LES MEMOIRES D’ UN GOULETTOIS

L’ENFANT DE LA GOULETTE

PAR ALBERT SIMEONI (BEBERT)

                                                                                                                                                18/6/89   30/09/2001

  ‘…LE BALLON DE SITBON..’

Avoir un ballon peau et vessie n’était pas chose aisée. On jouait au foot avec tout ce qui nous tombait entre les pieds….une boite de sauce tomate vide….une capsule de boisson gazeuse du genre ‘Verygood’ ou Coca Cola ….une balle de tennis…et même dès fois une balle de ping- pong . Les ballons gonflés à ‘l’hélium’ par nos poumons nous dépannaient pour un moment mais bon, leur durée de vie était si courte qu’ils ne faisaient pas souvent l’affaire.

Et puis un jour, mon père m’offrit un ballon peau …et ballon c’est à dire que le ballon cité en dernier était recouvert d’une fine enveloppe en plastic qui laissait apparaître le cordon ombilical. Mais là aussi, il succombait sous nos coups de boutoir.

Il était rare que nous jouions avec un ballon vraiment foot et surtout tout neuf. Nos ronds de cuir étaient si  vétustes et si âgés qu’il arrivait qu’une couture ‘saigne’ et laisse apparaître sous nos regards incrédules une ‘petite bosse de  vessie’ que nous nous acharnions à introduire ‘intra- peau’. Une réparation de fortune qui faisait ‘ziz-zaguer’ notre cuir arrivé à expiration. Sans se lasser, nous essayons toujours de le réparer, ce qui lui donnait un aspect ovale, proche d’un ballon de rugby. Et avec tout ça, nous étions  contents de taper dessus.

Un jour, un ami qui partageait nos joutes ‘footballistiques’ débarqua sur le terrain noir avec sous les bras …O Mon D.ieu… ! un vrai ballon de foot ‘Made Fontaine’ cuir et peau. Nous étions fascinés par ce nouveau venu au couleur noir et blanc. Un vrai ballon de compétition. Dany, qui n’était pas un grand joueur et qui faisait plus partie de la galerie et des remplaçants gagna ce jour là sa  place de joueur rentrant. Un problème apparut cependant. Il voulait jouer à tous les matchs. Une sorte de chantage. Sinon pas de ballon.

Nous lui faisions remarquer qu’il fallait de temps à autre laisser la place en mi- temps à un autre joueur mais rien ni fait il s’imposait par la force de son ballon. Nous avons fais bon cœur contre mauvaise fortune. Mais là aussi, il nous imposait un temps de jeu parce que nous disait t’il ses parents lui interdisaient de rentrer tard alors qu’il habitait à trois mètres du terrain noir. Ce qui donnait souvent des arrêts de partie enfiévrées quand sa mère se postait sur le seuil de leur maison/villa…

’Dany…. rentre…il se fait tard ‘.

Nous stoppions donc la partie à des moments cruciaux, nous laissant sans résultats’ in yaddin raddou….’

Nous avons donc pris goût à son ballon et nous squattions sa villa en lui lançant nos appels dèsésperés par le fer forgé ….

-’Dany…tu nous prêtes le ballon.. ? ‘

-‘Non…je ne peux pas…je dois terminer mes devoirs …’.

 Il faisait ses devoirs avec le ballon posé sur le bureau, comme un trophée.

 ‘Dany…brass bouk….juste un quart d’heure ..le temps que tu finisses…’

A ce moment son père sortait et nous invectivait.

‘Alors ….vous n’avez pas fini d’harceler mon fils….laissez le travailler… ?’

‘Charlie….c’est quoi ce qu’il vient de dire….. ?

-‘Harceler… ! c’ est à dire le déranger à tout bout de champ….’

-‘Ah… ! on le harcèle ‘ èl rkhlika mchoumèh…’ ( sale gueule)

Dany était un peu gros et affublé de lunettes…

On repartait à l’attaque….

En chuchotant..

-‘Dany….brass ommok…passes-nous le ballon ...juste dix minutes le temps de terminer la partie d’hier…. ?’

Sa mère sortait en combinaison sur le pas de la porte. Dès qu’on entendait le cliquetis du verrou, on se cachait derrière le grillage…

-‘Alors vous n’avez pas fini….Charlino… ? je vais voir ta mère…Matila… ! va étudier…ce n’est pas mieux…’.

Elle grondait personne puisqu’on s’était sauvé.

Quelques minutes plus tard… on revenait à la charge…tout doucement en lorgnant par la fenêtre..

‘Dany….quand est- ce que tu finis tes devoirs…. ?’

Lui, se retournant pour voir si ses parents n’étaient pas derrière..

‘ Dans un quart d’heure….. !

-‘Ah….les gars, Dany, fini dans un quart d’heure…’

-Mais dans un quart d’heure..il va faire nuit…’

-C’est pas grave les amis…on jouera  en nocturne…avec des bougies…’

Un quart d’heure plus tard..

-‘Dany.. Dany….. !’

 En chuchotant et en faisant  de grands signes de la main pour qu’il nous regarde par la fenêtre…

A ce moment là, son père caché derrière la porte sortit comme une trombe..

Pris au dépourvu, la douzaine d ’enfants que nous étions, apeurés par cette soudaine apparition, priment nos jambes à nos cous avec le père Sitbon, en pyjama à nos trousses.

Je relatais cette situation pour le moins frustrante à mon père qui m’écoutait avec une grande attention. Deux jours plus tard, c’était la fête des garçons. Mon père  honorait souvent cette tradition en nous apportant  des friandises et la ‘Sinia’ ( pièce montée).

Mais voilà qu’à notre grande surprise, il tenait sous son bras, une forme rondelette recouverte de papier cadeau sur lequel on pouvait lire ‘DOUIEB’ (magasin d’articles de sports, 2 rue St Jean). Mû par une sorte d’instinct, je me jetais dans ses bras, comprenant que cette forme ne pouvait être qu’un ballon. S’en fût un. En peau et vessie..comme celui de Dany. ‘L’ère Sitbonnienne ‘avait sonné le glas.

Mes amis et moi-même furent rassasiés de foot. A n’en plus finir. Quant au ballon de Dany le Rouge ..pardon…Sitbon….il est resté aussi neuf qu’à son premier jour de  naissance. 

Sitbon, si tu me lis …saches que tu nous as frustré…aujourd’hui encore.

ALBERT SIMEONI EST SUR LE THEATRE DE BRETOU TOUS LES SOIRS.

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