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L'ESPACE NOIR |
L’ENFANT
DE LA GOULETTE
PAR
ALBERT SIMEONI (BEBERT)
‘…L’ESPACE
NOIR…’
Le Terrain du charbonnier ou dit du ‘Fahèm)
surnommé terrain noir.
1° MENUISERIE DE YACOUB . 2° FAMILLE SMILA. 3° FAMILLE MAHMOUD ET SES PIGEONS. 4° LE CHARBONNIER HAMADI, RECONVERTI EN BOISSON GAZEUSE ET AUTRES ALCOOLISÉS ‘STELLA ET CELTIA’. L’ATOME AYANT REMPLACE SON COMBUSTIBLE. 5° LA VILLA ZEITOUN 6° MA MAISON. 7° NOS MONTAGNES 8° NOS JUNGLES. CHASSE AUX SERPENTS -‘Nèlyab ….oulléh y’ a pas de
jeu…. ? (‘Je joue…ou bien…..’) -‘Iyaiche Lalou (Elie) …..laisse
nous encore un peu … !..jouer entre nous….. !’ -‘Lou….. ! ‘ (Non…’) Agglutinés
autour de Lalou , nous le supplions
amicalement, aimablement, fraternellement
de nous laisser terminer cette partie de foot. Nous subissons son chantage
sans réaction. Il était
plus grand et plus fort que nous. Telle
était hélas, la loi de notre jungle sur le terrain noir dit du
charbonnier ou encore du ‘fahèm’ ( charbonnier). Tous
nos jeux de gosse se déroulaient sur cette surface, d’une superficie de 400
m2 environ de
couleur noire, dur, parsemé de tessons de bouteilles. Coincé entre la rue du
Capitaine Bourdonnau au Sud, la rue Rabbi Rahmine Chmila à l’Est, la rue
Hamouda Pacha à l’Ouest et la rue Pasteur à l’ Ouest et cerné
par un pâtée de maisons et d’une menuiserie, il
représentait le centre le
centre de nos loisirs, de nos disputes, altercations, et de nos jeux. Nos mères
nous ont accouché , pas très loin de sa compagnie,
à quelques ‘encablures’. Tout goulettois bien né a foulé au
moins une fois dans sa vie ‘cette aire bénie par nos pieds’. Nous lui
devons la formation de nos mollets musclés et toutes les expressions
‘mal élevé..ses’ (déplacées)
pondues par nos bouches de petits voyous. L’utilisation de
la bonne langue française n’étant pas admise dans ce haut lieu académique.
‘Tfi
allà bouk ou alla jèd bouk él tahan ou ômmôk èl kahbèh élli jabetèk fèl
skak fèl lil. ( il a craché sur son père
ainsi que sur son grand-père sans épargner son arrière -grand -père
l’ entremetteur et sa mère la pute qui l’a accouchée dans la rue
, la nuit ). ( pas le jour ). Je
m’excuse auprès des lecteurs mais c’était ça et pas autre chose quand
le gars , hors de lui, se sentait floué. Et
encore je suis gentil de tronquer cette
tragédie Racin…ienne. C’était d’une recherche si poétique que même
Chateaubriand en rougirait. Deux
générations de jeunes goulettois y ont fait leurs premières armes. Les jeux
de billes des images…..du tiro ( tire- haut) ….des arcs….des billes et
du bis voleur….du ‘yeutage’(matage)….des jeux de ballon quelqu'ils
soient…..de l’embrouille …du petit négoce….n’avaient plus de
secret. ‘ ‘Ascoulà ta èl darb oul gbaha’( une école du coup de poing
et l’inconduite) en plein
quartier dont furent issues
ces lumières si intelligentes, si respectables que notre vocabulaire
s’en est trouvé enrichi par des expressions, qui ont fait nos beaux
jours……telles que ’les ‘yatik yasba’( va te prendre une saucisse)
‘ya nayèk’( enculè) ‘ ya tafar ( vicieux) ‘ ‘je vais
niqu…ta mère ou ta sœur’ et parfois les deux ensemble…
étaient monnaie courante. Molière
et son Scapin dans
le Malade imaginaire…. ? on
avait nos Scapin et tous nos malades… Montesquieu et l’Esprit des lois… ?
