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Albert Simèoni ( Bébert)
L' Enfant de la Goulette
Le 14/7/2003
Sketch…
Le Marioul….Jaune Canari….. ( Prononcez Marioul et non Mariol )
Vous vous souvenez de mon ami Robert, le grand danseur de tango et rumba, un
pas devant un pas derrière…une main devant une main derrière: Et bien, sans
fausse modestie, il était aussi un grand champion de cyclisme à la Goulette, à
part la danse, le billard et la natation, ne soyez pas impatient, je vous
ferai passer en temps voulu et suivant mon temps impartit tous ces records
nationaux et internationaux.
Il était omnisports. Et omniprésent. Sa maman ( Z'L) avait déjà remarqué
depuis son jeune âge une certaine prédisposition pour les pédales. Son père (
Z'L) lui avait offert à cette époque un petit vélo à quatre roues dont deux
pour sa sécurité, afin qu'il ne tombât à terre.
A cinq ans, il concourrait déjà au Bélvèdére avec ses amis dans le stand des
manèges à chevaux de fer. Et il les battait tous. Au poteau. Une force de la
nature.
Pour son 15iéme anniversaire, son même papa lui offrit une bicyclette dite
bécane, parce qu'il ne pouvait pas lever les jambes au risque déchirer son
pantalon, là où ses couilles sont encastrées. Il démontrât là aussi une telle
habilité à manœuvrer qu'il fut remarqué par le grand entraîneur de Tunisie
Tawfik de Los Angeles. A cette époque Tawfik habitait la Goulette. Il était
Boudeur et non Bouddhiste. Il le prit en main et sa progression fut
extraordinaire. Il fit plus de cent fois le périmètre du Square, sans
s'arrêter, sous le regard, inquisiteur de sa maman Marie.
Devant tant de fougue et d'amour pour la petite reine, Le Tawfik, en accord
avec le F.T.C, le proposa pour courir le tour de France.
Bref, en 1953, il embarqua sur ' le Paque Beau ', un jour de Pâques, le
Kairouan, avec son vélo sur les épaules, un Gino Bartali, dernier cri.
Il se présenta donc au Tour de France. Avec sa maman à ses côtés, pour les
cotes à franchir. Dans la voiture accompagnatrice.
Son père était sur une moto avec caméra. Pour sa postérité…….pardon sa
posture.
Au début, sa maman Marie, une brave femme au demeurant, était réticente. Elle
craignit que son fils ne tombât dans un fossé ou un trou de balle , dans les
cols. Quoique sortit d'un col, je ne vois pas en quoi cela pouvait lui être
fatal, vraiment.
Il portait le numéro 69, avec comme inscription 'Vive la
Goulette' et fût sponsorisé par la maison Hahtouch, les produits lave-
vaisselle, très connue à l'époque.
Notre héros national, déjà auréolé de gloire dans son pays, prit donc le
départ de la course qui se donnait au col du Mont Cenis. Ce qui fit dire à sa
maman….
-'Yè ouldi…! Hat kach col bard ââlil…..!' ( Mon fils…! Met un cache- col…….Il
fait froid pour toi…!')
Le petit, écoutant les conseils de sa maman, noua un cache-col en laine autour
de son cou.
Il y avait plus de 120 coureurs dans cette course contre la montre. Notre ami,
sous l'œil vigilant de la caméra de son père, s'élança comme un forcené sous
le regard attendrit de sa maman. Il pédalait depuis dix minutes quand il
s'aperçut qu'un petit vent l'empêchait d'avancer. Son entraîneur pourvu de
bras, mit une de ses mains sous la selle pour l'aider à avancer plus vite. Il
trouva l'idée ingénieuse d'autant plus que cela lui économisait l'effort de
pédaler de plus belle, il se laissa aller. Le soufle changea de direction. Il
l'avait dans le dos quand il aborda le mont Ventoux. '
Une aubaine ' se dit il Eole est avec moi. Et là, il posa ses mollets
sur le guidon, laissant le D ieu vent le pousser, à sa guise.
Sa maman, pleine d'attention pour lui, sortit de son couffin, un morceau de
galette et un verre de citronnade. Qu'il croqua , but avidement et fonça ! Il
demanda une autre collation mais là son coach lui fit signe de ne pas trop
abuser du citron car 'Ca donne la diarrhée' et
pas conseillé quand on fait ce genre de compétition.
