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‘L’ONCLE
FRAGI ‘(AGOUBE
) |
LES MEMOIRES D’UN GOULETTOIS
L’ENFANT DE LA GOULETTE
PAR ALBERT SIMEONI (BEBERT)
Dans
las série des personnages célèbres goulettois….….
‘L’ONCLE FRAGI ‘(AGOUBE
)
L’oncle Fraji (François Lellouche dit
Agoubè, le père de Sydney de Jacob
de Vanou(Yvan) et de Michelle) est
décédé.
J’ai appris cette triste nouvelle par un
certain jour de
novembre à Charenton. Mon premier domicile fixe.
La Goulette, lui ‘appartenait’. Fort en
gueule, une démarche nonchalante et imposante, il alimentait tous les faits
divers de notre cité balnéaire. Ses blagues, ses entourloupettes ses humeurs
et son humour n’ont échappé à personne.
Fascinés et découragés
plus d’un. L’oncle dans les dernières années de sa vie fut victime
d’une paralysie partielle. Son bras gauche tenu par une écharpe, il se déplaçait
avec une béquille.
Je le voyais souvent arpenter ma rue qui mène
à la syna de l’Hôpital. Un jour, je l’abordais et lui fit part de mon
intention d’écrire mes mémoires sur la cité. Son enthousiasme débordant
encouragea mon projet allant même jusqu’à m’inviter chez lui pour relater des histoires si drôles que j’en avais les larmes
aux yeux .
Il fût aidé dans ses narrations par sa
femme Lili. Sa prodigieuse mémoire était restée intacte et m’a beaucoup
aidé. Il réveillait parfois sa femme en pleine nuit pour lui demander de
noter tel ou tel fait qu’il devait me rapporter le lendemain.
La liste des surnoms qui ont paru
ainsi que toutes les boutiques et échoppes ayant eu pignon sur rue à
la Goulette, c’était lui. Je lui ai promis d’en parler
au moment opportun. Je le fais donc
avec une émotion et un plaisir assouvis aujourd’hui. Je regrette
beaucoup son absence mais,
je suis sur que de là où il est, près de sa fille et de mon père, mon
texte ne passera pas inaperçu.
Une anecdote parmi tant d’autre me vient
à l’esprit. En 1965, je devais ‘quêter’ des fonds auprès de nos
supporters goulettois aux fins de ramener notre ancien joueur Max Fitoussi qui
vivait à Paris. Une grande finale nous attendait contre l’Espérance de
Tunis. (Je ne vous cache que nous fûmes tous déçus par la suite. La
prestation de notre héros fut timorée) Une tâche vraiment ingrate pour moi.
Timide et n’osant aborder les anciens goulettois quand il s’agit de débourser,
je me confiais à lui.
‘Oncle voilà….’
Lui surprit …………….’Chnouè
…in yadin rab… ! èchmâa…(
écoutes) demain tu viens au café Rex à midi….je me charge de la
chose…’
J’étais enthousiasmé par sa proposition
car connaissant sa personnalité, je ne doutais pas un seul instant du résultat.
Le lendemain, à midi exact, je me pointais
au lieu dit.
Lui de
sa grosse voix et interrompant sa
partie de belote..
‘Ya ould Ayouch ijjè ..in yaddik rab…’
(Eh… ! toi le fils
Ayouch viens….juron..’)
Je m’approchais de la table de jeu. Lui,
s’adressant aux
protagonistes avec éclat de voix……
‘Echemayou ya jmèyé nayèkè……yanèh Fitoussi mèch en
jibouhou…’
‘Ecoutez bandes d’enculés….nous avons Fitoussi que nous
allons importer’)
La salle, d’habitude si bruyante, se
trouva plongé dans un silence
d’enterrement livournais..
Les gorges se serrèrent. Je
crûs même apercevoir une
larme couler dans l’œsophage
d’un de ces ‘ futurs donateurs’. Un gémissement de douleur s’échappa
d’une sourde oreille anodine tandis qu’une syncope non voyante, fût vite
réprimée. Le sucre ‘Yè Bourâb ‘(Grand D.ieu)
a cessé
de fondre dans le café devenu jaune. ‘Jèllou chefèyr’(=jaunisse). Le
T.G.M , yè oulédi a sifflé trois fois d’angoisse alors que l’on
ne lui demandait rien. Mozambo, le serveur noir a changé de couleur, gris
blanc, bien qu’il ne fût pas
concerné. Il demanda à ses clients..
‘Bon , mitenant ‘rassoulni li cafè..’
Il craignit un instant, que ces
‘zougoulous ‘ à court d’argent ne le paye. Les nouveaux arrivés
rebroussèrent chemin de peur d’être taxés. Un drame se jouait à huit
clos sous leurs yeux.
Le
pont des Soupirs, ce jour là , était dans la salle enfumée du Café
Rex.
Détournements de têtes, balbutiements bégaiements
mirent une telle ambiance que Jules El Hajjèm prit d’une diarrhée
pernicieuse et imprévue se leva
quand….
‘Ekyâd yà méftouck…’
(Assieds-toi espèce d’éclaté..’)