on avait édicté nos lois bien avant lui…. ! Voltaire et son
Zadig… ? les nôtres étaient
déjà nés bien avant ce
dernier. Tous ces bons maîtres
de la littérature française n’avaient pas droit de cité dans cette
Sorbonne de mal appris. Les biens éduqués étaient pratiquement rares sur le
terrain noir. Je dirai que cette espèce dorée n’évoluait pas dans notre
giron. … ‘No c’è zarbout interra.. ? ’…un
cri de guerre lancé dans notre créole légèrement matinè d’italien ( Il n’y a pas de toupie à terre). Un axiome qu’on lançait
envers celui, que le sort a désigné et
qui tardait à poser sa toupie au centre d’un
cercle établi à l’avance. Une fois, nos toupies enlacées et lancées
, nous
devions viser et ‘fouetter’, du premier coup, la victime ‘défunte sur terre’ avec l’énergie du désespoir
tout en essayant de la briser, ce qui arrivait rarement, sous le regard
meurtri de son proprio. Le
but de l’opération consistait, une fois que ‘ notre
zarbout’( toupie) tournoyait au sol , à le relever avec
habileté sur la paume , et de frapper ‘ la morte’ avec violence,
la faisant ainsi avancer par à coups jusqu’à l’introduire dans un autre
cercle tracé plus loin. Là, Le
vainqueur s’en appropriait ou s’acharnait sur elle, en lui faisant subir
dix, vingt ou trente coups de dents ( pointes). Ainsi malmenée et piquée
jusqu’au cœur, la toupie ébréchée et mal en point, blessée à mort, était
remise à son proprio dans un tèl état que ce dernier, amère et fâché,
se consolait on nous menaçant d’un…. ‘Je vais aller dire ça à
ma mère’. Les vols et les tartufferies étaient nombreuses. Le
bis ( trou de golf)- voleur, cette invention goulettoise
consistait à creuser un autre trou à proximité du vrai ….une fois
la bille rentrée à l’intérieur de celui ci , elle suivait une petit boyau
creusé auparavant en pente et invisible.
On détournait l’attention du
naïf tandis que l’un d’entre
nous s’appropriait en douce ‘la gazeuse’( belle bille) en la déterrant
du trou factice. Le
tiro ( tire- haut) un jeu d’adresse composé d’un manche à balai
(environ 40 cm) et d’un quinet (15 cm, petit bout de bois taillé
dans la même matière, en pointe aux extrémités). Il suffisait de pincer au
sol le quinet sur son bout pointu avec le manche pour le voir s’élever en
l’air. Arrivé à hauteur de poitrine , ‘le frappeur ’ frappait sèchement,
violemment et avec dextérité ce bout de manchon qui allait souvent se
balader sur les terrasses et les cours intérieures ou atterrissait tout
simplement sur la tête ou dans l’œil d’un compagnon de jeu. Très
dangereux. L’opération
réussit, le frappeur devait
laisser sa place au tireur. Ce
jeu , à 5 , s’organisait avec , un frappeur et
4 ramasseurs /lanceurs) . Une fois le quinet envolé, l’un
de nous, devait s’en saisir au vol ou sur le sol c. a. d. là où il
a chuté, le ramasser, pointer, viser, lancer et essayer de
le faire passer, de là où il est ( immobile),
habilement sous le manche (du frappeur) posé
entre deux pierres équidistantes
soit quarante cm. Les
noyaux… ? premier prend
tous. Des quarts de noyaux secs posés sur le trottoir, face à un mur. Alignés
à la queu-leu-leu par 10 ou 15 tas, le tireur, tiré au sort,
devait viser le premier de la liste ou celui qui est derrière
pour ramasser les suivants. S’il réussissait du premier coup, les
autres compagnons placés au premier plan se jetaient sur les noyaux éparpillés
pour s’en accaparer. Par jalousie et mauvaise foi. Colère et insulte à
n’en plus finir de la part du vainqueur qui ne trouvait même pas les siens. ‘Bapser’ … (passer une datte au derrière)
…à celui qui était mal
accroupi…. ? Cette grave
offense se transformait en pugilat, sous les regards attendris des copains. Les parties de foot à 7 ou à 8 étaient les plus amusantes et les plus viriles. Les coups durs étaient très fréquents. Mauvaise foi, injures, bras d’honneur et autres petits gestes voyous et obscènes faisaient partie de notre charte sportive. Les arrêts de jeu étaient si nombreux qu’il fallait user de beaucoup d’embrassades pour faire revenir les esprits à de meilleurs sentiments. Nous