Il reprit donc le guidon, tête baissée . Une heure que notre Rob….. cogitait
sur son Gino. La sueur perlait sur son visage, sa maman, pleine de 'Keb'dè (
fibre) ' Meni ayiche ââlla ouldi..!' lui
épongeait le cou et le front. Il en éprouvait une telle satisfaction de se
voir chouchouté de la sorte que son papa s' énerva et lui lança à la volée…'
Mais enfin quoi, c'est une course contre la montre ou une partie de
plaisir..!' Sa maman offusquée par la réponse du mari, cessa de lui
éponger le front, tout en prenant l'initiative de lui essuyer le cou
seulement.
Une heure plus tard, il était aux abords de la ville de Monterland. Il vit au
loin son clocher mythique, célèbre pour son coq gallo-romain. A cinq minutes
de l'arrivée, il se trompa de ruelle et prit un chemin de campagne.
Le Tawfik, un peu déboussolé, ne remarqua pas l'erreur de son protégé. Sa
maman toujours au petits soins, était occupée à lui préparer la soupe pour la
nuit qui s'annonçait longue. Son père laissa sa caméra tourner pour la bonne
raison qu'il tombait de sommeil. Ce ne fut qu'au petit matin et à mille lieux
de son arrivée que notre espoir national aborda la ligne d'arrivée des Champs
de Mars parce que là aussi il prit le mauvais Boulevard.
Il fut accueillit par son oncle et sa cousine Fritnè Halimi qui lui lancèrent
quelques fleurs, des 'néni- phares' en guise de bravo.
Cette course contre la montre et contre personne fut un évènement qui ne passa
pas inaperçu et attira l'attention du Canard Enchaîne qui fit paraître à sa
une, sous le titre rocambolesque _rouge{' Un goulettois …Rob a vechia..! A la
recherche de son Bab-Sââdoun….!' à Paris..!' } Je trouve que c'est méchant
quand même.
Mais, à la Goulette, on l'honora convenablement en lui offrant sous le règne
du Maire Chaix, une horloge parlante avec un coucou sortant toutes les cinq
minutes. De quoi ne plus dormir.
RS au billard. Prochainement.
Témoignage digne de foie…pas de rate…
Avant de concourir au tour de France, pour les besoins
d’un film, il faut souligner que notre valeureux Robert avait essayé le tour
de Corse.
Non pas la Corse chère à Napoléon ou à Sarkozy, mais la Corse goulettoise.
Cette course, dotée de deux bouteilles de cidre Camillieri, était organisée
par les Maltais, spécialistes en charcuterie et quincaillerie.
Cette compétition prenait le départ devant le café Gaston, l’Algérois, faisait
le tour par le cinéma théâtre, passait devant la municipalité, entrait dans la
petite Sicile, et revenait par la rue Saint-Cyprien.
Maman Marie préparait son fils depuis plus d’une semaine, lui prodiguant des
conseils en judéo-arabe.
Pourquoi tous ces conseils, alors que l’on savait notre ami capable de gagner
cette course ?
Notre ami détestait les oignons et les tomates.
Or, la course avait lieu à la période où les habitants de la petite Sicile,
faisaient sécher les tomates sur les balcons et les terrasses, sur leurs
cordes à linge , pour les conserves d’hiver.
A côté des tomates coupées en deux, posées sur des lattes de bois, étaient
regroupés les oignons de la récolte.
En arabe on dénommait ces oignons « Psal rebbaï »
Pour la petite histoire, notre ami n’a jamais voulu adresser la parole à un
gentil garçon, d’une famille très honorable, devinez pourquoi ? Parce qu’il
s’appelait Rebbaï.
Donc, pendant la semaine qui précédait la fameuse course, Marie nourrissait
son rejeton de tomates et d’oignons.
Le soir au coucher, en guise d’oreiller, c’était sur un lit d’oignons que
notre cycliste national posait sa tête.
A ses côtés, tel un traversin, des grappes de tomates bien mûres.
Le matin au réveil, on procédait à l’entraînement, devant la porte de la
maison, sous les yeux des gamins du quartier.
Robert, fier comme Fausto Coppi, expirait par le nez et inspirait par la
bouche, alors que c’est le contraire qu’il fallait faire.
On entendait Marie crier « Men khashmek ! » « De ton nez », et le père qui
rajoutait « men fomok » « De ta bouche »
Cela nous rappelait le sergent qui enseignait les troufions à la marche au
pas, il leur avait attaché des feuilles de vignes au pied droit, et des
feuilles de figues au pied gauche.
Pendant des heures on entendait ce valeureux sergent répéter :
« Ânebe ! Karmous ! » « Vigne ! Figue ! »
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