur un réchaud à pétrole.  En hiver, elle me mettait du journal dans mes chaussures parce que c’est comme ça qu’on fait avec le froid. La mairie nous donnait des habits neufs en hiver. En cas de problème on pouvait compter sur les deux copains de mémé, Rbi Meir et Rbi Chimone. Non franchement, je n’ai manqué de rien . Elle était là avec moi, pour moi seule, aimante, patiente et répondant à toutes mes questions.

Ydit Meir

 

 

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