avions plusieurs jeux, comme le
‘ballon –prisonnier’, ‘cache-cache,’ ‘pris’…etc…. Je
fréquentais deux bandes. Celle du terrain noir et celle de la rue
‘Pasteur’. Suivant les saisons. J’ai
su garder mes amitiés avec l’une comme l’autre. Tour à tour bien èlevé
avec la bande à Pasteur’, voyou avec celle du terrain noir. Les deux bandes
avaient besoin de moi. Pour
‘Pasteur’, c’était les images, les noyaux, les toupies tandis que le
foot, le volley, le cerceau, le chariot,
etc….faisaient partie de la bande à Charlino. La chasse aux serpents
(vipères, couleurs, orvets et menus reptiles, coccinelles comprises) était
le thème principal de mon chef Charlino, bien inspiré dans la matière.. Les
orties, les buissons et autres plantes urticantes se sont rassasiés de nos
mollets d’enfants, et nous ont procuré de grandes joies. Après
la jungle et la chasse, direction nos
‘hautes montagnes’ du canal. Ces randonnés figuraient au programme/loisir. Le point culminant ne dépassait guère les
trois mètres. C’était notre Himalaya, notre Mont Blanc couleur gris/noire.
En réalité, cette chaîne montagneuse était constituée d’un
amoncellement de sable nauséabond qui provenait du dragage du canal. La
grande excavatrice déposait sur les berges cimentées, des monticules qui, à
la longue formaient de petites montagnes magnifiques et
puantes. Une fois le sable séché, la vase, nous nous amusions à
grimper aux sommets pour dévaler, en roulade, les pentes ‘envasées’.
Souvent en rentrant à la maison, je faisais partager aux narines de ma mère,
un parfum sans nul pareil au monde, l’odeur des égouts qui se dégageait de
ma personne après chaque escalade. On a l’alpinisme que l’on mérite. Le
printemps annonçait généralement le début d’une autre escalade.
L’Ascension dangereuse des mûriers. Un
mûrier, vert, jeune et costaud, ayant l’âge de ses 17 ans,
trônait à la rue de Marseille. Il nous arrivait souvent de nous
retrouver allongés , à plusieurs, sur ces branches généreuses que nous
enlacions avec frénésie afin de ne pas choir sur le trottoir. Nous
saisissions des
‘Toutes’ ( mûres) encore vertes. Le goût du risque nous était familier,
nous effrayait et nullement. Il fallait faire preuve, à chaque
instant, de son courage. Cascadeur oui… !..couard.. .non.. !. Avec
la bande ‘Pasteur’, nos jeux étaient moins violents, davantage civilisés.
Notre chef Pierrot Boccara, mon voisin de palier n’était pas
à courts d’idées. Son ‘règne’ était marqué par
l’autoritarisme et il lui arrivait souvent d’être, à la fois, chef des
gendarmes et des voleurs. Une situation très énervante et paradoxale. Ce
non-respect de la séparation des pouvoirs m’amena un jour à lui cogner la
tête contre un mur. Il me ‘facha’ ( index et pouce levés ) durant deux semaines. J’ai du charger dix émissaires pour
lui demander la paix. Une
ignoble punition injuste. En
face du terrain noir, habitait une famille dont la fille , aux matins fériés, sortait en combinaison
‘largement généreuse’ pour étendre son linge. Les petits vicieux
que nous fûmes, interrompions la partie pour se jeter à terre, comme des
sioux, pour la ‘manger des yeux’, priant le ciel qu’un providentiel coup
de vent vienne soulever momentanément son ‘jupon ‘ transparent quand elle
se courbait pour essorer son linge. Toutes les fois qu’elle prenait cette
posture, ‘les imposteurs’ que nous fûmes suivions la cadence.. (Jmayà
taffaras= une bande de mateurs
Anecdotes pas trop
reluisante. Situé
sur la rue Hamouda Pacha, cette fenêtre sur rue, aux volets souvent clos, laissait apparaître par une de cette petite traverse
manquante, un spectacle que l’on disait insolite. Cette lucarne a fait couler beaucoup de salive et de jus …de coco. On
chuchotait que la demoiselle pratiquait ‘un streap-tease’ à la nuit
tombante. Une information comme celle là était payée à prix d’or.
