Maurice Krief, entouré de 3 de ses petits enfants, de gauche à droite, Steve fils de Bilou, Jonathan et Alexandra enfants d’Yves, lors du Henné de Jonathan le 13 janvier 2004.

Papy,

Voilà, tu as fini de souffrir après ces années terribles qui t’ont fait autant de mal physiquement que moralement. Tu as fini par rejoindre Mamie pour que votre amour soit éternel.

Je reviens d’Israël ou j’étais avec tes 3 fils, Yves (mon père), Jo, et Bilou, afin de t’emmener près de Mamie, au cimetière d’Eilat, juste à coté d’elle. Après plus de 50 ans de mariage, vous voici de nouveaux réunis pour toujours.

Cette semaine a été très difficile pour moi, car c’est la première fois que j’assisté à des funérailles en Israël, et je n’étais pas du tout préparé à cet événement. Serge, l’ami de papa, m’a demandé de te pousser sur plus de 300 mètres sur un brancard, ou tu étais allongé dans un drap blanc avec une immense étoile de David brodée dessus. Je te regardais en me souvenant toutes ces choses que nous avons vécus ensemble, que ce soit avec moi personnellement ou avec toute la famille. Une de tes dernières répliques que tu m’a souvent répétée ces 3 dernières années fut : « Tu sais que c’est grâce à moi si tu es mariée avec Karine (ma femme) ! », et cela me faisait sourire à chaque fois, la raison était importante pour toi, lorsque je t’ai présenté Karine, ses parents, et la famille qui la composée te convenait ! En fait, pour toi qui vient de Tunisie, le niveau de la famille ou la classe comme tu disais était très important, donc quand tu as rencontré tout ce petit monde, tu as donné ton AVAL, tu m’as dis : « c’est bon, c’est elle, tu peux te marier avec elle, elle est de bonne famille ! ». J’en sourie encore, Cette Tunisie, si importante à tes yeux qui t’a animé jusqu’à ton dernier souffle. Lors de mon dernier voyage au mois d’août, avec Karine et Amanda (ma fille), nous sommes venus te voir, et je t’ai mis de la musique Orientale pour que tu puisses KIFFER un peu, et Amanda a commencé à danser devant tes yeux qui brillaient, et tu lui disais « Hamsa » et tu agité ta main en faisant 5. C’était un grand moment de bonheur, un des derniers que j’ai vécu à tes cotés.

Pleins de souvenirs viennent rejoindre les premiers, tous ces étés ou nous étions avec Alexandra (ma sœur) chez Mamie et toi à Netanya et ou nous passions des étés fabuleux, à aller à la plage tous les jours, à faire des shabbats de folie, à aller à la pèche avec toi qui était un grand amateur, je me souviens d’ailleurs à la pêche qu’il nous arrivait souvent à Steve (mon cousin) et moi d’emmêler les lignes et tu passais des heures à démêler les nœuds en nous insultant en arabe de tous les noms, j’éviterai d’écrire tous ces mots qui sont pas forcément beaux à entendre sinon je risque d’être censuré, mais bon ils sont tous dans mes souvenirs, c’est d’ailleurs regrettable, je ne connais en arabe que des injures, merci à vous mes grands parents ! Pour en revenir à tous ces souvenirs, je me souviens que lorsqu’à l’époque j’étais bien portant, je le suis toujours D’ merci, et c’est certainement grâce ou à cause de vous. J’étais le seul petit enfant qui aimait tout ce que faisait mamie en plats tunisien, de la pkaella, à la gnaouia, en passant par la Kamounia, sans oublier les couscous maison, poissons etc. les gâteaux de toutes les couleurs,  c’était un vrai régal. Faut dire que vous aviez quand même l’expérience, vu le restaurant Tunisien si réputé que vous aviez « Chouff Paulette ». Et j’étais donc le seul à Kiffer autant tout ce que vous cuisiniez. Pour toi aussi c’était un plaisir de me voir manger autant, tu étais le premier à m’en remettre dans l’assiette pendant que Steve ne mangeait quasiment pas et se faisait insulter de « Squelette ambulant ! ». Celle qui échappait à toutes les insultes et tous les cris, c’était Alexandra, normal c’était la seule petite fille, et l’héritière de tous les trésors de Mamie…

Pour revenir un peu à cette semaine que j’ai passé à Eilat, on a retrouvé des documents ou tu avais écris quelques souvenirs de Tunisie….

J’ai appris malheureusement tardivement comment tu avais rencontré mamie, ou il est possible que tu m’aies déjà fais part de cette histoire mais je devais être plus jeune et peu à l’écoute de toutes ces histoires de Tunisie qui sont pourtant toute votre vie à toi et mamie. Tu étais sur ton balcon en Tunisie, et tu as reçu de l’eau sur ta veste, (toi qui était toujours habillé classe, qui tenait tellement à montrer comme tu brillais) de ce pas, tu es monté à l’étage pour savoir d’où cela venait, et en fait, c’était une cousine d’une voisine qui avait jeté de l’eau par la fenêtre, et cette demoiselle était mamie. Belle rencontre, et tombeur comme tu étais, elle n’a pas résisté !

La Musique ! Voilà une de tes grandes passions et une de tes plus grosses déceptions. Tu avais une voix magnifique, tu pouvais chanter les plus grands standards tunisiens, sans plaisanter et beaucoup de monde le dit, tu avais la voix de Raoul Journo et quand on t’entendait chanter dans les rues de Tunis, les gens pensaient qu’il se baladait. Quelle joie tu avais lorsque sur la chaîne Tunisienne, il diffusait des galas de ton époque avec des orchestres de 50 musiciens, tu étais aux anges, et tu ne décollais pas, tes phrases devenues mythiques résonnent dans toutes les têtes de tes petits enfants : « Ya Khasra !Ya Rabbi Alyk ! », et il fallait pas te déranger pendant que tu écoutais la musique.

Papy, tu resteras à mes yeux un homme unique en son genre, avec une vie, une histoire, et un amour extraordinaire. Je garderai en mémoire ma dernière visite au mois d’aout avec Karine et Amanda ma fille, et ton arrière petite fille, qui a dansé l’oriental devant toi. Tes yeux brillaient, ces derniers moments de bonheur que nous avons pu te donner, tu les méritais.

Merci pour tout ce que tu nous as donné, tout ce que tu nous as appris, merci pour tes prières et tes bénédictions.

Que ton âme repose en paix près de Mamie, ne l’embête pas trop tout de même !!

Ton petit fils qui t’aime et qui n’oubliera jamais tous les moments vécus prés de toi.

J’oublie certainement tellement de choses passées avec toi, mais crois moi, je garde tout dans mon cœur et dans ma tête et je serai tellement heureux et ému de raconter tout cela à mes enfants plus tard.

Jonathan KRIEF