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‘Il vaut mieux vivre en rasant les murs même si on n’est pas
coiffeur que de bomber le torse en public….’
ALBERT
Dans la série des portraits célébres goulettois….
‘……MIKELLINO….’
Du coté de la petite Sicile, à la Goulette, juste en face du fort Charles
Quint- coté avenue H.Bourguiba à trois mètres de la poste, Mikellino tenait
son salon de coiffurre d’une main…..de fer.
Loin de ressembler aux autres « Figaro », un peu expèditifs, il prenait son
temps pour coiffer, c’est bien pour cela que son salon était
toujours…..vide. IL était habité par une certaine crainte celle de ne pas
être à la hauteur une fois son labeur fini. C’est bien simple pour 200
millimes ( 2 frs d’époque), il pouvait battre la semelle derrière une
nuque ¾ d’heure avant de libérer son client impatient d’en finir. Il
scrutait sur le visage de son patient, tout en maniant les ciseaux, toute
sorte de mou ou de grimace…..
‘ Je t’ai fais mal…. ?
Et il en était ainsi à chaque ‘croisement de fer’.
IL était très attentif, maniaque et mou comme les couilles de ma tante
Louise. Par instant, je l’ai cru efféminé alors que cela était plutôt de
la gentillesse. IL était rare, comme je le disais plus haut d’attendre son
tour. Les 6 chaises étaient souvent vides. En vérité, dès qu’un quidam
entrait chez lui pour une barbe ou une coupe, Mikellino, s’enfermait avec
son protégé à double tour. Une phobie. Même les fenêtres étaient
‘Closed’. Pas de témoins visuels. Quand on frappait à sa porte, il répondait
……
‘ Je suis occupé reviens tout à l’heure…. ’
C’est à dire dans une heure. Cette peur viscérale de voir un client assis
le mettait mal à l’aise…..Un jour, je pénétrais, sur les conseils
d’un bon ami, dans son salon désert. J’ai eu de la chance.
Je me présentais donc dans son antre vétuste, où lavabo et robinetterie étaient
d’époque ….1945.
‘Voilà….Monsieur Mikellino…je viens de la part de Monsieur Max
Taieb…..’
‘Ah….. ! oui ….c’est mon client…..’
Je rentre et il ‘ double toure ‘ la porte.
‘Quel genre de coupe voulez-vous ? Avec séchoir ou sans…je peux vous
chauffer de l’eau si vous voulez pour le shampoing.. ?‘
‘Bon ok…..! court par derrière et normal par devant….’
‘Je vous coupe les pattes….. ?’
‘Oui…Oui…..Vous pouvez alléger….’
‘Non…. ! Je ne peux pas allonger les cheveux…. !’
‘Non…Non…..’Alléger’ c’est à dire moins touffu….’
‘Ahhhhh……j’ai compris….’
Il commence méthodiquement sa coupe s’arrêtant toutes les trois minutes
pour reculer et jauger mon profil….puis……
‘Vous pensez que ça va….. ?’
‘Oui…..Très bien…..’
‘Non….attendez…je vais arranger ce coté là….’
On entendit du coté du primus comme un léger bruit sourd.
‘Oh….. ! Santa Maria….L’eau…j’ai oublié l’eau…..’
Il a oublié l’eau qui s’est évaporée…..’Hajjam lajjij….’ ( Quel
bon coiffeur).
‘Je vais recommencer….’
A ce moment, on frappe à la porte…..
‘Mikellino…ouvre…. ! c’est moi…..Abdessalem…le facteur…..’
Silence.
Deuxième coup.
Silence.
Moi…………….’Mikellino….Peut être que c’est urgent….’
L’autre de derrière la porte…..
‘Mikellino……c’est ‘un recommandé’ de ta mère….. ?’
Moi…………’Vous voyez …. Monsieur Mikellino….C’est votre mère…..
! ‘
Lui ……………’Mais quelle mère…. ? Je n’ai plus personne sur la
terre…Je vis seul….Il veut entrer pour se coiffer…. A fan cullo…’
(Qu’il aille se faire encu…)
Une heure plus tard, ma coupe est finie et je lui tends un billet de 500
Millimes…..
‘Ah….Non…..C’est gratuit pour vous…aujourd’hui….Ce sera pour la
prochaine fois….’
Je lui laisse le billet sur le comptoir et me sauve tout en l’observant sur
le seuil de sa porte gesticuler.
Albert Simeoni
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