par Frida Gozlan

(Extrait de son livre "La Goulette les pieds dans l’eau")

Ils étaient trois amis, Bechir, Vincento et Meyer, heureux de se retrouver le soir sur la terrasse du Café Hamouda, attablés devant un verre et une bouteille de gazouz (limonade) pour faire une partie de Chkoba, même plusieures parties. C'était des amis de longue date.

Bechir travaillait au port de Tunis, la cinquantaine, bon vivant, il était Hadj depuis son voyage à la Mecque. Marié, plusieurs enfants.

Vincento était pêcheur. Au moment des fêtes catholiques il vendait près de l'église, étalées à même le sol, les bougies, images saintes et autres objets de culte.

Meyer, lui était graveur de cuivre au souk à Tunis. Il offrait à sa clientèle de beaux plateaux, des vases, ciselés de ses mains. Son commerce était prospère, il aimait son métier. Père de famille, fatigué après de dures journées de travail, il rejoignait ses amis avec un réel plaisir.

C'est vrai qu'il y avait parmi nos trois amis un tricheur, oh! un tout petit peu, celà provoquait au cours de la partie des esclandres, des contestations qui finissaient toujours par s'arranger, ce qui amusait beaucoup les gens qui s'arrêtaient devant leur table. Tout celà faisait partie du folklore de la Goulette. On trinquait à la fin de la partie avec un bon gazouz bu à même la bouteille.

Un chanteur faisait quelques fois diversion sur les terrasses des cafés. Il était accompagné d'une flûte faite de bambou qui émettait des sons nostalgiques, très apprécié par les Goulettois qui trainaient dans la rue avant de regagner leur logis.