J’entrepris donc avec la complicité d’un ami, de faire un soir ‘ La
voye’ ( mater). Déjà, rien qu’à y penser, nous étions surexcités.
Nous nous postâmes à distance raisonnable attendant le moment propice. Deux
jours auparavant, nous primes, par précaution, la décision de briser la
lampe du lampadaire et cela afin de ne pas être surpris dans notre entreprise
, par un quidam, un voisin. Pénombre
naturelle. Nous nous dirigeâmes vers cette petite lumière du paradis, avec
beaucoup de crainte pour assouvir notre vice d’enfant. La fenêtre, située
à 1,80 du sol, était un peu haute pour nos petites tailles. Nous fîmes le
‘she for me’ ( elle pour moi). Le sort me désigna comme le premier
voyeur. Mon
ami me fit la courte échelle. M’agrippant, hésitant et craintif,
tant soit peu sur le rebord de la fameuse ouverture de mes désirs,
j’arrivais à hauteur de la lucarne. La demoiselle feuilletait, habillée et
gentiment assise, un roman ‘Nous Deux’. Lui….
‘ Alors…. ? qu’est ce que tu vois … ?’ Moi…...’C’est
fantastique… !’ Lui……’Quoi…. ?’ Moi……’Elle
se déshabille…. !’ Lui…….’
Raconte moi iyaiche Bèbért’.. !’(
je t’en prie) Moi……’
Elle a enlevé son pull et sa jupe… !’ Lui…….’Bon
…descends c’est mon tour… !’ Moi……’
Non …attends encore un peu… !’ Lui…….’Et
maintenant …zèdéh…. ?’ ( en plus) Je
pose un de mes pieds sur sa tête.
Moi……’ Elle enlève son soutien…. !’ Lui…….’
Bon….c’est mon tour….. !’ Moi……’Encore
un peu je t’en supplie !.je vais te donner 100
millimes ( 1 francs).....ne me le lâches pas… ! Lui…….’
Et maintenant…. !’ Moi……’
Si tu vois les nichons … ! elle enlève le slip… !’ Lui…….’
Merde… !.je n’en peux plus….c’est mon tour…. !’ Moi……’
Elle est complètement nue….allongée…’ Lui…….’
Descends… !’ Il
me lâche. Je lui fais la courte échelle. Lui…….’
Mais… ? elle est habillée…. ?’ Moi……’
Ah bon… ? ..elle a
du se rhabiller ….quand elle t’ a vu….’ ! Lui…….’Espèce
de con… !’ Pour
le petite histoire on retiendra. -
Un joueur fut accroché par son œil aux barbelés, en allant chercher le
ballon tombé dans le jardin des Zeitoun. On gratifia
le héros, pour son haut
fait glorieux, par un surnom bien mérité
de ‘Chittà’ (singe) -
Mon compagnon de classe, S……, lâcha sa diarrhée en plein cours élémentaire
de français. Il resta scotché sur son
banc refusant de sortir pour la recrée. Je ne vous dis pas l’odeur .
3 semaines d’encens merdique. -
Si Mahmoud avait un élevage de poules, de coqs et de pigeons. Un petit
potager jouxtait le terrain que l’on piétinait agréablement toutes les
fois que le ballon s’en allait sentir les betteraves et autres tomates. -Yacoub
avait un pouce si gros qu’il pouvait sans servir pour clouer ses planches. -Mr
Zeitoun nous houspillait et confisquait le ballon chaque fois qu’il allait
dans son jardin. Son garage à ciel
ouvert, nous servait de lieu de
rassemblement pour jeunes désœuvrés et
d’astiquage pour chien. |
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