Ma vieille syna, loin d’être un grand monument sur une grande place célèbre était située dans une rue passante. Une rue qui termine sa course sur deux grandes avenues, en traversant la rue CHEDLI KAZNADAR, et la rue CHEIKH IBN TÂÂLBI, anciennement rue HAMOUDA PACHA, pour se déverser d’un coté sur l’avenue  Bourguiba et l’avenue FRANKLIN Roosevelt. Deux noms de présidents prestigieux.

Rien n’indique sa présence, aucun panneau pour la situer, seuls les habitués, les goulettois et les tunisois connaissaient son emplacement quant aux touristes de passage, ils pouvaient toujours passer et repasser devant elle sans la remarquer.

Aucune architecture imposante, rien qui ne la distingue des autres maisons. Aucuns signes ostentatoires, elle était comme recluse et elle ne retrouvait vie que le vendredi soir, le samedi ou les jours de yom tov. Sinon pas de visites guidées. Elle était là et c’est tout comme une vieille grand-mère assise sur son banc, désœuvrée surtout, ne sachant que faire de son temps.

De temps en  temps, ses portes s’ouvraient pour laisser ses murs respirer l’air frais et laisser échapper un peu de son moisi.

Sa toilette intra muro n’intervenait qu’une fois tous les je ne sais combien d’années. Elle ne pouvait pas se payer de liftings annuels pour cause d’absence de moyens. Sans moyens, elle  garde sa nostalgie, sa vieille peau.

Aucun tableau de rabbins célèbres, rien aucun rappel ni souvenirs de ces rabbins qui ont fait notre éducation religieuse.

Puis un jour, le plafond est tombé. Une chance qu’il n’y eu personne sous son toit. Les voisins latéraux ont poussé des cris d’orfraie, comme si le ciel soudain était tombé emportant dans cette catastrophe leurs biens précieux. Ils furent indemnisés pour je ne sais quelles graves séquelles.

Les séquelles ca s’inventent au pays de la chicane.

La syna resta fermée pendant de longs mois. Quelques mécènes juifs goulettois et tunisois, à la fibre religieuses,  s’employèrent à la restaurer.

Elle réapparut enfin, toute belle, transformée comme une vieille dame à qui on avait changé sa robe. Plus de balcon intérieur, plus de charme. Des toilettes neuves certes mais pour qui… ? Elle  changea de rideaux, cependant ses vieilles reliques furent sauvegardées, ses kandils remis en l’état, mais il n’y avait plus  la  foule des grands jours, cette cohue du passé dont les traces se sont effacées avec le temps.

 Elle perdit même son odeur de fèves, et de fruits secs, et l’odeur des bougies des grands soirs de fête.

Elle a perdu ses voix gaies, discordantes qui faisaient d’elle non pas une syna mais presque un temple /fondouk où tout un chacun défendait son obole selon ses moyens financiers.

Un vrai théâtre de la vie  où l’on papotait de tout,  tout en lorgnant sur son livre de prière sinon sur la fille de la voisine qui avait fait grandir ses seins.

Et les saints pendant ce temps regardaient ailleurs parce qu’ils se doutaient bien que ces gens là, adorateur de l’akoud et de la boukha, des cartes et du vice, étaient un peu hors du commun, des cons SACRES.

Aujourd’hui, les CONS SACRES ont fini par lever leurs fesses  ‘roteuses’ pour aller polluer d’autres bancs plus modernes et plus avenants.

Albert Simeoni