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Tunis ! nous voila
Nous arrivons finalement a notre nouveau logement, 5 Rue des Négresses, 1er étage,
escalier en marbre, notre appartement le 1er a gauche, 2 pieces pour 8 personnes dans un
grand patio couvert avec un genre de coupole pleine de fenetres, sol a grands carreaux de
marbre, murs en faience, un palier de 6 locataires avec appartement identique et comme
commodités rien ou presque. Le tout avec les autres immeubles de la meme rue
appartenaient au meme proprio un riche fabricant de chéchias dans les souks dont mon pere
était client, j'ai commencé a réaliser que mon pere ainsi que mon oncle Francois qui
nous a fait louer le logement se sont fait avoir, loyer 2 fois plus cher que tous les
autres locataires, dans le contrat de 5 ans était spécifié en Arabe et en Francais, Eau
et Eletricité inclue mais pour l'électrité ( en Arabe lettres miniscules )il était
spécifié dés que l'installation était terminée, des prises, des interrupteurs il y en
avait de partout, des ampoules aussi de partout, mais la Cie était en cours d'installer
les cables d'arrivée a l'extérieur de l'immeuble, pas d'eau courante, mais un puits et
une citerne d'eau de pluie qui se remplissait en hiver, eau tres bonne pour le linge
parait-il, mais pas bonne a boire, l'eau venait de la terrasse blanche ou vivaient une
quinzaine de chats sauvages et voleurs de tout ce qui était non surveillé, viandes en
particulier, dans la cuisine commune pour 6 locataires, environ un metre par locataire,
juste de quoi mettre quelques canouns, et primus pour ceux qui pouvaient se payer le luxe
d'en avoir un. Par contre on était a Mateur les premiers a avoir une radio Philips un
cadeau de mon oncle François des notre arrivée on a branché tout ce qui pouvait se
brancher, la TSF comme on l'appelait, lampes de chevet on avait tout ce qui existait en ce
moment qui marchait a l'électricité ma grande soeur avait meme son fer a onduler les
cheveux, a la minute ou on s'est apercu du coup de la lumiére mon frére a été en
vitesse acheter des bougies et ce qu'il pouvait trouver chez le djerbien comme lampes a
pétrole, dés que la nuit a commencé a faire son apparition, l'angoisse s'est emparée
de tous sauf de mon pere qui avait été a la Synagogue et n'était revenu que une ou 2
heures apres le coucher du soleil, a son arrivée tout le monde pleurait, on avait quand
meme une pile electrique qui a été offerte a tous les garcons Juifs au dessus de 10 ans,
par le Caid de Mateur lors de son invitation a la Synagogue le premier jour de SLIHOUT,
(prieres qui ont lieu a 2 heures du matin) c'était pour remplacer les lanternes a bougies
ou a petrole lorsque on allait réveiller les gens pour la priere, il n'y avait pas encore
en ce moment d'éclairage dans les rues sauf a coté des édifices publics. Sans robinets
nulle part il fallait chercher pour la cuisson et a boire a la fontaine publique dans le
tunnel avec une obscurité presque totale ou alors faire appel au porteur, l'eau de gourde
avait un gout de goudron bonne a boire, ma mere ne l'aimait pas pour la cuisson en hiver
ca allait, mais en été il fallait acheter de la glace.
Pour garder la nourriture on n'avait ni frigo et ni meme glaciére, on ne gardait rien
pour le lendemain, le marché pour les légumes et la viande étaient a coté, dans deux
rues parraleles, les marchands ambulants étaient de partout ils circulaint de rue en rue
dans tout un quartier qu'on appelle encore aujourd'hui La HARA, des bouchers il y avait
plus de 50 et tous dans une seule rue, les poissonniers aussi dans une seule rue qui
s'appelait d'ailleurs SOUK EL HOUT jusqu'a ce jour plusieurs marchands étalaient leur
marchandises par terre, légumes de toutes sortes, fruits de la saison par terre aussi,
meme le poisson, ce qui était tres courant étaient les sardines, les maquereaux, le
mulet et les rougets toutes tailles, il fallait savoir acheter a la bonne heure pour la
qualité et la fraicheur et la bonne heure pour les prix, moyens a 10 heures du matin,
tres chers vers 8 heures et presque pour rien vers midi, apres une heure de l'apres midi
les pauvres venaient débarasser les marchands de ce qui allait leur rester sur le ventre.