Jules le coiffeur s’exécuta sur sa
chaise sans ‘ mau..dire’. (
mot dire)
Il
expliqua donc ma démarche, et, pour appuyer ses dires sortit de sa poche deux
billets de 20 dinars qu’il étala avec fracas sur la table.
‘ Rhoud yà nèyèk sghir….awèdék bayi…’
(‘Tiens
petit pédé, voilà ma part….’)
(‘C’était
moi le petit pédé).
Les autres médusés par la prestation de
l’oncle et ne voulant se dérober, consentirent avec beaucoup d’hésitation
à faire parler leurs poches. Les 140
Dinars, montant du billet Paris
/Tunis me furent remis, solennellement sans gaieté de cœur, sous les yeux
‘meurtris’ des écorchés vifs. Je ne réalisais pas mon sourd bonheur qui
dura 5 minutes. J’empochais la somme avec un sourire dissimulé et surtout
ravi que l’oncle par sa persuasion imposée, ait su ‘dévaliser’ ces
pingres.
Le prix était même largement dépassé.
J’escomptais faire un léger bénéfice pour efforts consentis, quand
soudain, en pleine avenue et à quelques mètres de ma porte, une voix
fort reconnaissable me héla.
‘Ya
ould Ayouch ! in yadin rab….chèft kifféch nèktélèm èl flouch…ah ?
(‘Eh
fils de Ayouch… ! juron…
tu as vu comment je leur ai niqué l’argent… !
Je le remerciais vivement quand
brutalement, il me dit….
‘Ayè téwè yattini
flouchi..’
(‘Bon maintenant
rends-moi mon argent)
Ce
que je fis instamment avec
beaucoup de…. bonne grâce.
L’oncle
était ainsi …
‘El
kôfirà kènét sèkné fi fômmô,
mèrchoukâh yallèh lsènou ou myalkâa mèbin droussou’
‘( Le juron habitait sa bouche, imprimé sur sa langue et
accroché entre ses dents.’)
L’oncle
ne méritait pas d’être contredit.
Au
rami poker, les Jokers, dans ses plis augmentait considérablement . Il lui
arrivait
d’
étaler ses ‘sorties’ avec 6 de ces figurines alors que nous en avions dèja deux dans nos plis. Mais qui donc pouvait protester… ?
A une partie de rami, chez lui, il
était à la ‘plaçable’. Une partie si sèrrée que les mouches finirent
par se lasser de voler. Cette foutue carte tardait à venir. Les blasphèmes
et les coups de poings sur la table, en
présence de sa femme et des nièces Marlène et Claudine, ponctuèrent cette
interminable partie. Sentant celle
ci lui échapper, il tira une
nouvelle carte du sabot qu’il plaça
tout bonnement et avec sérieux dans son pli sans même la consulter……….
‘ Rhrèjt.. !’ (Je suis sorti)
Il
balança son paquet parmi les autres compagnes stériles et
sans valeur éparpillées au centre du tapis.
Sa
femme choquée par cette façon
peu cavalière lui demanda ..
‘ Yè Fraji .. ! mè
ouaritnéch kiffèch rhrèjt…. ?
(‘Mais François.. ! Tu ne nous as pas montré ton étalage… ?’)
Il
lança envers sa femme des regards en missile atomique gonflé à l’hydrogène.
Puis,
frappant la grande table de ses deux poings, debout sur la pointe des pieds et
fou de rage, il réitéra avec force et conviction sa
première formulation…. Devant tant de fougue, d’ardeur ,
et surtout de peur, les nièces
et moi-même avons pris le chemin des toilettes pour pisser nos fous rires. On
n’en pouvait plus.
Ses
tricheries, sans aucun égard pour nous, bien au-delà de la frontière ‘
Mauvaise foi’ étaient si
innombrables et saugrenues qu’on finissait par lui laisser carte blanche. On
perdait de l’argent et se laissait gruger, avec une telle bonne humeur que
mes souvenirs sont restés encore vivants à ce jour.
‘Ya baba Fraji nètèlboulèk
èl chemah affèlou rsarnâa..’
(‘Papa François…nous te demandons pardon même si nous avons
perdu…’)
On
t’aimait beaucoup. Fais attention à ta
fille et surtout ‘Ellah
lè yèchouik fi kâbrèk’.
ANECDOTES
.
Un
jour de grande chaleur, l’Oncle s’engage en voiture dans une impasse. Une
autre voiture en fait de même mais en sens inverse . Aucun d’eux ne voulant
céder le passage, à l’autre, ils arrêtent leur
moteur avec la ferme
intention de voir
l’un d’eux capituler. Peine perdue puisque le chauffeur, d’en face,
ouvre son journal. L’Oncle qui d’habitude est très nerveux, descend de la
voiture au bout du quart d’heure.......
‘S’il
te plait, peux –tu me prêter ton journal une fois que tu l’auras fini... ?’.
On
ne sait qui de l’un d’eux à céder le passage à l’autre.
A
Lilli , Sydney, Jacob ,
Michelle et Vanou . Qu’ils trouvent là toute ma gratitude.
La
semaine prochaine Albert
l’indigent…l’enfant de l’O.S.E.
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