La meme chose pour les viandes et les trippes un prix de 6 a 8, un prix vers 10 heures,
tres bas prix a midi, et gratuit vers 2 heures, il y avait la possibilité a la Hara de
vivre presque pour rien a condition de savoir quand acheter et de savoir marchander,
n'oubliez surtout pas que personne n'avait de frigos, ni les bouchers et ni les
poissonniers, encore moins les marchands de denrées périssables, en principe ce qui
valait 10 francs a 8 heures ne valait plus que 1 franc ou meme moins apres midi, il a
fallu plus d'un mois a ma mere pour apprendre a vivre comme les tunisois de la hara ou
avec quelques francs on arrivait a faire un marché complet, fruits et viandes compris,
sauf le pain qui était presque le meme prix de partout, sauf si la maman savait et aimait
petrir, ce que ma mere faisait tous les jours, depuis son mariage a 18 ans jusqu'a son
deces a Elat a l'age de 92 ans mais pendant ses 20 dernieres années cet exercise a été
imposé a mes nieces, elles adoraient le faire avec musique une fois par l'une et une 2eme
fois par la plus jeune qui est maintenant grand-mere, une petite différence le tout
était cuit dans le four de la cuisiniere a gaz a la maison. Chez nous ma mere pétrissait
tous les jours des fois en ajoutant pain de campagne d'un gris-marron. Mais le vendredi
matin c'était spécial pain et gateaux pour Shabbat et c'était toujours a moi d'emmener
la pate levée en allant a l'école et de ramener le pain a la maison a 11:30 a la sortie
de l'école, le tout sur notre planche, tous les pains et les planches avaient la meme
marque, pour nous c'était un 8 ouvert sur un coté, pour ce qui est de levure nous n'en
avons jamais acheté ma mere laissait pour le lendemain, one petite boule d'environ 3 cm ,
meme apres Paques nos voisins musulmans se faisaient un plaisir de garder notre levure
contre quelques sous pour la vente et le rachat, du four a la maison avec le ou les pains
sur la tete je me faisais un plaisir de grignoter un bout de pain, je n'ai jamais
résisté a la tentation de manger du pain chaud jusqu'a l'arrivée a la maison. Dimanche
en principe était le jour de la lessive, une pile avec planches a laver étaient en
permanence a coté de la citerne. il n'y avait de la place que pour 2 personnes entre les
bassines de rinçage, du linge a laver et celui essoré pour etre séché a la terrace ou
il ne manquait ni cordes ni place pour le linge d'une seule famille, les premiers levés
avaient priorité, les autres devaient attendre leur tour, en principe le jour de la
bagarre entre voisins pour le linge était le Dimanche, les autres jours, lundi a jeudi
tout le monde était ami
La Bouffe n'était pas le plus important et le linge n'était pas mon rayon, malgré que
des fois j'aidais ma mere a étendre au soleil le linge déja essoré. Aux choses
sérieuses maintenant, l'école de la Hafsia n'était qu'a 2 rues de la maison, c'était
l'ecole de l'Alliance avec comme Directeur Mr Hakim, je n'ai jamais cherché a connaitre
son prénom, mais il a connu le mien le lendemain de notre arrivée, mon pere ayant
d'autres choses a faire c'était ma grande soeur Léa, aujourd'hui 96 ans, Mme Jules
Kalfon vivant au Kibbutz Beeroth Itshak entre Petah Tikvah et Ben Gourion Airport, c'est
elle qui eu la corvée de me faire inscrire le mercredi, la veille de Seoudath Yethro,
premiere condition pour etre admis, c'était de me faire faire couper les cheveux
completement a ras et de faire disparaitre les cheveux ondulés et brillants grace a
l'huile de parafine, heureusement que j'avais le mari de ma tante Marie, Bichi Bellaiche
qui était coiffeur, son magasin était au coin de la rue des Glacieres et la place Bab
Carthagena, il fallait le faire avant 11 heures, ce n'était pas loin d'apres les
passants,10 minutes de marche, et de plus je n'ai pas vu cet oncle depuis environ 10 ans,
nous sommes arrivés en moins de 10 minutes, il a reconnu ma soeur qui était venue passer
quelques jours chez eux l'année d'avant.
embrassades etc, 5 minutes plus tard j'étais sur la chaise, les larmes me coulaient de
voir cette chevelure disparaitre de quelques coups de tondeuse, m'a soeur lui a dit qu'il
fallait utiliser la No ZERO, comme l'a précisé Mr Hakim, le meme No dont se servait mon
pere pour sa barbe tous les vendredis, c'était gratuit naturellement et avant 10 heures
nous étions déja de retour, a la vue de tous mes tableaux d'honneur il me fait savoir
qu'en réalité je devrais etre en premiere, la classe du Certificat d'Etudes, mais vu mon
age, moins de 12 ans, le manque de place en premiere et de plus la liste pour les
candidats au certificat était fermee depuis le début Mars. Il m'a emmené chez Mr Levy,
l'instituteur en 2eme, donc je suis resté en classe jusqu'a 4 heures, j'ai mangé a la
cantine de l'école un plat d'haricots et comme pain un quart de boule et cela coutait 50
centimes par jour, qu'on payait des l'arrivée. Je n'ai pas mis longtemps pour faire
connaissance avec tout le monde, la kippa et les prieres n'étaient pas obligatoires, a
propos de Kippa elle ne tenait jamais avec les cheveux coupés a ras, il n'y avait pas ou
mettre la pince, mon frere a trouvé la solution, un bout de papier de verre collé dans
le fond de la kippa , elle tenait et ne bougeait plus, il y avait aussi meme quelques
musulmans dans notre classe et dans toutes les autres d'ailleurs, tout cela ne me faisait
ni chaud ni froid ce qui comptait le plus c'était d'avoir perdu mes beaux cheveux et une
année entiere d'études, c'était pire que redoubler c'était une dégradation, de 1ere a
Mateur, passer en seconde a Tunis, de plus a Mateur c'était les cours supérieurs et a
Tunis le niveau était le cours élémentaire 2eme année, tout s'effondrait devant moi
j'en ai pleuré toute la soirée, jusqu'a l'arrivée de parents venus nous rendre visite,
dont Mme Odette Sultan la mere de Guilou Sultan et de Daniel Sultan dentiste a Paris au 6
Rue d'Alger, c'était l'ex Mlle Saal qui était la premiere institutrice Juive a Mateur
elle a été mariée par mon pere a Mateur, elle a cherché a me consoler et elle a
réussi, le probleme du certificat d'études était résolu , les cours étaient les memes
que l'année précédente ce qui m'a permis d'etre toujours le premier de la classe ou a
la rigueur 2eme avec un demi point d'écart, Mr Lévy n'a pas eu beaucoup de mal pour
m'inscrire comme candidat libre, et il n'était pas trop tard, quand a mes cheveux Odette
a trouvé la seule solution, d'abord réussir en Juin au certificat, ensuite s'inscrire
aux cours complémentaires a l'Alliance de la rue Malta Srira dont Mr Tahar était le
Directeur et la taille des cheveux a ras n'étant pas obligatoire, comme les choses sont
faciles pour certains et difficiles pour d'autres, et comme avec une baguette magique tout
c'est passé selon ses predictions, non seulement j'ai réussi au certificat mais avec
mention trés bien, grace a la Géographie ( UN DESSIN DE LA MANCHE) et encore un dessin
en sciences (LA CIRCULATION DU SANG) ces dessins parmi tant d'autres sont encore a ce jour
sur les murs de l'ancienne 2eme classe a l'école de la Hafsia, quelques semaines aprés,
Odette Sultan accompagnée de Mr Sitbon, mon nouveau professeur de dessin m'a emmené chez
Mr Tahar pour m'inscrire, je connaissais déja Mr Sitbon, qui enseignait aussi a la Hafsia
2 fois par semaine, c'etait le frere du fameux comptable de Tunis, Mr Sitbon a qui j'ai
fait des enseignes tout cela ne faisait pas beaucoup plaisir a mon pére qui me voyait
m'éloigner de la Thora, et pour lui etre a OR THORA ne suffisait pas, il tenait a me voir
étudier a l'Yshiva de Rebbi Yshouah Bessis adjacente a OR THORA ou j'étais déja avec
les Rabbins Mazouz. les deux Guez dont le frere de Gaston le Mohel, Berrebi. Belhassen,
Jacques Taieb, David Berdah, Bouhnik ayant tous comme professeurs Rabbi Eliahou Guez,
Rabbi Masliah etc, du fait que je n'ai pas continué avec eux, les noms des autres
m'échappent et pourtant j'ai de la mémoire, a Malta Srira nous avions comme professeurs
d'Hebreu Mr Bahbouth et Mlle Tamar pendant 2 ans de suite, Yeroushalmi est venu bien apres
P.S. Pour vous tranquiliser sur notre sort, le loyer, et l'abus dont nous avons été
victimes, nous avons attendu jusqu'en fin 1939, l'appartement étant au nom de mon oncle
François qui a été mobilisé et depuis nous n'avons plus rien payé, il était
dédommagé par l'état, c'était la LOI, tant qu'il était sous les drapeaux, a croire
que mon pere avait prévu tout cela.
A SUIVRE
Prochain épisode,
MES ETUDES ET MA BAR MITZVAH
Simon Barouk
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